Cet article sur Luc 23.1-26 a pour sujet le procès de Jésus devant Ponce Pilate et Hérode qui a montré l'injustice du monde, mais aussi qui nous prépare à porter notre croix de souffrances pour son nom.

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8 pages.

Luc 23 - Le procès de Jésus-Christ

« Ils se levèrent tous ensemble, et conduisirent Jésus devant Pilate. Ils se mirent à l’accuser, en disant : Nous avons trouvé celui-ci qui incitait notre nation à la révolte, empêchait de payer l’impôt à César, et se disait lui-même Christ, roi. Pilate l’interrogea en ces termes : Es-tu le roi des Juifs? Jésus lui répondit : Tu le dis. Pilate dit aux principaux sacrificateurs et à la foule : Je ne trouve rien de coupable en cet homme. Mais ils insistèrent et dirent : Il soulève le peuple en enseignant dans toute la Judée, où il a commencé depuis ici. Quand Pilate entendit cela, il demanda si cet homme était Galiléen; ayant appris qu’il relevait de l’autorité d’Hérode, il le renvoya à Hérode qui se trouvait aussi à Jérusalem en ces jours-là. Lorsqu’Hérode vit Jésus, il en eut une grande joie, car depuis quelque temps il désirait le voir à cause de ce qu’il avait entendu dire de lui, et il espérait lui voir faire quelque miracle. Il l’interrogea assez longuement, mais Jésus ne lui répondit rien. Les principaux sacrificateurs étaient là et l’accusaient avec véhémence. Hérode, avec ses gardes, le traita avec mépris; et après s’être moqué de lui et l’avoir revêtu d’un habit éclatant, il le renvoya à Pilate. Ce jour même, Pilate et Hérode devinrent amis, d’ennemis qu’ils étaient auparavant.

Pilate convoqua les principaux sacrificateurs, les chefs et le peuple, et leur dit : Vous m’avez amené cet homme comme entraînant le peuple à la révolte. Voici : je l’ai interrogé devant vous et je ne l’ai trouvé coupable d’aucune des fautes dont vous l’accusez. Hérode non plus, car il nous l’a renvoyé, et voici : cet homme n’a rien fait qui soit digne de mort. Je le relâcherai donc après l’avoir fait châtier. À chaque fête, il était obligé de leur relâcher un prisonnier. Ils s’écrièrent tous ensemble : Fais mourir celui-ci, et relâche-nous Barabbas. Ce dernier avait été mis en prison pour une émeute qui avait eu lieu dans la ville, et pour un meurtre. Pilate leur adressa de nouveau la parole, avec l’intention de relâcher Jésus. Mais ils criaient : Crucifie! Crucifie-le! Pilate leur dit pour la troisième fois : Mais quel mal a-t-il fait? Je n’ai rien trouvé en lui qui mérite la mort. Je le relâcherai donc, après l’avoir fait châtier. Mais ils insistèrent à grands cris, en demandant qu’il soit crucifié. Et leurs cris l’emportèrent. Pilate rendit un arrêt conforme à leur demande. Il relâcha celui qui avait été jeté en prison pour une émeute et pour un meurtre, et qu’ils réclamaient; mais il livra Jésus à leur volonté. Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix, pour qu’il la porte derrière Jésus. »

Luc 23.1-26

L’Évangile selon Luc rapporte, au chapitre 23, le procès de Jésus-Christ devant le gouverneur romain Ponce Pilate et le roi Hérode. Nous réfléchirons ensemble sur les conditions de ce procès, et de sa signification pour nous aujourd’hui.

Voilà à quoi ressemble le procès que le monde intente au Messie de Dieu : fondamentalement injuste. Tout, dans ce récit, démontre qu’aucun interrogatoire mesuré et juste n’a eu lieu. « Et leurs cris l’emportèrent. » Et pourtant, au milieu de ce tumulte, n’est-il pas frappant d’observer le silence de Jésus? Pourquoi reste-t-il si silencieux, pourquoi ne se défend-il pas? Il le fait, car, comme il l’avait dit à ses disciples plus tôt : « Mon heure est arrivée » (Jn 12.23). Et à ceux qui étaient venus l’arrêter, il avait dit : « Mais c’est ici votre heure, et le pouvoir des ténèbres » (Lc 22.53). L’heure de Jésus est aussi l’heure du procès que le monde intente au Messie, l’heure durant laquelle toutes les puissances du mal, la force du mensonge, sont révélées publiquement. Jésus se tait après avoir confirmé sa royauté devant le sanhédrin, c’est-à-dire le conseil religieux juif, et devant le gouverneur Ponce Pilate. Car en restant silencieux, il confirme sa royauté : Il prouve que sa royauté n’est pas faite de cris, de tumulte et de fureur, mais de shalom, c’est-à-dire de paix profonde avec Dieu.

Mais comment l’heure de Jésus peut-elle être en même temps celle du procès contre le Messie de Dieu? Ceci n’est-il pas contradictoire? Non, car en cette heure de ténèbres, Dieu transforme le procès fait à Jésus-Christ en un procès contre le monde. Dieu condamne le mensonge et l’injustice du monde et les crucifie en la personne de Jésus-Christ. N’est-ce pas pour cela que le Messie est venu sur terre? Oui en effet, durant ce procès-là, le monde est sur le chemin de sa condamnation et de sa perte, tandis que Jésus-Christ est sur le chemin de sa résurrection. Et non seulement Jésus-Christ, mais tous ceux qui ont part à ses souffrances. Dans un procès injuste, Jésus porte sa croix afin de montrer à ses disciples comment porter la leur.

Mais comment cette injustice se manifeste-t-elle? Devons-nous vraiment porter chacun une croix? Cela fait-il partie de la vie du chrétien? Quelle est la signification profonde d’une telle croix? Quelle issue devons-nous attendre d’un tel chemin? Revenons sur le récit du procès de Jésus et voyons ensemble comment l’injustice du monde se manifeste lors de ce procès. Ce texte n’est pas seulement un récit dramatique, qui nous saisit au plus profond de nous-mêmes chaque fois que nous le relisons. Il est aussi plein d’ironie, d’une ironie amère qui donne une dimension particulière à cet aspect de l’injustice du monde. En effet, n’est-il pas ironique de voir que Jésus est accusé de soulever le peuple et de leur enseigner à ne pas payer l’impôt à César, l’empereur romain (deux mensonges évidents, car à aucun moment il ne l’a fait)? Au même moment, c’est Barabbas, un homme qui se trouvait en prison justement pour avoir provoqué une sédition dans la ville et s’était rendu coupable de meurtre, qu’on va relâcher. N’est-il pas ironique de voir que Barabbas devient le premier homme à être libéré par le fait de la souffrance de Jésus, lors de cet échange injuste de sentences?

N’est-il pas ironique aussi d’observer l’attitude d’Hérode vis-à-vis de Jésus? Avec Hérode, nous avons affaire à ce genre d’homme dont la curiosité ne promet rien de bon. Vraisemblablement un homme blasé par les plaisirs et les raretés qu’on peut voir à la cour d’un roi mondain. Mais maintenant, il pense avoir trouvé l’occasion de voir ce qu’il n’a jamais vu auparavant : un miracle effectué par Jésus… De la magie en exclusivité pour lui et ses gens! Mais Jésus se tait. Jésus retient le miracle tant attendu pour trois jours plus tard. Un miracle que des millions de croyants accepteront par la foi. Mais Hérode, lui, ne l’acceptera pas. Car il s’agit d’autre chose que de magie. Et par dépit de ce que sa curiosité n’a pas été satisfaite, Hérode et ses sbires retournent au genre de plaisirs auxquels ils sont habitués : les actes barbares si typiques du cirque antique, faits de cruauté et d’humiliation.

Cependant, Jésus savait à quoi s’attendre de la part d’Hérode. Auparavant, quelques pharisiens étaient venus vers lui pour lui dire de s’en aller en d’autres lieux, car Hérode cherchait à le mettre à mort. Il leur avait alors répondu : « Allez dire à ce renard : Voici, je chasse les démons et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain; et le troisième jour, ce sera l’achèvement » (Lc 13.32). Rien ni personne, pas même Hérode, ne pouvait empêcher Jésus d’achever son œuvre. Et Jésus prophétisait ainsi le moment où son œuvre serait achevée : le troisième jour, jour de la résurrection, à laquelle Hérode ne voudra pas croire. Mais Jésus ne se laisse pas dicter quand et où il accomplira un miracle. Car le vrai Roi c’est lui! Pendant ce temps, Hérode, le roi terrestre qui ne reconnaît pas que sa royauté lui vient de Dieu et que le Messie de Dieu se tient devant lui, se moque de la royauté de Jésus : il le fait revêtir d’un habit rouge, justement symbolique de la royauté. Quelle ironie que le procès de Jésus soit caractérisé par la confession involontaire de sa royauté : une confession qui condamne ceux qui la prononcent tout en s’en moquant…

Mais voilà Jésus renvoyé devant Pilate. N’est-il pas ironique de voir qu’à travers ce renvoi, la personne de Jésus devient la cause d’une amitié entre Hérode et Pilate? Le Messie de Dieu, venu pour apporter la réconciliation entre Dieu et les hommes, devient la cause d’une amitié entre deux hommes qui étaient auparavant des ennemis… Pilate et Hérode, les deux gouvernants impliqués dans une lutte politique l’un contre l’autre en Palestine, deviennent amis, d’ennemis qu’ils étaient. Quel genre d’amis, me demanderez-vous! Amis pour livrer un innocent à la vindicte d’une foule hystérique qui veut répandre son sang. En cette heure de ténèbres, le Malin n’est-il pas plutôt la cause d’une telle amitié? Et enfin, n’est-il pas ironique de voir que Pilate tente à plusieurs reprises de sauver la vie de Jésus? Jésus reste silencieux et ne se défend pas, et Ponce Pilate, le procurateur romain, tente en vain de convaincre la foule que l’accusé n’a rien fait qui mérite la peine de mort.

Pilate aurait-il de la sympathie pour Jésus? Serait-il peut-être un disciple secret de Jésus (comme l’était Nicodème, le membre du sanhédrin juif), et serait-ce la raison pour laquelle il essaie de le sauver? Ou bien Pilate est-il un homme de paix qui déteste toute effusion de sang inutile? Non, absolument pas. L’homme qui n’a pas hésité à faire tuer des Galiléens pendant qu’ils offraient des sacrifices n’éprouve pas de scrupule à verser le sang. Non, tout simplement, Pilate fait son travail, il juge la cause selon les procédures habituelles et ne trouve aucun motif pour faire condamner Jésus. Qui plus est, Pilate sait très bien que les principaux sacrificateurs ont fait livrer Jésus par motif de jalousie (c’est ce que nous lisons dans l’Évangile selon Marc). Mais Pilate ne prend pas au sérieux la royauté de Jésus, tout comme son nouvel ami Hérode. Quoi? Cet homme qui se tient devant moi est le roi des Juifs, le grave danger pour l’Empire de Rome et la paix romaine? Mais où sont donc ses troupes? Qu’il soit donc le roi des Juifs, si cela lui plaît… Oui, où sont les troupes de Jésus en cette heure? Le dernier de ses soldats, son disciple Pierre, vient de le renier. Donc, cet homme n’est aucunement dangereux.

Ce qui est en jeu, pour le procurateur Pilate, c’est la fameuse impartialité du système judiciaire romain, dont il est le garant. Et voilà que commence une lutte dramatique entre cet homme et la foule autour de cette impartialité.

« Mais ils insistèrent à grands cris, en demandant qu’il soit crucifié. Et leurs cris l’emportèrent. Pilate rendit un arrêt conforme à leur demande. Il relâcha celui qui avait été jeté en prison pour une émeute et pour un meurtre, et qu’ils réclamaient; mais il livra Jésus à leur volonté. »

Voilà à quoi ressemble le procès intenté par le monde contre le Messie de Dieu : fondamentalement injuste. Les mêmes autorités qui ont instruit ce procès forceront la croix de Jésus sur Simon de Cyrène. « Comme ils emmenaient Jésus, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, pour qu’il la porte derrière Jésus » (Lc 23.26). Oui, ces mêmes personnes le forcèrent à avoir part à la souffrance de Jésus, même si ce ne fut que pour un moment : il marcha ainsi sur les traces de Jésus.

Que signifie donc porter sa croix? Comment un vrai disciple le fait-il? On pourrait penser que la mention de Simon de Cyrène n’est qu’un détail dans l’ensemble du récit de la crucifixion de Jésus, mais ce serait oublier trop facilement les mots de Jésus au chapitre 14 de l’Évangile de Luc : « Quiconque ne porte pas sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple » (Lc 14.27). Dans l’Évangile selon Jean au chapitre 15, Jésus dit aussi à ses disciples : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jn 15.20). Il est vrai que Simon de Cyrène n’eut pas le choix. De plus, il n’était pas un disciple de Jésus. À ce moment précis, il devient malgré lui une illustration vivante de ce que Jésus voulait dire, lorsqu’il expliqua ce que signifie être un de ses disciples. La croix de Christ devient sa croix.

Il n’est pas impossible que le sens de cette souffrance partagée avec Jésus à ce moment précis de sa vie lui soit devenu clair bien plus tard. On peut supposer, d’après les données du Nouveau Testament, que ses enfants et sa femme sont devenus des disciples plus tard. Mais ce qui est important pour chacun de nous est de comprendre le sens profond de cette notion, porter sa croix, dont Simon de Cyrène est devenu une vivante illustration. Peut-être pouvons-nous le faire en regardant de manière plus large ce que « porter sa croix » ne signifie pas.

Porter ma croix ne signifie pas souffrir par les conséquences que mes propres péchés ont sur ma vie. Dans la première lettre de Pierre, nous lisons :

« Car c’est une grâce que de supporter des peines, par motif de conscience envers Dieu quand on souffre injustement. Quelle gloire en effet, y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir péché? Mais si, tout en faisant le bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce devant Dieu. C’est à cela en effet que vous avez été appelés, parce que Christ lui aussi a souffert pour vous et vous a laissé un exemple, afin que vous suiviez ses traces » (1 Pi 2.19-23).

Oui, Pierre, le dernier soldat de Jésus, qui le renia pendant son procès, a appris dans l’intervalle ce que c’est que d’être un vrai disciple de Jésus en public. Et l’apôtre Paul aussi, au sujet duquel le Seigneur dit à Ananias :

« Va, car cet homme est pour moi un instrument de choix, afin de porter mon nom devant les nations et les rois, et devant les fils d’Israël; et je lui montrerai combien il faudra qu’il souffre pour mon nom » (Ac 9.15-16).

Ce même Paul qui reçut un mandat de Jésus-Christ (et notons que Paul ne choisit pas ce mandat, mais l’accepta) écrivit aux chrétiens de Colosse :

« Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée dans ma chair à ce qui manque aux afflictions du Christ pour son corps. C’est d’elle que je suis devenu serviteur. J’ai été chargé par Dieu de vous annoncer pleinement la parole de Dieu » (Col 1.24-25).

Oui, porter notre croix ne signifie pas ressentir les dures conséquences de nos propres péchés dans notre vie; ne nous abusons pas là-dessus. Au contraire, cette croix a quelque chose à voir avec le témoignage que nous rendons à l’Évangile.

Cela dit, « porter sa croix » ne signifie pas que chaque disciple a reçu le mandat de devenir missionnaire ou évangéliste à plein temps, quelqu’un qui doit souffrir dans des circonstances particulières liées à la prédication de l’Évangile dans un pays étranger, par exemple (comme ce fut le cas de l’apôtre Paul). Porter sa croix signifie plutôt suivre Jésus publiquement, en confessant son nom, témoigner de la puissance de l’Évangile au milieu et en dépit de la souffrance qui souvent est causée par un monde injuste. Cela implique souffrir au nom de la sainteté de Dieu, au nom de sa loi, de sa justice sous toutes ses facettes. Et le faire avec l’attitude de Jésus pendant son procès. En d’autres termes, porter ma croix signifie accorder une nouvelle dimension à ma souffrance, une dimension qui a quelque chose d’intime à voir avec la royauté de Jésus-Christ sur ma vie et sur le monde entier.

Cela dit, porter ma croix ne signifie aucunement que je puisse effectuer par moi-même la rémission de mes péchés, que je devienne un ouvrier avec Christ de cette rémission des péchés. Et ce n’est pas non plus ce qui arriva à Simon de Cyrène, qui avait été forcé par les soldats romains de porter la croix de Jésus sur le chemin de Golgotha : il n’aurait jamais été en état d’accomplir par lui-même la rémission pour ses propres péchés. Malheureusement, nous voyons chaque année dans certains pays, au moment de la célébration de Pâques, une déformation de l’idée de « porter sa croix » : non seulement certaines personnes, à cette occasion, marchent pendant des kilomètres en portant une lourde croix sur eux, mais d’autres se font littéralement crucifier sur une croix pendant une heure ou deux. Une espèce de masochisme païen essayant de gagner pour soi-même la rédemption, ou peut-être d’expier ses fautes en provoquant volontairement une souffrance physique, a ici remplacé la vraie foi. Un tel geste n’est rien d’autre qu’un refus d’accepter que le sang du Fils de Dieu versé une fois pour toutes à Golgotha a été suffisant pour opérer la réconciliation de tous les croyants avec Dieu, quel qu’en soit le nombre. Les vrais croyants ont part à la justice de Dieu en portant les fruits que cette justice provoque en eux.

Or, une partie de ces fruits est de marcher sur les pas de Jésus lorsqu’il avance vers Golgotha. Les croyants demandent souvent : « Pourquoi cela m’arrive-t-il? Quel est le sens de cette souffrance que le Seigneur permet? C’est injuste, je ne le mérite pas. » Reconnaissons qu’ici-bas nous ne disposons pas d’une réponse entièrement satisfaisante, car seul Dieu sait pourquoi certaines choses arrivent. Peut-être ne recevrez-vous jamais d’explication totalement claire durant cette vie terrestre. Les forces des ténèbres sont actives, Satan jouit encore, pour peu de temps, de la souffrance infligée aux hommes, particulièrement de la souffrance endurée par les enfants de Dieu. Il utilise les circonstances pour essayer de faire vaciller ces derniers. Mais Dieu reste en contrôle de la destinée de chacun. Et il nous donne, au cours de cette vie terrestre, une réponse claire, et un ordre : « Mon enfant, je laisse ceci t’arriver, je permets à cette souffrance de t’atteindre afin que tu deviennes un vrai disciple de mon Fils; afin que tu portes ta croix et suives ses traces. » Le prix d’être un disciple, c’est le titre, traduit de l’allemand, d’un livre du théologien Dietrich Bonhoeffer, livre dans lequel il écrivit qu’être un disciple de Jésus signifie toujours le suivre sur le chemin de Golgotha. Et c’est ce que Bonhoeffer fit lui-même : il fut pendu en 1945, à l’âge de 39 ans, sur l’ordre d’Adolphe Hitler, car Bonhoeffer s’était opposé à l’injustice fondamentale de la politique et du régime nazi.

Nous parlons de souffrance, de suivre Jésus-Christ, mais ne lisons-nous pas quelque part que les humains ont le droit à la poursuite du bonheur? Oui, certes, nous lisons cela quelque part, mais pas dans la Bible… La Bible ne nous propose pas une sorte de foi béate et irréaliste. Croire sans payer le prix de sa foi n’est pas le fait d’un véritable disciple. Et si la tentation me prend de rêver de vivre une foi facile, alors il me faut me repentir, me convertir d’une telle perspective, et prier le Saint-Esprit qu’il écarte de moi cette perspective faussée sur ce qu’est la vraie foi chrétienne. Il me faut prier afin que l’Esprit de Dieu me remplisse d’un sentiment juste de ce que signifie être disciple. Car la Bible enseigne que la lutte contre le péché continue, et que le péché est injustice; or une partie de cette lutte consiste à porter sa croix pour l’amour de l’Évangile et de Christ. C’est ainsi que les croyants glorifient Dieu. Car ce faisant, ils montrent qu’ils sont greffés en Christ, qu’ils font partie de son corps, qu’ils marchent sur ses traces.

En portant votre croix, vous reconnaissez et confessez sans honte qu’il est votre Sauveur et qu’il a été pendu sur la croix pour vous. Et si vous êtes amenés à souffrir d’une manière injuste, si vous devenez la victime d’un monde injuste, si vous êtes éprouvés d’une manière ou d’une autre, vous devez placer Jésus-Christ, en qui vous êtes greffés, au centre même de votre souffrance. Pas sur le côté, mais au centre même. C’est de cette manière que vous portez votre croix. Un croyant n’essaie pas de faire de sa souffrance une affaire privée qu’il tente de cacher à Jésus-Christ. C’est au contraire en ce temps d’épreuve qu’il ou elle s’approche de son Sauveur en une communion plus profonde, car il sait que son Roi, en lequel il est greffé, a souffert pour lui. Il regarde vers les cieux, sachant que le Seigneur Jésus est assis à la droite du Père. Il sait que le corps de Jésus-Christ, qui a été martyrisé sur terre, est maintenant glorifié, mais il sait aussi que le corps glorifié du Seigneur porte encore les marques de sa crucifixion… Et cela, oui cela seulement, donne au croyant, au vrai disciple, la force de porter sa croix. Dans sa vie, un tel disciple est en état de porter sa croix bien plus loin que Simon de Cyrène ne la porta au jour de la crucifixion de Jésus.

Si donc Christ prend une place centrale dans la souffrance d’un disciple, si vous êtes prêts à porter votre croix, selon le commandement du Seigneur, et continuez à témoigner de la sainteté de Dieu, de son Évangile, de sa justice sous toutes ses formes, alors quelque chose de mystérieux et de bien réel se produit : cette croix devient plus légère à porter, même si elle reste aussi imposante. Elle devient plus légère à porter si vous l’abordez avec une telle foi, mais elle devient de plus en plus lourde si vous ne voulez pas la porter de cette manière, et bien davantage encore si vous ne voulez pas la porter du tout. Ceux qui acceptent de la porter avec foi feront l’expérience de la véracité des promesses de Jésus dans l’Évangile selon Matthieu :

« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé, et mon fardeau léger » (Mt 11.28-30).

En tant que croyant, vous croyez qu’il a porté vos péchés et votre condition d’être humain pécheur. Il a porté pour vous la croix qui autrement aurait signifié la mort éternelle pour vous, si vous aviez dû la porter vous-même. Maintenant, vous avez part à ses souffrances, mais vous savez aussi que sa souffrance vous place sur le chemin de la résurrection. Car ce qu’une telle souffrance met à mort en vous, c’est l’ancienne nature pécheresse qui diminue et même disparaît avec l’injustice du monde. Si vous acceptez de porter votre croix de cette manière, en plaçant Christ en son centre, vous recevez une bénédiction : la nouvelle nature humaine grandit en vous, elle devient de plus en plus mûre, elle se renforce par la force de l’Esprit de Christ. Vous commencez à revêtir la forme de votre Sauveur. Vous jouissez des premiers fruits de la résurrection. Donc, une telle souffrance est remplie d’espérance… Dieu délivre, il libère. Un grand nombre de Psaumes, dans la Bible, sont remplis de cette espérance. Ils débutent avec un cri de détresse, et terminent avec un chant de louange au Dieu qui libère.

Oui donc, nous savons qu’en Jésus Christ notre libération, notre délivrance a été accomplie de manière définitive. Remplis de cette espérance glorieuse, nous sommes maintenant prêts à porter notre propre croix et à suivre Jésus sur ses pas, quelle que soit la taille de cette croix. L’apôtre Paul résume ceci de manière puissante lorsqu’il écrit à son jeune ami Timothée, dans la deuxième lettre qu’il lui adresse :

« Cette parole est certaine : si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui; si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui; si nous le renions, lui aussi nous reniera; si nous sommes infidèles, lui demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2 Tm 2.11-13).

C’est encore Paul qui écrit, dans sa lettre aux chrétiens de Rome :

« L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers; héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec lui » (Rm 8.16-17).