Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet la foi en Dieu, rejeté par l'athéisme moderne, reconnu avec des erreurs par tous les peuples, et confessé par la foi chrétienne qui a reçu sa révélation en Jésus-Christ.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 6 pages.

Nous croyons en Dieu

« Néanmoins pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et par qui nous sommes. »

1 Corinthiens 8.6

Ce célèbre passage paulinien constitue le fondement de la confession de foi du Symbole de Nicée-Constantinople, et au-delà du Symbole, de la foi de l’Église universelle. « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. » Cette affirmation résonne comme l’écho de toute l’Écriture, qui nous révèle Dieu. Toute confession véritable de la foi commencera nécessairement par ce premier article du Symbole.

L’homme déchu de la grâce, ignorant, égaré, se trompant sans cesse, n’a pourtant jamais pu effacer de son cœur l’idée de Dieu. Au cours des âges, il a pu exister des personnes isolées professant l’athéisme, mais de mémoire d’homme, il n’a jamais existé de peuple, de tribu ou de nation ayant pu se passer de Dieu. Parfois, l’insensé dira dans son cœur : « Il n’y a point de Dieu » (Ps 53.2). Mais dans le cœur de l’humanité rationnelle, une voix intérieure, parfois à peine audible, a toujours protesté contre une telle absurdité. Il a toujours existé des théories erronées et des systèmes religieux faux ou imparfaits. Quel serait, d’ailleurs, le système qui, étant la création de l’esprit limité et faillible de l’homme, aurait la prétention de saisir l’infini?

Mais voici que le Fils incarné, le Seigneur de l’Église, déclara une fois pour toutes : « Nul ne peut connaître Dieu à moins que le Fils ne le révèle » (Jn 1.18). Bien imparfaitement, souvent dans l’erreur, toujours de façon obscure, n’apercevant seulement qu’une vague lueur, capable de ne saisir qu’une part infime de l’infini, tâtonnant sans cesse dans le brouillard du scepticisme, environné d’épaisses ténèbres spirituelles, malheureux dans la vallée de l’ombre de la mort, l’homme n’a jamais pu oublier son Dieu… Il lui a donné mille noms. Il l’a invoqué comme Ormuzd, l’a supplié comme Baal, l’a adoré comme le Zeus olympien ou l’a craint comme le Thor des Germains. Il a entendu le grondement du tonnerre et, effrayé, il l’a nommé Tonnerre. Lorsque son regard a été aveuglé par l’éclair éblouissant déchirant le ciel orageux, aussitôt il s’est incliné pour le prier comme son dieu-éclair. Il a tenté de l’approcher par mille subterfuges insensés; afin de l’apaiser, il lui a offert des sacrifices sanglants, tout en oubliant ses attributs de majesté divine et en piétinant ses saints commandements…

Cependant, la crainte n’a jamais été absente de son esprit, et pas un seul instant il n’a échappé à la hantise de celui qui lui était plus proche que le plus proche de ses intimes. Il est évident qu’il ne peut se passer de lui. Saint Paul déclarait aux Athéniens superstitieux : « Le Dieu inconnu que vous adorez sans le connaître, c’est lui que j’annonce » (Ac 17.23).

Il y a deux siècles, les esprits forts des Lumières jubilaient dans la quasi-certitude que l’athéisme allait définitivement s’emparer de tous les cerveaux et habiter désormais la raison émancipée des hommes modernes. Toute la somme d’intelligence des philosophes de l’époque avait été mobilisée pour déraciner la moindre trace de religion, pour faire disparaître, enfin, tout vestige d’une foi personnelle en Dieu.

Mais, suprême contradiction et ironie, même le plus fameux d’entre eux, Monsieur Voltaire, passait dans les salons littéraires de ces temps glorieux pour un bigot! Oui, vous avez bien lu, pour un bigot! Ne croyait-il pas à son dieu-horloger céleste? Quel superstitieux que l’illustre habitant de Fernay, Monsieur François Marie Arouet!

Mais bientôt, ces penseurs du Siècle des Lumières ne tardèrent pas à découvrir avec embarras que le respect et la vénération ancrés dans les cœurs des croyants étaient indéracinables. Ils avaient voulu ignorer que l’homme ne pourrait jamais se concevoir sans sa contrepartie, survivre hors de son élément vital, loin de Dieu, avec une négation aussi effroyable qu’insensée, et survivre aux exigences de son cœur affamé. Lorsque leurs contemporains entendirent parler de la négation de Dieu, ils réclamèrent aussitôt des philosophes et des révolutionnaires des affirmations positives. Nous constatons une fois de plus que l’esprit de l’homme, dans tous les âges et sous tous les climats, comme la nature, a horreur du vide! Il ne peut se satisfaire de négations. S’il ne faut plus croire en Dieu, demandait-on avec une légitime inquiétude, à quoi faut-il croire? Cette persistance avait quelque chose de sain, et même de salutaire en face des négateurs de l’indispensable fondement de l’être.

Le siècle suivant, malgré les vicissitudes que nous lui connaissons et les innombrables erreurs que nous lui reprochons, parvint à ramener de nouveau sur le tapis la question de Dieu.

Voici le 20siècle; il découvre à son tour que Dieu est effectivement au cœur de l’homme, ne serait-ce que comme son « éternel tourment », et que « le prochain siècle, lui, sera religieux ou ne sera pas1 ».

Le cœur de l’homme a besoin de certitude s’il ne veut pas mourir d’une inanition de l’âme plus terrible que toute autre faim. Pour cela, il lui faudrait sans tarder se tourner vers l’antique confession de Nicée et, s’associant à la multitude de ses confesseurs, déclarer à son tour : « Je crois en Dieu. »

Assurément peu nombreux sont les grands esprits, en ce siècle finissant, qui pourraient rallier les insensés du 18siècle et déclarer avec une suffisance doctrinaire que Dieu n’est pas.

Pendant une brève période de temps, on a supposé qu’après les philosophies des Lumières, la science moderne parviendrait à déraciner l’idée de Dieu. Certes, depuis toujours on avait estimé qu’il devait exister un Dieu créateur des cieux et de la terre. Il fallait bien un Dieu, pensait-on, qui puisse combler les lacunes du savoir humain, expliquer après coup notre existence sur la planète, un deus ex machina. D’autres, dans leur système logique et leur explication des mouvements de l’univers, ne laissaient aucune place pour « l’hypothèse Dieu ». Ils pensaient que leur savoir pouvait s’en passer, que leur science était en mesure d’expliquer la nature et d’en percer le mystère autrement qu’à l’aide d’une foi superstitieuse, de tracer l’origine des vastes étendues, résoudre le comment de l’étincelle qui jaillit, dévoiler le secret du feu incandescent du soleil, suivre le mouvement des corps célestes, connaître le pourquoi des reptiles, le comment du vol impétueux de l’aigle, décrire tout autre phénomène et toute manifestation merveilleuse de la vie. Oui, le « savoir nouveau » allait ouvrir le vaste livre de la nature, remonter vers l’origine des bêtes qui peuplent la savane, examiner minutieusement les secrets étonnants du règne animal, et la raison de la suprématie de l’homme sur lui.

Alors les hommes ont eu recours à un mot magique pour exposer au grand jour le mystère de la vie. Cette expression incantatoire n’était autre que celle de l’évolution des espèces. Ce n’était point Dieu qui expliquait l’univers, mais l’hypothèse de l’évolution des espèces. L’homme n’était pas créé; il était un simple animal évolué à partir d’un protozoaire dont on ignorait pourtant jusqu’au nom! Et lorsqu’il a fallu quand même se demander quel était cet ancêtre énigmatique de l’homme vertébré, bipède et doué d’intelligence, on a répondu, avec un parfait aplomb, qu’il s’agissait d’un être manquant sur la nomenclature des espèces jusque-là inventoriées, et l’inexplicable absence fut expliquée dans une formule dogmatique, devenue infaillible et intangible, le premier article du nouveau credo humaniste formulant la confession de foi de l’homme moderne : Je crois au chaînon manquant. Certes, il a fallu ergoter, élaborer quelque peu, émettre quelques hypothèses supplémentaires à son sujet, par moments créer même des pièces à conviction factices… On s’est évertué à expliquer que ce chaînon manquant a dû avoir un lien de parenté avec le singe ordinaire, lequel, à son tour, avait dû évoluer à partir d’un être qui lui serait inférieur…

Il n’entre pas dans mon propos de vous entraîner dans tous les méandres de la célèbre hypothèse de l’évolution laquelle, comme tout le monde sait, est davantage un labyrinthe sans issue pour doctrinaires obstinés du scientisme, que le résultat d’une recherche scientifique rigoureuse et vérifiable. Cependant, il est intéressant de noter que, de l’aveu même de ses propres tenants, la théorie de l’évolution des espèces n’est pas prête à expliquer de sitôt « le mystère de l’homme » ni à résoudre l’énigme de ses origines.

Car il faut supposer logiquement qu’à la suite du fameux chaînon manquant, il devrait exister des myriades d’autres chaînons manquants. Et même s’il fallait en admettre la plausibilité, il serait quasiment superflu de réduire la quantité de phénomènes complexes qui nous entourent à un pur phénomène primitif d’une rudimentaire simplicité. Même ainsi, réduit à ce strict minimum, la question essentielle, presque impertinente, demeure : pour les honorables négateurs de « l’hypothèse Dieu », comment le phénomène primitif simple a-t-il pu apparaître? Où en est l’origine?

Pourtant, admettons un bref instant, même à titre d’hypothèse, l’existence de ce premier être vivant, notre ancêtre commun à tous, hommes, vaches, crocodiles et araignées géantes, surgi des eaux des océans ou issu d’une éponge et capable d’engendrer un saint Paul, un saint Augustin, un Jean-Sébastien Bach ou des mortels ordinaires comme vous et moi. Si cet être monocellulaire primitif avait existé, hypothèse invérifiable, il faudrait quand même courber notre tête et confesser la foi en un Créateur : « Je crois en Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles. » Telle est d’ailleurs la conclusion de nombre d’esprits parmi les plus brillants du savoir moderne. À la suite de leurs investigations, ils savent qu’ils se trouvent en face d’une puissance, qu’ils nomment ici l’inconnu redoutable, là le mystère immense et fascinant…

Pour nous, confessant la foi, cet inconnu redoutable n’est autre que l’Ancien des jours, le Jahvé de Moïse, le Père de Jésus-Christ, le Créateur des cieux et de la terre et de tout ce qui existe, dont parle le Symbole de Nicée-Constantinople.

Telle a été la confession de foi de l’humanité dans son ensemble. Anciens comme modernes, juifs comme païens, Grecs comme Barbares, l’Occidental comme l’Oriental, le Noir de la brousse africaine ou les Esquimaux des igloos, penseurs intellectuels ou chercheurs scientifiques, depuis les débuts de l’humanité, ils ont, les mains jointes, confessé ce premier article du credo : nous croyons en Dieu.

Mais ici même, nous revendiquons une confession de foi strictement chrétienne, un credo spécifique à la religion du Christ.

Il ne suffit pas d’admettre l’existence d’un dieu, sans plus, reconnaissance dont l’histoire de l’humanité témoigne depuis ses origines. Celui que depuis toujours et partout les hommes ont craint, vénéré et invoqué, nous le découvrons dans l’absolue clarté de sa révélation. Ce n’est pas assez pour des cœurs tourmentés de reconnaître l’inconnu des Athéniens ou le redoutable mystérieux des savants modernes. Ils ne se contentent pas de divaguer au sujet d’un être suprême ou du mystère des superstitieux modernes s’adonnant à de nouveaux et aberrants ésotérismes.

Nos cœurs ont hâte de l’appeler par son nom véritable, le nom que lui-même se donne; nos esprits sont impatients de l’invoquer; nos lèvres sont mues d’une sainte émotion en lui adressant une prière en esprit et dans la vérité. À quoi nous servirait une puissance mystérieuse recherchée instinctivement, ou imaginée dans une psychologie quasi animale? Nous avons soif du Dieu vivant, lequel, dans sa grâce infinie, a daigné manifester son visage d’amour en dévoilant sa nature en Christ.

À moins que Dieu ne vienne nous éclairer de sa lumière, jamais nous ne saurons qui nous sommes et quelle est notre destinée. Or, par la foi, nous savons que nous sommes vivants grâce à Dieu, et que notre vie, comme celle de notre prochain et de nos bien-aimés, comme celle de millions et de millions d’étrangers, possède une valeur, la valeur que Dieu lui accorde et qui éclate sur chacune de nos existences.

Ce n’est pas en curieux que nous devons chercher Dieu, mais en sachant que sans lui notre vie est amputée; nous pourrons parler de lui parce qu’il nous parle en premier. En reconnaissant nos limites et notre fragilité, il nous sera possible de prononcer joyeusement « je crois, nous croyons ».

Poser la question de l’existence de Dieu n’a pas de sens, et en définitive il n’y a d’athée que l’homme frivole. Il n’y a de positivement irréligieux que l’état d’âme aride et brûlant, d’où sort l’ironie qui raille et qui méprise tout.

Avant de se moquer de Dieu, il faut que l’homme commence par se moquer de lui-même. Même si l’athéisme emprunte des masques divers et apparaît sous un visage nouveau, il est toujours une foi renversée, c’est-à-dire la foi en l’homme. Ainsi, il y a un athéisme spontané, celui de l’homme en révolte contre les lois de Dieu et qui les refuse. Voulant lâcher la bride à ses instincts, il décide de rejeter le joug d’une réalité supérieure dont il ressent l’existence comme contrainte et servitude.

C’est là un athéisme vulgaire, il semble servir uniquement d’alibi à une conduite immorale. Dans l’enchantement et la liberté des sens, l’envoûtement sexuel, les frénésies rythmées qui enivrent d’enthousiasme les foules, Dieu est un gêneur. Aussi n’a-t-on ni le temps ni le goût de prêter attention à sa personne. Les vagues d’anarchie et de nihilisme qui déferlent sur notre monde ainsi que nos civilisations malades elles-mêmes, ne sont-elles pas les indices de cette rupture avec Dieu?

Il existe aussi l’athéisme qui est le fruit d’une passion d’inassouvissement; blessé par le mal qui semble dominer la condition humaine, et ne pouvant s’y résigner, l’homme accuse Dieu. Puisque celui-ci est incapable de faire régner sur terre la justice et le bonheur, il incombe à l’homme de se substituer à lui. C’est ainsi que résonne la voix de l’athée Kirilof :

« Aujourd’hui, dit-il, l’homme n’est pas encore ce qu’il deviendra; il y aura un nouvel homme, heureux et fier, qui vaincra la souffrance et la terreur. Il sera lui-même un Dieu, et le Dieu là-haut ne sera plus.2 »

Le Symbole de Nicée-Constantinople est une confession de foi chrétienne. Il suppose et il propose une foi qui n’est pas le fait de l’instinct et que la plus profonde psychologie religieuse ne saurait formuler. Ni le savoir, ni la raison, ni aucune méditation profonde ne sauraient la créer. Elle nous est accordée gracieusement, à nous qui sommes disposés à ouvrir nos yeux à la révélation du Dieu de Jésus-Christ. Alors nous savons aussi qu’un seul mot, un mot sublime, rend cette foi et sa confession au Dieu unique incomparable, insurpassable et merveilleuse; elle ne cessera de nous plonger dans l’émerveillement et arrachera sans cesse de nos lèvres le cri de louange exaltée, nous emplissant d’une infinie reconnaissance : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant. »

Ainsi, la confession de foi de l’Église est un appel et une exhortation à nous joindre personnellement à toutes les générations des croyants du passé et du futur, à dire avec elles :

Nous croyons en Dieu, non pas en nous-mêmes ni à ce que nous voulons accomplir, ni à la solidarité humaine, ni à l’avenir que forgerait notre seul labeur.

Nous croyons en lui afin de ne plus vivre dans nos solitudes juxtaposées, avec nos désillusions, notre misère, le péché qui nous étouffe et la mort qui déjà nous arrache nos derniers soupirs.

Nous croyons en Dieu et le confessons devant tout homme, devant celui qui a cessé de croire ou devant celui qui s’appuie sur l’homme, roseau fragile…

Nous croyons et nous voulons le louer avec ravissement jusqu’au jour où nous le verrons tous face à face, pour le connaître tel que nous sommes connus de lui.

Nous croyons dans l’attente de son règne céleste, que sa puissance, par son Esprit et sa Parole, fait déjà avancer vers nous, pour nous. Nous croyons par son amour qui nous soutient et nous fait vivre chaque jour.

Notes

1. André Malraux.

2. Dostoïevski, Les Possédés.