Cet article sur la Confession des Pays-Bas (article 18) a pour sujet la nécessité de l'incarnation du Christ par laquelle il a pris la vraie chair humaine de Marie, sa mère, contre l'hérésie des anabaptistes

Source: La raison de notre espérance. 5 pages.

Le Christ a pris la chair humaine de sa mère

L’incarnation du Fils de Dieu

« Nous confessons donc que Dieu a accompli la promesse qu’il avait faite aux anciens pères par la bouche de ses saints prophètes en envoyant dans le monde son propre Fils unique et éternel, au temps qu’il avait lui‑même fixé (Ga 4.4). Ce Fils a pris la forme de serviteur et est devenu semblable aux hommes (Ph 2.7). Il a pris une vraie nature humaine, avec toutes ses faiblesses, à l’exception du péché, car il a été conçu dans le sein de la bienheureuse vierge Marie par la puissance du Saint‑Esprit, sans la participation d’un homme. Il a pris la nature humaine non seulement en prenant un vrai corps humain, mais en prenant également une vraie âme humaine, afin d’être vrai homme. En effet, puisque l’âme et le corps étaient tous deux perdus, il fallait qu’il revête les deux, afin de les sauver tous les deux.

C’est pourquoi, en opposition à l’hérésie des anabaptistes qui nient que Christ a pris la chair humaine de sa mère, nous confessons que Christ a participé à la même chair et au même sang que les enfants (Hé 2.14‑18). Il est issu de David selon la chair (Ac 13.23); il est né de la descendance de David selon la chair (Rm 1.3); il est le fruit du ventre de la vierge Marie (Lc 1.42); il est né d’une femme (Ga 4.4); il est un germe de David (Jr 33.15); il est un rejeton de la racine de Jessé (És 11.1); il est sorti de la tribu de Juda (Hé 7.14); il est descendant des juifs selon la chair (Rm 9.5); il est de la descendance d’Abraham (Ga 3.16), puisqu’il voulait venir en aide à la descendance d’Abraham (Hé 2.16). Il a donc été fait semblable à ses frères (Hé 2.17), à l’exception du péché (Hé 4.15). Il est ainsi véritablement notre Emmanuel, c’est‑à‑dire Dieu avec nous (És 7.14; Mt 1.23). »

Confession de foi des Pays-Bas, article 18

  1. L’hérésie anabaptiste
  2. La réponse réformée
  3. La nécessité de l’incarnation

La commémoration de la naissance du Christ est un sujet de grande joie pour l’Église. La Parole de Dieu s’est faite chair pour notre salut! Joie pour tout le peuple de l’alliance et gloire au Dieu très haut!

Nous savons cependant que l’incarnation du Fils de Dieu a fait l’objet de controverses dans l’histoire de l’Église. Durant les premiers siècles, plusieurs hérétiques ont rejeté la réalité de l’incarnation et des deux natures de Jésus-Christ. Pour contrer ces erreurs, la Définition de Chalcédoine et le Symbole dit d’Athanase ont clairement défini les deux natures du Christ. Bien des erreurs au sujet de l’incarnation ont cependant continué de se propager. Au 16siècle, les vieilles erreurs ont réapparu et ont été acceptées par plusieurs, en particulier parmi les « anabaptistes ». C’est ce qui explique l’affirmation de la Confession de foi des Pays-Bas :

« C’est pourquoi, en opposition à l’hérésie des anabaptistes qui nient que Christ a pris la chair humaine de sa mère, nous confessons que Christ a participé à la même chair et au même sang que les enfants (Hé 2.14‑18) » (art. 18).

Les réformés estimaient qu’il ne s’agissait pas d’une erreur mineure, mais d’une hérésie, c’est-à-dire une erreur grave qui compromettait le salut.

1. L’hérésie anabaptiste1 🔗

Au temps de la Réformation, plusieurs ex-catholiques romains ont réévalué le rôle de Marie. L’Église romaine expliquait la sainteté parfaite de Jésus par la doctrine de l’immaculée conception. D’après cette idée, Jésus et Marie auraient été tous les deux exempts du péché originel. La conception de Marie dans sa mère aurait été immaculée.

Melchior Hoffman (1495-1543), un des premiers anabaptistes, croyait que Jésus est né sans péché, mais rejetait l’idée que ce soit parce que sa mère était sans péché. Il enseignait que Jésus est né de Marie, mais que Marie n’a aucunement donné à Jésus son humanité. D’après lui, elle aurait simplement servi de « contenant » ou de « canal » dans lequel le Jésus céleste est venu sur terre sous la forme d’un homme. Marie aurait servi de mère porteuse! D’autres disaient que la chair de Jésus fut créée en Marie par une création divine. Menno Simons (1496-1561) disait que la personne du Christ (divine et humaine) a été implantée dans la vierge Marie et que Marie n’a aucunement contribué matériellement à la conception de Jésus. Jésus est devenu un homme dans Marie, mais pas de Marie. Hoffman et Simons estimaient que l’arbre pourri d’Adam ne pouvait pas porter de bon fruit. Si le corps de Jésus provenait de la chair humaine vouée à Satan et à la mort éternelle, Jésus aurait été contaminé par le péché et son sacrifice n’aurait pas été acceptable.

Simons a été influencé par la philosophie grecque d’Aristote qui croyait qu’une femme est entièrement passive dans le processus normal de reproduction. D’après Aristote, le père détient la semence de vie au complet et implante cette semence dans la femme qui la nourrit jusqu’au moment de la naissance. Selon cette idée, un enfant tire son origine de son père, mais pas de sa mère. Simons pensait que la Bible enseigne la même chose.

Simons, qui ne lisait pas le grec, s’appuyait sur Hébreux 11.11 dans la traduction latine de la Vulgate qui dit que « par la foi, Sara, bien que stérile, a reçu la force de recevoir la semence ». Autrement dit, Sara aurait reçu la semence d’Abraham, mais n’aurait contribué d’aucune manière à la conception d’Isaac. Simons s’est servi de ce texte pour enseigner sa doctrine de la chair céleste, l’idée selon laquelle l’humanité du Christ est venue du ciel et non de Marie.

Cette fausse idée a de sérieuses conséquences. D’après plusieurs anabaptistes, la rédemption n’est pas la restauration de ce monde, mais c’est une toute nouvelle vie qui est donnée. C’est la raison pour laquelle plusieurs anabaptistes vivaient séparés du monde, refusant le service militaire et la soumission aux autorités et refusant de prêter serment.

2. La réponse réformée🔗

Guy de Brès n’a pas seulement écrit la Confession de foi des Pays-Bas. Il a aussi écrit d’autres ouvrages, incluant son œuvre la plus importante intitulée La Racine, source et fondement des anabaptistes. Ce livre contient 903 pages et a pour but de réfuter les erreurs des anabaptistes. Pas moins de 370 pages sont consacrées à la doctrine anabaptiste de l’incarnation. De Brès cite Genèse 1.28 et fait remarquer que le commandement de se reproduire est donné à l’homme et à la femme : « Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre. » Cela implique que la femme aussi bien que l’homme apportent une contribution matérielle au processus de la reproduction. Lorsque Jésus a été conçu dans le sein de Marie, celle-ci a donc donné à Jésus sa chair humaine.

De plus, Genèse 3.15 dit que c’est la descendance de la femme qui devait venir dans le monde pour écraser la tête du serpent. Ce texte annonce que le Sauveur devait prendre la chair de sa mère et non pas une chair céleste. Il devait être un vrai homme avec une chair humaine semblable à tout être humain. De Brès cite également Hébreux 11.11 utilisé par Simons. Il dit que la traduction de la Vulgate n’est pas correcte et qu’il faut traduire le grec de cette manière : « Par la foi, Sara a reçu la force de jeter la semence » (ou la force pour la création d’une semence). Autrement dit, Sara et toutes les femmes ont en elles une semence.

L’article 18 réfère à plusieurs autres textes bibliques :

« Nous confessons que Christ a participé à la même chair et au même sang que les enfants (Hé 2.14‑18). Il est issu de David selon la chair (Ac 13.23); il est né de la descendance de David selon la chair (Rm 1.3); il est le fruit du ventre de la vierge Marie (Lc 1.42); il est né d’une femme (Ga 4.4); il est un germe de David (Jr 33.15); il est un rejeton de la racine de Jessé (És 11.1); il est sorti de la tribu de Juda (Hé 7.14); il est descendant des juifs selon la chair (Rm 9.5); il est de la descendance d’Abraham (Ga 3.16), puisqu’il voulait venir en aide à la descendance d’Abraham (Hé 2.16). »

Jésus s’appelait « Fils de l’homme », signifiant qu’il a réellement été conçu à partir d’une cellule humaine.

Guy de Brès a aussi avancé des arguments scientifiques à partir des connaissances de son époque. Le médecin romain Galen avait autrefois observé que la femme contribue activement au processus reproducteur. Au 16e siècle, ces observations ont été confirmées par l’anatomiste italien Gabriele Falloppio (d’où le nom des « trompes de Fallope »). C’est lui qui a observé ces tubes qui transportent les ovules.

3. La nécessité de l’incarnation🔗

Mais pourquoi ce sujet était-il si important pour que De Brès y consacre autant de temps et d’énergie? De Brès croyait que Simons et d’autres anabaptistes avaient compromis la vraie nature humaine du Christ et rejeté l’enseignement des Écritures à ce sujet. Si Jésus avait une chair céleste, il n’aurait donc pas une vraie chair humaine. Il ne serait pas la descendance de la femme promise en Genèse 3.15. Il ne serait donc pas compétent pour être le Médiateur entre Dieu et nous. Par conséquent, notre salut serait totalement remis en question. Pour être notre Sauveur parfait, il fallait que Jésus-Christ soit entièrement et véritablement homme, corps et âme. « En effet, puisque l’âme et le corps étaient tous deux perdus, il fallait qu’il revête les deux, afin de les sauver tous les deux » (art. 18).

Sans nous en rendre compte, il peut arriver que nous soyons coupables de la même erreur qui consiste à compromettre la véritable nature humaine de Jésus-Christ. La période de Noël nous amène parfois à croire en une idée romantique de Jésus, comme s’il n’était pas vraiment un enfant humain. La vision romantique du doux enfant Jésus de la crèche qui n’a jamais de colique et qui ne pleure jamais pour avoir du lait ou pour se faire changer sa couche n’est pas un bébé qui est vraiment humain comme nous, mais seulement un enfant qui fait semblant d’être humain.

Pourquoi le Fils de Dieu a-t-il quitté la splendeur du ciel afin de venir sur la terre en tant qu’homme? Il est venu pour le salut de pécheurs perdus. L’ange en a donné l’explication à Joseph. « Elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1.21). Le moyen précis par lequel Jésus a pris notre chair humaine sans être contaminé par le péché demeure un mystère qui ne peut être expliqué ni par une prétendue immaculée conception de Marie ni par l’idée d’une chair céleste déposée dans le corps de Marie. Tout ce que nous pouvons dire, à la suite des Écritures, c’est que cela s’est produit par la puissance du Saint-Esprit.

Nous nous réjouissons de ce que Dieu ait fait un nouveau commencement : Jésus-Christ a été conçu du Saint-Esprit à partir d’une cellule de Marie. Ce nouveau commencement, Dieu l’a fait non pour créer une vie complètement nouvelle, séparée de l’ancienne, mais pour restaurer son ancienne création. Autrefois, sa création était bonne, elle est maintenant déchue, mais Dieu ne veut pas l’abandonner à la perdition ni aux mains de Satan. Jésus ne nous sauve pas du monde créé, il nous sauve de nos péchés. Nous devrions donc dire non seulement que Jésus est né dans Marie, mais aussi qu’il est né de Marie.

« Il a donc été fait semblable à ses frères (Hé 2.17), à l’exception du péché (Hé 4.15). Il est ainsi véritablement notre Emmanuel, c’est‑à‑dire Dieu avec nous (És 7.14; Mt 1.23) » (art. 18).

Jésus a pris notre chair et notre sang. Il est devenu l’un de nous, semblable à ses frères. Il fallait qu’il soit vrai homme afin de satisfaire la justice de Dieu par son sacrifice et son obéissance et obtenir pour nous la réconciliation avec Dieu. Il est le Sauveur de la création entière. Quand il reviendra dans sa gloire, ce sera pour renouveler le ciel et la terre. Nous avons l’espérance de la résurrection de la chair, la chair humaine qu’il a prise quand il s’est incarné dans le sein de Marie.

Note

1. Pour préparer cette étude, je me suis inspiré de l’article de Wes L. Bredenhof, « De Brès vs. Simons : A Sixteenth Century Debate that Still Matters », Clarion, Year-End 2008, p. 638-641.