Le retour du démoniaque
Le retour du démoniaque
« Lorsqu’un homme fort et bien armé garde sa propriété, ses biens sont en sûreté. Mais, si un plus fort que lui survient et s’en rend vainqueur, il lui enlève toutes les armes dans lesquelles il se confiait, et il distribue ses dépouilles. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse. Lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il traverse des lieux arides, cherche du repos et, comme il n’en trouve pas, il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti; et, quand il arrive, il la trouve balayée et ornée. Puis, il s’en va, et prend sept autres esprits plus mauvais que lui; ils entrent et s’établissent là, et la dernière condition de cet homme devient pire que la première. »
Luc 11.21-26
Il y a quelques années, la controverse au sujet de l’Exorciste, ce roman porté à l’écran, suscita des débats passionnés. Nous devons admettre, quelles que soient nos réserves, que le livre, comme le film, a contribué à faire prendre conscience à nos contemporains de la vieille réalité du démoniaque.
Peut-être vous demandez-vous s’il existe vraiment des créatures appelées démons et des personnes possédées par de mauvais esprits. Et aussi si l’on peut exorciser les démons. L’Église chrétienne doit-elle commencer à chasser les mauvais esprits et s’adonner comme jadis à la chasse aux sorcières? Ces questions se posent de nos jours à nouveau avec une grande acuité, et nombreux sont ceux qui se demandent si, en ouvrant le pénible chapitre de l’existence des mauvais esprits, nous n’allons pas assister à la résurgence de vieux fanatismes religieux.
Si le livre que nous mentionnons plus haut n’avait été qu’un cas isolé, nous aurions pu laisser de côté la préoccupation pour ce qui est démoniaque et classer tout ceci parmi les phénomènes bizarres, si fréquents de nos jours. En réalité, dans ce livre et dans ce film, comme d’ailleurs dans tout ce qui les a suivis ces trois dernières décennies, nous avons la réapparition des vieux us et coutumes, car ainsi que nous le dit l’Écriture, « Il n’y a rien de nouveau sous le soleil » (Ec 1.9). Songez que, dans notre monde complètement déboussolé, le culte voué à Satan est devenu fort populaire dans certains pays et dans certains milieux, que des « églises » sataniques poussent ici et là (et même demandent l’exemption des impôts!) et que les expériences psychédéliques, la sorcellerie et bien entendu l’astrologie retrouvent un succès qu’elles n’avaient pas connu depuis fort longtemps dans nos pays occidentaux. On ne peut conclure de tout ceci qu’à un véritable renouveau d’intérêt pour les phénomènes occultes et démoniaques.
En même temps, quel que soit le côté vers lequel nous nous tournons, nous voyons augmenter le mal, la haine, l’envie, l’exploitation d’autrui ainsi que les innombrables convoitises qui n’ont cessé de troubler l’homme depuis le commencement. Les meurtres, la violence terroriste, l’enlèvement d’innocents, les crimes contre ceux qui sont sans défense, notamment les enfants, et j’en passe, sont devenus tellement accablants, tellement quotidiens, que sans le sursaut en nous des valeurs bibliques et chrétiennes nous finirions par rester insensibles. On ne peut que souscrire à l’affirmation biblique selon laquelle quelque chose de surhumain pousse les hommes vers la haine, la cruauté, la jalousie et le meurtre. En dépit des nobles idéaux professés par tant d’hommes, en dépit des progrès techniques et scientifiques, l’homme se trouve engagé sur une voie de plus en plus dangereuse, et le retour du démoniaque en est l’un des indices les plus sûrs.
Selon Rollo May, célèbre psychothérapeute américain à la plume duquel nous devons le livre Amour et volonté, le démoniaque peut aussi apparaître sous toutes les formes des fonctions naturelles de l’homme lorsque celles-ci le dominent entièrement, tels le sexe, la colère, la soif de pouvoir, etc., ce ne sont là que des exemples courants. Des impulsions humaines qui ne sont pas nécessairement mauvaises en elles-mêmes et qui, tenues sous contrôle et utilisées proprement, peuvent être positives et produire du bien, du beau et de l’utile, peuvent agir comme des forces démoniaques lorsqu’elles sont prises et utilisées de manière irresponsable. Ce point de vue de psychologue est, certes, correct, mais tout à fait insuffisant pour rendre compte du mal, dont nous connaissons parfois les formes les plus extrêmes.
Les grands esprits du passé se sont aussi penchés sur ces questions et les ont étudiées, et parmi les modernes je songe au cas de Picasso et à son célèbre tableau Guernica, qui date de la guerre civile d’Espagne et qui, comme l’on sait, présente des images terriblement distordues de l’homme : la tête, les bras, les yeux, ainsi que les autres membres de son corps semblent déplacés et la personne totalement disloquée. À la question adressée à l’artiste sur la raison de cette dislocation, ce dernier répondit : « Ce n’est pas moi qui crée l’homme ainsi; c’est l’homme qui, par la guerre fratricide, rend son prochain un être disloqué. » Un tel message se trouve également dans le roman de William Golding Sa Majesté des Mouches. Le titre est la traduction littérale de « Béelzébub », mot biblique signifiant le chef des mauvais esprits. En voici le sujet :
Un groupe de jeunes enfants échoue sur une île déserte, loin de toute concentration humaine pouvant exercer une influence négative. Dans ce nouveau jardin d’Eden, les enfants essaient d’établir un gouvernement d’un type nouveau. Mais la rivalité personnelle et la lutte pour accéder au pouvoir produisent le chaos et déclenchent la guerre entre gangs rivaux. Lorsque Simon, personnage qui rappelle le Christ, tente de dire aux autres que le monstre qui les terrifie se trouve à l’intérieur d’eux-mêmes, ils ne l’écouteront pas. Au contraire, ils se jetteront sur lui et l’assassineront.
Quel est le rôle véritable tenu par le démon? Je crois fermement, ainsi que l’annonce l’Évangile, à l’existence des démons. Il serait bien imprudent de nier leur existence, de les considérer comme un mythe. Mais avec la psychologie moderne qui, à sa manière, découvre l’âme de l’homme, je pense que des forces et des impulsions incontrôlées peuvent agir comme de mauvais esprits. Ainsi pour nous, l’essentiel c’est de reconnaître l’existence du mal et du péché qui exerce des ravages en tout homme. Personne n’échappe à son emprise. Il serait imprudent de tomber dans la panique, dans la psychose du démoniaque et de voir des démons partout… Il nous faut surtout prendre garde de ne pas nous adonner à une curiosité malsaine. L’Écriture nous avertit de leur présence malveillante et de leur proximité, mais elle le fait dans le but de nous en éloigner.
Un autre point à retenir est celui-ci : Comment faut-il s’y prendre pour s’en débarrasser? Nier l’existence du mal et du Malin, c’est pratiquer la politique de l’autruche, celle du moindre effort, leur laisser la porte ouverte, laisser libre cours au mal. Je vous propose donc d’adopter l’attitude que nous propose l’Évangile. Nous pouvons ouvertement admettre l’existence du mal et chercher à nous en débarrasser. Si le mal prend des proportions telles qu’il ne laisse aucun doute sur l’action diabolique directe, alors il faut l’exorcisme avec la prière demandant à Dieu d’accomplir un miracle. Mais il convient de ne pas agir à la hâte. Si le mal apparaît sous une forme plus atténuée, mais de manière persistante, il nous faut encore, avec les armes spirituelles qui nous sont offertes par Dieu pour notre vie ordinaire et quotidienne, dominer les impulsions naturelles qui s’emparent de nous et qui nous asservissent; il faut résister à la tentation sexuelle, à l’alcoolisme, à la cupidité, à la paresse, à l’orgueil, à la colère, à la haine, à la vanité, et que sais-je encore…
Le combat ne sera pas facile, car ainsi que le dit Albert Einstein, il est plus facile de dénaturer le plutonium que d’exterminer le mal en l’homme. Et l’apôtre Paul lui-même nous dit : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas » (Rm 7.19).
Mais venons-en au texte biblique déjà cité (Lc 11.21-26). Jésus parle d’un mauvais esprit chassé d’un homme. Mais lorsque la demeure est nettoyée, le démon y retourne avec sept autres démons plus forts et plus méchants que lui, et l’homme possédé, qui pouvait penser qu’il s’était défait une fois pour toutes de l’esprit malin, tombe dans une situation pire que sa situation première.
C’est là tout le problème. Qui va remplacer le vide laissé par le démon? Peut-il vraiment exister un vide, un état de neutralité chez l’être humain? Absolument pas. Car l’homme est ou bien habité par l’Esprit de Dieu ou bien par le démon. Personne n’est à l’abri de la séduction; personne ne peut prétendre vivre dans une asepsie spirituelle totale. Le démon rôde partout comme un « lion rugissant » et les impulsions naturelles que nous accueillons avec tant de complaisance peuvent devenir le pire des asservissements.
Quel est notre mal? Physique, moral, psychique ou démoniaque? Dans tous les cas, Jésus-Christ reste le seul Libérateur. Des hommes et des femmes, dans le passé comme de nos jours, ont été arrachés à leur mal et sont sortis de leur bourbier parce que Jésus-Christ a pris contrôle sur leur vie.
Les démons sont toujours là, que ce soit de manière souterraine ou qu’ils réapparaissent ouvertement et effrontément à la surface chaque fois que les hommes les appellent de leurs vœux. Ils ne disparaîtront qu’à la fin, lorsque Dieu les mettra hors d’état de nuire une fois pour toutes. Ne nous effrayons pas, car le grand Sauveur, Jésus-Christ, le Fils de Dieu, les a vaincus. Il les a blessés à mort. Actuellement, nous ressentons leurs derniers soubresauts, avant leur fin misérable. Mais n’oublions jamais de prier : « Délivre-nous du Malin. »