Cet article sur Amos 9.11-15 a pour sujet l'annonce de la restauration d'Israël après la déportation assyrienne. La grâce de Dieu doit être reçue avec repentance et foi. Malgré sa faiblesse et ses misères, l'Église possède en Jésus l'espérance de la gloire.

Source: Un prophète pour quoi faire? - Méditations sur le livre d'Amos. 4 pages.

Amos 9 - Symphonie finale

« En ce jour-là, je relèverai la cabane chancelante de David, j’en réparerai les brèches, j’en relèverai les ruines et je la rebâtirai comme elle était autrefois, afin qu’ils entrent en possession du reste d’Édom et de toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué, — Oracle de l’Éternel, qui accomplit tout cela. Voici que les jours viennent, — Oracle de l’Éternel —, où le laboureur suivra de près le moissonneur, et celui qui foule le raisin celui qui répand la semence, où le jus de fruits ruissellera des montagnes et où toutes les collines s’épancheront. Je ramènerai les captifs de mon peuple d’Israël; ils rebâtiront les villes dévastées et les habiteront, ils planteront des vignes et en boiront le vin, ils établiront des jardins et en mangeront les fruits. Je les planterai sur leur terre, et ils ne seront plus arrachés de leur terre, celle que je leur ai donnée, dit l’Éternel, ton Dieu. »

Amos 9.11-15

La fin de l’un des chefs-d’œuvre de la musique russe, Une nuit sur le mont Chauve de Mussorgsky, m’a toujours frappé. Dans ce poème symphonique, l’auteur commence par laisser l’action se développer et s’intensifier jusqu’à la frénésie démoniaque du sabbat, interrompu par la cloche d’une église. Les esprits des ténèbres se dispersent tandis que la clarinette, puis la flûte annoncent le lever du jour. C’est à la fin de ce morceau de musique que je songeais en terminant la lecture et la méditation du livre du prophète Amos. Au déchaînement de la tempête succèdent un ciel rasséréné et une nature apaisée. Le jugement et les menaces de jugement sont suivis par l’annonce de la restauration. Après l’appel du clairon, qui tout à l’heure mobilisait pour la guerre, la flûte, douce et apaisante, entame la mélodie de la réconciliation.

« Comparaison n’est pas raison », dit le proverbe. Mais je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement entre la conclusion du livre prophétique qui nous a tenus en haleine et la fin de l’œuvre du compositeur russe.

« L’homme des fardeaux », puisque telle est la signification du nom d’Amos, n’est pas uniquement la voix d’un prophète de malheur. Il apparaît aussi comme le messager de la grâce. Cette grâce semble absente au début du message, lorsqu’un ciel de plomb, au sens religieux, menace de cracher malheur et calamités. Cette grâce apparaît non seulement comme la conclusion du livre, mais encore comme l’explication de tous les discours annonçant des jugements. Ces lourdes pages n’ont pas uniquement été écrites pour annoncer le courroux céleste. Elles préparent, elles invitent, je dirai même qu’elles provoquent la repentance.

L’appel à l’examen de soi le plus douloureux ne vise rien de moins qu’au repentir. La reconnaissance et l’aveu des fautes préparent et indiquent déjà la foi et la conversion. Si le prophète n’avait pas cessé de marteler les oreilles de ses contemporains, c’est qu’il savait parfaitement que sa mission était de les appeler à la repentance, avec la promesse d’une restauration finale. Il avait versé des larmes sur le sort de sa nation. C’est à travers des pleurs de joie que se déroule à présent la vision claire et lucide d’un avenir transformé.

Un cliché fort courant dit que « tout est bien qui finit bien ». Ne simplifions pas le discours prophétique de cette façon-là. À la suite des autres prophètes, Amos a aussi reçu les clés du Royaume. Le souverain Maître de nos destinées, celui qui mène les nations avec sa volonté, a chargé le bouvier de Tékoa de fermer les portes du Royaume de Dieu au nez des incrédules et des iniques, tout en l’ouvrant à ceux qui, dans la foi et la repentance, ont fait l’objet de la miséricorde divine. Se sachant investi d’une mission à double face, Amos a dû ressentir une immense souffrance, mais il a pu aussi se réjouir d’une joie qu’il se hâte de partager avec ses auditeurs et lecteurs avant de clore son message. En cela, il est un précurseur du Christ, non celui des oracles grecs ni des derviches orientaux. Le Christ a parlé aussi de jugement, mais il a déclaré surtout la restauration. Il n’existe aucune contradiction entre ces deux aspects du message divin.

Parlons pour commencer du jugement. Il nous concerne autant, nous autres gens du 20siècle, qu’il concernait la communauté nationale à laquelle appartenait le berger de Tékoa, au 8siècle avant notre ère. Il prévoyait la déportation de son peuple et la ruine de la maison du prestigieux monarque David. Dans son esprit, « la maison de David », appelée à survivre et à faire encore et toujours l’objet de la fidélité de Dieu, signifie l’ensemble du peuple des rachetés. Les palais somptueux et l’enviable prospérité matérielle allaient céder le pas à la honte et à la misère. Une pauvreté extrême attendait ce peuple qui, enivré par des réussites en cascade, gardait son optimisme et s’enorgueillissait de ses succès. « Tout sera dévastation », avait prédit Amos, car Dieu, qui domine dans le ciel et contrôle les affaires de la terre, abaisse les orgueilleux et anéantit les forces des arrogants.

La dispersion du peuple en l’an 721 de notre ère, emporté dans la déportation assyrienne, était la preuve la plus claire et la plus intelligible de l’action de Dieu au cours de l’histoire. Signe négatif, certes, mais dans lequel nous avons à déchiffrer le sens des événements qui agitent peuples et nations, ainsi que des sentences prononcées et exécutées sur les cultures et civilisations de jadis. Même les plus splendides d’entre elles, Rome et Athènes ne nous ont légué que des ruines. Et si parfois nous sommes saisis d’admiration devant tant de beauté disparue, gardons-nous d’utiliser les grabats et la poussière amoncelés sur l’Acropole ou le Forum pour rebâtir une société prétendument nouvelle, nous inspirant piteusement de ce que Dieu a détruit.

Les bâtisseurs de Babel, qu’ils soient les Israélites du 8siècle avant J.-C. ou les Romains et les Athéniens des siècles ultérieurs, ont été dispersés aux quatre vents par le Tout-Puissant, qui juge les empires et les cultures d’un monde s’arrogeant des droits et des prérogatives qui sont uniquement les siennes.

Je conseille vivement la lecture des ouvrages d’un penseur chrétien de premier ordre, mon ami Jean Brun, décédé récemment après une longue et brillante carrière comme écrivain et professeur de philosophie. Ses ouvrages Le retour de Dionysos, Les vagabonds de l’Occident, Les rivages du monde, démontrent, avec une lucidité qui pourrait faire envie à maint ouvrage théologique, la situation de l’homme moderne et l’aboutissement de ses rêves chimériques, qui ne sont autres que les ruines accumulées des systèmes idéologiques qu’il s’est forgés.

Pour l’Église chrétienne, le sort du peuple d’Amos est un avertissement aussi clair que salutaire. Des parallèles et des correspondances existent entre eux. Amos nous invite à nous interroger sur nous-mêmes. Les édifices ecclésiastiques, autrefois si solides, craquent de partout, et si la ruine n’est pas encore complète, leur fragilité en est certaine. Nous aussi nous risquons de mordre, sans tarder, la poussière de l’humiliation.

La pauvreté de l’Église, sa faiblesse, ses misères ne sont pas forcément le fait de ses opposants; le malheur ne lui est pas toujours infligé de l’extérieur. Les fissures que présente son édifice, les craquements que l’on entend avec consternation ne lui sont pas causés par des ennemis extérieurs, mais par sa propre infidélité et inconscience. Un travail de sape et de taupe y est accompli sans répit ni sans relâche, de l’intérieur. « Notre Église, m’écrit un ami, professeur d’histoire à l’Université, est en pleine déliquescence. » Cette œuvre destructrice décrie les principes de la révélation et réfute les normes de la morale. En dépit du clinquant de son système ou du brio de ses discours, malgré ses manifestations et ses prises de position, parce qu’elle est éprise d’elle-même et qu’elle est à la traîne de ses multiples amants de droite ou de gauche, dont elle change à chaque mode idéologique, elle prépare, naufragée et naufrageurs, le chemin large qui mène à la destruction, là où il y aura « des pleurs et des grincements de dents », ainsi que l’annonçait Jésus-Christ, le Seigneur de l’Église.

Il y a trois siècles, John Bunyan écrivait son célèbre ouvrage Le voyage du Pèlerin. Un auteur moderne devrait écrire… La chute du Pèlerin, celle d’une église-spectacle et de chrétiens qui se contentent de la mince couche de poudre ou du rouge à lèvres de leur confession, mais qui sont incapables de préserver leur identité chrétienne et de poursuivre la mission qui leur a été confiée.

Le sort de l’Église se trouve déjà inscrit dans celui d’Israël. Aucune Église d’aucune époque ne devrait dire automatiquement : « Je ne sais pas ce qui m’attend. » Si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, écrivait saint Paul, il n’épargnera pas davantage les branches qui ont été greffées sur le tronc (Rm 11.11-21). Il compare Israël à l’Église, nouveau peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance. Pour que la situation s’améliore, l’autoblanchiment n’est pas suffisant. Il n’existe pas de détergent ecclésiastique qui lave plus blanc que le produit précédent!

D’après une vieille légende grecque, le roi Augias avait une étable abritant plus de trois mille têtes de bétail. Elle n’avait pas été nettoyée depuis trente ans. Ce fut le surhomme Hercule qui réussit à la nettoyer en détournant le cours de deux fleuves et en les faisant traverser l’étable…

L’Israël du passé reflète également la situation du monde moderne. Les conditions morales de notre société rappellent les écuries du roi mythologique. Selon un auteur chrétien, nous sommes devenus tellement corrompus que Sodome et Gomorrhe auraient honte à notre place! Un auteur chinois moderne, communiste, disait :

« Les nations occidentales, avec leur taux de criminalité, osent nous donner des leçons sur les droits de l’homme; avec leur taux de divorce, elles osent discourir sur le mariage et la sainteté de l’amour… »

Dieu nous a accordé richesse et prospérité, mais au lieu de les employer pour le droit, la justice et sa gloire, nous en avons fait des instruments qui amoncellent les déchets dans nos écuries immondes.

Amos a cependant annoncé la restauration et c’est pour cela qu’il nous console. La « maison de David » fut en effet restaurée en Jésus-Christ. En lui, les promesses sont déjà oui et amen. Parce qu’il a lavé l’Église par son sang, toutes les impuretés ont été emportées. La croix du Calvaire reste le seul rempart de l’Église fidèle, contre laquelle les pouvoirs infernaux ne pourront jamais prévaloir. À travers ces épreuves, qui sans doute s’intensifieront toujours davantage, tandis que nous attendons avec appréhension l’apparition « de l’homme d’iniquité », c’est-à-dire la venue de l’Antichrist, nous savons que notre divin Rédempteur combat en notre faveur et nous protège. La tribulation sans nom que nous connaîtrons à la fin ne sera pas mortelle. L’alliance a été conclue et renouvelée; les promesses ont été tenues. La victoire est assurée, puisque l’ennemi est agonisant et succombera bientôt à ses blessures mortelles. En Christ, l’Église, la vraie, possède l’espérance de la gloire.