Cet article a pour sujet la persévérance dans l'espérance au milieu des épreuves. Cette espérance n'est ni illusion ni utopie, mais vient de Dieu et est fondée sur Jésus-Christ et sur sa promesse de l'héritage éternel.

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Persévérer dans l'espérance

Que vaut la vie sans espérance? Et quelles raisons avons-nous d’espérer? Non pas espérer recevoir une petite augmentation de salaire en fin de mois, ou espérer qu’il fera beau ce week-end, mais espérer que les vicissitudes de la vie, la perspective de notre mort qui s’approche à pas lents, mais sûrs, l’épuisement des ressources de la planète et que sais-je encore ne constituent pas l’horizon ultime de notre existence. Soyons réalistes. À vue purement humaine, cette existence présente à la fois de très nombreux aspects enthousiasmants, fascinants, merveilleux, mais ils sont tous marqués par la dégradation, par l’échéance inéluctable de la disparition, ils sont rongés par un mal qui semble incurable. Sans parler de la laideur, de l’injustice ou de la souffrance qui heurtent notre sensibilité à chaque pas de la vie, que nous en soyons les spectateurs, les victimes voire la cause directe ou indirecte.

Oui, que vaut la vie sans espérance? Pas grand-chose, avouons-le. Mais d’un autre côté, une espérance mal placée ou illusoire ne nous consolera pas non plus. Travailler à améliorer nos conditions matérielles d’existence, à allonger la durée de notre vie de quelques années grâce à la prise de tel ou tel médicament, cela nous tient-il lieu d’espérance? Car ne nous leurrons pas, allonger la durée de notre vie nous donne davantage de temps pour méditer sur notre mort prochaine, sur les maux et misères de la vie. Et même si l’amélioration de nos conditions matérielles d’existence apporte un soulagement à notre existence quotidienne, il y a quelque chose de profondément ancré en nous qui réclame davantage, ce qu’aucune condition matérielle ne peut nous offrir : une perspective libératrice sur notre vie qui débouche sur l’éternité, la paix, le repos et la joie.

Est-ce un leurre que de rechercher cette perspective? Est-ce une chimère, une utopie tout à fait hors de notre portée? Pour certains, ce ne peut être au mieux que le sujet ou le thème d’œuvres d’art, qui embellissent notre vie en idéalisant ou stylisant nos attentes et nos perceptions de la réalité; ces œuvres d’art, que ce soient des poèmes, des romans, des peintures, des sculptures ou encore des compositions musicales, apportent un élément de beauté formelle, elles témoignent d’une créativité qui fait apparaître la réalité sous un jour inattendu, nouveau, parfois étrange et insoupçonné. Et certes, les œuvres d’art les plus réussies reflètent quelque chose de très profond qui résonne puissamment en notre for intérieur; elles nous parlent à leur manière de ce à quoi nous aspirons le plus ardemment.

Cependant, pour qu’il y ait une espérance qui soit autre chose qu’une chimère, il faut un objet, un but à cette espérance. Il faut quelque chose ou quelqu’un qu’on puisse s’approprier, vers quoi l’on tende; quelque chose ou quelqu’un à la fois extérieur à nous-mêmes et capable de nous habiter et de nous transformer en profondeur. Car si nous faisons de nous-mêmes, de nos ambitions et de nos plaisirs l’objet de notre espérance, alors nous retomberons toujours dans notre propre misère, celle qui nous caractérise naturellement. Tâcher de nous élever en prenant notre propre personne comme point de mire nous fera toujours retomber au plus bas par l’effet d’une loi de gravité incontournable.

Une espérance solide et indéracinable ne peut être ancrée en personne d’autre qu’en Dieu, celui qui a créé chacun de nous, celui qui nous accorde la vie, l’être et le mouvement jour après jour. Voici ce qu’en dit le Psaume 71, dans la Bible :

« Ô Seigneur Éternel, en toi j’espère, car, depuis ma jeunesse, toi, tu es mon appui! Oui, tu fus mon soutien dès ma naissance. Depuis que je suis né, tu me protèges. J’ai sans cesse motif de te louer » (Ps 71.5-7).

Mais l’espérance doit pouvoir être exprimée dans les moments de la plus grande affliction, lorsque justement rien ne semble ici-bas nous réconforter.

Un autre psalmiste, l’auteur du Psaume 42, dont l’âme est abattue et qui se souvient des jours heureux qui ne sont plus, écrit, quant à lui :

« Avec quelle émotion je me souviens du temps où, avec le cortège, je m’avançais en marchant à sa tête vers le temple de Dieu, au milieu de la joie et des cris de reconnaissance de tout un peuple en fête. Pourquoi donc, ô mon âme, es-tu si abattue et gémis-tu sur moi? Mets ton espoir en Dieu! Je le louerai encore car il est mon Sauveur » (Ps 42.5-6).

Et il conclut par ces mots :

« Mes membres sont meurtris, mes ennemis m’insultent, sans cesse, ils me demandent : Ton Dieu, où est-il donc? Pourquoi donc, ô mon âme, es-tu si abattue, et gémis-tu sur moi? Mets ton espoir en Dieu! Je le louerai encore, mon Sauveur et mon Dieu » (Ps 42.11-12).

Il peut paraître surprenant d’exprimer son espérance au moment où rien ne semble la justifier. Cela n’est possible que parce que l’objet de cette espérance transcende les conditions de notre vie; cet objet se trouve au-delà de nous-mêmes sans être pour autant inaccessible. Qui plus est, la Bible enseigne à plusieurs reprises que l’objet de l’espérance des croyants, Dieu, en est en même temps l’auteur! C’est lui qui la fait naître et la soutient dans le cœur de ceux qui lui font confiance. C’est lui qui définit l’objet de cette espérance en présentant à la vue des croyants son Fils bien-aimé, Jésus-Christ. Contempler Jésus-Christ par la foi, l’embrasser de tout son cœur, l’attendre comme l’épouse attend l’époux qui lui a été promis, c’est cela le cœur de l’espérance chrétienne.

L’apôtre Paul encourage ses lecteurs à persévérer dans cette espérance lorsqu’il écrit aux chrétiens de la ville de Thessalonique :

« Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et Dieu, notre Père, nous ont témoigné tant d’amour, et, par grâce, nous ont donné une source éternelle de réconfort et une bonne espérance. Qu’ils vous remplissent de courage et vous accordent la force de pratiquer toujours le bien, en actes et en paroles » (2 Th 2.16-17).

La nature de l’espérance chrétienne est telle qu’elle ne se contente pas d’attendre le secours divin en toutes circonstances; assuré de ce secours, de la présence divine quotidienne auprès de soi, le croyant motivé par cette foi et cette espérance entre en action, il pratique le bien.

L’espérance contemple les actes de Dieu dans le passé, sa fidélité, sa grandeur et sa toute-puissance; elle se repose sur lui pour le présent comme pour le futur et cela fait porter des fruits au croyant, cela motive ses actes, cela l’encourage au milieu des épreuves de toutes sortes. Il ne se laisse pas entraîner sur des voies glissantes qui reflètent la chute du genre humain, car il garde le regard fixé sur une réalité plus haute, incorruptible.

L’espérance ne peut donc être séparée ni de la foi ni de l’amour. Car elle n’existe que fondée sur les promesses prononcées par Dieu au cours de l’histoire des hommes, et ces promesses ne peuvent être saisies que par la foi. Ce lien entre la foi et l’espérance est exprimé on ne peut mieux par l’auteur de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament :

« La foi est une façon de posséder ce qu’on espère, c’est un moyen d’être sûr des réalités qu’on ne voit pas. C’est parce qu’ils ont eu cette foi que les hommes des temps passés ont été approuvés par Dieu » (Hé 11.1-2).

Oui, sans la foi, l’espérance n’aura aucune solidité, car elle perdra de vue son objet, celui qu’elle attend comme l’épouse attend son époux; elle doutera qu’il vient vraiment vers elle, elle perdra cette vision du futur promis et tournera à nouveau ses regards vers des objets qui n’en valent pas la peine.

Savez-vous comment se termine le livre de l’Apocalypse, le tout dernier livre de la Bible? Il conclut avec ces paroles qui résument l’objet de l’espérance chrétienne, lequel n’est rien moins que le retour du Christ : « Le témoin qui affirme ces choses déclare : Oui, je viens bientôt! Oh oui, qu’il en soit ainsi : Viens Seigneur Jésus! Que le Seigneur Jésus accorde sa grâce à tous » (Ap 22.20-21).

Nous avons déjà dit que Dieu, par son Esprit Saint, est à la fois celui qui suscite l’espérance dans le cœur des croyants et celui qui en est l’objet, en la personne de son Fils Jésus-Christ. Et si l’espérance reste vivante en dépit de toutes les circonstances adverses, c’est aussi parce que le Saint-Esprit de Dieu en ranime la flamme dans le cœur des croyants. Dans sa lettre aux Galates, l’apôtre Paul écrit ceci : « Quant à nous, notre espérance, c’est d’être déclarés justes devant Dieu au moyen de la foi. Telle est la ferme attente que l’Esprit fait naître en nous » (Ga 5.5).

Mais, avons-nous également dit, cette espérance est fondée sur des promesses que Dieu a faites aux hommes au cours de l’histoire, et qui demeurent fermes. Sans la connaissance de ces promesses, de cet héritage promis qui en forme le nœud, l’espérance ne peut prendre racine en nous. C’est pourquoi je voudrais maintenant vous parler de ces promesses et de cet héritage. Faisons-le en lisant un très beau texte, tiré du début de la première lettre de l’apôtre Pierre, dans le Nouveau Testament. Il commence le corps de sa lettre en louant Dieu pour l’espérance du salut accordée aux croyants :

« Loué soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Dans son grand amour, il nous a fait naître à une vie nouvelle, grâce à la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour nous donner une espérance vivante. Car il a préparé pour nous un héritage qui ne peut ni se détruire, ni se corrompre, ni perdre sa beauté. Il le tient en réserve pour vous dans les cieux, vous qu’il garde par sa puissance, au moyen de la foi, en vue du salut qui est prêt à être révélé au moment de la fin. Voilà ce qui fait votre joie, même si, actuellement, il faut que vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves : celles-ci servent à éprouver la valeur de votre foi. Le feu du creuset n’éprouve-t-il pas l’or qui pourtant disparaîtra un jour? Mais beaucoup plus précieuse que l’or périssable est la foi qui a résisté à l’épreuve. Elle vous vaudra louange, gloire et honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. Jésus, vous ne l’avez pas vu, et pourtant vous l’aimez; mais en plaçant votre confiance en lui sans le voir encore, vous êtes remplis d’une joie glorieuse qu’aucune parole ne saurait exprimer, car vous obtenez votre salut qui est le but de votre foi » (1 Pi 1.3-9).

Ce texte décrit l’espérance comme un héritage incorruptible qui a pour nom notre salut. Cette espérance se situe entre deux pôles, l’un qui a pris place, l’autre qui doit encore prendre place. Le premier, c’est le fait historique de la résurrection de Jésus-Christ, qui est la source de cette espérance, qui la met en marche en quelque sorte. Par cette résurrection, les croyants ont déjà acquis une vie nouvelle parce que par la foi en Christ ils sont ancrés, greffés en lui et vivent déjà de sa vie. Mais la manifestation complète de cette vie nouvelle attend maintenant la venue du second pôle, qui est l’apparition de Christ, à la fin des temps établis par Dieu. Cette apparition signifiera l’avènement de la vie de plénitude promise aux croyants, déjà inaugurée par la résurrection du Christ. Il en est le garant, par la vie incorruptible dont il a été revêtu à sa résurrection et qui est le sceau indestructible de l’espérance chrétienne.

Voici ce qu’en dit l’apôtre Paul à la fin de sa première lettre aux Corinthiens, lorsqu’il s’oppose à ceux qui prétendaient au sein de cette jeune Église qu’il n’y avait pas de résurrection des morts. Il leur démontre que si tel est le cas, alors Christ lui-même n’est sûrement pas ressuscité; il n’y a donc plus aucune raison d’espérer :

« Or, si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi n’est qu’une illusion, et vous êtes encore sous le poids de vos péchés. De plus, ceux qui sont morts unis au Christ sont à jamais perdus. Si c’est seulement pour la vie présente que nous avons mis notre espérance dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre des hommes. Mais, en réalité, le Christ est bien revenu à la vie et, comme les premiers fruits de la moisson, il annonce la résurrection des morts » (1 Co 15.17-20).

La foi en Jésus-Christ ne consiste pas à l’admirer et chercher à suivre l’exemple moral qu’il a donné et vécu dans ses actes et paroles, comme tant de courants au sein de l’Église ont voulu faire croire aux fidèles depuis plus de deux siècles. Cette foi-là, qui moralise à l’excès et veut finalement faire de nous-mêmes les agents de notre propre salut, nous rend en fait les plus à plaindre des hommes, car elle nous prive tout bonnement de l’espérance glorieuse promise et scellée par sa résurrection. Au contraire, la foi en Jésus-Christ regarde et tend vers le futur de la vie glorieuse à venir; c’est justement ce qui en fait une espérance vivante.

C’est donc entre ces deux pôles, entre le « déjà » et le « pas encore », que se déroule la vie des croyants. D’une part, elle est marquée par la foi en les promesses faites, par la semence de cette vie incorruptible déjà plantée dans leur cœur, mais d’autre part, avant le retour du Christ elle reste marquée par les vicissitudes de la vie, par des épreuves de toutes sortes. Pourtant, nous dit Pierre, ces épreuves servent de creuset à la foi marquée par l’espérance. Alors que la tendance naturelle serait de les considérer comme inutiles, nuisibles et même opposées au plan de salut qui fait l’objet de l’espérance chrétienne, la Bible au contraire assigne à ces épreuves un rôle nécessaire d’épuration pour la foi du croyant. Il s’agit bien d’une course d’obstacles, mais il n’y a pas de victoire pour celui qui refuse de prendre part à la course ou se dérobe aux épreuves de cette course. Une victoire facile, sans effort ni lutte, ne vaut ni louange, ni gloire, ni honneur à celui qui la remporte au prix du moindre effort.

Jésus-Christ a-t-il atteint la victoire de la résurrection sans aussi remporter l’épreuve de la souffrance et de la crucifixion? Le disciple ne peut être plus grand que son maître, n’est-il pas vrai? Or, un des obstacles, écrit Pierre à ses lecteurs, est constitué par le fait qu’ils n’ont pas vu Jésus de leurs propres yeux. Ils ont cru au message annoncé à son sujet par ceux qui ont été les témoins directs du ministère de Jésus, mais n’en ont pas été eux-mêmes les témoins. Il en va de même pour nous deux mille ans plus tard. D’où l’actualité des paroles de l’apôtre Pierre :

« En plaçant votre confiance en lui sans le voir encore, vous êtes remplis d’une joie glorieuse qu’aucune parole ne saurait exprimer, car vous obtenez votre salut qui est le but de votre foi » (1 Pi 1.8-9).

On peut dire que faire l’expérience de la joie glorieuse dont parle Pierre, c’est manifester qu’on a déjà obtenu le salut promis, même si c’est encore au milieu de grandes épreuves. À partir de là, on est en état de persévérer au milieu même de grandes afflictions, car on sait que le Dieu et Père de Jésus-Christ ne nous lâchera jamais. Persévérer dans l’espérance, c’est l’appel adressé aux croyants par Dieu, un appel qui éclate sur toutes les pages de la Bible. Paul, dans sa lettre à son jeune ami Tite, expose à la fois le contenu de cette espérance et les fruits qu’elle porte chez ceux qui la nourrissent :

« En effet, la grâce de Dieu s’est révélée comme une source de salut pour tous les hommes. Elle nous éduque et nous amène à nous détourner de tout mépris de Dieu, à rejeter les passions des gens de ce monde. Ainsi nous pourrons mener, dans le temps présent, une vie équilibrée, juste et pleine de respect pour Dieu, en attendant que se réalise notre bienheureuse espérance : la révélation de la gloire de Jésus-Christ, notre grand Dieu et Sauveur. Il s’est livré lui-même en rançon pour nous, afin de nous délivrer de l’injustice sous toutes ses formes et de faire de nous, en nous purifiant ainsi, un peuple qui lui appartienne et qui mette toute son ardeur à accomplir des œuvres bonnes. Voilà ce que tu dois enseigner, dans quel sens il te faut encourager et reprendre les gens. Fais-le avec une pleine autorité. Que personne ne te traite avec mépris » (Tt 2.11-15).

Parler de l’espérance chrétienne ne serait cependant pas complet si l’on n’évoquait les nouveaux cieux et la nouvelle terre promis par Dieu à l’avènement de Jésus-Christ, lors de son retour dans la gloire. Concluons donc en citant le passage du chapitre 21 du livre de l’Apocalypse qui en parle symboliquement en ces termes :

« Puis je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’existait plus. Je vis la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, descendre du ciel, d’auprès de Dieu, belle comme une mariée qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis une forte voix, venant du trône, qui disait : Voici la Tente de Dieu avec les hommes. Il habitera avec eux; ils seront ses peuples et lui, Dieu avec eux sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus et il n’y aura plus ni deuil, ni plainte, ni souffrance. Car ce qui était autrefois a définitivement disparu. Alors celui qui siège sur le trône déclara : Voici : je renouvelle toutes choses. Il ajouta : Écris que ces paroles sont vraies et entièrement dignes de confiance. Puis il me dit : C’en est fait! Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et le but. À celui qui a soif, je donnerai, moi, à boire gratuitement à la source d’où coule l’eau de la vie… » (Ap 21.1-6).