Cet article a pour sujet la nature inachevée du travail d'un pasteur à l'image du ministère de l'apôtre Paul auprès des Corinthiens.

3 pages. Traduit par Paulin Bédard

Où sont-ils aujourd’hui?

« Où sont-ils aujourd’hui? » C’est une question que les gens aiment poser à propos des chanteurs pop et des vedettes de cinéma des décennies passées. « Qu’est-il advenu d’untel ou d’untel…? »

Nous pouvons nous poser la même question à propos des Corinthiens. Après les deux lettres aux Corinthiens, qu’est-il advenu de cette Église qui avait été si longtemps l’objet de la sollicitude pastorale de Paul? Comment ces lettres suppliantes, affectueuses et parfois incisives de Paul ont-elles été accueillies?

C’est certainement la question que suscite la fin de la deuxième lettre aux Corinthiens. Il est évident, d’après ses propres paroles, que le travail pastoral de Paul est resté inachevé. Néanmoins, d’autres passages du Nouveau Testament laissent entendre que ce travail a produit des résultats positifs.

Par exemple, lorsque Paul a écrit sa lettre aux Romains, il a pu affirmer que son travail en Méditerranée orientale — y compris dans la ville de Corinthe — était terminé. Il pouvait ainsi aller exercer son ministère dans de nouvelles régions, telles que l’Espagne (Rm 15.23-24).

Dans la même lettre, Paul a exprimé sa gratitude pour le fait que la région de l’Achaïe s’était jointe à la Macédoine pour contribuer à la collecte en faveur de l’Église de Jérusalem (Rm 15.26). C’est précisément ce ministère de la miséricorde que Paul s’était efforcé d’encourager chez les Corinthiens.

Nous constatons également que certains des amis corinthiens de Paul sont restés fidèles à l’apôtre. Par exemple, Paul a passé trois mois à Corinthe durant l’hiver 56-57 après J.-C. en tant qu’hôte de Gaïus (1 Co 1.14), au moment où il écrivait la lettre aux Romains (Rm 16.23). Il semble qu’en dépit de tous les problèmes qu’il y a rencontrés, Corinthe soit restée pour lui une terre d’accueil. Certes, il s’agit là d’une preuve bien maigre.

Cependant, l’enseignement et les soins pastoraux de Paul ont certainement produit des fruits à Corinthe.

Qu’en est-il de l’histoire de Corinthe au-delà de l’horizon du Nouveau Testament? L’histoire de l’Église primitive nous apprend qu’après quelques années, les luttes internes dans cette Église se sont poursuivies.

Il existe notamment une lettre de réprimande que Clément, le père de l’Église, a écrite aux croyants de Corinthe à la fin du premier siècle de notre ère. Clément était évêque de Rome, une Église qui a pris en charge la supervision ultérieure d’Églises établies dans les champs de mission de Paul.

La lettre de 1 Clément révèle que l’Église était à nouveau divisée, voire en révolte contre ses dirigeants spirituels. Il est frappant de constater que Clément leur rappelle même de relire ce que l’apôtre avait écrit dans l’une des lettres qu’il leur avait adressées. Voici les paroles de réprimande que Clément a adressées à cette Église :

« Relisez l’épître du bienheureux apôtre Paul. Que vous a-t-il écrit à l’époque où l’Évangile a commencé à être prêché? En vérité, sous l’inspiration de l’Esprit, il vous a écrit au sujet de lui-même, de Céphas et d’Apollos, parce qu’à cette époque déjà des partis s’étaient formés parmi vous. […] Et maintenant, réfléchissez à ceux qui vous ont pervertis et qui ont entaché la renommée si célèbre de votre amour fraternel. Il est honteux […] et indigne de votre profession chrétienne qu’il soit rapporté que l’Église très ferme et très ancienne des Corinthiens, à cause d’une ou deux personnes, se livre à une sédition contre ses presbytres » (1 Clément 47).

Nous ne savons pas comment cet avertissement a été reçu. Après l’époque de Clément, l’Église de Corinthe disparaît des archives historiques. On ne peut qu’imaginer les épreuves et les peines qui ont marqué son existence à l’époque post-apostolique, alors que l’Empire romain entamait son déclin.

Il est approprié de noter la nature inachevée du travail à Corinthe pour nos propres réflexions pastorales.

Elle révèle que même l’apôtre Paul a dû faire face à ses limites en tant que serviteur humain du Christ. Ce qu’il a dit face à la nature de sa tâche me revient à l’esprit : « Qui est suffisant pour ces choses? » (2 Co 2.16). Alors que l’apôtre poursuit en affirmant que c’est Dieu qui donne toute compétence pour le ministère, la situation corinthienne nous apprend à nous attendre à ce que le ministère soit parsemé de faiblesses et d’épreuves.

Les grands idéaux chéris pendant les années de séminaire se heurtent aux dures réalités d’un monde brisé et d’une Église pécheresse. Il est difficile de ne pas devenir émotionnellement épuisé par le stress du ministère1. Il est difficile de recevoir des critiques personnelles et de savoir que certaines d’entre elles sont fondées2. Il est difficile de ne pas se tenir à distance des membres difficiles au lieu de les aimer. Il est difficile de ne pas se laisser piéger par l’amour de l’argent3 ou par l’amour des éloges4.

Comme il est difficile de se tenir aux côtés de ceux qui ont besoin d’aide et de permettre à la puissance de Dieu de se manifester à travers les difficultés de la vie et du ministère du pasteur!

Pourtant, le pasteur qui est aux prises avec ses lacunes et ses insuffisances est lui aussi grandement encouragé. En effet, Paul nous rappelle avec force l’immense privilège d’être ambassadeur du Christ crucifié et ressuscité.

Nous sommes également rassurés de savoir que Dieu est plus grand que toutes les faiblesses humaines5.

La question désespérée de Paul en 2 Corinthiens 2:16 — « Qui est suffisant pour ces choses? » — trouve sa réponse magnifiquement résolue dans le chapitre suivant :

« Telle est l’assurance que nous avons par le Christ auprès de Dieu. Non que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité, vient de Dieu. Il nous a aussi rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit; car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre » (2 Co 3.4-6).

Désireux de réconcilier les pécheurs avec lui-même, Dieu ordonne que le message salvateur du Christ soit prêché et appliqué dans la vie de ceux qui croient en lui.

Dieu se contente d’utiliser des serviteurs humains imparfaits pour accomplir ce travail qui possède une portée éternelle6.

Pour reprendre les paroles souvent citées de Paul :

« C’est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les outrages, dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ; en effet quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Co 12.10).

Pour faire face à toutes les responsabilités et à tous les défis du ministère pastoral, le Christ promet de nous donner une force surabondante et une joie permanente7. En Christ, notre avenir est toujours radieux.

Notes

1. Voir mon article Le sommeil agité.

4. Voir mon article Le test des éloges pastorales.

7. Voir mon article La joie d’un pasteur.