La langue et le texte de l'Ancien Testament
La langue et le texte de l'Ancien Testament
1. L’ordre des livres⤒🔗
L’Ancien Testament (AT), la première partie de la Bible chrétienne, contient 39 livres canoniques. L’ordre dans lequel ils apparaissent n’est pas le même dans toutes les éditions, voire dans toutes les versions courantes.
Les éditions protestantes ont l’ordre suivant :
- Le Pentateuque : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.
- Les livres historiques : Josué, Juges, Ruth, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, 1 et 2 Chroniques, Esdras, Néhémie, Esther.
- Les livres poétiques : Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique.
- Les livres prophétiques : (1) Les grands prophètes : Ésaïe, Jérémie, Lamentations de Jérémie, Ézéchiel, Daniel; (2) Les petits prophètes : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie.
Les éditions catholiques romaines suivent le même ordre, mais insèrent les apocryphes (qu’ils appellent deutérocanoniques) Tobie et Judith après Néhémie, 1 et 2 Maccabées après Esther, Sagesse de Salomon et Sirach après le Cantique, et Baruch après les Lamentations de Jérémie. Cet ordre avait été adopté par le Concile de Florence en 1442.
Les éditions juives groupent les livres sous trois différents titres : la Loi (« Torah »), les Prophètes (« Nebiim »), les Écrits (« Ketubim »). Les éditions grecques suivent une grande variété d’ordres, quoique le Pentateuque apparaît invariablement en tête de chaque édition. Selon la traduction œcuménique de la Bible :
« Cette variété s’explique d’ailleurs par la forme des livres dans l’Antiquité. Avant l’apparition de la forme codex (pages reliées comme dans nos livres actuels), les livres étaient des rouleaux et il en fallait une vingtaine pour écrire la totalité de l’AT. Les bibliothécaires les rangeaient dans des coffrets pour les protéger et les classer. Le caractère éminemment sacré du Pentateuque interdisait de mettre autre chose dans le coffret qui lui était réservé, mais aucune norme ne régissait rigoureusement le rangement des autres rouleaux. »
L’AT ne contient pas toute la littérature produite par les Hébreux. Les livres qui le composent sont des écrits acceptés comme canoniques et dont nous parlerons dans le chapitre suivant.
2. La langue←⤒🔗
À quelques exceptions près, tous ces livres ont été essentiellement rédigés en langue hébraïque. Cette langue, apparentée à l’arabe et au babylonien, est assez différente de nos langues occidentales. Pour la comprendre, il est utile de connaître quelques-unes de ses caractéristiques, lesquelles sont les mêmes pour l’araméen, langue de quelques brefs passages de l’AT (Dn 2.4b à 7.28, Esd 4.8 à 6.18 et 7.12-26; Jr 10.11).
L’araméen est une langue qui prend son nom d’Aram ou Syrie, pays limitrophe de la Palestine, au nord-est, où les Juifs se sont trouvés en rapport étroit avec elle, notamment durant la période de la monarchie. Un dialecte de l’araméen a pu être la langue qu’ont parlée les patriarches. À l’époque de l’Exil et post-exilique, il a remplacé l’hébreu comme langue de la Palestine pour devenir la « lingua franca » du Moyen-Orient. Plus tard, il sera supplanté par le grec. Notre Seigneur et les disciples l’ont pratiqué sinon exclusivement, au moins assez couramment.
La majorité des mots (verbes et noms) hébreux sont formés sur des « racines » qui ne comportent que des consonnes (habituellement au nombre de trois). Les voyelles et un certain nombre de préfixes et suffixes servent à indiquer les fonctions grammaticales, le genre et le nombre des noms, les modes des verbes, etc. Ainsi, on a une racine BRK qui exprime l’idée de bénédiction; elle peut prendre des formes telles que « barek » (bénir), « bérak » (il a béni), « bérekou » (ils ont béni), « yibarek » (il bénira), « barouk » (béni), « bérouka » (bénie), « béraka » (bénédiction).
Comme c’est le mouvement de la phrase qui donne aux mots leur sens, en général il est facile de voir à la lecture quelles voyelles doivent figurer dans chaque mot; on peut donc se contenter d’écrire les consonnes. L’hébreu a pu se satisfaire de cette écriture consonantique abrégée tant qu’il était une langue vivante. Aux époques où il a cessé d’être parlé par le peuple, on a créé divers systèmes pour noter aussi les voyelles.
Dans les verbes, l’hébreu exprime surtout l’aspect de l’action; les notions temporelles de passé, présent et futur où se déroule l’action s’estompent devant la description de l’action comme accomplie ou inaccomplie. L’accompli correspond souvent au passé (passé composé ou plus-que-parfait), mais il peut aussi valoir pour le futur si l’on regarde l’action dans sa totalité, telle une réalité achevée. L’inaccompli vaut surtout pour le futur, mais aussi pour le présent et le passé quand l’action est continue ou se répète (imparfait). En fait, le contexte seul permet souvent de savoir si l’action est dans le passé ou dans le futur, mais le sens de ce contexte lui-même n’est pas toujours évident, ce qui explique nombre de divergences dans les traductions de la Bible.
Comme chaque langue, l’hébreu possède un certain nombre de tournures idiomatiques. Pour parler du saint Temple de Dieu, l’hébreu dit « le Temple de sa sainteté ». Pour décrire quelqu’un qui s’est mis en route, l’hébreu dit « il se leva et alla », pour se présenter devant Dieu, il dit « se présenter devant la face de Dieu ». C’est ainsi que les premières traductions grecques de la Bible ont transposé un nombre important d’expressions de ce genre, ainsi que d’autres hébraïsmes. Cela a créé une langue particulière, le grec biblique utilisé dans l’AT.
3. Le texte←⤒🔗
Les livres canoniques ont été conservés dans leur langue originale. On appelle texte massorétique la forme textuelle officielle définitivement fixée dans le judaïsme vers le 10e siècle de notre ère, époque où florissaient à Tibériade les plus célèbres Massorètes (transmetteurs et fixateurs de la tradition textuelle). Les Massorètes sont des rabbins scribes, savants juifs qui, à partir du 8e siècle de notre ère, ont édité et publié l’AT. Ils ramenèrent le texte à une grande uniformité et en assurèrent sa pérennité à l’aide de règles méticuleuses à l’usage des copistes. Lorsqu’un livre était achevé, le nombre de lettres devait être compté aussi bien dans l’original que dans la copie; s’il apparaissait la moindre variante, la copie devait être rejetée. Le grand soin pris par les Massorètes explique que nous ne possédons pas de manuscrits très anciens, car une fois le travail accompli, il n’était plus nécessaire de conserver des copies anciennes.
Cette édition massorétique a été basée sur le Talmud qui est l’explication et le commentaire de l’AT datant entre 270 et 500. Ainsi, le texte massorétique qui est le texte juif officiel a transmis le texte hébreu courant au cours du 2e siècle après J.-C., celui-là même qu’a lu notre Seigneur. Derrière le Talmud se trouvent les Targums qui sont des paraphrases araméennes du texte hébreu datant des 3e et 4e siècles de notre ère.
Le plus ancien manuscrit massorétique en notre possession a été copié vers 820-850, il contient le seul Pentateuque. Le plus ancien manuscrit complet, le codex d’Alep, a été copié dans les premières années du 10e siècle. Les Bibles hébraïques actuelles sont la reproduction d’une édition faite à Venise en 1524 par Jacob ben Hayyim.
Le fait que l’écriture hébraïque ne note de façon précise que les consonnes a souvent rendu ambiguë la lecture des textes bibliques. Vers le 7e siècle, on a trouvé un moyen précis pour ajouter les voyelles et indiquer la ponctuation exacte des phrases et des membres de phrase, grâce à un système complexe de points et de traits accompagnant le texte consonantique. Ainsi s’est fixée par écrit une tradition vivante de lecture et d’exégèse qui s’était développée dans le judaïsme au cours du premier millénaire de notre ère et dont les Targums sont les témoins fidèles. Les restes de certaines traductions grecques, réalisées sous l’influence du rabbinat au cours des deux premiers siècles (Théodotion, Aquila, Symmaque), permettent de remonter encore plus haut dans l’histoire de cette tradition d’exégèse.
Le texte consonantique qui a servi de base à l’activité des Massorètes avait déjà supplanté dans le judaïsme toutes les autres formes textuelles rivales vers la fin du 1er siècle après J.-C. À partir de 1947, on a découvert au bord de la mer Morte, dans des grottes entourant les ruines de Khirbet Qumrân, des rouleaux de livres bibliques à peu près complets et des milliers de fragments abandonnés au cours du 1er siècle de notre ère.
Toutes ces formes du texte prémassorétique nous offrent parfois un texte plus clair et intelligible. Les résultats d’études intensives du texte entreprises par des savants du dernier siècle nous donnent la conviction, fondée sur des preuves irréfutables, qu’actuellement nous possédons une Bible qui substantiellement n’est pas différente des manuscrits originaux. Bien entendu, des différences de lectures sont inévitables lorsqu’on songe que ces originaux furent copiés à la main au cours de dizaines de siècles!
4. Les versions←⤒🔗
Parmi les versions de l’AT, mentionnons pour commencer le Pentateuque samaritain, datant peut-être du 8e siècle avant le Christ (voir 2 Rois 17). Il existe des copies qui proviennent du 1er siècle chrétien. Il est différent du texte massorétique dans près de 6000 endroits, mais les différences sont d’une importance grammaticale minime.
La version grecque dite des Septante (ou LXX) est d’une plus grande importance. Sa traduction avait été entreprise à Alexandrie au cours du 3e siècle avant notre ère et elle devint la Bible officielle des Juifs parlant le grec. Lorsqu’il existe un doute, elle peut exercer un contrôle sur le texte massorétique. L’Église chrétienne l’a acceptée comme sa version officielle, ce qui incita les Juifs à la rejeter et à entreprendre une version nouvelle, celle du rabbi Onkélos vers l’an 50 de l’ère chrétienne. Une autre traduction durant le même siècle fut celle de Théodotion, un chrétien hébreu dont la version est passablement libre par rapport à l’original. Vers l’an 200 apparaît celle de Symmaque.
La presque totalité de l’AT grec se trouve dans le Codex Vaticanus et le Codex Alexandrinus, et en assez grande partie aussi dans le Codex Sinaïticus. Celui-ci fut découvert en 1844 par le savant russe Tischendorf. Ces codex datent des 4e et 5e siècles chrétiens. En outre, il existe près de dix-huit manuscrits onciaux qui datent entre le 5e et le 9e siècle.
Une autre version est celle en langue syriaque connue sous le nom de Peschita basée sur l’original hébreu, mais révisée à la lumière des LXX. Enfin, il faudrait mentionner en passant seulement des versions arménienne, éthiopienne, arabe, géorgienne, gothique et bien entendu la célèbre Vulgate en latin réalisée par Jérôme au cours du 5e siècle, et depuis ayant été considérée, jusqu’à il y a peu, la version officielle de la Bible dans l’Église catholique romaine.