Jean 2 - La purification du temple
Jean 2 - La purification du temple
« Après cela, Jésus descendit à Capernaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples; mais ils n’y restèrent que quelques jours. Le jour où les Juifs célèbrent la fête de la Pâque était proche et Jésus se rendit à Jérusalem. Il trouva, dans la cour du Temple, des marchands de bœufs, de brebis et de pigeons, ainsi que des changeurs d’argent, installés à leurs comptoirs. Alors il prit des cordes, en fit un fouet, et les chassa tous de l’enceinte sacrée avec les brebis et les bœufs; il jeta par terre l’argent des changeurs et renversa leurs comptoirs, puis il dit aux marchands de pigeons : Ôtez cela d’ici! C’est la maison de mon Père. N’en faites pas une maison de commerce. Les disciples se souvinrent alors de ce passage de l’Écriture : L’amour que j’ai pour ta maison, ô Dieu, est en moi un feu qui me consume. Là-dessus, les gens lui dirent : Quel signe miraculeux peux-tu nous montrer pour prouver que tu as le droit d’agir ainsi? Démolissez ce Temple, leur répondit Jésus, et en trois jours je le relèverai. Comment? Répondirent-ils. Il a fallu quarante-six ans pour reconstruire le Temple, et toi, tu serais capable de le relever en trois jours! Mais en parlant du temple, Jésus faisait allusion à son propre corps. Plus tard, lorsque Jésus fut ressuscité, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant que Jésus séjournait à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup de gens crurent en lui en voyant les signes miraculeux qu’il accomplissait. Mais Jésus ne se fiait pas à eux, car il les connaissait tous très bien. En effet, il n’avait pas besoin qu’on le renseigne sur les hommes, car il connaissait le fond de leur cœur. »
Jean 2.12-25
On pourrait penser que l’épisode qui nous est rapporté ici ne correspond pas vraiment au caractère doux de la colombe du Saint-Esprit qui s’est posée au-dessus de Jésus au moment de son baptême par Jean-Baptiste. Dès le début de son ministère, Jésus fait preuve d’un tempérament vigoureux et d’exigences radicales. On comprendra mieux son attitude si l’on examine de plus près la situation du Temple de Jérusalem et les pratiques qui l’entouraient.
Les marchands du Temple vendaient les animaux destinés aux divers sacrifices, car tous ceux qui venaient pour sacrifier n’avaient pas forcément pourvu à ce besoin en arrivant. Il semblerait donc que ce commerce ait rendu un service aux pèlerins venus de loin. Les changeurs, eux, changeaient les monnaies apportées par les pèlerins en monnaie du Temple, la seule autorisée dans son enceinte. Mais en disant à propos du Temple « n’en faites pas une maison de commerce », Jésus reproche aux vendeurs et aux changeurs le fait que le but spirituel des sacrifices a été changé en un but purement commercial.
De plus, en appelant le Temple « la maison de mon Père », il affirme la relation spéciale qui existe entre le Temple et lui-même. Il en prend possession, pour ainsi dire, et le purifie. Car c’est finalement son propre corps offert sur la croix qui effectuera le sacrifice final destiné à purifier les péchés du peuple de Dieu. Son corps, il l’offrira gratuitement, sans qu’on ait besoin d’acheter quoi que ce soit pour y avoir accès. C’est de manière spirituelle qu’on se l’approprie, en acceptant ce don gratuit par la foi.
Donc, dès le début, Jésus annonce par cet acte public le but de toute son œuvre et la finalité de son ministère. Il affirme sans complaisance ou faiblesse son autorité sur la vie religieuse du peuple et se montre le maître du Temple. Cet acte hors du commun et choquant aurait dû signaler à tous ceux qui étaient présents qu’avec Jésus quelqu’un hors normes s’était révélé. L’ordre habituel des choses était renversé, quelqu’un faisait montre d’une autorité spéciale.
Qui donc était-il? Les disciples se souviendront plus tard d’un passage du Psaume 69, dans lequel le roi David s’écrie : « L’amour que j’ai pour ta maison, ô Dieu, est en moi un feu qui me consume. » Je vous cite aussi la suite du verset de ce psaume, qui n’est pas citée dans le texte de l’Évangile : « … et les insultes des hommes qui t’insultent sont retombées sur moi. » Ces deux parties se répondent l’une à l’autre et figurent ce qui est arrivé au Messie d’Israël : son zèle ardent pour le service de Dieu lui a amené l’opprobre et les insultes des hommes. Ce dont David avait fait l’expérience mille ans auparavant en tant que roi élu de Dieu pour régner en son temps sur le peuple d’Israël se réalisera totalement dans la personne de Jésus-Christ. En se souvenant des paroles du Psaume 69, les disciples de Jésus montrent qu’ils se tournent vers l’Écriture sainte pour saisir toute la dimension du ministère de celui-ci. Ils comprennent que ce qui a été écrit par d’autres avant eux, et qui avait une application à des personnages entre-temps morts, s’applique de manière définitive et parfaite au Fils de Dieu devenu homme.
Mais quelle est la réaction des Juifs à cette prise de possession du Temple par Jésus-Christ? Ils sont sans doute frappés de stupeur, car personne ne porte la main sur Jésus. Cela est d’autant plus étonnant que tous ces vendeurs étaient en grand nombre et n’auraient pas eu de mal à le maîtriser ou l’arrêter. Ils demandent un signe miraculeux qui confirmerait la légitimité de l’acte de purification qu’il vient d’accomplir. Après tout, n’importe qui pourrait s’improviser réformateur, prophète ou Messie, et beaucoup l’avaient déjà fait avant lui. Faire montre d’un signe extraordinaire n’est pourtant pas la marque nécessaire d’un vrai prophète, comme l’histoire de bien des prophètes de l’Ancien Testament en témoigne.
Cependant, Jésus va donner un signe, mais sous forme symbolique : un signe qui justement se réfère au Temple et à la relation entre ce Temple et son propre corps : « Démolissez ce Temple, leur répondit Jésus, et en trois jours je le relèverai. » Ce signe, que les Juifs ne pouvaient comprendre à ce moment, ne se réalisera que plus tard, lors de la résurrection du Christ, après que la purification finale des péchés aura été accomplie sur la croix de Golgotha. Jésus n’aurait pas pu donner un signe plus explicite et plus convaincant que celui de sa propre résurrection des morts. Mais en même temps, il le donne de manière encore voilée. C’est un signe qui doit encore être accompli, mais il s’accomplira sans aucun doute, car autrement il ne s’agirait que d’une fanfaronnade.
Par la manière dont il répond à ses interlocuteurs, Jésus montre à nouveau son autorité. Il ne succombe pas à la tentation d’accomplir un miracle extraordinaire destiné à impressionner les foules. Jean parle d’ailleurs de « signe » et non pas de « miracle ». Un signe a une signification, une portée spirituelle intense. Il ouvre des avenues insoupçonnées, des perspectives jusqu’ici inconnues. Donné sous forme allégorique, voilée, ce signe n’est pas compris des interlocuteurs de Jésus, qui lui répliquent que le Temple a été bâti en 46 ans. Comment donc ce même bâtiment pourrait-il être rebâti en trois jours? En fait, le Temple de Jérusalem commencé par Hérode ne serait complètement terminé que vers l’an 63, donc quelque 35 ans après l’événement que rapporte l’évangéliste Jean.
Mais ici encore, seuls les disciples allaient comprendre la signification prophétique des paroles de Jésus : « Plus tard, lorsque Jésus fut ressuscité, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la Parole que Jésus avait dite. » Une fois le signe accompli, au moment décidé par Dieu, il prendrait toute sa signification pour ceux qui l’auraient vraiment compris. Notez à nouveau la relation entre l’accomplissement du signe dans la vie du Christ, et la foi en l’Écriture, la Parole inspirée de Dieu : c’est alors seulement que les disciples ont saisi tout ce que les écrits sacrés prophétisaient sur le Messie à venir. Ils ont rapporté toute l’Écriture à la personne de Jésus-Christ. C’est là pour tout croyant le commencement et la fin d’une étude sérieuse de l’Écriture sainte. Aujourd’hui comme hier, ne pas en rapporter toutes les parties à Jésus-Christ, c’est manquer totalement le but de l’Écriture.
Ainsi donc, Jésus, en chassant les vendeurs et les changeurs du Temple de Jérusalem, a affirmé son autorité sur ce Temple en tant que Messie venu directement de Dieu : il est celui qui a le pouvoir d’effectuer la purification des péchés par le sacrifice de sa personne, abolissant ainsi la nécessité d’offrir régulièrement des sacrifices. Il en donnera le signe le plus parfait et évident avec sa résurrection des morts. Il est en définitive le Temple de Dieu ultime et parfait, un Temple qui n’est pas fait de main d’homme et qui ne saurait disparaître, comme les temples successifs bâtis en l’honneur de Dieu par les Israélites. À ce titre, aucun commerce autour de sa personne n’est licite. La purification du Temple de ses vendeurs et changeurs a bien sûr suscité une opposition, en tout cas une forte réaction.
Les derniers versets de ce passage nous montrent que Jésus avait accompli d’autres signes miraculeux, non rapportés par l’évangéliste, qui avaient amené certains à croire d’une façon ou d’une autre que Jésus était soit un grand prophète, soit même le Messie tant attendu. Mais la foi de ces gens était encore très superficielle, car ils ne comprenaient pas quels devaient être le rôle et le ministère du Messie. Ils s’arrêtaient aux signes miraculeux opérés par Jésus sans le moins du monde en comprendre la signification spirituelle pour leur propre vie. Ces signes étaient incontournables, on ne pouvait en nier l’existence, ils attiraient immanquablement l’attention sur la personne de celui qui les accomplissait, et cependant il manquait à tous ces gens qui en avaient été les témoins une foi profondément enracinée dans le cœur, une foi capable de changer leur vie.
À l’inverse, le texte nous dit en quoi une vraie foi consiste, lorsque Jean écrit, à propos des disciples de Jésus : « Plus tard, lorsque Jésus fut ressuscité, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la Parole que Jésus avait dite. » Jésus, lui, ne se fiait pas à tous ceux qui semblaient avoir mis leur foi en lui, car, nous dit le texte, on n’avait pas besoin de le renseigner sur la nature des hommes, il connaissait le fond de leur cœur. Au livre des Proverbes, au chapitre 21, on lit ceci : « Un homme croit que tout ce qu’il fait est juste, mais c’est l’Éternel qui apprécie les motivations » (Pr 21.2). Une autre traduction de ce même proverbe donne : « Toutes les voies de l’homme sont droites à ses yeux, mais celui qui pèse les cœurs, c’est l’Éternel. » Jésus savait ce qu’on pouvait attendre d’une foi aussi incertaine et superficielle, il connaissait le cœur de chacun. Lui seul sait qui, hier comme aujourd’hui, est un véritable disciple de sa personne.