Cet article a pour sujet la régénération opérée par le Saint-Esprit, le moment où elle se produit, la nécessité de la prédication de la Parole et la foi qui en résulte.

Source: Essai sur le Saint-Esprit et l'expérience chrétienne. 3 pages.

La naissance d'en haut - Le moment de la régénération

À propos de l’instant où s’effectue la régénération, une certaine théologie se réfère à un passage paulinien selon lequel nous aurions été ensevelis et ressuscités avec le Christ. La régénération coïnciderait avec la mort et la résurrection du Seigneur. Cette opinion rejette ainsi l’idée, qualifiée de piétiste, selon laquelle un changement peut effectivement intervenir dans notre existence personnelle. Pourtant, l’Écriture insiste fortement sur notre conversion personnelle qui doit être effective et visible. L’importance de la croix n’est décisive que pour la défaite et l’anéantissement du pouvoir du péché. Avec le professeur Meulemann, nous pensons « qu’il serait aussi erroné de dire que nous avons été régénérés au Calvaire que de soutenir que nous sommes morts au paradis1 ».

Certes, notre régénération témoigne de notre mort avec le Christ. Pour combattre des idées synergistes, c’est-à-dire de coopération dans le salut entre Dieu et l’homme, les théologiens réformés ont établi une distinction fort opportune entre les deux sens de la régénération : un sens étroit, qui est le changement conscient de l’homme; un sens large, qui est la sanctification de l’homme régénéré. Un prochain chapitre traitera de cette dernière. Contentons-nous ici d’examiner le sens étroit de la régénération. Nous avons été suffisamment explicite quant à la nature de la foi qui ne peut être considérée comme une contribution apportée au salut ni au perfectionnement de la vie nouvelle.

Les enfants issus des familles appartenant à l’Alliance de grâce, même lorsqu’ils n’ont pas entendu la Parole et ne sont pas en mesure de croire la Parole, peuvent néanmoins être régénérés. Les conditions d’entrée dans le Royaume, telles qu’elles ont été exposées dans Jean 3.3, s’appliquent avec la même force aux enfants. Mais si les enfants de croyants décèdent en bas âge sans avoir encore donné le signe d’une foi active, les promesses faites aux parents assurent qu’ils sont régénérés, car ils sont bénéficiaires des promesses attachées à l’Alliance de grâce. Notre affirmation ne contredit nullement le lien qui doit exister entre foi et nouvelle naissance. Elle tient plutôt à nous assurer que la foi d’un enfant d’un croyant, qui naît par l’écoute de la Parole, se développera activement lorsque celui-ci parviendra à l’âge adulte. Cette nouvelle naissance se produit au sein de l’Église qui instruit les enfants de parents croyants. Nous insistons sur ce point, la promesse de régénération des enfants de l’Alliance est incluse dans l’Alliance de grâce que Dieu a établie avec nous et nos enfants. C’est celle-ci qui légitime la pratique réformée du baptême des enfants de familles croyantes (et seulement eux).

Un autre point va encore révéler l’importance de la distinction que nous venons d’établir entre la régénération au sens étroit et la régénération au sens large. Il s’agit de la persévérance dans la foi. Si, par exemple, durant une certaine période, la foi du croyant venait à s’affaiblir ou si, d’après les critères extérieurs, elle semblait prête à disparaître, néanmoins, en vertu de la miséricorde divine, elle sera conservée en puissance. Cette distinction démontre à sa manière que le Saint-Esprit n’ajoute aucun élément personnel à l’œuvre du Christ et permet de voir clairement que jamais la foi comme telle ne sera le produit naturel du cœur humain. Pour que le cœur s’ouvre, il aura fallu la victoire du Christ; autrement, c’est l’adversaire qui en serait le maître. Pour celui qui reconnaît la corruption naturelle de l’homme, l’entrée de l’Esprit est la manifestation de la rédemption en Christ, à qui le Père a donné son Esprit en abondance.

La différence entre le croyant et l’incroyant réside en la puissance de transformation de l’œuvre réconciliatrice du Christ, dont le pardon gratuit et immérité est totalement efficace. Cette différence ne se situe nullement en une qualité du croyant qui lui accorderait un privilège naturel, tandis que le second serait privé de l’offre de salut, de ce privilège propre au premier. Tout en maintenant la souveraineté de la grâce, prenons garde à ne pas isoler l’œuvre de l’Esprit de son opération à travers les moyens de grâce qui sont mis à notre disposition pour nourrir et fortifier la foi. En établissant cette distinction, nous nous en tenons aux indications bibliques selon lesquelles la régénération produit la foi consciente en la Parole. Elle ne fait qu’exprimer la vocation qui conduit l’homme à la foi. Mais prenons garde à ne pas considérer cette vocation comme une invitation pathétique adressée de la part de Dieu à croire; cette vocation est un appel efficace. L’œuvre illuminatrice du Saint-Esprit accompagne la prédication de l’Évangile. Le cœur, détourné de Dieu, se convertit. La lumière brille dans les ténèbres. Il va de soi que cette œuvre-là ne peut pas se dissocier de la proclamation de l’Évangile. Tout en insistant sur la promesse de régénération des petits enfants, nous reconnaissons la nécessité absolue de leur prêcher l’Évangile.

Si la foi est le don de Dieu, si elle est engendrée par l’Esprit et par la Parole, paradoxalement, elle est aussi un acte conscient de l’homme. Dès lors, l’homme prend plaisir à accomplir la volonté de son Père céleste. Une fois son cœur changé, il changera aussitôt l’orientation de ses actes. Ce ne sera pas uniquement l’extérieur qui sera affecté; désormais, nos actes deviendront des œuvres bonnes. Certes, notre régénération ne sera complète et entièrement visible que lors de l’avènement du Christ. Si notre cœur n’est pas encore entièrement pur et si nous bronchons tous les jours, le changement a déjà été amorcé. L’Esprit a ouvert les yeux de la foi. Le salut offert dans l’Évangile est une réalité dont nous vivrons désormais. Nous avons été libérés de la servitude du péché pour servir Dieu.

Le Christ est devenu notre justification et notre sanctification. Par la foi, nous offrons nos membres à Dieu comme des instruments de justice (Rm 6.1). Nous sommes soumis au Libérateur de tout notre cœur et régénérés par l’Esprit au moyen de la Parole; les sacrements serviront à nous rendre sensibles à cette œuvre; plus rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur (Rm 8.39).

Note

1. Notes dogmatiques.