Qu'est-ce que l'idolâtrie?
Qu'est-ce que l'idolâtrie?
- Pourquoi l’homme a-t-il inventé tant de faux dieux?
- Existe-t-il des formes d’idolâtrie dans nos vies?
- Quelle est l’origine des idoles?
- Quelle puissance les idoles exercent-elles sur notre vie?
-
Quelles sont les idoles de notre époque?
a. La nourriture
b. La beauté physique
c. La vitesse
d. La puissance
e. La tradition
f. La Bible - Qui est le seul vrai Dieu?
Je vous propose dans cet article de méditer sur la question suivante : Qu’est-ce que l’idolâtrie? C’est une question que pose le Catéchisme de Heidelberg, au 34e dimanche, dans la section concernant la loi de Dieu, et plus particulièrement le premier commandement qui déclare : « Tu n’auras pas d’autre dieu devant ma face » (Ex 20.3). La réponse 95 du Catéchisme est courte et simple : « L’idolâtrie, c’est inventer ou avoir, à la place ou à côté du seul vrai Dieu qui s’est révélé dans sa Parole, quelque autre chose en quoi l’on met sa confiance. » Réponse courte et simple, mais qui mérite qu’on s’y arrête un moment. Nous allons le faire en illustrant les paroles du catéchisme par un texte du Nouveau Testament, dans la Bible, un extrait de la première lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, au chapitre huit.
1. Pourquoi l’homme a-t-il inventé tant de faux dieux?⤒🔗
Dans ce passage, Paul s’adresse à une jeune communauté de croyants du premier siècle de notre ère, qui se pose les questions suivantes : Est-il permis ou non à un chrétien d’acheter et de manger de la viande vendue sur le marché après avoir été sacrifiée à des idoles païennes? Et est-il permis à un chrétien de participer dans un temple païen à un repas de célébration durant lequel de la viande est sacrifiée à des idoles? Certains chrétiens convertis, qui avaient précédemment pratiqué ce genre de rite religieux, estimaient qu’ayant accédé à la connaissance du vrai Dieu par Jésus-Christ, ils pouvaient encore s’associer aux rites païens. Ces rites revêtaient en effet une fonction sociale importante et même des chrétiens convertis ne voulaient pas manquer d’y assister pour ne pas être exclus de la vie sociale de leur ville. Ils se disaient que, puisqu’ils savaient où était la vérité, et puisqu’ils étaient spirituellement forts, cela n’avait pas d’importance aux yeux de Dieu s’ils participaient à ces sacrifices d’animaux dans les temples païens. Voici donc ce que Paul écrit aux Corinthiens :
« Pour ce qui concerne les viandes sacrifiées aux idoles, nous savons que tous, nous avons de la connaissance. — La connaissance rend orgueilleux, mais l’amour, lui, fait grandir dans la foi. Celui qui s’imagine avoir de la connaissance n’a pas encore connu comme il faut connaître. Mais celui qui aime Dieu, celui-là est connu de Dieu. Ainsi donc, sur la question : “Peut-on manger des viandes sacrifiées aux idoles?”, nous savons qu’il n’existe pas d’idoles dans l’univers, et qu’il n’y a qu’un seul Dieu. Car quoiqu’il y ait ce qu’on appelle des dieux, soit dans le ciel soit sur la terre — et de fait, il y a beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs — néanmoins en ce qui nous concerne, il n’y a qu’un seul Dieu : le Père, de qui toute chose vient, et pour qui nous vivons, et il n’y a qu’un seul Seigneur : Jésus-Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes. Mais tous n’ont pas cette connaissance. Quelques-uns, encore marqués par leur habitude à l’égard de l’idole, continuent à manger ces viandes avec la pensée qu’elles ont été offertes à des idoles. Alors leur conscience, qui est faible, en est souillée. Mais ce n’est pas un aliment qui peut nous rapprocher de Dieu; en manger ou pas ne nous rendra ni meilleurs ni pires. Toutefois, faites bien attention à ce que votre liberté ne fasse pas tomber dans le péché ceux qui sont mal affermis dans la foi » (1 Co 8.1-9).
Pour revenir à notre question initiale, on peut se demander comment il est possible qu’avec tous les témoignages et les signes de sa présence que Dieu nous accorde chaque jour dans sa création, les hommes aient pu inventer tant de fausses divinités. Le réformateur Jean Calvin a une fois décrit le cœur humain comme étant de tout temps une fabrique à forger des idoles. Ailleurs, il a employé cette autre image : « Tout comme les eaux font de gros bouillons à partir d’une large source, de la même façon une foule infinie de dieux est sortie du cerveau des hommes, à mesure que chacun s’égare en pensant follement ceci ou cela. »
Du temps de l’apôtre Paul, au premier siècle de notre ère, il existait en effet beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs. Si nous prenons seulement les Grecs et les Romains comme exemple, nous avons affaire à leur panthéon de dieux qui vivaient sur le mont Olympe comme des hommes ou des femmes surnaturels. Mais sur la terre elle-même, les empereurs romains se faisaient adorer comme des demi-dieux. Les premières persécutions contre les chrétiens par les autorités romaines ont justement été déchaînées parce que les chrétiens refusaient d’adorer l’empereur comme une divinité. Et pourtant, ces mêmes empereurs savaient bien qu’ils n’étaient pas des demi-dieux destinés à devenir des dieux à part entière après leur mort. Sur son lit de mort, l’un d’entre eux, qui se rendait bien compte qu’il allait retourner à la poussière sous peu, a poussé le soupir suivant : « Hélas, je deviens un dieu… » C’est avec une certaine ironie que Paul écrit aux Corinthiens : « et de fait, il y a beaucoup de dieux et beaucoup de seigneurs… »
2. Existe-t-il des formes d’idolâtrie dans nos vies?←⤒🔗
Cela dit, la question et la réponse du Catéchisme de Heidelberg que j’ai citées au début de cet article nous forcent à aller plus loin dans notre réflexion. Après avoir souligné le fait que le seul vrai Dieu s’est révélé dans sa Parole (ce qui veut dire qu’on peut seulement le trouver de manière satisfaisante dans sa Parole), le catéchisme parle de quelque chose que l’on met « à côté » de Dieu pour y mettre sa confiance. Une idole n’est donc pas nécessairement quelque chose que l’on met « à la place » du seul vrai Dieu pour y mettre sa confiance; elle peut se trouver « à côté » de Dieu, en notre for intérieur. Le catéchisme oblige donc les chrétiens eux-mêmes à faire leur introspection et à examiner s’ils ne nourrissent pas une forme quelconque d’idolâtrie dans leur vie.
Si le problème de l’idolâtrie n’était que celui des païens et des incroyants, le catéchisme n’aurait pas besoin de le mentionner. Mais même les croyants, lorsqu’ils deviennent de plus en plus lucides sous l’action de l’Esprit Saint de Dieu en eux, s’aperçoivent de la force de certaines idoles modernes dans leur vie propre. Paul écrit : « Nous savons qu’il n’existe pas d’idoles dans l’univers, et qu’il n’y a qu’un seul Dieu ». Mais alors, pouvons-nous nous demander, d’où vient cette puissance profane qui gouverne la vie de tant d’hommes et qui se fait même sentir dans la vie des croyants par moments? Cela nous mène à la réflexion suivante : Pour pouvoir démasquer les idoles autour de nous et en nous-mêmes, il nous faut chercher le seul vrai Dieu dans sa Parole.
Nous allons encore nous poser quelques questions, auxquelles nous répondrons une par une : Quelle est l’origine des idoles? Quelle puissance exercent-elles sur notre vie? Disposent-elles vraiment d’un pouvoir? Quelles sont les idoles de notre époque? Et qui est le seul vrai Dieu?
3. Quelle est l’origine des idoles?←⤒🔗
Commençons par la première de ces questions : Quelle est l’origine des idoles? Pour trouver une réponse adéquate, il nous faut revenir au début de la Bible, au chapitre trois du livre de la Genèse. C’est là que nous lisons comment le serpent a prononcé le plus grand mensonge qu’on puisse imaginer en disant à Adam et Ève : « Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez [du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal], vous serez comme Dieu, ou comme des dieux » (Gn 3.5). Cette affirmation impliquait naturellement qu’il peut exister plus qu’un seul Dieu et qu’à côté de Dieu il peut y avoir d’autres dieux, même s’ils retiennent une forme humaine. Lorsqu’Adam et Ève ont cru en ce mensonge, ils ont fait d’eux-mêmes des idoles. Ils sont devenus des idoles pour eux-mêmes.
Créatures en rupture d’obéissance, donc déchues, ils cherchaient désormais en eux-mêmes toutes les réponses aux questions qu’ils avaient. N’avaient-ils pas en effet obtenu la connaissance du bien et du mal? N’auraient-ils pas désormais accès, par eux-mêmes, à la connaissance de leur origine et de leur destinée? Pourtant, loin de gagner cette connaissance, ils avaient bien plutôt perdu la notion de qui est le seul vrai Dieu. Tout cela pour avoir cru qu’eux aussi pouvaient devenir comme des dieux.
Et depuis la chute du premier homme et de la première femme, l’homme livré à sa raison naturelle est constamment à la recherche d’un dieu ayant la forme ou les traits d’une créature déchue. Il cherche un dieu qui lui ressemble dans sa misère, ou bien une fantaisie de lui-même qu’il élève au rang de divinité. La tentation du serpent demeure aujourd’hui encore la racine de l’idolâtrie. L’homme, que Dieu a créé à son image, se forge des dieux à son image, celle d’une créature déchue. Nous ne devons donc pas être surpris si tous les dieux des Romains, des Grecs ou de l’Orient sont peints ou sculptés sous la forme d’une créature quelconque, humaine ou animale. Les plus belles créatures dans la création deviennent des objets d’adoration et de culte.
4. Quelle puissance les idoles exercent-elles sur notre vie?←⤒🔗
S’il n’existe qu’un seul vrai Dieu, quelle est la réalité des idoles? Existent-elles vraiment? Oui et non, pourrions-nous dire. Et c’est là que le texte de l’apôtre Paul, au huitième chapitre de sa première lettre aux chrétiens de Corinthe, nous éclaire. Paul nous dit sans ambages qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qu’il n’y a pas d’idoles, au sens ou ces divinités que les païens révèrent n’ont pas d’existence propre. Mais d’un autre côté, il y a aussi de soi-disant dieux et seigneurs, et à dire la vérité, le monde en est plein. Puisque l’on parle d’idoles, il doit bien y avoir quelque chose qui répond à ce nom! Du temps de Paul, le bassin méditerranéen était rempli de temples consacrés à des divinités quelconques. Nous avons vu que même les empereurs romains se faisaient vénérer comme des demi-dieux.
Dans le passage de la lettre aux Corinthiens que j’ai cité, nous voyons que les Corinthiens avaient justement demandé à Paul son avis sur la question des viandes sacrifiées aux idoles : Était-il permis d’en manger ou non? Il doit donc bien y avoir une réalité derrière ces idoles! En fait, cette réalité n’est rien d’autre que la conséquence de la chute, de cet aveuglement dans lequel l’humanité tout entière est tombée avec Adam.
Les idoles n’ont en elles-mêmes aucune réalité, mais le mensonge, la tromperie qui les a produites, est bien, quant à elle, une réalité. Les conséquences d’une telle tromperie sur la vie de beaucoup sont bel et bien, elles aussi, une réalité : quiconque invente, fabrique et se confie en une idole devient rapidement l’esclave de sa propre imagination pervertie. Car les idoles ne sont pas des seigneurs ou des divinités qui nous libèrent. La puissance séductrice de notre imagination devient immédiatement un oppresseur qui détruit petit à petit notre vie et celle de ceux qui vivent autour de nous.
Pensez par exemple à la pornographie, qui peut devenir une idole et faire de nous des esclaves. Il n’y a pas si longtemps, on apprenait qu’en France des pédophiles ayant régulièrement visionné du matériel pornographique avaient violé des enfants de moins d’un an. Et nous savons qu’il existe déjà en Amérique des centres de réhabilitation pour les personnes adonnées à la pornographie. Celle-ci n’a-t-elle donc pas toutes les caractéristiques d’un seigneur qui domine sur les pensées de ceux qui l’ont promue au rang de divinité, en se laissant asservir par elle?
5. Quelles sont les idoles de notre époque?←⤒🔗
Mais passons justement aux idoles modernes, celles qui n’ont pas la forme des divinités grecques ou romaines de l’Antiquité. À chaque génération, de nouvelles idoles prennent forme dans le cœur humain. Faisons le tour de quelques-unes d’entre elles. Tâchons d’identifier nos idoles modernes, celles qui ont envahi le monde contemporain, et que nous plaçons si souvent sur un autel en leur rendant un culte, que nous en soyons d’ailleurs conscients ou non. Certaines vous seront sans doute connues, mais peut-être d’autres vous auront échappé. Qui pourrait de toute manière dresser une liste complète de toutes les idoles qu’on adore de par le monde? Considérons tout d’abord quelques idoles qui peuvent nous sembler acceptables parce que nous leur accordons une place sur terre, et non dans le ciel.
a. La nourriture←↰⤒🔗
La nourriture, oui, la nourriture que beaucoup envisagent simplement comme leur pain quotidien, et même pour laquelle ils prient régulièrement, peut devenir une idole. « Les aliments sont faits pour le ventre, et le ventre pour les aliments », disaient les Corinthiens. « Certes, leur répond Paul, mais un jour, Dieu détruira l’un comme l’autre » (1 Co 6.13). Pendant que beaucoup, dans le monde, meurent faute de pouvoir s’alimenter suffisamment, un grand nombre de gens meurent de maladies liées à la consommation abusive de viandes et d’autres aliments. Les excès de table peuvent être qualifiés d’idolâtrie, car ils expriment une foi en la nourriture comme source de vie et de plaisir en soi. Dieu n’est plus l’objet des remerciements pour les bienfaits matériels reçus, la table a pris sa place. À mesure que le glouton dévore, il se laisse lui-même dévorer par l’idole qui s’est emparée de son esprit et de ses sens. Au livre des Proverbes, dans l’Ancien Testament, on lit l’avertissement suivant : « Ne sois pas parmi ceux qui s’enivrent de vin, parmi ceux qui font des excès de viande; car l’ivrogne et celui qui fait des excès s’appauvrissent, et l’assoupissement fait porter des haillons » (Pr 23.20-21).
b. La beauté physique←↰⤒🔗
Or, si les effets des excès de nourriture se font voir sur un visage et un corps, un autre type de soin du corps peut lui aussi laisser percer une forme d’idolâtrie : l’obsession de la beauté extérieure, de la perfection physique, la culture du muscle, finalement le culte du corps au service d’une image de soi-même, autant de manifestations qui témoignent d’une volonté de paraître immortel. Le rêve d’une jeunesse éternelle est inculqué aux esprits au moyen de nombreux magazines. J’en connais un qui s’appelle Essentiel. Et de quoi pensez-vous qu’Essentiel s’occupe? Essentiellement de maquillage, de poudres et de cosmétiques. Oui, pour beaucoup, les cosmétiques sont devenus l’essentiel… Il est juste de dire cependant que, du temps de Paul, le culte du corps était bien connu, c’était presque une religion en soi. Les meilleurs athlètes, surtout ceux qui couraient le plus vite, étaient considérés comme des demi-dieux.
c. La vitesse←↰⤒🔗
Parlons justement de la vitesse. N’est-elle pas devenue, de nos jours, une puissante idole? Tout doit aller toujours plus vite, le tempo des activités quotidiennes doit sans cesse accélérer. Des voitures sont fabriquées qui peuvent atteindre une telle vitesse que les fabricants les équipent d’un système automatique afin d’empêcher que les conducteurs n’atteignent cette vitesse maximale! Voilà bien la folie de l’idolâtrie. Une civilisation se considère comme développée si tout se déroule à la plus grande vitesse, et si l’on peut caser le plus grand nombre d’activités en un temps limité. Car la vitesse ne procure-t-elle pas des frissons agréables? Ne confère-t-elle pas un sens excitant de confiance en soi-même, de maîtrise du temps et de l’espace? Jusqu’à ce que cette civilisation dite développée se rende compte, à son grand dépit, qu’elle n’a fait que développer une vision en cul-de-sac. Aucune vitesse ne pourrait ouvrir ce cul-de-sac vers des horizons libérateurs.
Rappelez-vous la mort de la princesse Diana, fracassée contre le pilier d’un tunnel souterrain de Paris à la vitesse déraisonnable de 196 kilomètres à l’heure. Souvenez-vous de la tristesse et du deuil porté par des millions d’hommes et de femmes de par le monde. Sur quoi tant de gens pleuraient-ils exactement? Peut-être davantage sur leurs rêves fracassés de jeunesse éternelle; sur leur propre condition d’hommes et de femmes condamnés eux aussi à mourir, et ne bénéficiant que d’un sursis. Peut-être pleuraient-ils sur la fragilité de leurs idoles : beauté, jeunesse, vitesse. Peut-être faisaient-ils le deuil de l’idole qu’ils avaient faite de la princesse, qu’ils auraient bien voulu voir immortelle, si cela avait été possible…
d. La puissance←↰⤒🔗
Mais notre tour des idoles modernes nous amène vers la tentation dangereuse de la puissance, de notre propre force ou puissance. Celle-ci ne veut rendre aucun compte au seul vrai Dieu. Elle méprise les commandements de Dieu. Tout est permis pour ce pouvoir et ces intérêts personnels ou collectifs, même l’anéantissement sanglant d’autres vies humaines.
Cependant, ces formes d’idolâtrie du pouvoir peuvent être nourries et soutenues par d’autres idoles, plus subtiles, qui prétendent être respectables parce que, selon leurs adorateurs, elles reposent sur des principes : j’ai nommé les idéologies modernes qui donnent naissance à des systèmes politiques oppresseurs, et qui figurent parmi les idoles les plus dangereuses. Ces idéologies prétendent gouverner la société tout entière et la vie de chaque individu. Chacun ne peut vivre sa vie que dans les limites que l’idéologie lui prescrit : avec qui il peut avoir des contacts sociaux, où il peut aller, quel genre de métier il peut exercer. Avec une pleine confiance dans la validité de leur idéologie, ceux qui exercent le pouvoir à travers ce système de règles rigidement appliquées décident pour les autres quelle est leur origine, quel est le but de leur vie, quel doit être leur rôle dans la société. Personne n’a le droit de critiquer ou de mettre en doute ce système. Dans les idéologies, la connaissance du bien et du mal est déterminée par les hommes eux-mêmes, et non par la Parole de Dieu. L’utilisation officielle de la violence et sa justification sont possibles justement parce que les hommes ont placé toute leur confiance dans leur idéologie, qui est pour eux la vérité ultime. Tout est donc bon pour la défendre.
e. La tradition←↰⤒🔗
Une interprétation forcée de la Parole de Dieu au service d’une idéologie peut totalement corrompre le cœur de l’Évangile. Nous voilà soudain aveugles, incapables de comprendre et d’accepter les exigences que la Parole de Dieu met devant nous et que nous refusons : l’amour du prochain, la justice sociale et tant d’autres exigences que l’on trouve exprimés clairement dans la Bible.
La tradition peut devenir elle aussi une idole pour des croyants. Non pas que la tradition soit mauvaise en elle-même. Mais si la tradition tente d’étouffer la Parole vivante de Dieu qui recrée et renouvelle, alors nous avons en effet affaire à une idole. Une saine tradition chrétienne qui nous rapporte le riche héritage des générations passées et devient ainsi pour nous une source d’inspiration peut malheureusement dégénérer en un traditionalisme qui ne tient plus compte de l’Esprit vivant de Dieu. Un penseur luthérien l’a très bien exprimé par la phrase suivante : « La tradition est la foi vivante des morts; le traditionalisme est la foi morte des vivants. »
f. La Bible←↰⤒🔗
Pire encore, la Bible elle-même peut devenir une idole. Oui, là où la Bible est lue d’une manière mécanique et détournée de son sens sans que le lecteur y trouve la Parole de Dieu et la comprenne, nous avons bien affaire à une idole. Dans certaines Églises très peu affermies dans la connaissance de la volonté de Dieu, on place la Bible sur la tête des fidèles comme signe de bénédiction : peu importe que le message de l’Écriture soit étudié et compris; si le livre en tant qu’objet a été placé sur la tête de ladite personne, alors, croit-on, cette bénédiction ne peut manquer d’être reçue. Comme si le livre possédait en lui-même une force magique. Dans un tel cas, le Saint-Esprit n’a plus besoin de rendre les lecteurs, ou plutôt les utilisateurs de ce livre, réceptifs à l’Évangile.
Pourtant, certaines Églises où la connaissance est bien plus développée peuvent tomber dans l’orgueil et être fières de leur connaissance, sans pour autant déployer les fruits que Dieu attend d’elles. Elles aussi peuvent tomber dans une forme d’idolâtrie. Dans le passage de la première lettre aux Corinthiens que nous avons déjà lu, Paul avertit ses lecteurs :
« Nous savons que tous nous avons la connaissance. Certes, mais la connaissance rend orgueilleux. L’amour, lui, fait grandir dans la foi. Celui qui s’imagine avoir de la connaissance ne connaît pas encore comme on doit connaître. Mais celui qui aime Dieu, celui-là est connu de Dieu » (1 Co 8.1-3).
Or, aimer Dieu, c’est obéir à ses commandements. Ma connaissance de la Bible peut très bien devenir une idole à mes yeux. La question que je dois me poser est la suivante : La Bible est-elle pour moi une Parole vivante qui exige l’obéissance à Dieu, ou bien suis-je en train d’en faire un veau d’or immobile et silencieux autour duquel je m’agite frénétiquement? Si cette Parole demeure une lettre morte dans mon cœur, si je refuse d’accorder aux autres l’amour qui seul édifie la foi, alors oui, la Bible est devenue pour moi une idole. Je ne suis alors pas meilleur que ceux qui l’utilisent comme un objet magique.
Or qu’arrive-t-il aux Églises qui sont tombées dans ce piège? En dépit de toute leur connaissance, elles ne s’intéressent plus à propager l’Évangile, elles considèrent le travail missionnaire comme une charge pesante, voire honteuse. Ce n’est guère étonnant, car seule une Parole vivante et spirituelle peut être communiquée. Un veau d’or immobile, même s’il brille à nos yeux, ne peut guère être communiqué au-dehors. Tout ce qu’on peut faire autour de lui, c’est danser et sauter sans but ni direction. Peut-être du reste bien des Églises sont-elles devenues des idoles pour elles-mêmes. Car, à côté de Dieu, l’Église peut devenir une idole pour les chrétiens. Lorsque des règles humaines et leur application stricte commencent à remplacer la vision du Royaume de Dieu dans l’Église, alors l’Église est bel et bien devenue une idole.
Il est remarquable de constater que, durant son ministère terrestre, Jésus-Christ n’a pas blâmé les païens pour leur idolâtrie, mais bien plutôt les chefs religieux de son peuple qui avaient inventé des centaines de règles et qui, sous prétexte de religion et d’obéissance à Dieu, imposaient l’observance de ces règles aux autres. Comme si l’obéissance à ces règles humaines pouvait être agréable à Dieu. Pendant ce temps, ces mêmes chefs religieux refusaient de reconnaître dans cet homme, qui s’adressait aux collecteurs d’impôts haïs et aux prostituées méprisées, le Messie promis par Dieu, le libérateur d’Israël. Pour eux, Jésus était quelqu’un qui polluait leur soi-disant religion pure. L’un d’entre eux, répondant au nom de Saul de Tarse, allait férocement persécuter les premiers chrétiens. Et pourtant, plusieurs années plus tard, après une dramatique conversion, c’est ce même homme, renommé Paul, qui pouvait écrire aux chrétiens de Corinthe : « Pour nous, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes » (1 Co 8.6).
6. Qui est le seul vrai Dieu?←⤒🔗
Mais nous en arrivons à la dernière question que nous nous étions posée au début : Qui est donc le seul vrai Dieu? Paul vient de nous le dire. C’est le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes. Il est le Père de Jésus-Christ, qu’il a donné aux croyants comme seul Seigneur. Il se révèle dans sa Parole qui est digne de confiance. Par son Esprit, qui apporte la lumière, il nous libère de la puissance oppressive des idoles que nous imaginons dans notre folie. Voilà pourquoi c’est lui seul qu’il faut adorer, car les croyants savent que tout ce qui dégage une odeur d’idolâtrie est le fruit du mensonge et de la tromperie, un facteur de mort et d’anéantissement. Avec le prophète Ésaïe, dans l’Ancien Testament, ils peuvent s’exclamer :
« À qui voulez-vous comparer Dieu? Et quelle représentation dresserez-vous de lui? C’est un artisan qui fond la statue, et c’est un orfèvre qui la couvre d’or et y soude des chaînettes d’argent. Celui qui est trop pauvre pour cette offrande choisit un bois qui résiste à la vermoulure; il se procure un artisan capable, pour dresser une statue qui ne vacille pas. Ne le reconnaissez-vous pas? Ne l’entendez-vous pas? Ne vous l’a-t-on pas annoncé dès le commencement? N’avez-vous pas compris ce que sont les fondements de la terre? C’est lui qui habite au-dessus du cercle de la terre, dont les habitants sont comme des sauterelles; il étend les cieux comme une étoffe légère, il le déploie comme sa tente, pour en faire sa demeure. C’est lui qui réduit les princes à rien et qui ramène au néant les juges de la terre; ils ne sont même pas plantés, pas même semés, leur tronc n’a pas même de racine en terre; qu’il souffle sur eux, et ils se dessèchent, un tourbillon les emporte comme le chaume. À qui me comparerez-vous, pour que je lui ressemble? Dit le Saint. Levez les yeux en haut et regardez! Qui a créé ces astres? C’est lui qui fait marcher leur armée en bon ordre, qui les convoque tous, les nommant par leur nom. Et grâce à sa puissance et à sa sûre force, pas un ne fait défaut » (És 40.18-26).
C’est avec une jubilation pareille à celle du prophète que les chrétiens peuvent confesser le seul vrai Dieu, car il est le Dieu vivant, et non une pièce de bois ou de métal, ou une simple fantaisie de l’esprit humain. Il est le Dieu fidèle qui n’abandonne jamais l’œuvre qu’il a entreprise. Les chrétiens demeurent vigilants face aux idoles afin d’honorer le nom de Dieu, mais aussi par reconnaissance de ce qu’il les a libérés de l’esclavage de l’idolâtrie. Voilà pourquoi il leur faut s’assurer qu’ils vivent chaque jour pour lui. Voilà aussi pourquoi, conduits par le Saint-Esprit, ils confessent que toutes choses viennent de lui. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend s’assurer le contrôle de leur volonté et veut les forcer à vivre pour lui. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend être la source de leur existence. Ils rejettent comme idole tout ce qui prétend déterminer le but ultime de leur existence.
C’est armés de cette vigilance que les croyants paraîtront au jour du jugement final devant Jésus-Christ. Non pas grimés de cosmétiques fondant à la première chaleur, non pas couverts de quelques feuilles de vigne pour cacher leur nudité devant Dieu, mais revêtus de la connaissance vivante du seul vrai Dieu, car pour eux il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses, et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes.