Psaume 80 - Jean 15 - Interviens en faveur de ta vigne
Psaume 80 - Jean 15 - Interviens en faveur de ta vigne
« Dieu des armées, reviens donc! Regarde du haut des cieux te vois! Interviens en faveur de cette vigne! Protège ce que ta droite a planté, et le fils que tu as affermi toi-même. »
Psaume 80.15-16
Notre exposé consacré à la vigne du Seigneur intitulé Le cantique de la vigne (És 5.1-7) révélait ce qu’il était advenu à celle-ci; injustice sociale partout, plaisirs immondes, mensonge éhonté… Bref, le péché dans toute son ampleur : le changement du mal en bien, du bien en mal, le refus de reconnaître les forfaitures, mais se considérant sage à ses propres yeux, etc. Ce qui est vrai du peuple d’Israël l’est aussi de tous les peuples de la terre. Dieu nous a tout donné en nous donnant son Fils unique, et les preuves de ses libéralités matérielles sont innombrables.
En face de cela, l’humanité aveugle et obtuse ne veut rien voir ni entendre. Dieu perdrait-il son temps? Ce qu’il fait ne servirait-il à rien? À notre tour, nous le décevons.
Mais si la vigne est réfractaire à la bonne récolte, que va faire le Vigneron? « Jugez, je vous prie, entre moi et ma vigne! » (És 5.3). Il n’y a rien à faire d’autre qu’à rejeter ce qui ne donne rien : « J’arracherai sa haie, et elle sera broutée; j’abattrai la clôture, et elle sera foulée aux pieds. J’en ferai un désert… » (És 5.5-6).
Le vigneron a le cœur déchiré d’être obligé de prendre de telles mesures. Il y a une tristesse dans le cœur de Dieu; le savons-nous? Saurons-nous la mesurer? Dieu souffre de ce que le peuple qu’il aimait est devenu totalement inutile. Il espérait en voir jaillir une étincelle, mais elle ne s’y trouvait pas; il espérait une possibilité d’amour, et voici que le cœur est sec et stérile. Dieu atteint le sommet de la déception en déclarant : « il n’y a rien à faire. » Il n’y a qu’à laisser cette friche sinistre envahie par les ronces et les épines… Dieu s’en désintéresse; elle peut pousser comme elle veut. Il la livre à elle-même. Il n’y a pas de mot plus triste dans l’Écriture : « J’ai livré l’objet de mon amour aux mains de mes ennemis », fait-il dire par la bouche du prophète Jérémie (Jr 12.7).
Si les choses s’arrêtaient là, elles finiraient sur un tableau de désespoir. Mais il n’en est pas ainsi, car à travers les pires infidélités de son peuple, le cœur du Seigneur éternel ne se détache pas complètement de sa vigne. Car il l’a trop aimée. Il l’a aimée d’un amour absolu, trop irrévocable pour lui garder son amour malgré ses pires avilissements; quelles que soient les infidélités d’Israël, Dieu lui reste fidèle.
Le Psaume 80 est la suite du cantique de la vigne. Il exprime la persistance de la confiance du peuple après tant d’infidélités. Malgré tout ce qu’il a fait, il ose lui rappeler son alliance et lui dire qu’il n’a pas le droit de l’abandonner. Ces reproches sont magnifiques de confiance. Le psalmiste a l’air de dire : « C’est tout de même ta vigne. » Et cette conclusion émouvante : « Et nous ne nous éloignerons plus de toi; rends-nous la vie, et nous invoquerons ton nom » (Ps 80.19).
Mais jusqu’où ira l’ingratitude du peuple? L’Évangile selon Matthieu rapporte la parabole des méchants vignerons qui ont dépassé toute mesure en assassinant le fils du propriétaire pour s’emparer de la vigne. Il est impressionnant de lire cette parabole comme la suite du cantique de la vigne. Cela semble être la fin de l’histoire. Dieu, après avoir fait preuve de patience durant de longs siècles, envoie son Fils; ils le respecteront, au moins lui, dit-il. Mais le Fils aussi a apparemment échoué; alors, qui peut réussir? Mais cet échec du Vendredi saint deviendra mystérieusement, entre les mains de Dieu, l’occasion d’affréter d’autres vignerons, d’étendre l’Alliance à d’autres peuples.
Et ainsi, c’est à travers la mort et la résurrection du Christ que va surgir la véritable vigne. Dieu modifie son plan et élargit les perspectives du salut pour cueillir du cœur de l’humanité les fruits qu’il attend. « Je suis le vrai cep », déclare Christ… « C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruits. » « Sans moi, vous ne pouvez rien faire », précise-t-il (Jn 15.1-8). Car, l’histoire d’Israël est l’illustration parfaite montrant que, sans le Christ, l’humanité ne peut rien faire pour s’approcher de Dieu et devenir sa partenaire. Or, la vigne véritable c’est le Christ : « Je suis le Cep. » Nous sommes les sarments greffés sur lui. Israël a cherché à greffer Dieu sur lui, au lieu de se laisser greffer sur Dieu, et ce fut là son échec. Mais Christ est la parfaite réussite de Dieu. On peut dire que jusqu’à lui Dieu préparait le terrain, arrachait les pierres, balisait le sol. À présent, la vigne poussera. Dieu a eu raison de se donner tant de peine. Ce qu’Israël et l’humanité étaient incapables d’accomplir, Dieu l’a accompli en son Fils, le Christ. Celui dont il dit : « En lui j’ai mis toute mon affection » (Mt 17.5).
Jésus-Christ est celui en qui nous pouvons nous reposer parfaitement. Son offrande est totale, son sacrifice suffisant, son œuvre parfaite, sa médiation unique, et la seule autorisée entre Dieu et les hommes. Il nous reste être greffés sur lui. « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15.5). « Je suis la porte » (Jn 10.7). « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11.25). « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14.6) « Je suis le bon Berger » (Jn 10.11). « Je suis le vrai Cep » (Jn 15.1).
Cette vigne nouvelle grandit à travers les siècles. Lorsque le Fils de l’homme, et le Fils de Dieu, apparaîtra dans les nuées, lors de sa glorieuse et redoutable parousie, il viendra chercher les fruits, cueillir la moisson, engranger la récolte. Il prononcera ses paroles d’assurance et de paix. « Entre dans la joie, fidèle serviteur. » Même toi, ouvrier de la onzième heure…
Nous sommes les branches de ce cep, l’Église du Christ, greffés sur la Tête d’où nous tirons la sève et la croissance. Nous marcherons inéluctablement vers la plénitude et l’édification du corps incorruptible du Christ. Notre perfection et notre sainteté nous ne les chercherons pas en nous-mêmes, en nos bonnes œuvres et en notre bonne conscience, mais en sa sainteté et en son salut. En lui, nous trouverons la plénitude de la vie et le sens de notre existence personnelle. Nous n’y arriverions jamais par nous-mêmes, mais celui qui a dit qu’il est la voie, il est aussi un chemin mystérieux qui nous emporte vers la destination finale.
Ainsi, l’histoire de la vigne, commencée avec les patriarches anciens, se déroulant avec la trame tragique d’un peuple apostat, aboutit à sa fin achevée, glorieuse, dans l’accomplissement de ce que Dieu, depuis toute éternité, a décidé pour le salut de son peuple élu, c’est-à-dire l’Église du Christ, une, apostolique, sainte et universelle.