Cet article a pour sujet la double loyauté du chrétien: la soumission aux autorités, mais à Dieu avant tout. Nos devoirs (famille, Église, travail), sont subordonnés au service de Dieu. La résistance est donc parfois nécessaire.

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La double loyauté

  1. Le double regard de Dieu
  2. César et Dieu
  3. Savoir dire oui, savoir dire non

En général, quand on dit de quelqu’un qu’il est double, ce n’est pas un compliment. Que croire quand il dit quelque chose? Il est l’ami de tout le monde, mais personne ne peut s’y fier. Cependant, dans mon message aujourd’hui, je vais encourager les chrétiens à pratiquer une double loyauté! J’espère être clair dans ce que je veux dire et s’il fallait le résumer en une phrase, ce pourrait être celle-ci : Dieu — qui nous demande d’être soumis à toute autorité établie parmi les hommes — nous demande d’être soumis premièrement, avant tout à lui.

1. Le double regard de Dieu🔗

Le Psaume 33 nous permet de découvrir que Dieu lui-même a un double regard. Pourtant, il n’y a en lui aucune duplicité, aucune hypocrisie, aucun mensonge! Écoutons ce que dit ce Psaume :

« L’Éternel regarde du haut des cieux, il voit tous les fils de l’homme; du lieu de sa demeure, il observe tous les habitants de la terre, lui qui forme leur cœur à tous, qui est attentif à toutes leurs actions » (Ps 33.13-15).
« Voici, l’œil de l’Éternel est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent en sa bonté, afin d’arracher leur âme à la mort et de les faire vivre au milieu de la famine » (Ps 33.18-19).

Qu’apprenons-nous? Que Dieu voit (et même observe) tous les hommes sur la terre, qu’ils le veuillent ou pas, qu’ils en soient conscients ou pas. Il n’y a donc pas de domaine sans Dieu. Mais nous voyons aussi que le regard de Dieu s’attache, d’une manière différente, à son peuple qu’il aime, au troupeau de son pâturage : « Voici, l’œil de L’Éternel est sur ceux qui le craignent et qui espèrent en sa bonté. » Ce n’est pas tout le monde…

Il y a donc bien « deux regards » de Dieu, qui correspondent à deux alliances :

  • une alliance avec Noé et sa descendance (Gn 8 et 9) qui concerne tous les hommes et même tous les êtres vivants;
  • une alliance avec Abraham et sa descendance (c’est-à-dire Christ et ceux qui lui appartiennent) avec des promesses différentes, beaucoup plus grandes.

Ainsi, il y a bien une seule réalité dans le monde — et il n’y a donc pas de sphère sans Dieu —, mais il y a plusieurs sphères d’existence qui ne sont pas d’importance égale, qui n’ont pas un fondement ni une vocation identiques. Par exemple, le couple, la famille, l’Église, l’entreprise, la ville… constituent des sphères d’existences distinctes, qui sont toutes importantes, qui ne s’excluent pas, mais qui impliquent des devoirs différents. Par exemple, si je suis marié et si j’ai des enfants, mes devoirs envers mon épouse et mes enfants sont différents des devoirs que j’ai envers les autres femmes et les autres enfants. Autrement dit, il y a un discernement à exercer, de manière constante.

Cela apparaît par exemple dans cette exhortation de l’apôtre Pierre : « Honorez tout le monde, aimez les frères, craignez Dieu, honorez le roi » (1 Pi 2.17).

Les conséquences sont importantes et concrètes : alors qu’il déclare qu’on ne peut pas servir Dieu et Mammon (le dieu de l’argent), Jésus dit qu’on peut (et même qu’on doit) servir Dieu et César. C’est donc bien les deux; seulement, ils ne se situent pas au même niveau!

2. César et Dieu🔗

Examinons ensemble la rencontre rapportée par Matthieu (mais aussi Marc et Luc).

Des pharisiens viennent rencontrer Jésus pour le surprendre, lui tendre un piège. Ces hommes s’approchent de Jésus avec toutes les apparences de la piété, de l’honnêteté et du bon sens. « Maître, nous savons que tu es vrai et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité » (Mt 22.16). Quelle belle attitude! Écoutez ce qu’ils disent : « Nous savons que tu n’as pas égard aux personnes, car tu ne regardes pas à l’apparence des hommes. » Que c’est bien dit! Mais Jésus, connaissant leur méchanceté (leur endurcissement), répondit : « Pourquoi me tentez-vous, hypocrites? » (Mt 22.18).

Jésus était humble et doux, mais il n’était pas naïf. Jamais la Bible ne recommande d’être naïf. Bien que religieux et bien éduqués, ces hommes étaient de faux amis. D’où l’importance du discernement! « Dis-nous ce qui te semble », disent les pharisiens. « Est-il permis de payer l’impôt à César? » C’était bien enrobé, mais c’était un piège redoutable. La réponse de Jésus est magnifique : « Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie l’impôt. De qui sont cette effigie et cette inscription? » « De César », lui répondirent-ils. Alors il leur dit : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22.19-21). Cela pourrait ressembler à une fuite, une sorte de non-réponse. Mais ce n’est pas le cas. Jésus remet chacun à sa place. César (comme Pilate…) a l’autorité que Dieu lui a donnée, mais il n’a que l’autorité que Dieu lui a donnée et un jour il rendra des comptes à Dieu qui seul a une autorité absolue.

Ainsi, Jésus invite bien ses interlocuteurs à une double loyauté : envers César, comme chef d’empire et serviteur de Dieu (bon ou mauvais serviteur, mais serviteur avec une autorité déléguée) et envers Dieu comme souverain Maître de l’univers, source de toute grâce et juste juge de toutes choses. Ils ont bien une autorité tous les deux (et elle est liée), mais pas au même niveau. Une des deux est au-dessous de l’autre. Une des deux est au-dessus de l’autre!

Cette capacité à relier les choses entre elles — car tout est lié — tout en établissant les justes distinctions, les justes rapports, les justes hiérarchies, c’est ce que la Bible appelle l’intelligence (Lc 7.9). C’est l’aptitude à regarder l’ensemble sans perdre de vue ce qui est premier; et ce qui est premier, c’est Dieu (Pr 15.32; 16.16; Ép 4.18).

Ainsi, ce n’est pas César ou Dieu. C’est César et Dieu. Mais pas au même niveau! Combien cela doit être rappelé, aujourd’hui!

3. Savoir dire oui, savoir dire non🔗

Certains vont peut-être penser que cela est très théorique. Dans la Bible, il n’y a pas la théorie et la pratique, comme chez nous. Il y a ce que Dieu approuve et ce que Dieu désapprouve, tant pour les pensées que pour les actes. Pour notre sujet, cela se traduit par deux verbes en apparence contradictoires : la soumission et la résistance.

Pour l’illustrer, je vais donner quelques exemples concrets, en commençant par des exemples bibliques connus :

a. Il y a Daniel, bien sûr, choisi pour vivre auprès du roi Neboukadnetsar, en exil à Babylone. Il est soumis au roi, mais « il résolut de ne pas se souiller avec les mets du roi et il pria le chef des serviteurs de ne pas l’obliger à se souiller » (Dn 1.8). À cause de sa conscience. À cause de Dieu.

Plus tard, ce même roi élèvera une statue d’or et commandera que tout le monde s’incline et l’adore. « Quiconque ne se prosternera pas et n’adorera pas sera jeté à l’instant même au milieu d’une fournaise ardente » (Dn 3.6). Daniel et ses compagnons, pourtant proches et estimés du roi, répondront : « Sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux et que nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as élevée » (Dn 3.18).

Ce qui me frappe ici, c’est l’absence d’hésitation. Rien ne laisse penser que Daniel était un fanatique ou quelqu’un d’étroit. Il est en présence du roi et manifeste de la révérence à son égard. Mais sa résolution est sans faille. Comment est-ce possible? Sur le tableau de bord de son cœur, une lumière rouge se met à clignoter quand il y a un risque d’offenser Dieu. Trois fois par jour, Daniel se retire pour prier, afin de rester sensible à ce signal. Adorer une statue est totalement exclu, au risque même de perdre la vie. Dieu compte en premier.

b. Jésus, alors qu’il avait 12 ans, donne de cela une très belle application. Ses parents le cherchent partout. Il est dans le temple, s’entretenant avec les docteurs de la loi, les étonnant par ses réponses.

« Mon enfant, lui dit sa mère, pourquoi as-tu agi de la sorte? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse. Il leur dit : Pourquoi me cherchez-vous? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon père? Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait [c’était Marie et Joseph, pourtant]. Puis, il descendit avec eux pour aller à Nazareth et il leur était soumis » (Lc 2.48-51).

Il leur était soumis. Mais Dieu passait d’abord.

c. Dans le livre des Actes, nous retrouvons une circonstance semblable, à deux reprises. Là, ce sont des dignitaires religieux qui se font menaçants : les chefs du peuple, les anciens et les scribes qui défendent absolument de parler et d’enseigner au nom de Jésus. Pierre et Jean répondent : « Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu; car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4.18-19). Un peu plus tard, les mêmes autorités les surprennent encore : « Ne vous avons-nous pas défendu expressément d’enseigner en ce nom-là? Pierre et Jean répondirent : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5.28-29).

C’est ce que Martin Luther a répondu aux dignitaires de l’Église de Rome, à Worms, quand on l’a sommé de se rétracter. Pierre et Jean étaient-ils des insoumis, des rebelles? Non. Ils étaient des soumis. Mais dans la hiérarchie des autorités, Dieu était pour eux au-dessus des autorités humaines, d’une manière incontestable.

Pour conclure. Un enfant doit être soumis à ses parents, mais ses parents doivent lui apprendre à être soumis à Dieu d’abord — et ils doivent donner l’exemple (Ép 6.1-4). Une épouse doit être soumise à son mari, comme au Seigneur. Mais elle doit être soumise au Seigneur d’abord (Ép 5.22-24). Et elle sera parfois une aide pour son mari (puisque c’est sa vocation dans le couple) en lui disant non si Dieu le lui demande. Non par esprit d’insoumission, mais par soumission à quelqu’un de plus grand. Et le mari chrétien qui cherche à plaire à sa femme doit chercher d’abord à plaire à Dieu. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est les deux; mais ils ne sont pas au même niveau.

Les serviteurs doivent obéir à leur maître, dit Paul, même à ceux qui ont un caractère difficile, y compris en leur absence (Ép 6.5-7; 1 Pi 2.18). Il en est de même avec les professeurs, avec les autorités civiles et politiques. Mais dans chacune de ces situations, il y a un moment où on peut — où on doit — dire non. Non par esprit de rébellion, mais par soumission à quelqu’un de plus grand. C’est là le modèle à développer, dans l’Église et dans le monde. Vous me direz : C’est difficile! Qui a dit que la vie chrétienne était facile? Mais nous avons un conseiller, l’Esprit de vérité, auquel nous devons être sensibles.

Qui sera capable de dire aujourd’hui à quelqu’un d’important : Je voudrais bien faire ce que vous me demandez, mais je ne le peux pas, car Dieu ne me le permet pas. Et accepter ce principe permanent écrit par l’apôtre Pierre : « Mieux vaut souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal » (1 Pi 3.17).

Que Dieu nous rende sensibles à sa voix.