Cet article a pour sujet le retour du Christ et la victoire finale de son royaume. Nous attendons sa venue dans la crainte du jugement, la joie de la résurrection, la prière, la sanctification et le témoignage de l'Évangile aux nations.

Source: Jésus-Christ lumière du monde. 6 pages.

Le retour du Christ

Attendre le retour de Jésus-Christ et la venue de son Royaume signifie, avant tout, croire que cela arrivera. Non pas simplement savoir que c’est une vérité biblique à laquelle nous devons une adhésion consciencieuse, mais croire, ce qui s’appelle croire, c’est-à-dire espérer et craindre.

Cette foi, nous ne pouvons que la recevoir de la grâce de Dieu. C’est elle seule qui peut nous débarrasser de nos préjugés scientifiques, car l’incessante probabilité du retour du Christ ne cadre pas du tout avec les notions habituelles de la science, qui nous dit que le monde existera encore très longtemps et que l’humanité a certainement devant elle bien des siècles; de nos préjugés intellectuels, qui acceptent les miracles passés comme des miracles restreints et momentanés après lesquels tout rentre dans l’ordre, mais qui se refusent au miracle par excellence; de nos préjugés moraux qui ne veulent pas accepter la condamnation d’un monde et d’une humanité si peu responsable de son péché; de nos préjugés religieux qui nous ont habitués à séparer le monde matériel du spirituel, et qui nous font envisager avec scandale cette descente du Christ spirituel dans le monde temporel.

Dans la mesure où Dieu nous donnera de croire au Royaume, nous verrons toute la doctrine chrétienne s’illuminer d’une lumière nouvelle. Nous ne croirons plus au retour du Seigneur comme à une vérité qui vient s’ajouter à d’autres, comme à une révélation supplémentaire. Ce ne sera pas non plus pour nous un achèvement, un triomphe, un point final nécessaire et glorieux de l’œuvre de la rédemption. Ce ne sera pas un enrichissement de notre foi, mais l’objet même de cette foi. Croire en Jésus-Christ, c’est espérer en son triomphe final, visible et définitif. Non pas que toute l’œuvre du Christ se résume dans la doctrine du Royaume à venir et qu’elle soit plus importante que celle de l’incarnation et de la rédemption. Mais, parce que la foi chrétienne est une, parce que les doctrines de cette foi sont toutes solidaires, parce que le Christ ne se comprend que dans la plénitude de la révélation, toute la foi chrétienne est illuminée par l’espoir de son retour glorieux, et quiconque l’a un jour compris sait bien que, si la foi au Christ qui revient devait un jour chanceler, ce serait sa foi tout entière au Christ de l’Écriture qui s’écroulerait.

Attendre le Royaume de Dieu, c’est croire de toute son âme à ce Royaume. Mais la foi est toujours accompagnée de la crainte et de la joie. Ou plutôt elle est à la fois crainte et joie. Crainte parce qu’elle est foi et non pas vue, joie parce qu’elle repose sur celui qui a fait les promesses et qui y reste fidèle. La venue de Jésus sera un sujet de larmes et un sujet de joie. Attendre en tremblant le Royaume c’est craindre le jugement, c’est prendre au sérieux l’annonce de ce jugement. Dans le cœur du croyant coïncident, sans se contredire, l’assurance du pardon et la crainte du jugement. Car si nous sommes certains de notre salut, encore plus le sommes-nous de la souveraine liberté de Dieu, et nous ne pouvons que trembler en pensant au moment où nous comparaîtrons devant lui pour rendre compte de notre vie.

Mais nous craignons aussi, et d’une autre manière, le jugement pour les incrédules et pour les impies. Jusqu’à cet ultime instant, la porte du Royaume n’est pas irrévocablement fermée. Nous vivons en un temps de grâce.

Mais en ce jour-là, ce jour du jugement, il n’y aura plus de grâce, plus de sursis. Le figuier stérile sera coupé par celui-là même qui implorait une année de grâce. Comment la hantise des masses sans berger, des pécheurs irréductibles et des incroyants endurcis ne nous accompagnerait-elle pas dans la joie de l’attente du Maître?

Cependant, la joie l’emporte, car c’est la joie divine de la résurrection. La mort sera vaincue, notre mort vaincue, notre tombeau ouvert, notre chair ranimée, glorifiée. Joie mystérieuse et ineffable de la victoire qui nous est promise par celui qui l’a emportée! Joie de savoir qu’un jour nous ne vivrons plus par la foi, mais que nous verrons de nos yeux le Christ présent! Joie parce que le Royaume de Dieu est la victoire de Pâques accordée au monde tout entier, à notre création qui souffre et gémit dans les douleurs de l’enfantement du Nouveau Monde! Comme nous aimons cette espérance que la Parole nous donne d’une rédemption cosmique, d’une recréation du cosmos tout entier! Joie, enfin, parce que Dieu fera toutes choses nouvelles, parce que Satan sera enchaîné puis détruit, parce que la gloire de Dieu resplendira à jamais!

Ce serait faire œuvre vaine que d’essayer de rassembler tous les renseignements que nous donne la Parole de Dieu sur ce que sera le Royaume pour en avoir une vision plus claire. Ce travail de marqueterie, cette reconstruction du puzzle divin n’aboutiraient jamais. C’est évidemment la volonté de Dieu que tout ce qui est dit du Royaume demeure dans une obscurité complète au point de vue rationnel. Les plus fidèles parmi les pauvres d’Israël attendaient un Messie selon l’Écriture; pourtant, Jésus fut un Messie tout autre que celui qu’ils espéraient. De même, toute représentation du Royaume n’en donne qu’une caricature. Acceptons que l’Écriture nous donne en lettres de feu tel ou tel trait du Royaume dont la précision nous choque parfois, mais n’essayons pas de les réunir par notre logique. C’est la tentation de notre rationalisme sans cesse renaissant, qui veut mettre la main sur la grâce de Dieu; il faut accepter que celle-ci soit une main qui se pose sur nous. Nous voyons confusément, mais précisément que telle est la volonté de Dieu pour l’économie actuelle; ce n’est qu’au grand jour de gloire que nous verrons face à face.

À partir du moment où la gloire du Christ éclate, les mots de la terre et du ciel perdent leur sens; désormais, ce sont « les nouveaux cieux et la nouvelle terre », c’est le Christ, pour toujours vainqueur, associant à sa victoire ceux qui sont à lui. Et c’est pourquoi la seule chose qui importe, c’est en définitive de nous réjouir parce qu’il reviendra « en vainqueur et pour vaincre » (Ap 6.2).

Mais le Royaume n’est pas encore là. Il nous faut l’attendre. En quoi consiste cette attente?

Lorsque notre foi s’élance vers les mystérieuses splendeurs du Royaume, elle voudrait pouvoir déjà les contempler, et dans l’ardeur de son désir, elle se demande : Ne puis-je vraiment rien faire pour hâter la venue de mon Sauveur? Certes, il n’est plus question de préparer humainement le Royaume, car alors nous retomberions dans l’erreur humaniste. Il ne s’agit en aucune manière de participer à la création de la « Nouvelle Jérusalem » dont nous savons qu’elle descendra entièrement du ciel (Ap 21.2,10). Mais ne pouvons-nous pas, par notre obéissance, notre foi et notre témoignage rapprocher de nous le glorieux événement de la parousie? Ne peut-on en aucune manière faire mûrir le fruit? La Parole de Dieu nous laisse entrevoir quelque chose à ce sujet : Annoncer l’Évangile du Royaume « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1.8), à toute tribu nation et langue (Mt 24.14). Et aussi : « Puisque tout cela est en voie de dissolution, combien votre conduite et votre piété doivent être saintes! Attendez et hâtez l’avènement du jour du Dieu » (2 Pi 3.11-12).

Parole mystérieuse, qu’il ne faudrait pas séparer du reste de la révélation, tout entière appliquée à marquer notre impuissance totale, mais qui cependant nous autorise à mettre une relation de cause à effet entre notre sanctification et notre foi et la venue de Jésus.

Par la fidèle proclamation de l’Évangile, par la prière ainsi que par la consécration de toute notre vie, nous pouvons donc hâter l’heure bienheureuse. Nous avons le droit, nous avons le privilège, bien plus, nous avons le devoir de faire monter vers Jésus cette prière : « Seigneur, reviens », d’implorer Dieu pour que son règne vienne. Car Dieu ne se moque pas de nous et s’il nous demande de prier de la sorte, c’est qu’une telle prière a une réelle efficace. Donc, en ce sens, nous pouvons être « ouvriers avec Dieu » pour la venue de son règne.

Mentionnons encore ici qu’à la prière il faut ajouter le témoignage chrétien. « Annoncer la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11.26), c’est aussi certainement hâter sa venue. Le Seigneur n’a-t-il pas dit : « Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin »? (Mt 24.14). L’œuvre de la mission apparaît ici non seulement comme l’œuvre de salut pour les âmes qu’elle atteint, mais peut-être aussi et même davantage comme le témoignage qui doit être rendu parmi toutes les nations pour permettre la venue du Sauveur. C’est pourquoi le missionnaire Coillard disait : « Pour moi, ce qui avant tout fait l’intérêt des missions, c’est qu’elles contribuent à hâter le retour du Seigneur. »

S’il nous est donné, par la charité de Dieu, de pouvoir par la sanctification, la prière et le témoignage « hâter la venue du Seigneur », il faut prendre garde de ne pas nous décourager si le Seigneur, à notre gré, tarde à venir. Aussi l’Écriture, dans de nombreux passages, nous invite à attendre avec patience. Nous sommes prompts à l’exaltation, mais tout autant au découragement. Par périodes, nous vivons en attendant à chaque instant le retour du Maître. À d’autres moments, lassés d’une attente sans cesse déçue, nous le reléguons parmi les doctrines que nous ne renions pas, mais dont nous ne vivons plus. Attendre sans cesse, attendre sans se lasser, attendre seul parfois, dans la nuit d’un monde incrédule, comme le serviteur dont le Maître tarde à venir, jusqu’à la deuxième ou même la troisième veille de la nuit…

Pour pouvoir veiller fidèlement avec le secours essentiel de son Esprit, Dieu, ayant pitié de nos faiblesses charnelles, nous permet, nous conseille même, de tendre l’oreille afin d’entendre à travers la nuit silencieuse le bruit des pas du Maître qui s’approche, afin de découvrir dans la nuit qui pâlit les premières lueurs de l’aube. Jésus et ses apôtres nous engagent à scruter les signes des temps. Le Royaume sera précédé de signes avant-coureurs, signes terribles pour la plupart. L’ennemi, le dernier anti-Christ suscité par Satan (à moins qu’il ne soit lui-même Satan), se dressera pour le dernier combat. Les guerres et les haines se déchaîneront, terribles. Le vice triomphera. La foi ne sera plus trouvée que dans un petit nombre de cœurs, comme un lumignon à la flamme incertaine et tremblotante. Comme le démoniaque en présence de Jésus, l’humanité rebelle, à l’approche du Maître, fera un effort désespéré pour lui résister, dans une dernière et terrible révolte. La création elle-même se cabrera. Tremblements de terre, révolution dans les astres, catastrophes de toutes sortes… Ce sera le commencement de la fin.

Il nous faut donc scruter les signes des temps, mais il faut le faire en nous méfiant de nos interprétations. De tout temps, les croyants ont cru le retour du Seigneur imminent et de tout temps les signes précurseurs qu’ils découvraient leur ont semblé suffisamment clairs. Cela doit nous encourager à une extrême prudence et à une grande humilité dans nos interprétations des prophéties. Cela ne doit pas nous les faire négliger cependant. Dans cette perpétuelle possibilité donnée au cœur de l’homme de croire à la proximité du retour du Seigneur, il y a, nous semble-t-il, une mystérieuse dispensation de Dieu et non, comme certains l’ont cru, une cruelle duperie. Les signes sont nécessaires comme des heures qui sonnent et qui nous rappellent que minuit approche. Ils nous sont donnés pour nous tenir éveillés et toujours en garde. D’ailleurs, le signe par excellence (si l’on ose employer cette expression dans ce cas!) c’est le péché toujours présent dans la vie des hommes comme un témoignage indéniable de la condamnation du monde et du Juge qui vient.

Affirmons donc que, si les prophéties ne sont pas aussi claires que nous le souhaiterions, c’est que Dieu l’a ainsi voulu pour exercer notre foi et nous démunir de toute assurance humaine. Le veilleur qui guette le retour de son maître sera peut-être trompé par son imagination, il prendra parfois les mystérieux craquements de la nuit pour ceux des pas du Seigneur, et son désir de voir se lever le jour lui fera peut-être prendre pour l’aurore les fluides traînées blanches qui rampent à l’horizon. Peu importe! Il veille, quelle que soit sa hâte, quelles que puissent être ses déceptions, et même si la nuit paraît interminable, il ne perd pas patience. Il sait que son Maître va venir, qu’il vient. L’heure est proche, il ne faut pas dormir. Le portier vit dans l’incertitude, il regarde, il attend. De même, la force du chrétien réside dans son espoir et dans sa persévérance, dans la certitude constante qu’il n’y a point ici de cité permanente, dans une soif insatiable de l’accomplissement qui, seul, amènera la venue du Fils de l’homme. Un chrétien est un homme qui peut attendre.

L’objection classique à l’espérance chrétienne est que celle-ci serait un oreiller de paresse, la source d’un fatalisme dangereux, d’un désintéressement absolu à l’égard du monde. On représente ceux qui attendent le retour du Maître les bras croisés, les yeux levés vers le ciel, dans un mélange de fanatisme et d’égoïsme. C’est là une véritable caricature forgée à partir de certains cas isolés. D’ailleurs, l’objection est fausse, car il ne s’agit pas de savoir si la doctrine peut aboutir dans le cœur pécheur de l’homme à des déviations regrettables, mais bien de savoir si elle est bibliquement fondée, ce qui ne peut pas être contesté. Quant à prétendre que l’attente du Sauveur empêche la vie du chrétien de produire ses fruits, c’est n’avoir rien compris à notre glorieuse espérance.

Attendre le Royaume, c’est attendre le jugement, c’est donc craindre la condamnation, c’est donc vivre dans la recherche de l’obéissance. Saint Paul désirait reproduire en lui l’image de la mort du Christ, afin, disait-il, « de parvenir, si possible, à la résurrection d’entre les morts » (Ph 3.11). Saint Pierre déclarait : « C’est pourquoi, bien-aimés, dans cette attente, efforcez-vous d’être trouvés par lui sans tache et sans défaut dans la paix » (2 Pi 3.14). L’apôtre Jean, pour sa part, a dit : « Quiconque a cette espérance en lui se purifie » (1 Jn 3.3). Jésus, enfin, a prononcé la parole définitive : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin » (Jn 17.15).

Le croyant sait que, par la grâce de Dieu, il n’est plus du monde, mais qu’il demeure dans le monde. Dans ce monde condamné, il est un héraut du monde qui vient. Il annonce la venue du Royaume sans se lasser, mais cela ne le détourne en rien de ses devoirs dans ce monde dont il fait encore partie par toute son humanité. Il souffre de sa misère sociale et de sa déchéance morale, et il lutte contre ces fléaux. Même s’il ne se fait pas d’illusions sur ce monde, il travaille à l’améliorer. Sans illusions, mais sans découragement non plus, il accomplit sa tâche de citoyen d’ici-bas. Certes, son cœur est plus haut, semblable au fiancé qui, loin de sa bien-aimée, souffre et attend la fin de la séparation, et il espère la « patrie meilleure » (Hé 11.16).

Pèlerin sur la terre, soldat aux seuls ordres de Dieu, il n’en accomplit pas moins consciencieusement toute sa besogne humaine. Pour lui, attendre c’est veiller, et veiller c’est être consciemment dans le monde et ne s’en évader dans aucun rêve, mais en même temps c’est penser sans cesse à celui qui vient. S’il caressait encore le rêve de travailler au règne de Dieu; s’il avait encore quelque illusion sur l’action qu’il peut avoir dans ce monde, alors viendrait tôt ou tard pour lui, en face de la réalité d’un monde qui demeure pécheur, le découragement le plus complet et, avec tant d’autres qui n’osent l’avouer, il s’écrierait : « Jamais nous n’arriverons! » Mais il n’essaie pas de mettre un morceau neuf au vieil habit, ou, s’il le fait, c’est en attendant que Dieu revête « ceux qui sont nus ».

Enfin et surtout, il faut attendre le Royaume avec amour. Ne nous est-il pas dit que le Seigneur donnera « la couronne de justice […] à tous ceux qui auront aimé son apparition »? (2 Tm 4.8). Aimer le Seigneur dans son abaissement, dans son sacrifice et dans sa résurrection, oui, mais l’aimer aussi dès maintenant, par la foi et passionnément, dans son avènement! Ne pas se contenter d’y croire, mais y attacher son cœur. Dans l’eschatologie comme dans toute vie religieuse, la plus grande chose, c’est l’amour.

Aimer le retour du Seigneur, c’est avoir le cœur plein de cette glorieuse perspective, c’est se réjouir, non pas en secret, mais publiquement, de la venue du Bien-Aimé. Aimer le Royaume de Dieu c’est en parler, c’est l’annoncer comme une partie méconnue de la Bonne Nouvelle. Certes, il ne s’agit pas d’avoir une idée fixe et de ramener toute la vie religieuse à l’attente messianique. Le fondement du salut, c’est et ce sera toujours la rédemption, et nous n’avons à annoncer que le Christ crucifié. Mais ce Christ, ne le laissons pas sur le bois de la croix ou dans la splendeur lointaine de son ciel, mais montrons-le descendant vers nous, dans la gloire et pour régner.

La prédication du Royaume de Dieu est nécessaire, et c’est encore aujourd’hui, c’est aujourd’hui plus que jamais qu’il faut crier : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 3.2; 4.17). Dans la perspective eschatologique, ces paroles sortent du tombeau de l’histoire, elles sont le message du salut pour le monde d’aujourd’hui.