Cet article sur Matthieu 28.18-20 a pour sujet la mission que l'Église a reçue du Seigneur Jésus de proclamer sa souveraineté universelle, qui établit la nature de l'Église et le contenu de sa proclamation.

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Matthieu 28 - L'Église en mission

« Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. Quand ils le virent, ils l’adorèrent. Mais quelques-uns eurent des doutes. Jésus s’approcha et leur parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Donc, allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »

Matthieu 28.18-20

  1. Une nouvelle ère a commencé
  2. La souveraineté universelle du Christ
  3. Le fondement de l’Église en mission
  4. La nature de l’Église et le contenu de sa mission
  5. Dieu est avec nous dans cette mission

Je vous propose de méditer sur la signification de la mission de l’Église, à la lumière d’un passage fondamental du Nouveau Testament, la fin de l’Évangile selon Matthieu, au chapitre 28, les versets 16 à 20 cité ci-haut. L’épisode narré se situe après la résurrection de Jésus-Christ.

1. Une nouvelle ère a commencé🔗

Pouvez-vous imaginer un changement de situation plus abrupt et plus radical que celui auquel durent faire face les onze disciples, au moment de la résurrection de Jésus? Celui qui, quelques heures plus tôt, était crucifié sur une croix, méprisé, abandonné de tous, vient vers eux après sa victoire sur la mort, pour proclamer sa souveraineté sur toutes choses, que ce soit dans les cieux ou sur la terre. Serons-nous surpris de lire que quelques-uns des disciples eurent des doutes, comme Matthieu le rapporte? Et pourtant, les onze sont là, ceux que Jésus lui-même appelle « mes frères ».

Par deux fois, les femmes, premiers témoins de la résurrection, ont reçu l’ordre de dire aux disciples d’aller le rejoindre en Galilée, sur une certaine montagne où il les rencontrerait. « Conférence au sommet » s’il en fut… Pour les onze, il ne s’agit pas du tout d’une réunion d’anciens élèves, remplie de la nostalgie du bon vieux temps! Durant cet événement crucial, qui marquera leur vie de disciples pour toujours, Jésus-Christ proclame qu’une ère nouvelle dans l’histoire du monde a commencé. Une ère durant laquelle son autorité, sa souveraineté sur toutes choses devront être proclamées et le seront, tout simplement parce qu’il détient aussi une autorité entière sur cette proclamation. Rien n’empêchera cette proclamation de progresser, simplement parce qu’elle est enracinée dans la dynamique irrépressible de la résurrection même de Jésus.

Et depuis, la véritable Église de Jésus-Christ a compris ce mandat comme sa raison d’être. À travers les âges, à travers les époques de prospérité et de persécution, l’Église, le vrai corps spirituel du Christ ressuscité, a été animée, ravivée, poussée par le Saint-Esprit pour cette proclamation nécessaire. Le cri de ralliement de l’Église primitive était « Iesous Kurios », ce qui, en grec, veut dire « Jésus est Seigneur ».

Cependant, il n’est peut-être pas toujours clair pour chacun de nous quelle est la relation entre d’une part l’autorité proclamée du Christ dans les cieux et sur la terre, et d’autre part l’Église et la mission. Le texte de Matthieu 28 nous invite à explorer cette relation en soumission à l’Esprit de Dieu, car seul l’Esprit Saint enseigne aux élus les voies de Dieu en ce qui concerne son plan pour le monde. Nous pouvons résumer cette relation de la manière qui suit : Le Seigneur de toutes choses confie à son Église la mission de proclamer sa souveraineté universelle.

2. La souveraineté universelle du Christ🔗

Voyons d’abord quelle est l’étendue de cette souveraineté. Vous vous souvenez sans doute que le contenu de la prédication de Jésus, dès le début, avait été « le royaume des cieux », « la bonne nouvelle du royaume ». Dans Matthieu 4, verset 17, nous lisons : « Dès lors, Jésus commença à prêcher et à dire : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » Et un peu plus loin, au verset 23, nous lisons à nouveau : « Jésus parcourait toute la Galilée, il enseignait dans les synagogues, prêchait la bonne nouvelle du royaume, et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple. » Marc, quant à lui, note la réaction des gens qui furent les témoins de cet enseignement : « Tous furent saisis de stupeur, de sorte qu’ils se demandaient les uns aux autres : Qu’est-ce que ceci? Une nouvelle doctrine donnée avec autorité! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent » (Mc 1.27).

Jésus manifesta son autorité dès le début de son ministère, il ne laissa aucun doute sur qui détient l’autorité, même sur les démons. Cependant, à la veille de son départ de la terre, Jésus souligne cette autorité devant ses frères, et en fait le thème même de la proclamation à venir. Il est le Roi du royaume, il a reçu des mains du Père le pouvoir de régner, la seigneurie sur toutes choses. Sa victoire sur la puissance de la mort a confirmé sa royauté. Et cette royauté est permanente, rien ni personne ne saurait la lui reprendre. Cela, c’est l’Évangile, la Bonne Nouvelle : Christ règne à jamais!

3. Le fondement de l’Église en mission🔗

Et puis vient ce qu’on appelle généralement la grande commission, c’est-à-dire l’ordre missionnaire que l’Église comprend comme étant le mandat qui lui est confié par Christ d’aller vers toutes les nations et de faire d’elles des disciples. C’est notre second point, que nous pouvons résumer de la façon suivante : l’Église en mission est née de cette autorité, et en dérive son mandat.

La grande commission est souvent comprise comme l’ordre fondateur d’une activité importante de l’Église, mais une activité parmi bien d’autres. Cependant, le texte avec lequel nous avons commencé notre méditation nous apprend bien autre chose. Nous n’avons ici rien de moins que la déclaration fondatrice de l’Église de la Nouvelle Alliance, avec ses vraies marques. C’est pourquoi nous devrions considérer la grande commission, l’ordre missionnaire, comme faisant intégralement partie de cette déclaration fondatrice de l’Église. Nous ne devrions en aucun cas comprendre l’ordre missionnaire comme une activité parallèle ou consécutive de l’Église!

Nous avons vu qu’au début de son ministère, Jésus annonçait la venue du royaume de Dieu. Par et après sa résurrection, il confirme sa royauté sur ce royaume. Et voilà que Jésus souligne qu’il donne l’ordre missionnaire à ses disciples sur la base de sa royauté : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Donc, allez et faites de toutes les nations des disciples. » En d’autres termes, c’est justement parce que toute autorité, tout pouvoir lui a été donné, que ses disciples reçoivent l’ordre d’aller et de faire des disciples. D’un côté, nous avons la déclaration de ce qui est un fait, une donnée : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. » On pourrait appeler cela l’« indicatif » de Dieu. De l’autre côté vient le commandement d’aller et de faire des disciples, ce que nous pourrions appeler l’« impératif » de Dieu. Mais ce commandement, cet impératif de la mission divine n’est pas une simple option. Il est enraciné dans l’indicatif de « tout pouvoir m’a été donné ». Ne pas obéir au commandement d’aller et de faire de toutes les nations des disciples, c’est tout simplement nier que tout pouvoir a été donné à Jésus-Christ!

Mais une dynamique irrépressible est contenue dans l’indicatif de la royauté universelle de Christ. Est-il étrange que cette dynamique s’exprime dans le commandement du Seigneur d’aller partout et de faire des disciples qui reconnaîtront cette souveraineté universelle? En fait, Jésus insiste sur ce fait en envoyant ses disciples vers toutes les nations, pas vers quelques-unes seulement, et ce justement parce que son autorité est universelle et doit être reconnue comme telle. Et lorsqu’un peu plus tard Jésus monte aux cieux, il prouve une fois de plus la dimension universelle de cette autorité sur toutes les nations. Désormais, Christ règne depuis le ciel sur l’univers tout entier. Après son ascension, nous comprenons finalement la signification profonde de ce qui est écrit au Psaume 2 : « Je publierai le décret de l’Éternel; il m’a dit : Tu es mon Fils! C’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et pour possession les extrémités de la terre; tu les briseras avec un sceptre de fer. Comme le vase d’un potier, tu les mettras en pièces. »

Voyons maintenant quelles conséquences nous pouvons tirer de cet enseignement aussi bien en ce qui concerne la nature de l’Église, qu’en ce qui concerne la nature et le contenu de sa mission.

4. La nature de l’Église et le contenu de sa mission🔗

Dans le commandement donné par Jésus à ses disciples, nous trouvons les marques qui constituent la véritable Église : l’administration du sacrement du baptême et la prédication qui enseigne à garder tout ce qu’il a enseigné. Ce sont là les vraies marques de l’Église, comme le déclare une confession de foi du temps de la Réforme, que je cite ici :

« L’Église s’adonne au pur enseignement de l’Évangile; elle administre de façon pure les sacrements comme Christ les a institués; elle pratique la discipline ecclésiastique pour corriger les fautes. En bref, elle est gouvernée selon la pure Parole de Dieu, rejetant toutes choses qui vont à l’encontre de celle-ci, et tenant Jésus-Christ comme son seul Chef. »

Et, selon la pure Parole de Dieu telle que nous la lisons dans Matthieu 28, les disciples sont constitués en Église missionnaire. C’est en effet dans le cadre de la proclamation missionnaire que les marques constitutives de l’Église lui sont attribuées : à savoir administrer les sacrements et prêcher la Parole dans sa totalité. Et bien sûr, parmi les choses auxquelles l’Église doit obéir et qu’elle doit enseigner se trouve le commandement d’aller vers toutes les nations et d’en faire des disciples. N’est-ce pas en effet le dernier commandement du Christ à ses disciples avant son ascension au ciel? Qu’il est merveilleux de trouver dans la formulation même de notre passage de l’Évangile un compte rendu parfait de l’irrépressible dynamique du royaume…

À la lumière de ces paroles, nous comprenons qu’il ne nous est pas simplement commandé d’enseigner les paroles que le Seigneur Jésus-Christ lui-même nous a enseignées, mais qu’il nous est commandé de leur obéir, si nous voulons être appelés sa véritable Église. L’Église véritable obéit joyeusement à son Seigneur, tandis que l’Église infidèle vit dans un cocon, complètement tournée sur elle-même, jusqu’à ce qu’elle meure, car elle a nié les principes qui fondent son existence, les principes institués par le Seigneur lui-même… Cette Église infidèle a oublié le sens profond de la grande promesse de l’alliance faite à Abraham : « Toutes les nations seront bénies en toi » (Gn 12.3). Elle a oublié que Jésus-Christ accomplit aussi cette promesse à travers son Église fidèle, qui est son corps. Oui, obéir à toutes les choses enseignées par notre Seigneur et les enseigner à son tour, voilà la grande tâche de l’Église. Ceci nous donne bien sûr le cadre de notre enseignement missionnaire. Résumons-le succinctement : L’Église en mission enseigne tout ce que le Seigneur a commandé.

Les mots grecs « Iesous Kurios », c’est-à-dire « Jésus est le Seigneur », constituaient, nous l’avons déjà vu, la proclamation de la véritable Église, parmi ses membres et dans le champ de la mission. Jésus est le Seigneur, car tout pouvoir dans le ciel et sur la terre lui a été donné. Mais notre proclamation missionnaire ne se satisfera pas d’un slogan répété à l’envi, sans que toutes ses facettes soient exposées. Jésus dit à ses disciples : « Apprenez-leur à obéir à tout ce que je vous ai commandé. » La tâche de l’Église n’est pas d’attendre des nations un changement formel de religion, ou bien encore de leur indiquer simplement comment leurs âmes peuvent être sauvées. L’Église doit enseigner une obéissance de disciple dans tous les aspects de la réalité créée par Dieu, la réalité sur laquelle le Christ règne.

Avez-vous noté combien proches l’un de l’autre sont les mots « disciple » et « discipline »? Un dictionnaire donne la définition suivante du mot « discipline » : « entraînement systématique à l’obéissance ». Est-ce que nous acceptons pour nous-mêmes ce genre d’entraînement, avant de vouloir l’enseigner à d’autres? Cherchons-nous cette obéissance systématique dans la sphère culturelle, politique ou économique, dans les activités artistiques ou universitaires? Vivons-nous avec une vision du monde chrétienne qui a comme fondement le motif de l’Église primitive « Iesous Kurios », « Jésus est le Seigneur »?

Enseigner honnêtement à d’autres à obéir à tout ce que Jésus-Christ a commandé exigera de nous une nécessaire introspection, un regard sur nous-mêmes : ce genre d’introspection qui confesse nos propres péchés culturels, c’est-à-dire tous les éléments de notre propre culture qui sont en rébellion ouverte à la loi de Jésus-Christ. Ce genre d’introspection qui demande pardon au Seigneur chaque fois que, dans une vraie repentance et humilité, guidés par l’Esprit de Jésus-Christ, nous en venons à reconnaître nos propres idoles et à les détruire. Animés par un tel esprit, par un amour réel de ceux à qui nous adressons notre proclamation, nous pouvons alors nous lancer dans cette grande commission et obéir au commandement missionnaire. Nous pouvons le faire d’un cœur joyeux et apaisé, d’autant plus que nous avons reçu une promesse extraordinaire, la promesse de la présence constante de notre Seigneur.

5. Dieu est avec nous dans cette mission🔗

Et ceci nous amène vers la fin de notre exposé sur l’Église en mission. Nous pouvons résumer ce dernier point de la façon suivante : Dans la mission qu’il confie à son Église, Jésus-Christ est « Emmanuel », c’est-à-dire « Dieu avec nous ».

« Et voici : je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » C’est par ces mots que se termine l’Évangile selon Matthieu. Mais est-ce vraiment une fin? Bien plutôt, c’est l’expression de la plénitude de la présence de Dieu avec ses enfants, en Christ. Rappelez-vous, au début de son récit, Matthieu écrit, en parlant de la naissance de Jésus : « Tout cela arriva afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait déclaré par le prophète : Voici que la vierge enfantera un fils et on lui donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous » (Mt 1.22). Cette présence est maintenant promise aux disciples envoyés dans sa mission. Ils ne devraient pas craindre, car celui qui calma une fois la tempête sur le lac demeure avec eux.

Donc, lorsque nous faisons face aux difficultés de la proclamation missionnaire — et elles sont nombreuses et semblent souvent insurmontables —, nous devrions nous rappeler des mots de notre Seigneur à ses disciples effrayés sur la petite barque : « Hommes de peu de foi, pourquoi avez-vous peur? » Car dans la mission qu’il confie à ses disciples, Jésus Christ demeure « Emmanuel », « Dieu avec nous ». Tout pouvoir dans le ciel et sur la terre lui a été remis, et ce pouvoir, cette autorité s’étend naturellement sur la proclamation de sa Parole. À travers cette proclamation, tous les élus de Dieu seront sauvés. Ceci aussi est Évangile, c’est-à-dire « Bonne Nouvelle ».

Jésus-Christ demeure « Emmanuel », « Dieu avec nous », lorsqu’il envoie son Esprit Saint le jour de Pentecôte. Et que se passe-t-il à Pentecôte? Dieu lui-même amène aux disciples des gens de toutes nations rassemblés à Jérusalem. Jésus commandait à ses disciples d’aller vers les nations, et Dieu, dans sa grâce ineffable, amène les nations vers eux! Et le Saint-Esprit les rend capables de communiquer avec tous ces gens… La grande promesse de l’alliance faite à Abraham est accomplie : « En toi, toutes les nations seront bénies. » L’Église, désormais équipée par l’Esprit puissant de Dieu, est prête à exécuter la grande commission de son Seigneur. Ceci aussi est « Évangile », « Bonne Nouvelle ». C’est pourquoi, aujourd’hui tout comme hier, nous pouvons aller, d’un cœur deux fois apaisé et rempli de joie, dans la mission qui nous est confiée par notre souverain Seigneur, avec l’assurance qu’il demeure à toujours près de nous.