Cet article a pour sujet la christologie des pères apostoliques des premiers siècles, qui ont affirmé à la fois la divinité et l'humanité du Christ.

Source: Les débats christologiques anciens. 2 pages.

Les débats christologiques anciens (2) - La christologie des Pères apostoliques

Nous emprunterons ici certains passages au Précis d’histoire des dogmes, du professeur luthérien W. Kreiss (paru sous forme dactylographiée).

Clément de Rome (fin du 1er siècle), Ignace d’Antioche (mort en 107), Polycarpe (vers 69-156), Papias (vers 150), Pasteur d’Hermas (écrit en 140), Barnabé (Épître, écrite vers 130), Épître à Diognète (2e ou 3siècle), Didachè (écrite vers 150).

1. La théologie des Pères apostoliques est une théologie trinitaire qui confesse avec le Symbole apostolique, et sans utiliser ce terme, l’unité d’essence du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle est essentiellement christologique, mais aussi ecclésiologique (définition de l’Église et des ministères, vie de l’Église). Elle accorde aussi une grande place à l’éthique qui ne dissimule pas une certaine tendance ascétique.

2. La divinité du Christ est affirmée avec une grande clarté. C’était le point essentiel de la catéchèse chrétienne. Ignace par exemple, appelle Jésus « o théos » (Dieu), « o théos mou » (mon Dieu), « o théos émon » (mon dieu); « théos Iésous Christos » (Dieu Jésus-Christ). On trouve cependant chez le Pasteur d’Hermas des traces de subordinatianisme.

3. Les Pères apostoliques montrent aussi beaucoup d’intérêt pour l’humanité véritable du Christ. L’insistance sur la divinité avait poussé des théologiens et des membres de l’Église à mettre en doute son humanité véritable. C’est ce qu’on appelle le docétisme (du grec « dokéôn », paraître), doctrine enseignant que Jésus a paru comme un vrai homme, sans pour autant l’être et qui se répandait surtout en Asie Mineure au début du 2siècle. Les Pères apostoliques eurent à la combattre. On se souvient de l’ancienne hérésie que, selon Irénée, l’apôtre Jean s’appliqua à combattre dans son Évangile. C’était la négation de l’incarnation réelle du Fils de Dieu, qui surgit sous une nouvelle forme dans le docétisme. C’est pourquoi les Pères apostoliques insistent sur la réalité de l’incarnation. « Comme pour anéantir la mort et prouver sa résurrection il devait se manifester dans la chair, il a enduré de souffrir » (Épître de Barnabé, V.6). « S’il devait se manifester dans la chair, comment les hommes auraient-ils pu sans mourir soutenir sa vue, alors que le soleil, œuvre périssable qu’il a façonnée de ses mains, ils ne peuvent le regarder en face et soutenir ses rayons? » (Épître de Barnabé, V.10).

C’est ce qui ressort aussi des prières eucharistiques de la Didachè qui identifient Jésus, le Fils de David, au Serviteur de l’Éternel (9.2,3; 10.2). Si Ignace confesse que le Christ est vrai Dieu, il tient aussi à l’appeler « teleios anthropôs » (homme parfait, Smyr. 4,2). Il affirme que « Dieu apparut en forme d’homme » (« anthrôpinôs », Ép 19,3). « Notre Seigneur est véritablement de la race de David selon la chair » (Smyr. 1,1; voir Rm 1.3). On retrouve la même insistance chez Polycarpe : « Quiconque en effet ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair est un antichrist (voir 1 Jn 4.2-3), et celui qui ne confesse pas le témoignage de la croix est du diable » (Philip. 7.1). La polémique contre le docétisme est évidente dans un texte comme le suivant :

« Tout cela, il l’a souffert pour nous, pour que nous soyons sauvés. Et il a véritablement souffert, comme aussi il s’est véritablement ressuscité, non pas, comme disent certains incrédules, qu’il n’ait souffert qu’en apparence. […] Pour moi, je sais et je crois que même après sa résurrection il était dans la chair. […] Après sa résurrection, Jésus mangea et but avec eux comme un être de chair, étant cependant spirituellement uni à son Père. » (Smyr. 2 et 3).

4. Plus que tous les autres Pères apostoliques, Ignace d’Antioche nous livre une christologie relativement élaborée sans qu’il recoure cependant pour la définir à la terminologie dogmatique dont l’utilisation s’avérera nécessaire par la suite. On trouve même formulée chez lui à l’état embryonnaire la doctrine de la « communicatio idiomatum » (communication aux « concepta personnae » des « abstracta naturarum »).

« Il n’y a qu’un seul médecin, éternel et spirituel, engendré et inengendré, venu en chair, Dieu, en la mort vie éternelle, né de Marie et né de Dieu, d’abord passible et maintenant impassible, Jésus-Christ notre Seigneur. » (Éph. 7.2).