Cet article a pour sujet la repentance qui produit une tristesse selon Dieu, différente du remords. Cette repentance est le début de la sanctification et mène au renouveau et à la vie nouvelle par la foi en Jésus-Christ.

Source: Essai sur le Saint-Esprit et l'expérience chrétienne. 7 pages.

L'appel à la sanctification - La repentance et le renouveau

La repentance constitue l’un des éléments essentiels de la vie dans la foi. Elle est le premier pas vers la sanctification. Elle indique de manière certaine que la rédemption a pris racine en nous. Elle est la preuve extérieure authentique de la conversion de notre cœur, le signe qui témoigne que nous avons rencontré le Très Saint, source unique de toute expérience religieuse profonde et radicale.

À l’opposé de la repentance, le remords est la prise de conscience de la condition tragique de l’homme qui, en langage biblique, s’appelle « péché ». Mais la conscience du péché n’implique pas nécessairement la délivrance. Le remords ne nous conduit pas sur le même chemin que la repentance, car seule cette dernière saisit la révélation de Dieu, l’œuvre de la rédemption, et renouvelle nos vies pour suivre une orientation nouvelle. La repentance conduit alors directement au renouveau.

L’absence de repentance est l’une des réalités les plus tragiques de notre époque. C’est la raison pour laquelle notre siècle est caractérisé par le désespoir qu’engendre l’absence de sens et l’ennui mortel qui en découle. Cette absence de sens et l’anxiété qui s’y rattache sont les maux les plus graves qui accablent l’homme contemporain.

« Derrière l’absence de sens, on trouve l’anxiété engendrée par la conscience d’être aliéné de la source profonde de son être. L’homme ne chercherait-il pas la voix de sa conscience lorsqu’il s’immerge dans des intérêts secondaires, voire superflus, le faisant sombrer encore davantage dans le vide et le désarroi? Aucun être humain ne peut vivre sans se lier et sans s’engager pour le Dieu éternel, mais un tel engagement n’est possible que si l’on reconnaît d’abord sa faute et sa perdition intérieure.1 »

Avec l’apôtre Paul, nous affirmerons que l’anxiété, « la tristesse selon le monde », conduit à la mort. Il la distingue vivement de « la tristesse selon Dieu » qui, elle, conduit à la vie et au salut (2 Co 7.10). Or, d’après une autre affirmation de l’apôtre, ce qui n’est pas le fruit de la conviction, c’est-à-dire de la foi, est péché (Rm 14.23). Le remords, lui, est la tristesse qui ne reconnaît pas Jésus-Christ et, chose plus grave, qui le refuse. Même dans le cas où il n’exclut pas Dieu, le remords se fait de lui une représentation vague et inadéquate. Ainsi apparaît l’antithèse radicale entre la repentance (« métanoia ») et le remords (« métaméleia »). La première est selon Dieu, elle produit le salut. La deuxième cause un résultat négatif produisant la mort.

Strictement parlant, la tristesse-remords peut être un sentiment très déplaisant, un regret morbide et aride tourné vers le passé, obsédé par l’ego et évoluant autour d’une misérable pitié de soi qui peut aller jusqu’à s’infliger une torture morale, sorte de masochisme sans expiation. Tout remords comporte une souffrance cruelle causée par le souvenir de la faute passée. Dans le remords, l’homme regrette les circonstances extérieures qu’il a rencontrées et qu’il tient comme responsables de sa situation. Il peut dire soit devant autrui, soit devant le tribunal de sa propre conscience : « Considérez mon malheur, rien ne me réussit! »

C’est un fait bien connu que la pitié de soi est l’un des aspects les plus monstrueux de la personne humaine. Cette « tristesse » ne cherchera jamais le renouvellement. La culpabilité d’une telle attitude consistera en ce que l’homme malheureux, s’il est permis de l’appeler ainsi, s’identifie personnellement avec sa misère et refuse la libération. Le fait de se juger soi-même au lieu d’être jugé par autrui (le fait d’entrer en jugement avec soi plutôt qu’avec l’autre) ne peut avoir la moindre influence sur le salut du monde ni même sur le salut individuel. « L’homme du remords », au lieu de confesser ses fautes, accusera autrui et il en appellera à toutes sortes de circonstances atténuantes pour se décharger de sa faute. Dans cette tentative irrationnelle, il tendra à se justifier devant Dieu afin de se défaire d’un fardeau qui lui est devenu intolérable.

Dans les cas extrêmes, il voudra s’amender tout seul et expier sa culpabilité. Il peut trouver son crime si horrible qu’il préférera la mort à la vie, tout en évitant de se mettre à genoux pour demander pardon à Dieu et lui avouer son péché. Lorsque les gémissements d’une conscience tourmentée ne s’adressent pas à Dieu, ce sont des hurlements dans le vide, là où il n’y a aucune oreille pour l’entendre ni personne pour venir à son secours. Il pourrait certes y avoir une sorte de confession de péchés, mais la face contre Dieu, regardant du côté opposé.

Une telle tristesse mène vers un chemin sans issue, vers un cul-de-sac mortel. Elle tourne de plus en plus vite dans un tourbillon tragique de confusion et de désespoir. Elle ne pourra jamais conduire vers la repentance (« métanoia ») et vers la conversion, mais uniquement à la mort. L’homme dans cette situation s’enfoncera toujours davantage dans le péché, même lorsqu’il est assez lucide pour savoir ce qui lui advient; il finira par ne plus être en mesure de faire face à sa situation.

« On ne peut nier qu’il y ait une incidence croissante entre notre culture moderne, hautement technicisée, et le taux de suicide extrêmement élevé dans les sociétés occidentales, ainsi que les différentes sortes de dépendances : alcool, sexe, drogue, violence, etc. Derrière le nombre élevé de maladies mentales et spirituelles se trouve, à n’en pas douter, le sentiment de la faute.2 »

Même sous des formes atténuées (oserions-nous les appeler chrétiennes?), la tristesse selon le monde, c’est-à-dire lorsque l’homme ne regarde que lui-même, a curieusement comme résultat qu’il finit par se trouver meilleur qu’il n’est en réalité! Car l’une des conséquences du péché originel est un pélagianisme psychologique persistant et arrogant, pour ne pas dire démoniaque, s’obstinant à cacher le péché afin de parader de vertus imaginaires. À cette attitude d’aberration fondamentale et d’adultère spirituel, nous devrions opposer l’antithèse qu’est la « tristesse selon Dieu ».

Dans la Bible, nous trouvons des exemples d’hommes torturés par leurs péchés, ou bien par le sentiment de leur culpabilité. Néanmoins, ils n’ont pas trouvé la grâce, car ils n’ont pas eu recours au pardon divin (Caïn, Ésaü, Saül, Judas). Dans leur remords, certains se sont suicidés (Achitopel, Judas). Une telle pénitence s’appelle tristesse selon le monde. Elle n’offre aucune possibilité de salut parce qu’elle n’est pas le résultat de la foi et elle méconnaît la grâce divine. Elle incite à une tentative de s’améliorer et, à défaut, au suicide. Elle méconnaît la gravité du péché, sinon elle chercherait à se rendre acceptable devant Dieu par l’aveu de la faute et l’imploration du pardon. Sans doute, l’Esprit peut se servir du remords aussi pour conduire le pécheur au Christ et, dans ce sens, on peut parler d’une certaine préparation, le résultat de l’angoisse produite par la loi. Cependant, en dépit de sa nature, une telle angoisse ne mène pas forcément au Christ et n’accordera ou n’obtiendra en aucun cas la grâce.

Le Saint-Esprit s’était servi de l’angoisse de Luther, angoisse provoquée par la loi. Mais cette repentance a été une préparation à la conversion, dans ce sens que le Saint-Esprit est en mesure de se servir de toute situation ou de tout événement pour conduire le pécheur à la conversion, pour ouvrir les yeux à la grâce (par exemple la maladie, l’accident, un deuil, une grande joie, l’amitié, la lecture d’un livre, etc.).

Un bref examen du terme biblique nous sera utile pour la compréhension de ce thème. La version française traduit le grec « métanoia » par repentance. Parmi l’une des plus malheureuses traductions qui me viennent à l’esprit se trouve celle de ma langue maternelle, l’arménien, qui rend « métanoia » par « acosmie », laquelle est, en réalité, un renoncement radical au monde, avec toutes les implications de monachisme ascétique que cela comporte. On peut facilement se représenter l’effet désastreux d’une telle connotation sur la théologie de l’Église et sur l’expérience spirituelle du croyant individuel…

Repentance est un mot d’origine latine et dérive de « re » et de « poenitere » ou de « poena ». Parmi ses significations, on retiendra : rétribution, satisfaction, expiation, punition, prix, peine à accomplir… Il transforme le terme repentance en une sorte d’auto-expiation et, dans les cas les plus extrêmes, cela devient une sorte d’humanisme basé sur la théorie du salut par les œuvres, la tentative de l’homme de satisfaire à la justice divine par le remords ou la souffrance. Dans ce contexte, verser des larmes devient une vertu… Que d’appels à la repentance dans certains milieux chrétiens ne sont en réalité qu’une invitation à cultiver une sainteté morbide! Signalons, en le soulignant fortement, que la restitution fait partie intégrante de la repentance authentique.

La repentance biblique comporte plus que cela. L’une des interprétations de la repentance au sens où nous l’avons signalé remonte au piétisme allemand du 17siècle. Spenner et Francke, ainsi que d’autres prédicateurs piétistes de cette même période, avaient la conviction que la semence de la grâce ne pouvait germer ni fleurir si ce n’est dans les sillons tracés par la loi. En principe, personne ne serait en état de désirer le pardon offert par l’Évangile à moins d’avoir compris la réprobation que la loi de Dieu porte sur nous. D’après le piétisme, la vie chrétienne commence toujours par une profonde conviction de misère spirituelle, par la douloureuse expérience de cette dette insolvable et le sentiment aigu de sa propre perdition. Chaque chrétien devrait traverser pour commencer une période de désespoir radical et entendre le réquisitoire divin et la condamnation à mort qui doit brûler la conscience. On n’aurait pas pu se classer parmi les prédicateurs « sérieux » de l’époque à moins de prêcher les tonnerres du Sinaï et de prononcer les malédictions de la loi afin de pouvoir briser les cœurs endurcis. On pensait qu’une foi vivante ne pouvait naître qu’après la prise de conscience de son indignité totale. Ce n’est que lorsque l’auditeur de l’Évangile était suffisamment descendu dans les abîmes de sa misère, et alors seulement, qu’il pouvait espérer éprouver la joie et la consolation du pardon. Une expression latine donnera à une telle expérience une illustration adéquate : « per aspera ad alta », « des abîmes vers les cimes »! Dans cette théologie, la repentance devient une condition de la réception de la foi et même sa condition principale.

Bien que devant respecter le sérieux des théologiens et des prédicateurs de cette période dans leur effort de montrer que la foi n’est pas une simple adhésion à des vérités formelles, il convient de ne pas oublier le sage conseil théologique et pastoral de Jean Calvin. Selon le grand réformateur, de tels hommes (Calvin pense bien entendu aux théologiens catholiques romains de son époque) faisaient de la pénitence la condition de la foi. Dans ce cas, écrivait Calvin, ils sont incapables de comprendre la nature et la vigueur de la foi3.

Contre la fausse intelligence de la repentance qui en fait une sorte de mélancolie constante et revient sur des fautes passées, l’Écriture nous enseigne d’abord à fixer nos yeux sur ce que Dieu accomplit en Jésus-Christ. Aux yeux de l’apôtre Paul, « la tristesse selon Dieu » ou « sainte tristesse » est une attitude positive, un sentiment sain qui puise en la source divine. À cette condition, elle devient une bénédiction apportée par la Bonne Nouvelle de l’Évangile, celle du salut qui engendre la vie éternelle. Il ne peut pas y avoir de véritable repentance sans la connaissance de la croix du Christ. Depuis le début, la vraie « métanoia » reconnaît le Dieu de la révélation, celui dont le jugement fut révélé en Christ, non pas au Sinaï, mais à Golgotha. Si Dieu n’épargna pas le Saint et l’Innocent, combien plus terrible serait son jugement s’il nous traitait comme nous le méritons! Nous serions, sans rémission, condamnés à l’enfer. Mais à la croix, non pas à côté, ni au-dessus ni au-dessous, se révèle le visage d’amour que le Père céleste a manifesté à notre égard, « envers moi, pécheur ». C’est la raison pour laquelle notre peine et notre repentir ne seront pas causés par la peur du châtiment, mais par la conviction que nous avons peiné et gravement offensé son cœur paternel.

Par conséquent, la repentance ne vient pas comme la préparation à l’acte de croire, elle n’est pas le préalable de la foi. C’est la foi plutôt qui engendre la repentance. C’est par la foi, une foi sincère éclairée par la révélation de l’amour et de la loi de Dieu, que nous allons vers le repentir profond; nous n’effectuons pas l’itinéraire inverse. Personne ne peut se reconnaître pécheur à moins d’avoir cru en celui qui est l’Auteur de la foi. Une fois que nos yeux se seront ouverts à ce que Dieu a fait pour nous et à ce qu’il veut faire encore pour nous, la repentance prendra une nouvelle orientation. Jésus-Christ donna sa vie et transperça la racine même du péché pour faire jaillir en nous la vraie repentance, cette « tristesse selon Dieu » qui conduit à la vie. Ce n’est qu’alors que nous reconnaîtrons la justesse du jugement que Dieu porte sur nous.

Une telle interprétation se trouve également derrière la conviction de l’union mystique avec le Christ. La parabole du cep et des sarments est une très bonne illustration de cette réalité. Le Christ ne nous offre pas un don impersonnel, mais sa personne divine. Il vient habiter le cœur du pécheur pardonné, justifié et racheté, devenu à présent l’enfant adoptif de Dieu. Il le fait participer à sa propre vie et, avec le don de sa personne, il lui accorde les bénédictions incluses dans son ministère de rédemption. Comme le soulignait le théologien néerlandais E. Kraan, la première larme que nous versons est le résultat de l’expiation accomplie sur la croix et de la prière de l’Esprit en nous.

Sans vouloir formuler une « théologie des larmes », nous admettrons que les larmes de repentir sont une grande bénédiction. Le mal est toujours présent en nous et il ne nous quittera pas définitivement pendant notre vie terrestre. C’est certainement une bien douloureuse expérience que celle de suivre le chemin de l’humilité et du renoncement à soi. Cependant, les bénédictions attachées à un tel exercice de piété sont nombreuses. Au milieu même de notre misère, un sentier de vie nous est ouvert. La repentance n’est pas seulement une attitude souhaitable, elle est encore une nécessité absolue! Il ne peut y avoir de progrès sur le chemin de la sanctification à moins de nous repentir constamment. Le Saint-Esprit qui nous amène à la véritable repentance nous inspire une sainte tristesse pour avoir offensé Dieu. Il ne se satisfera pas d’une vague confession de péchés comme on les entend trop souvent. De telles prières ne sont pas la supplication du pécheur contrit et attristé d’avoir offensé Dieu, son Père céleste : « Seigneur ait pitié de moi, pauvre pécheur ». Selon Calvin, ces vagues confessions de péchés nous éloignent de Dieu plutôt qu’elles nous rapprochent de lui.

Nous demeurons pécheurs tout au long de notre vie. La repentance la plus profonde et la plus sincère ne sera qu’un faible début sur le chemin de la foi et de la sanctification. C’est pourquoi l’apôtre Paul presse continuellement ses convertis à mourir au péché, à renoncer « à la chair et à ses convoitises » et à vivre dans la justice; il les appelle à mourir à eux-mêmes afin de vivre en Dieu. C’est la partie de la vie chrétienne associée à l’idée de la crucifixion à soi-même afin de ressusciter à la nouveauté de vie en Christ, qui a déclaré que l’homme ne peut pas servir Dieu et Mammon, car ces deux présences s’excluent mutuellement. Si nous devons vivre la vie dans la foi, il nous faut nous détourner sans relâche de l’ancien mode de vie, car nous ne pouvons absolument pas mélanger ces deux types de vie.

La repentance montre l’antithèse entre nous et le péché; elle est la synthèse entre Dieu et notre être renouvelé. Sans elle, on ne peut espérer de fruit de l’Esprit, et sans des fruits visibles, on ne saurait prétendre être chrétien. Elle ira des actes aux intentions et des sentiments aux motivations les plus profondes. Le Saint-Esprit révélera à nos yeux nos iniquités et, malgré nos vains efforts pour les cacher, il nous conduira sur le chemin de la véritable humilité. Lorsque nous tombons dans le péché, il nous rappellera que non seulement nous augmentons et aggravons notre dette, mais encore que nous laissons derrière nous des traces hideuses…

Si nous restons en communion avec le Christ, le modèle parfait de sainteté, nous combattrons avec efficacité l’orgueil, l’infidélité et l’hypocrisie à travers l’écoute de l’Évangile et à travers la prière. Son sacrifice nous apporte la repentance comme fruit de l’expiation. L’Agneau de Dieu qui se charge de nos péchés est le souverain Sacrificateur qui intercède pour nous. Nous avons noté que le terme « métanoia » comporte le sens de renouveau, de changement de mentalité opéré par la régénération. C’est un changement total de perspectives, un mode de vie plutôt qu’une série d’actes extérieurs. C’est une réforme avec des conséquences durables, lorsque nous en accomplissons les actes visibles. Désormais, nous regardons vers l’avenir. Dieu nous avait déjà fait la promesse : « Je fais toutes choses nouvelles. »

La repentance signifie que nous avons franchi une étape, que de la position statique du passé nous sommes entrés dans un mouvement dynamique qui crée une situation nouvelle et juste qui est bien davantage que l’arrêt de la vie dans le péché. Elle est le détonateur annonçant que nous sommes entrés dans la vie nouvelle. Cela explique pourquoi, dans la Bible, repentance et conversion, repentance et foi, repentance et pardon, repentance et vie nouvelle, repentance et connaissance de la vérité, repentance et Royaume sont des concepts si intimement associés.

Ce n’est pas la gravité du péché commis qui fera naître la repentance dans le cœur du pécheur, mais la proximité du Royaume et les motifs qui l’accompagnent : jugement et promesse. « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche. » C’est aussi le défi qui accompagne l’acte concret de la proclamation de l’Évangile. La proximité de celui-ci ne laissera ni paix ni repos à nos âmes et n’admettra aucun délai, jusqu’à ce que la repentance soit évidente. Celle-ci ne sera plus alors une impossible exigence parce qu’elle sera le fruit de l’amour de Dieu dans nos cœurs (Rm 2.4).

Même si la prédication doit sans cesse et avec vigueur faire appel à la repentance, elle ne doit jamais sonner comme la trompette du légalisme ni comme une invitation à accomplir nous-mêmes notre salut. La véritable repentance démontre que, lorsque Dieu condamne, il agit simultanément avec son efficacité extraordinaire pour sauver ses élus.

Ainsi, l’appel à abandonner le péché et à nous convertir à Dieu n’émane pas d’une loi impersonnelle, mais du cœur du Législateur, qui est le Père de Jésus-Christ. C’est l’invitation pleine de compassion de l’Évangile qui crée dans nos cœurs une chaleureuse gratitude nous rendant capables de porter témoignage à la lumière et d’apercevoir que toutes choses sont effectivement devenues nouvelles. Jésus, comme les prophètes du passé, a déclaré que Dieu donne au pécheur un cœur nouveau et un esprit nouveau; ce qui était impossible à l’homme est devenu possible à cause de sa présence au milieu de nous. Il n’existerait pas la moindre possibilité de repentance si le Christ ne s’était substitué à nous pour obéir parfaitement à la loi.

Le lecteur se demandera peut-être s’il était nécessaire et urgent de souligner aussi fortement un thème biblique aussi familier. Si nous avons voulu rafraîchir notre mémoire, c’est dans l’intention de voir clairement et avec précision le contenu de notre expérience chrétienne et celui de notre proclamation biblique. En rédigeant cette partie de notre chapitre, nous avons eu à l’esprit deux types de prédication et d’expérience chrétienne qui, à notre avis, ne correspondent pas aux normes bibliques telles que nous venons de les découvrir. Nous ne nous attarderons pas longuement à les réfuter; nous ne les mentionnons qu’en passant.

La première est née aux États-Unis d’Amérique du Nord et, pour être plus précis, en cette Californie si féconde en aberrations ecclésiastico-théologiques. On l’appelle « la nouvelle réforme ». Ce nouveau « dogme » s’occupe de l’amour pour soi ou, autrement dit, du respect envers soi (« estime de soi »). Il serait intéressant d’examiner le sujet, largement controversé, de l’amour pour soi-même; cependant, nous passerons rapidement là-dessus. Mentionnons-en juste trois types : l’amour pour soi de type naturel, l’amour pour soi comme une obligation morale et, enfin, l’amour de soi issu du cœur pécheur. La prétendue nouvelle réforme a opté, nous semble-t-il, pour le dernier. Aussi elle nous apparaît comme la version moderne d’une ancienne hérésie déguisée sous de nouvelles défroques. À notre avis, non seulement une telle interprétation de la vie chrétienne est bibliquement insoutenable, mais nous avons encore la certitude que cette théologie narcissique ne peut qu’engendrer et cultiver des chrétiens irresponsables.

Sans la repentance, pour laquelle cette école ne semble pas avoir de prédilection particulière, le christianisme ne serait qu’une aberration. Nous ferions bien d’apprendre les leçons du passé et de nous rappeler que toutes les réformes de ce type-là ont abouti à des résultats opposés du but recherché, en aggravant les maux qu’elles prétendaient guérir… Se défaire de tout sentiment de culpabilité et débarrasser sa conscience du souvenir des fautes commises, sans un esprit de vraie repentance, dégénérera inévitablement en une névrose d’égocentrique amenant l’individu à négliger tout amour envers le prochain et, finalement, l’amour envers Dieu.

Au revers de la médaille, on trouve certains groupes chrétiens que l’on peut caser dans la famille dite « évangélique », à leur tour devenus les fossoyeurs systématiques de toute expérience saine. Certains pasteurs et évangélistes, véritables professionnels du battage de la coulpe… de préférence sur la poitrine du voisin, fabriquent à la chaîne des chrétiens au subjectivisme névrotique…

Dans l’Ancien Testament, la conversion signifiait se tourner vers Dieu du plus profond de son cœur pour lui obéir fidèlement. La plus grande évidence de la repentance et de la foi est le fait de porter les fruits de l’Esprit et non de courir d’une réunion d’évangélisation à l’autre, de se ruer dans des conférences consacrées à l’étude de « l’estime de soi » ou de n’importe quel autre sujet, ni de chanter des cantiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec la Parole. Lorsqu’on aborde le sujet de la repentance selon la Bible, on doit soulever les vraies questions, sinon on s’est trompé de sujet. L’homme de la repentance se demandera : « Comment puis-je accomplir des œuvres bonnes, en accord avec la volonté de Dieu? » À cette condition, les ruisseaux jaillissant de la peine conduiront au salut, à travers cette tristesse selon Dieu que nous ne regretterons jamais.

Notes

1. Donald Bloesch, The Reform of the Church, Eerdmans, p. 57. 1

2. D. Bloesch, Ibid., p. 57.

3. J. Calvin, Institution, III.2.3.