Cet article sur Jude 1.11 a pour sujet l'égarement de Balaam qui est un exemple de faux enseignants cherchant à égarer l'Église en vue d'un gain sordide par cupidité.

Source: La foi transmise une fois pour toutes - Méditations sur l'épître de Jude. 3 pages.

Jude 1 - L'égarement de Balaam

« Malheur à eux! car ils ont suivi la voie de Caïn; c’est dans l’égarement de Balaam que, pour un salaire, ils se sont jetés; et c’est par la révolte de Qoré qu’ils ont péri! »

Jude 1.11

Balaam est le fils de Béor, un « brûlant », originaire de Pethor, sur la rive droite de l’Euphrate. L’essentiel de son histoire se trouve dans les chapitres 22 à 25 du livre des Nombres.

Balak, roi de Madian, demande à ce personnage, qui dut être un magicien-oracle, un voyant mésopotamien avec une certaine connaissance du Seigneur, de maudire le peuple d’Israël qui campe depuis peu vis-à-vis de son territoire. Balaam connaît « la voie du Seigneur », mais, malgré ses protestations d’allégeance au vrai Dieu, il cherche un compromis, séduit par les richesses et les honneurs promis par Balak.

Néanmoins, dans sa souveraineté totale, Dieu force le prophète en location, bien contre son gré, à bénir Israël au lieu de le maudire. Arrivé dans le camp madianite, Balaam bénira donc ce peuple, à la grande consternation du souverain de Madian qui a justement loué ses services pour maudire Israël. Dans ses quatre oracles poétiques, il annonce la disparition de certains peuples cananéens et prédit d’autres événements. Le sommet de son discours sera la prédiction de l’avènement de l’étoile, c’est-à-dire du Messie d’Israël, Jésus-Christ, et de son sceptre universel. Mais l’ancêtre selon la chair du Messie et son prototype, le roi David, anéantira déjà Moab.

L’Écriture fait remarquer que ces poèmes prophétiques placés dans la bouche du devin sont prononcés contre ses désirs les plus profonds, car Balaam, bien que prophète, n’est pas un vrai croyant cherchant à faire la volonté du Seigneur. Il ne sait même pas s’il a le droit de maudire Israël…

Après avoir prononcé ces oracles, Balaam s’en retourna chez lui. Dieu se servit de cet homme sans scrupules afin de faire connaître ses desseins pour l’avenir. Quant à Balak, lui, il vit ses plans complètement anéantis.

La dernière fois que l’on entendra parler de Balaam, ce sera dans le passage d’Apocalypse 2.14, dans la lettre adressée à Pergame, où certains semblent adhérer à la doctrine et aux pratiques de ce personnage.

Pourquoi Jude le présente-t-il sous des traits aussi négatifs? Parce qu’au fond Balaam est un homme essentiellement inique. Il accepte de servir Balak par cupidité et, ayant raté son coup — si nous pouvons nous exprimer de la sorte — et n’ayant pu recevoir la rémunération escomptée, il conseillera à Balak un moyen presque infaillible pour induire Israël en tentation et le faire tomber dans le péché.

En effet, empêché par Dieu d’aller au-devant du souhait du roi païen et de maudire le peuple élu, Balaam suggéra à Moab de détruire Israël à travers la débauche. Les filles de Moab séduisirent donc les Israélites et les entraînèrent dans l’inconduite et dans l’idolâtrie, et ceci dans leur propre camp. Un châtiment foudroyant s’abattit alors sur les enfants d’Israël tombés dans le piège, emportant en un seul jour 24 000 hommes. Un bien lourd tribut payé à leur infidélité… Dès lors, on ne s’étonnera pas que les Israélites eussent tué Balaam lorsqu’ils le trouvèrent en compagnie des rois cananéens (Nb 31.16).

Dans certains passages bibliques, ce personnage est présenté comme quelqu’un qui ne peut pas maudire Israël, mais seulement le bénir (voir Jos 24.9-10; Né 13.2; Mi 6.5).

La tradition juive le dépeint comme un personnage avide de gain matériel, dépourvu de toute règle morale et ennemi du peuple de Dieu. Ses disciples contrastent avec ceux d’Abraham. Hautains et assoiffés de gain, ils sont virtuellement tous des candidats pour la géhenne.

C’est à ce personnage de l’Ancien Testament que les adversaires de Jude et de l’Église sont comparés. Ils s’égarent (« planè », en grec). Non seulement ils s’égarent eux-mêmes, mais encore ils égarent les autres. Dans le verset 13, ils sont comparés à des étoiles vagabondes. Tel Balaam, ces imposteurs reçoivent aussi, ou comptent recevoir, de l’argent pour leur enseignement hérétique.

Le passage de Jude correspond au texte parallèle de 2 Pierre 2.15. Ici aussi la faute de Balaam consiste précisément à égarer le peuple de Dieu en vue d’un gain sordide. Apparemment, les imposteurs se trouvent au service de maîtres étrangers qui les rémunèrent pour faire le mal. À l’époque de Jude, il y en avait même qui s’étaient vendus comme agents à des politiciens et à leurs partisans. Le gouvernement impérial s’opposait à ces pratiques politiques et, plus loin, aux versets 14 et 15, dans le rappel de la prophétie d’Hénoch, on reviendra sur ces pratiques, considérées comme déloyales et dont les coupables étaient sévèrement punis.

Du point de vue strictement chrétien, ce genre de services rendus à des étrangers était considéré comme une répudiation non dissimulée de la seigneurie unique et exclusive du Christ (verset 4).

Dans l’Église primitive, le salaire perçu par les docteurs itinérants donnait assez fréquemment lieu à des fraudes et à des abus. Quelques textes (Rm 16.18, 1 Co 9.4 et 1 Tm 6.5) éclairent passablement de telles pratiques et mettent les fidèles en garde contre leurs auteurs. Les apôtres et d’autres auteurs du Nouveau Testament cherchent à protéger la jeune Église contre toute forme d’escroquerie, qu’elle soit d’ordre théologique ou moral. Ils prennent notamment soin d’avertir les conducteurs des Églises locales. Le ministère de la Parole ne doit pas être considéré comme une source d’enrichissement frauduleux (Ac 20.33-34; 1 Th 2.9; 2 Th 3.8; 1 Tm 3.3,8; Tt 1.7; 1 Pi 5.2).

Tout en connaissant la volonté de Dieu, Balaam ne voulut pas lui obéir, car il voulait simultanément servir Dieu et Satan. Il cherchait à réconcilier sa cupidité avec une mission céleste; il connaissait ce qui était saint et pur, mais Dieu était sur ses lèvres et Mammon dans son cœur…

Les libertins qui cherchent à servir à la fois Dieu et Satan, à la manière de Balaam, se croient libérés de toute obligation morale. À leurs yeux, la liberté chrétienne comprend l’accomplissement de leurs propres désirs sensuels et coupables. Aussi tournent-ils la grâce divine en libertinage.

Selon Irénée, cette doctrine, dans le Nouveau Testament, remontait à Simon le magicien et à ses disciples. Ces gens, par amour du gain (pratique dénoncée avec véhémence par la lettre de Jacques) font « acception » de personnes, suivant leur rang social. Ils prétendent que l’Évangile leur accorde la liberté de se comporter comme ils l’entendent. Mais ils se comportent en mesquins flatteurs, en flagorneurs éhontés, en parasites… Calvin fait bien remarquer qu’ils sont dépourvus de tout principe moral. Nul ne parvient à contrôler ni à discipliner leur insolence; rien ne les arrête sur la route de leur orgueil insensé. Ils rejettent la soumission aux saints commandements de Dieu dans une rébellion ouverte, mais ils se soumettent servilement aux humeurs de leurs semblables lorsqu’ils pensent pouvoir en tirer un quelconque profit. Il faut se souvenir des avertissements des apôtres, qui ont dû être connus des lecteurs de Jude.