La résurrection du Christ - L'événement et son interprétation
La résurrection du Christ - L'événement et son interprétation
- La souveraineté de Dieu
- L’histoire révélationnelle possède un sens
- L’événement de la résurrection
- La préparation prophétique de la résurrection
- La contribution des témoins
- L’événement de la résurrection dans le kérygme (la proclamation chrétienne) et l’apologétique (la défense de la foi)
- L’interprétation de la résurrection
Simon Kistemaker a écrit une étude sous le titre L’événement et son interprétation que nous résumerons dans le présent paragraphe.
La résurrection de Jésus est l’un des événements centraux et décisifs de l’histoire de la rédemption. L’interprétation de cet événement nous est donnée dans le Nouveau Testament lui-même. La vie de Jésus constitue le cadre où se déploie, dans sa phase centrale, l’activité rédemptrice de Dieu.
Galates 4.4 nous donne un résumé admirable et significatif à plusieurs égards de l’événement et de son interprétation. L’apôtre déclare la véracité historique de l’incarnation. Mais aussitôt il y ajoute des éléments d’interprétation comme complément indispensable à ce qu’il rapporte. Dans ce texte, nous avons l’illustration parfaite de l’unité organique existant entre l’événement et son interprétation. L’historicité du premier est définie en des termes de temps précis. Le temps est choisi par Dieu et l’apparition de son Fils a lieu dans le temps choisi. L’historicité de l’incarnation est soulignée par l’affirmation que le Fils de Dieu est né d’une femme et, d’autre part, qu’il est soumis à la loi. Quant à l’interprétation, celle-ci est donnée sur l’analyse de l’événement rapporté; cet événement vise un but précis : le Christ a été envoyé dans le monde afin de nous libérer; il est né d’une femme en vue de notre adoption par Dieu; finalement, il s’est soumis à la loi afin de nous libérer de la malédiction de celle-ci.
D’après cet exemple, l’analyse de l’événement rédempteur ainsi que les limites assignées à son interprétation devraient faire l’objet d’une compréhension relativement facile pour l’exégèse et la théologique bibliques. Ce n’est malheureusement pas le cas. Les choses se compliquent par le fait que, dans le récit biblique et dans l’interprétation de l’histoire, nous sommes en présence de phénomènes surnaturels et miraculeux. Ces événements se sont produits au cours de l’histoire ordinaire et dans celle-ci. Ainsi, dans le récit de la sortie miraculeuse d’Égypte, nous ne tentons pas d’idéaliser les faits, mais nous les acceptons comme un récit historique. De même, dans le récit de la résurrection de Lazare, il n’y a que le récit historique d’un acte accompli sous le regard de témoins oculaires. En dépit de la clarté historique de la Bible, l’élément miraculeux en a été toujours modifié, voire exclu, au nom de ce qu’on appelle la loi fondamentale d’uniformité en vigueur depuis l’avènement de l’ère dite scientifique. Cette exégèse des récits des miracles se fait en accord avec la conception dite scientifique du monde. Elle s’efforce alors de renvoyer et rejeter purement et simplement ces éléments.
Comment un exégète fidèle pourrait-il traiter des phénomènes surnaturels sans violer l’autorité de l’Écriture? Existe-t-il une méthode biblique et théologique, une philosophie de l’histoire et une méthodologie qui puissent rendre compte correctement de l’événement et donner son interprétation afin que l’ensemble soit compréhensible et acceptable à l’intelligence de celui qui croit en Jésus? Une telle méthode est possible, elle a existé dès l’âge apostolique.
Malgré certaines affirmations simplistes des tenants des positions critiques, il existe une unité fondamentale dans tous les événements naturels dont témoigne l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament. La résurrection de Jésus ne fait pas exception. Selon 1 Corinthiens 15.14 et 20, elle est « l’articulum standis et cadentis ecclesiae » (la place où l’Église se tient ou tombe). Il est étonnant qu’à l’heure actuelle la résurrection soit devenue la « crux interpretum » (la difficulté d’interprétation) de toutes les « vies de Jésus ».
Considérons la résurrection de Jésus dans la théologie réformée. La tâche principale d’une théologie réformée est celle de rendre justice à la fois à l’événement rapporté et à l’interprétation que la Bible donne à cet événement : d’abord définir le premier, ensuite exposer la seconde. En procédant de la sorte, notre méthode doit nécessairement tenir compte de certaines présuppositions bibliques et se rappeler que l’interprétation critique, elle aussi, procède actuellement par des présuppositions, qu’elle appelle « scientifiques » et « historiques ».
1. La souveraineté de Dieu⤒🔗
La souveraineté de Dieu s’atteste dans tous les domaines de la vie (nature), et elle est déterminante dans l’histoire du salut. Si nous acceptons cet axiome, nous accepterons plus facilement le postulat que l’événement et son interprétation nous viennent en même temps de Dieu. Ils sont tous les deux de nature révélationnelle et rédemptrice. En effet, la Bible se présente à nos yeux comme le récit spécial d’une série d’événements et de leur interprétation révélationnelle. Cette manière de comprendre la fonction de la Bible ôtera tout doute quant à l’authenticité des premiers et la véracité des seconds. Herman Ridderbos écrivait :
« La mort expiatoire de Jésus, sa résurrection, de même que toutes les grandes œuvres de Dieu auxquelles le Nouveau Testament rend témoignage, ne sont pas l’expression a posteriori de la foi de l’homme néotestamentaire qui saisirait le sens de son existence, mais l’accomplissement des grandes œuvres de Dieu, fondant l’intelligence de nous-mêmes. Quand on étudie l’histoire selon l’épistémologie naturelle qui exclut l’élément miraculeux, la résurrection elle aussi est exclue du domaine historique et reléguée au domaine de la théologie. Mais si Dieu est présent et actif dans l’histoire, alors les événements rédempteurs retiennent leur caractère historique et reçoivent leur sens de la révélation accordée par Dieu. »
2. L’histoire révélationnelle possède un sens←⤒🔗
Vue dans le cadre biblique, la résurrection apparaît comme un fait connu de Dieu et accompli par lui au cours de l’histoire. Le Fils de Dieu a souffert, il est mort et il est ressuscité des morts avec le corps de son humanité, mais glorifié. La résurrection n’est pas un événement isolé auquel les chrétiens s’accrochent comme à leur dernière planche de salut. Elle fait partie de l’histoire des actes rédempteurs que Dieu accomplit par sa puissance souveraine. Le témoignage porté à ces événements, comme le récit écrit, l’inscripturation, est le fait de Dieu. Il suscite des témoins, des prophètes et des apôtres. Leur témoignage fait partie intégrante de la révélation. Ces événements ne sont jamais dénués de sens. Ce sens n’est jamais fourni par la réflexion ou la contemplation de l’homme, comme ce fut le cas pour des auteurs apocalyptiques contemporains du Nouveau Testament. Ce ne sont pas des postulats représentant l’explication la plus raisonnable des actes divins. Le sens de la résurrection ne se trouve pas dans l’intuition de l’Église primitive, ou encore dans l’inspiration commune des disciples du Christ. Son interprétation est essentiellement d’origine divine.
La critique biblique libérale a dévalué la réalité de l’événement historique. Elle forge de toute pièce une interprétation artificielle, qui lui paraît acceptable et qui est fondée sur la reconstruction de l’histoire, reconstruction artificielle sans recours à un fondement biblique. La théologie biblique doit établir une distinction entre ce que Dieu fait au cours de l’histoire et le sens qu’il en donne dans sa révélation. Il faut le rapporter et convaincre ceux qui ne furent pas des témoins oculaires (1 Co 15.5-8).
De son côté, la théologie évangélique n’a pas toujours clairement vu la nécessité de situer la résurrection dans le cadre de la conception biblique de l’histoire. Elle a souvent eu recours à des arguments extrabibliques dont la portée apologétique, en dépit de bonnes intentions, ne pouvait être que limitée. À la place de la certitude biblique, elle a utilisé la méthode dite probabilisme historique. D’après celle-ci, la « fiabilité » des textes du Nouveau Testament est beaucoup plus grande que celle de la littérature profane de l’époque. Certes, nous avons ici un argument de valeur comme tel, cependant il lui manque la solidité interne de la proclamation de l’événement.
Les apôtres Pierre et Paul ont plaidé à partir de l’Écriture parce que le Christ est ressuscité selon le dessein de Dieu, dessein révélé dans les pages de l’Écriture. Ils ne se sont pas engagés dans une dialectique sur les possibilités ou les probabilités de la résurrection.
3. L’événement de la résurrection←⤒🔗
La lecture des textes du Nouveau Testament ne laisse subsister aucun doute quant à l’histoire objective et l’acceptation comme telle de l’événement. Si l’on refuse de discuter l’historicité de la résurrection sur la base que nous venons d’indiquer, c’est-à-dire le cadre de la révélation biblique, on ne peut envisager d’autre solution que d’une logique non inspirée par la Bible. Mais alors il n’y a aucune solution possible. L’argument de Paul est directement tiré du fait qu’il rapporte et qu’il prêche. C’est à cette condition que la foi en Christ revêt pour nous une signification. Notre message n’est pas vide. La vérité de Dieu est pleine de puissance. Il existe une espérance vivante, une attente fervente de la parousie imminente de Jésus.
Nous nous rappellerons que la résurrection ne doit pas être considérée comme un événement isolé, comme si, par exemple, un certain Jésus de Nazareth avait laissé derrière lui un tombeau vide…! Ce faisant, nous détacherions l’Évangile de la résurrection de l’histoire de l’activité rédemptrice de Dieu. La résurrection ne se présente pas non plus comme un événement qui ne serait pas interprété, celui d’un tombeau vide. Ainsi, la question débattue est cruciale pour la foi même de l’Église. Le Jésus de l’Évangile qui a été prédit et annoncé par l’Ancien Testament a vécu, a souffert et est aussi ressuscité; et les disciples ont exprimé leur foi en croyant et en proclamant sa résurrection. Sinon, il ne sera considéré que comme quelqu’un ayant produit une forte impression sur les siens, lesquels lui auraient reconnu un pouvoir surhumain.
Il faut mettre en question la problématique du kérygme (la proclamation primitive), telle qu’elle est présentée dans les nombreuses herméneutiques actuelles du Nouveau Testament. Le kérygme de l’Évangile démythologisé est nécessairement un kérygme démartyrisé, c’est-à-dire dépourvu du fondement du témoignage. Or, l’Église primitive a été rendue martyre en un double sens; non seulement dans le sens qu’elle a souffert pour le nom du Christ, mais aussi et avant tout dans le sens qu’elle a accueilli le témoignage apostolique véridique (le grec « marturia » signifie témoignage). Car ce n’est pas seulement le sang des martyrs qui est semence de l’Église, mais c’est surtout la proclamation de l’Évangile de la résurrection. Les débats actuels au sujet de la résurrection, en particulier, se déroulent sur une base naturaliste. S’il en était ainsi, le Christ ne serait plus l’auteur de notre foi, mais seulement quelques hommes « inspirés » qui le seraient. Pourtant, aussi bien au premier siècle qu’au vingtième, nous savons que « Dieu était en Christ réconciliant le monde avec lui-même » (2 Co 5.19).
4. La préparation prophétique de la résurrection←⤒🔗
Jésus a préparé ses disciples en vue de l’événement historique. Il leur a prédit cet aspect de son avenir en relation avec sa conscience messianique et sa filiation divine. Sa prophétie n’a pas été une simple prédiction, mais aussi et surtout annonce et prédication du dessein de Dieu.
Les passages prophétiques sont rapportés par les évangélistes comme étant les « logia » (discours) de Jésus. Selon la critique moderne, Jésus n’a pas été Prophète. L’annonce de sa passion et de sa résurrection n’est pas admise comme les « ipsissima verba », c’est-à-dire les paroles mêmes de Jésus. Car cela présupposerait une connaissance beaucoup trop détaillée des événements. Ce sont plutôt des « vaticinia ex eventu », annoncés après que les faits se fussent déroulés. Les auteurs de la tradition auraient observé quelques évidences ou preuves de la résurrection et auraient créé des paroles qu’ils auraient mises dans la bouche de Jésus.
Pourtant, il n’y a pas de doute que Jésus connaissait d’avance la fin de sa carrière. Il est à la fois le Prophète, mais aussi le Moteur de l’histoire. Qu’il ait reçu une révélation spéciale doit être admis en vertu de sa relation personnelle avec Dieu, son Père. Il se réfère clairement à sa passion et à sa résurrection, et les trois synoptiques nous rapportent ses paroles. Parallèlement à l’instruction ou aux annonces faites à ses disciples, Jésus parle aussi de ses adversaires et leur fait part de sa fin, mais ni les disciples ni les Juifs ne saisissent ses prédictions.
Il y a aussi une allusion très importante à Jonas. La prédication apostolique proclame la résurrection de Jésus en tant qu’accomplissement de la prophétie de l’Ancien Testament qui en fournit l’annonce prédictive. Il prêche la résurrection physique de Jésus en tant qu’acte de Dieu qui le ressuscite d’entre les morts. Que l’apôtre, comme ses auditeurs, ait en vue la résurrection de Jésus, cela est apparent dans la réponse négative des Athéniens. Ces derniers ne seraient pas offensés par l’idée de l’immortalité de l’esprit de Jésus, ni peut-être même par l’idée de l’immortalité de l’âme, ni par l’influence morale de l’esprit de Jésus, ni peut-être même par l’annonce d’une métensomatose (réincarnation). À Athènes, comme ailleurs, l’Ancien Testament a servi pour prouver que la résurrection de Jésus était un acte de Dieu. Elle était promise et l’événement est aussi certain que la mort du roi David.
5. La contribution des témoins←⤒🔗
Les évangélistes ne prétendent pas avoir observé directement la résurrection. Leur fonction de témoin consiste à attester la factualité de la résurrection corporelle. Les preuves sont de nature secondaire. En cela, le témoignage des Évangiles est totalement différent des pseudo-témoignages d’écrits apocryphes. Ces derniers abondent en descriptions de faits. Par exemple, dans l’Évangile de Pierre :
« Deux messagers angéliques entrent dans la tombe, ils en sortent en soutenant le Christ nouvellement ressuscité. Le sépulcre s’ouvre, les jeunes gens y entrent. Ils voient trois hommes qui en sortent, deux soutenant le troisième. Une voix les suit, la tête des premiers atteint le ciel, mais celui qui est conduit par eux atteint au-delà des cieux » (9.37; 10.40).
Le Nouveau Testament a une manière autre de présenter les choses. Elle est simple et directe. La pierre tombale n’est que la confirmation accessoire de la sortie du corps. De même pour les habits : laissés en ordre, ils témoignent du départ corporel de Jésus et, quoique de manière indirecte, réfutent toute hypothèse de vol du cadavre.
Les témoins observent d’une manière physique l’existence corporelle de Jésus. Ce n’est pas un fantôme qui leur apparaît; au contraire, ils se trouvent en présence d’un nouveau pouvoir, d’un corps nouveau de Jésus. Il peut disparaître, il a des capacités physiques pour rompre le pain, et ses plaies sont toujours réelles; on peut les toucher. Leur témoignage unanime confirme la résurrection de Jésus.
6. L’événement de la résurrection dans le kérygme (la proclamation chrétienne) et l’apologétique (la défense de la foi)←⤒🔗
Témoins oculaires de la résurrection, les apôtres doivent lui porter témoignage, à la fois la proclamer et en prendre la défense. Invariablement, l’accent tombe sur la nature historique de l’Évangile. La méthode apologétique doit proclamer la vérité de ces faits, bien établis et connus; leur actualité pour la vie des auditeurs appelle ceux-ci à la décision de la foi sur la base de ces faits.
L’activité du témoin est essentielle. Il a été choisi par Dieu. Paul accepte la validité et l’importance du ministère des témoins. L’accent principal se porte sur l’événement de la résurrection. « Dieu l’a ressuscité des morts. » Devant le Sanhédrin, il affirme la résurrection et le point controversé devant Félix est encore la résurrection corporelle de Jésus. On peut comparer aussi le rapport que fait Félix à Festus. Le différend qui opposait Paul au Sanhédrin n’était pas une discussion académique sur la résurrection en général, mais concernait la personne de Jésus. À la lumière des derniers chapitres du livre des Actes, on peut soutenir que Paul désire comparaître devant César non pour plaider sa propre personne, mais pour annoncer la résurrection de Jésus.
7. L’interprétation de la résurrection←⤒🔗
Donnons la conclusion de l’étude de S. Kistemaker : La théologie biblique et réformée présuppose le point de vue biblique de la souveraineté de Dieu dans l’accomplissement de son salut. La résurrection est prédite par Jésus, prophétisée par l’Ancien Testament et elle est devenue un événement et le sujet du kérygme, qui se fonde sur la « marturia » (proclamation, témoignage), objet de la foi, signe de l’union avec Christ, gage de notre salut final.
« S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité » (1 Co 15.13). C’est moins un argument logique qu’une proclamation invitant à croire. En définitive, ce n’est pas notre raison qui décidera si l’argument de Paul est valable ou non. Une fois de plus, ce n’est pas notre raison qui s’établira comme juge pour rendre valide un tel discours. Ce ne sont pas nos remarques ou les critiques modernes qui rendront cette affirmation intelligible et digne de foi. L’homme moderne, lui, peut comparer l’argument paulinien aux preuves qu’avancent nos contemporains pour signaler la présence de soucoupes volantes. La résurrection relève d’un autre domaine!
Lecteurs de ces textes et disciples de Jésus-Christ, « le Seigneur est ressuscité »; membres de l’Église, ce n’est ni la logique, ni l’illogisme, ni la raison, ni la déraison qui fonderont notre foi. Le texte reçu tel quel dans sa simplicité et cru comme étant la plus merveilleuse des nouvelles la fondera. Il est à prendre ou à laisser. Le chrétien célébrera Pâques au cœur de sa vie, dans son existence quotidienne, en dépit de la présence si proche et apparemment omnipotente de la mort : celle dont les victimes se chiffrent chaque jour par des milliers, celle qui domine toute puissante, qui fauche en saison et hors saison une moisson infernale dans les guerres, les épidémies, les famines, les cyclones, les répressions sanglantes, pour ne pas parler des génocides.
Chaque matin, au lever, son ombre menaçante enveloppe tout, le coucher du soleil ne la voit point disparaître. À notre époque, elle paraît plus puissante encore que jadis, grâce aux armes totales capables de tout anéantir. L’homme moderne lui aussi sait qu’il n’est que simple matière. S’il tombe d’une hauteur, il s’écrase en bouillie; il s’embrase comme une torche si la moindre étincelle l’enflamme. Il n’est que déchet, ni plus ni moins que les déchets recueillis par les services de nos voiries municipales.
La Bible à son tour fait la même constatation : « Toute chair est comme l’herbe et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe… » (1 Pi 1.24). Or, précisément, cette même Bible annonce une nouvelle hors du commun. « Si Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine » (1 Co 15.14).
C’est à des chrétiens que saint Paul adressait sa lettre, à cette Église de Corinthe; ces hommes et ces femmes de la ville avaient probablement les mêmes objections que les modernes à l’égard de la résurrection des morts. Se prenant pour des réalistes et des pragmatiques aux pieds solidement rivés sur terre, ils refusaient de s’adonner à une hypothèse qui, bien que fort agréable, risquait de n’être que pure chimère. Notre ennemie, la mort, était aussi déjà avant nous leur ennemie, tout aussi hideuse, révoltante et cruelle. Ces Corinthiens, qu’ont-ils reçu en guise d’argument, de raisonnement, de preuve, de certitude? Une simple leçon de catéchisme, à la logique élémentaire. Pourtant, quelle force de conviction, quelle affirmation enflammée de l’apôtre!
La même flamme embrasera nos cœurs et les fera battre d’une espérance toute neuve! Oui, c’est une nouvelle à prendre ou à laisser; je conseille vivement de croire à la seule certitude à laquelle nous pourrons nous accrocher à tout instant.
Si le Christ n’est pas ressuscité corporellement, si sa tombe n’est pas restée vide, s’il n’est pas apparu à Pierre, puis aux douze autres et aux cinq cents, enfin à Paul, alors nous aussi, chrétiens d’aujourd’hui, nous serions les plus misérables des hommes. C’est en vain que nous nous réclamerions du Christ et que nous porterions son nom. Or, rassurons-nous, les chrétiens de la ville de Corinthe ont accepté l’argument de leur ex-pasteur, non par simple commodité ni même par naïve crédulité, mais parce qu’ils savaient que, ou bien le Christ était bel et bien sorti vivant de la tombe et ils avaient part à la vie éternelle, ou bien son cadavre, sujet à la décomposition comme tous les cadavres, était resté enfermé entre les murs d’un tombeau taillé dans un rocher, et alors ils n’avaient qu’à finir leur triste existence vers le néant.
Mais voilà, le Seigneur est réellement ressuscité. La pierre fermant la porte du sépulcre a été roulée; le pouvoir de l’adversaire anéanti; le péché asservissant dépossédé de ses droits; la mort a perdu son poison, elle a été « entièrement dévitalisée », ainsi que l’écrit un auteur. Tous ces adversaires, le mal, le Malin, la mort, vivent depuis ce moment-là leurs derniers instants et, avec les Corinthiens, nous savons que nous assistons à leurs ultimes soubresauts. Il existe une répercussion de la résurrection du Christ sur tous les domaines de notre existence. Elle change non seulement nos cauchemars en sereine certitude, mais aussi et chaque jour notre optique tout entière sur la vie présente. C’est la raison pour laquelle nous aurons à célébrer Pâques au cœur de la vie de chaque jour.
Il ne servirait à rien de chanter des cantiques ou d’envelopper le Ressuscité d’une couche de piété touchante, mais sans effet. Le Christ n’est pas un fantôme, sa résurrection n’est pas vision interne, objet de béate contemplation; il est source de vie, de vie qui se déverse en abondance sur le quotidien. Sa victoire a fait basculer et a renversé toutes les forces en place jusque-là. C’est pourquoi, au milieu des crises et des harcèlements actuels, lorsque les passions se déchaînent et que la violence, la haine et le mensonge l’emportent, nous saurons célébrer Pâques.
Chaque jour, depuis deux mille ans, le Christ déclare : « Je suis la résurrection et la vie » (Jn 11.25). Il clamera son autorité jusqu’à la fin. Aucune autre voix ne saura couvrir la sienne, aucun vacarme ne voilera ses accents de triomphe. Il est venu vivre notre vie, connaître nos drames, subir nos ruptures et souffrir nos déchirements; il a mangé comme chacun d’entre nous, a pleuré de nos douleurs, et sa voix sereine, rassurante et libératrice proclame : « Je suis la résurrection et la vie. »
Célébrons donc Pâques au cœur de notre vie. Nous pourrons le faire à travers ces signes, qui ne retiennent pas les flashes de l’actualité, mais sont plus essentiels que tout autre événement; en réalité, ils sont l’actualité la plus actuelle : la bonté, le souci fraternel, le don de soi, la patience et la miséricorde, l’amour et le service. Et tout cela, à cause du Christ et par l’Esprit qui nous anime, nous, jour après jour, membres de l’organisme vivant qui s’appelle Église, corps du Christ; un seul corps, une seule âme, une même pensée. Alors cela s’appellera, selon l’expression admirable de Paul : « Connaître Christ et la puissance de sa résurrection. » (Ph 3.10).
Qu’en est-il de notre foi en Christ? Sa résurrection, la tenons-nous comme un souvenir du passé, comme une fleur qui a été très belle, mais qui est déjà fanée? Le monde ne croira pas au Ressuscité, encore moins à notre résurrection si, insensibles et indifférents, nous nous dressons comme la pierre qui fermait le tombeau du Sauveur.
Or, nous croyons fermement que la résurrection du Christ assure et garantit la nôtre. Mais elle est déjà, chaque jour, une exigence nouvelle, une obéissance coûteuse, un service fidèle, une longue marche. Ainsi la proclamation de Paul, l’Évangile de la résurrection, demeure l’unique impulsion pour un engagement vrai et total pour le Christ, dans la voie de l’amour vécu. Comment donc ne pas conclure avec les termes mêmes de l’apôtre, parvenus à la fin de ce long chapitre consacré à la résurrection du Christ et à la nôtre?
« Ainsi, frères bien-aimés, soyez fermes et inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail n’est pas vain dans le Seigneur » (1 Co 15.58).
Le monde autour de nous se rendra compte de la nouveauté de la vie, parce qu’il aura été le témoin de la puissance de la résurrection de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.