Cet article sur Jude 1.17-23 a pour sujet l'exhortation pastorale adressée à une Église menacée par des faux enseignants et dont les membres ont besoin d'avertissement et d'encouragement.

Source: La foi transmise une fois pour toutes - Méditations sur l'épître de Jude. 4 pages.

Jude 1 - Exhortation pastorale

« Mais vous, bien-aimés, souvenez-vous des prédictions faites par les apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ. Ils vous disaient : À la fin des temps, il y aura des moqueurs qui marcheront dans l’impiété selon leurs convoitises. Les voilà, les fauteurs de divisions, les êtres charnels dépourvus de l’Esprit. Mais vous, bien-aimés, édifiez-vous vous-mêmes sur votre très sainte foi, priez par le Saint-Esprit, maintenez-vous dans l’amour de Dieu, en attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle. Ayez pitié des uns, de ceux qui doutent : sauvez-les en les arrachant au feu. Ayez pour les autres une pitié mêlée de crainte, haïssant jusqu’à la tunique souillée par la chair. »

Jude 1.17-23

C’est un ton pastoral qui surprend, qui surprendra en tout cas celui qui n’est pas habitué à l’esprit parénétique (d’exhortation) de la Bible, que fait entendre à présent l’avant-dernière section de la lettre de Jude.

Dans les lignes précédant ce passage, Jude avait dénoncé avec une rare violence des hérétiques pervers et démasqué des pseudo-chrétiens. Ce langage véhément convenait parfaitement pour mettre en garde contre toute subversion de la foi et servait d’avertissement contre ceux qui défiguraient la foi et mettaient en péril la mission chrétienne. Or, Jude a insisté avec force sur le caractère unique du don et de la révélation de la foi, sur le « ef hapax », une fois pour toutes. Il a démontré que, même dans l’Église, nul n’est automatiquement à l’abri contre les subtiles perversions qu’on lui fait subir.

À partir de maintenant, le souci pastoral l’emportera sur l’acte d’accusation. Sans doute outré par le comportement des imposteurs, Jude, dans un esprit polémique légitime et fort compréhensible, avait pris la défense de la foi. À présent, il se met à exhorter dans un esprit irénique.

Il faut gagner, sinon les hérétiques qui semblent définitivement perdus à ses yeux, tout au moins ceux qui sont devenus contre leur volonté les proies faciles de prédateurs ecclésiastiques, soit par faiblesse soit parce qu’ils ont été trompés à leur insu.

Le « mais vous bien-aimés » (v. 17,20) contraste fortement avec ceux qu’il vient de dénoncer. Comme tout à l’heure, le ton d’urgence se fait également pressant. S’il change de registre et met une sourdine à sa juste dénonciation, il presse quand même ses lecteurs de s’en souvenir. Ils ont été avertis de ce qui se passe dans l’Église, aussi seront-ils bien inspirés de faire preuve d’un esprit réaliste et de tirer une leçon salutaire de ce qui s’est produit. Jude doit penser aux avertissements déjà donnés par des apôtres. Cela ne signifie pas qu’il leur est ultérieur et que le terme « les derniers temps » signifie une autre période que celle où vivent et témoignent les apôtres du Christ.

L’expression « les derniers temps » (v. 18) ne signifie pas la fin des temps, mais les temps dans lesquels on vit depuis l’avènement du Christ. Notons à cet endroit un terme qui est un « hapax », c’est-à-dire qui est mentionné seulement ici dans le Nouveau Testament : le grec « empaiktai » (moqueurs, v. 18), absent même chez des auteurs classiques, mais présent une seule fois dans la version des Septante (És 5).

Il y a un temps où il faut croître et mûrir. Lorsque les fidèles font courageusement face à une opposition pernicieuse, ils donnent la preuve non seulement d’un conflit « dans la chair », mais de celui, bien plus vaste, bien plus périlleux aussi, qui oppose les forces du mal au règne de la justice, de la sainteté et de la paix du Dieu miséricordieux. Ce combat n’est pas mené contre la chair et le sang, mais contre des forces supérieures d’origine surnaturelle, contre l’adversaire principal de la foi, celui de Dieu et de son Église. L’enjeu en est le triomphe du Seigneur universel, Jésus, le Christ de Dieu.

Mais un tel conflit peut devenir extrêmement profitable au développement de la foi. Une foi qui est forte et qui le prouve par son dynamisme rendra l’hérésie stérile et condamnée à l’échec, quelle qu’en soit l’ampleur; elle la réduira à un nuage sans eau et à des arbres démunis de fruits.

C’est dans cette optique-là que Jude adresse son ultime exhortation pastorale. Dans la Bible, la parénèse a une double visée; elle est exhortation et elle est consolation, avertissement et en même temps réconfort. Jude conseille à ses lecteurs de se maintenir dans la faveur de Dieu, de cultiver la foi et de prier dans l’espérance.

La première exhortation concerne l’édification. Bâtissez sur le fondement certain et solide, celui qui a déjà été posé. Ce n’est qu’un esprit non informé qui se laissera séduire par la propagande. Une vie spirituelle marquée par la seule émotivité et dépourvue de toute ossature doctrinale est susceptible de flancher sous la première attaque reçue. Elle se laissera emporter par tout vent de doctrine. Un mot ressort ici comme un point saillant : le grec « tèrèsate », « maintenez-vous donc ». À cette condition, vous vous édifierez.

Dans le Nouveau Testament, le terme « édifier » n’est guère employé pour indiquer la construction d’un édifice matériel; il a toujours un sens métaphorique pour signifier l’édification spirituelle dans la foi et dans la grâce. À cet endroit comme ailleurs, le fondement posé est le Christ (1 Co 3.11), qui tient l’ensemble de l’édifice et garde sa cohésion (Ép 2.20 et Col 2.7).

La notion d’édification vient de la préposition « epi » qui donne l’idée de poser une pierre sur une autre, d’accomplir un progrès, d’atteindre le but fixé. « S’édifier dans la foi » contraste donc avec la conduite des imposteurs et des libertins.

Il faut aussi prier. Prier le Saint-Esprit et non simplement en l’Esprit. L’expression est rare dans le Nouveau Testament, mais cette rareté n’empêche pas Jude de l’employer. Une telle prière sera prononcée en faveur des faibles sous la conduite et la direction de l’Esprit. Il faut se rappeler que seul l’Esprit peut nous apprendre à prier. Selon Calvin, l’Esprit Saint inspire nos prières et engendre en nous la ferveur pour prier. En aidant le fidèle à prier, l’Esprit lui permet de discerner les choses profondes de Dieu. Il les rend dépendants de lui. Hors de l’Esprit, point de vie de prière, encore moins de vie chrétienne spirituelle. C’est pourquoi Calvin appelle l’Esprit « le Docteur interne du chrétien ».

Les chrétiens forts se maintiendront dans l’amour de Dieu. Le verbe est assez fort et laisse entendre que Jude exhorte ses lecteurs à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour se maintenir dans la grâce divine. Cet amour de Dieu est l’équivalent de la miséricorde de Jésus-Christ, celle dont Jude rappelait l’existence dans son introduction. Ce sera la miséricorde qu’il manifestera lors de son prochain avènement en sa qualité de Juge universel. Nous en vivons aussi bien au cours de notre existence terrestre que dans la période « d’après ». La prière nous maintient dans cet amour pour la vie éternelle. La vie éternelle nous a été acquise grâce à Jésus-Christ (voir Hé 9.28, « eis sôtèrian », pour le salut). Se maintenir dans l’amour de Dieu veut dire qu’il faut se préserver consciemment du péché, et cela requiert un effort constant.

Dieu adresse deux avertissements, car lors des deux avènements du Christ son dessein reste identique. Sa miséricorde est encore plus visible que son jugement. Mais lorsque les deux avènements sont refusés, alors le jugement devient inévitable.

Viennent ensuite des directives pour traiter avec diverses catégories de chrétiens plus directement menacés par les hérétiques.

Il existe ceux qui doutent, les « diakrinomenoi » ou « diakrinomenous », qui peut signifier ceux qui polémiquent, mais, à cause de l’impératif, il s’applique à ceux qui n’arrivent pas à prendre une position soit en faveur soit contre la vérité. Ils font partie de la catégorie des membres d’Église qu’il faut convaincre.

Une autre classe représente ceux qu’il faut arracher aux griffes mortelles des prédateurs, avec énergie, par moment presque avec violence, afin de les sauver. Sans doute s’agit-il de ceux qui sont déjà tombés dans le giron de l’adversaire (voir à ce sujet Am 4.11; Za 3.2 et surtout Gn 19.16-17).

Une autre classe mérite qu’on la traite avec beaucoup de circonspection. Il faut en prendre un soin tout à fait particulier pour prévenir qu’elle ne soit contaminée par le mal. Il existe des chrétiens qui, animés d’un zèle louable, mais manquant parfois de la plus élémentaire prudence, s’exposent souvent inutilement aux blessures du mal. En cherchant à le combattre, ils succombent eux-mêmes sous ses assauts meurtriers. Ceux-là seront invités à fuir l’apparence même du mal, car il faut profondément détester toute forme de corruption.

Il convient de montrer la plus grande pitié envers tous ceux qui se trouvent en danger, mais s’approcher de certains pécheurs avec crainte… Et, condition absolue pour un tel ministère, tout effort de réformer autrui doit commencer par la réforme de soi-même. C’est la raison pour laquelle Jude insiste sur la nécessité de la prière. Elle permettra d’accomplir des progrès spirituels.

L’exhortation se termine par l’appel à la compassion de notre Seigneur Jésus-Christ pour la vie éternelle.

Il faut, de la part du fidèle, une grande humilité, car il ne mérite pas son salut. Cependant, son espérance dans le Christ lui offre une assurance solide. Une telle espérance est d’ailleurs l’ultime recours qui accorde à la fois une vision claire de ce qui adviendra et la force pour persévérer sans se lasser.

De nouveau se fait entendre le rappel du devoir de compassion envers les victimes, proies de l’hérésie.

Jésus-Christ a été le modèle en toutes choses. Le chrétien est sauvé non pour se glorifier, mais pour servir. Il se trouve dans le monde, mais il n’est pas du monde. Dieu atteint les hommes à travers le ministère de la parole et l’action qui en découle. Il ne suffit pas de dénoncer l’hérésie, il faut encore être en mesure d’exposer fidèlement la doctrine de la rédemption et de mener une vie morale exemplaire.

C’est pourquoi, après avoir dénoncé les imposteurs, Jude exhorte dans un souci pastoral. Il dispense ses conseils, encourage et fait appel à la compassion chrétienne. Il réussit parfaitement à prouver qu’on peut abhorrer et condamner le mal tout en cherchant à ramener le pécheur sur le chemin du salut. Jude n’a rien, en effet, d’un inquisiteur médiéval…