Cet article sur Marc 1.16-17, Marc 14.67-72 et Jean 21.15-19 a pour sujet l'histoire de Pierre son appel à suivre Jésus, son reniement, sa restauration et son exhortation à accepter la souffrance du disciple du Christ.

Source: Méditations sur la vie chrétienne. 5 pages.

Marc 1 - Marc 14 - Jean 21 - Quo vadis? - L'histoire de Pierre

« En passant le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient leurs filets dans la mer; en effet, ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Suivez-moi et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. »

Marc 1.16-17

« Pendant que Pierre était en bas dans la cour, il vint une des servantes du souverain sacrificateur. Elle vit Pierre qui se chauffait, le regarda en face et lui dit : Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth. Il le nia en disant : Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. Puis il sortit pour aller dans le vestibule. La servante le vit et se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : Il est de ces gens-là. Il le nia de nouveau. Peu après, ceux qui étaient présents dirent encore à Pierre : Certainement, toi aussi, tu es de ces gens-là; car tu es Galiléen, et tu parles comme eux. Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. Aussitôt pour la seconde fois le coq chanta, et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. Alors il se mit à pleurer. »

Marc 14.66-72

« Après qu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jonas m’aimes-tu plus que ne le font ceux-ci? Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Prends soin de mes agneaux! Il lui dit une seconde fois : Simon, fils de Jonas m’aimes-tu? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Sois le berger de mes brebis. Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu? Pierre fut attristé de ce qu’il lui avait dit pour la troisième fois : M’aimes-tu? et il lui répondit : Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Prends soin de mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu attachais toi-même ton vêtement et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te l’attachera et te mènera où tu ne voudras pas. Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suis-moi. »

Jean 21.15-19

Quo vadis, Domine? Ceux qui ont lu le célèbre roman d’Heinrick Sienkiewicz se souviennent sans doute de la question qu’il place sur les lèvres de l’apôtre Pierre vers la fin de son œuvre. « Où vas-tu, Seigneur? », demande Pierre à Jésus quand celui-ci lui apparaît lorsqu’il fuit la persécution déclenchée par Néron. À sa question, le Seigneur répond : « Je vais subir le martyre à ta place… » Je crois que l’intuition du romancier ne l’a pas trompé. Elle illustre la vie de Pierre dès l’instant où il a fait la connaissance du Maître jusqu’à la fin de sa vie. Mais, bien entendu, c’est vers l’Évangile que nous nous tournerons pour mieux saisir les fils qui tissent la prodigieuse carrière du jeune et fougueux Galiléen que fut l’apôtre à ses débuts…

Lorsque Jésus l’appela à le suivre, Pierre n’était pas seul dans la barque familiale; à ses côtés se trouvaient aussi son vieux père Jonas et son frère André. C’est avec celui-ci qu’il entendit l’appel du Maître et qu’il y répondit aussitôt, en quittant sur-le-champ son père, les filets et la barque. « Suis-moi, lui dit Jésus, et je ferai de toi un pêcheur d’hommes. » Cet appel et sa réponse font partie de ces actes historiques qui vont bientôt bouleverser toute la trame de l’histoire mondiale. Ce n’était pas une destinée individuelle qui se jouait en cet instant, même si les répercussions sur les affaires familiales durent être lourdes de conséquences. Heureux Jonas, qui as accepté, apparemment sans rechigner, la perte de tes fils! Tant de pères désolés et découragés ne perdent leur fils que pour des raisons futiles… Quant à toi, sais-tu que le prix que tu as consenti à payer a permis de tourner — à partir de ta barque et dans cette plage balayée par les vagues de la Tibériade dans l’obscure province de la Galilée — l’une des pages clés de l’histoire humaine?

Pourquoi suivre Jésus? Pour quelle raison ces jeunes assurés de leur avenir acceptèrent-ils de tout quitter pour suivre un jeune prophète inconnu? Était-ce pour l’aventure ou encore à cause d’une crise existentielle aiguë, comme on dirait aujourd’hui? Car ce sont là des prétextes et des maladies qui frappent la jeunesse… Et que je déplore, mais que je n’excuserai pas. Combien de jeunes ont aussi tout quitté, mais pour quels pauvres motifs… Combien de jeunes sont allés jusqu’au bout de leur quête et n’ont trouvé que le désenchantement, parfois même le désespoir et le suicide…

Pierre et André, eux, furent saisis par la vérité, placés sur la voie, en communion avec la vraie vie. D’où, plus tard, cette émouvante déclaration de Pierre : « Voici que nous avons tout quitté et que nous t’avons suivi » (Mc 10.28). Et à une autre occasion : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6.68).

Voilà, mes amis, Pierre et ses compagnons n’ont pas été les seuls, au cours de vingt siècles d’histoire, à apprendre que Jésus nous libère de toutes sortes d’intérêts futiles, en tout cas pas essentiels, et qu’on ne peut que lui répondre : Je crois, je viens, je te suis…

« Pendant que Pierre était en bas dans la cour, il vint une des servantes du souverain sacrificateur. Elle vit Pierre qui se chauffait, le regarda en face et lui dit : Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth. Il le nia en disant : Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. Puis il sortit pour aller dans le vestibule. La servante le vit et se mit de nouveau à dire à ceux qui étaient présents : Il est de ces gens-là. Il le nia de nouveau. Peu après, ceux qui étaient présents dirent encore à Pierre : Certainement, toi aussi, tu es de ces gens-là; car tu es Galiléen, et tu parles comme eux. Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. Aussitôt pour la seconde fois le coq chanta, et Pierre se souvint de la parole que Jésus lui avait dite : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois. Alors il se mit à pleurer » (Mc 14.67-72).

Le fait de suivre Jésus mit une fois Pierre dans une situation peu glorieuse. Acculé jusqu’à ses derniers retranchements, il tomba dans le piège infernal tendu contre lui pendant cette terrible nuit que nous appelons le Jeudi saint, rempli par tant d’événements douloureux et par tant de honte. Pourtant, quelques moments plus tôt, il avait donné une nouvelle et réelle preuve de son attachement à Jésus. Dans le jardin de Gethsémané, à peine éclairé par la lueur de quelques torches, Pierre avait tenté de résister; et il n’y était pas allé de main morte! Pour commencer, il avait coupé l’oreille de l’officier venu arrêter Jésus, ce Malchus qui dut se souvenir longtemps de cette soirée… Non, Pierre n’avait pas été lâche, ce fait même en témoigne. Mais le Maître, ce Messie pour qui il avait tout abandonné, n’était pas celui des rêves de Pierre. Il lui reprocha ce zèle belliqueux et lui ordonna de remettre son épée dans le fourreau, allant jusqu’à guérir la blessure du soldat! Lorsqu’à la suite de cette tentative de défense avortée tous abandonnèrent Jésus, Pierre, lui, fut le seul à le suivre jusqu’au tribunal où se déroula le procès le plus inique de toute l’histoire humaine.

Sans doute aperçut-il, parmi toutes les figures exhalant la haine, le visage calme de Jésus « tel un agneau que l’on mène à la boucherie… » (És 53.7). Il avait juré de lui rester fidèle jusqu’à la mort, mais il était peut-être secoué par un dur combat intérieur. Pourquoi braver le danger et risquer peut-être même sa vie? Pourquoi appartenir à un groupuscule dont le chef, au lieu de lutter pour sa royauté, apparaît comme une victime sans défense, comme un malheureux prisonnier condamné d’avance? Pourquoi croire que la souffrance de cet homme-là annonçait nécessairement le message de Dieu? N’aurait-il pas dû faire aussitôt demi-tour et s’enfuir? Abandonner tout cela pour regagner sa barque et reprendre sa vie d’autrefois?

Et voici qu’au milieu de ce conflit déchirant apparaît cette jeune servante, bavarde et agaçante, qui le fait tomber d’un seul coup… « Toi aussi, tu étais avec lui! » Non, jura Pierre, il n’était pas avec lui! Et entraîné dans sa chute par une irrésistible force démoniaque, après « des imprécations » (on sait ce que peuvent les jurons des marins!), Pierre se mit carrément à renier Jésus. « Non, je ne connais pas cet homme! » Grossier et médiocre, Simon Pierre… Quel contraste frappant entre lui et Jésus! Celui-ci reste fidèle jusqu’à la mort. Le disciple, lui, insiste dans son reniement. Tous ses serments et toutes ses déclarations enflammées de jadis s’envolent comme un fétu de paille. Voilà un homme bien inconstant que ce Pierre, chef des apôtres…

Mais c’est pour cet homme-là, et à vrai dire pour de tels hommes, vous et moi y compris, que Jésus resta fidèle jusqu’à la mort. Alors, nous dit l’Évangile de la passion, « le coq chanta et Pierre se souvint ». Car à cet instant il croisa le regard de Jésus. Quo vadis, Pierre? « Il sortit, et dehors, il pleura amèrement » (Mt 26.75). Ce regard de Jésus permit que le disciple tombé si bas ne se perde pas définitivement. Jésus allait donner sa vie pour cette brebis égarée, pour toutes les brebis égarées… Nos larmes de repentir ne coulent qu’à la suite du regard miséricordieux que le Christ pose sur nous. Elles contiennent l’espérance et annoncent le salut. L’Agneau de Dieu est véritablement celui qui ôte, qui efface, toutes nos lâchetés.

« Après qu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon Pierre : Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne le font ceux-ci? Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Prends soin de mes agneaux! Il lui dit une seconde fois : Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu? Pierre lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Sois le berger de mes brebis. Il lui dit pour la troisième fois : Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu? Pierre fut attristé de ce qu’il lui avait dit pour la troisième fois : M’aimes-tu? et il lui répondit : Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Prends soin de mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu attachais toi-même ton vêtement et tu allais où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes mains, et un autre te l’attachera et te mènera où tu ne voudras pas. Il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu. Après avoir ainsi parlé, il lui dit : Suis-moi » (Jn 21.15-19).

La scène suivante se déroule quelques jours après les événements dramatiques du Jeudi saint. Entre Pierre et Jésus, il y a une nouvelle rencontre et, figurez-vous, un nouvel appel : « Suis-moi. » Comment imaginer la détresse du renégat? Pierre avait perdu doublement son Maître. D’abord, lors de son reniement, ensuite physiquement, lorsqu’il vit le corps de Jésus déposé dans la tombe. Il devait être le plus malheureux et le plus découragé de tous les disciples… Mais il fut réhabilité de manière imméritée et inespérée. Bonne nouvelle pour toi, Pierre, et que nous partageons avec toi! Tu m’appartiens, dit Jésus, car je suis mort pour toi. Pierre fut le premier disciple à qui la résurrection fut annoncée. Et un tête à tête avec Jésus se déroula bientôt.

Le Seigneur lui posa la question à trois reprises : « Pierre, m’aimes-tu? » C’était comme retourner un couteau dans une plaie ouverte… Es-tu avec moi? De tout ton cœur? Mais oui, Seigneur, tu le sais… Tu sais que je t’aime, pourquoi me troubler? Ne suis-je pas suffisamment humilié? Or, lorsque Jésus nous pose cette question avec une telle insistance, est-ce pour nous peiner, pour nous confondre? Assurément pas. Comment pourrait-il lui venir à l’esprit de nous humilier, lui qui a offert sa vie pour chacun d’entre nous? Bien au contraire, il réitère son invitation par ce persistant et contraignant « toi, suis-moi ». Mais cette fois-ci, pour le suivre, il ne faut ni orgueil ni complaisance avec soi. La foi en la grâce suffit. L’ordre donné par Jésus est aussi réconfort; il rassure : Toi, suis-moi quoi qu’il advienne, car je suis là pour te soutenir…

« Quelle gloire, en effet, y a-t-il à supporter de mauvais traitements pour avoir péché? Mais si, tout en faisant le bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce devant Dieu. C’est à cela, en effet, que vous avez été appelés, parce que Christ lui aussi a souffert pour vous et vous a laissé un exemple, afin que vous suiviez ses traces » (1 Pi 2.20-21).
« Bien-aimés, ne soyez pas surpris de la fournaise qui sévit parmi vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’étrange. Au contraire, réjouissez-vous de participer aux souffrances du Christ, afin de vous réjouir aussi avec allégresse, lors de la révélation de sa gloire » (1 Pi 4.12).

Des écrits ultérieurs de Pierre, retenons le thème de la souffrance. Le disciple fougueux s’obstinait jadis à vouloir empêcher le Maître de gravir le Calvaire. À présent, il explique le pourquoi de la souffrance. En voici le double aspect tel que Pierre l’expose : Jésus a subi la passion pour nous. Nul ne peut répéter celle-ci ni prétendre y apporter la moindre contribution. Mais Jésus a laissé aussi un exemple, et ses disciples doivent suivre ses pas. Ne rêvons donc pas d’une vie exempte d’épreuves et d’une mission assurée contre l’échec, car, dans ce cas, nous serions placés sur une voie peut-être triomphante, tout au moins apparemment, mais qui ne serait pas celle du Christ. Plus loin, Pierre précise qu’il ne faut pas s’étonner lorsque l’épreuve s’abat sur nous. Il n’y a rien d’étrange dans la souffrance du disciple du Christ. C’est le contraire qui devrait nous étonner, et même nous inquiéter… Là où les disciples du Christ sont trop honorablement reçus, il y a, en général, quelque chose de bizarre.

Cela peut même annoncer bien du malheur pour l’Église et pour les chrétiens… Non pas que ceux-ci doivent chercher la souffrance en tant que telle ou inciter le monde à les persécuter; mais je persiste à croire, avec Pierre et avec tout l’Évangile, que celui qui confesse Jésus-Christ, et pour cette raison refuse les normes, valeurs, et idéologies dominantes, ne sera pas épargné. Il sera ressenti comme une entité étrange et étrangère, incompatible avec le monde où il jette le trouble dans les consciences. Il sera donc éprouvé, voire persécuté. Mais un mot d’avertissement : Toute souffrance qui se dit chrétienne n’est pas nécessairement due à l’imitation du Christ. Il peut y avoir des blessures et des malheurs qui ne sont qu’occasion et prétexte pour se glorifier…

Quant à nous, écoutons Pierre et restons dans la légitime et unique succession apostolique et dans le feu purificateur, ce creuset de la souffrance qui imite celle du Sauveur, afin que notre communion avec lui soit parfaite et que notre joie demeure profonde et durable.

Quo vadis, Domine? Église de Jésus-Christ, suis-tu le Seigneur et rien que lui? Celui de l’Évangile et de toute l’Écriture?