Enseigner la doctrine du Christ
Enseigner la doctrine du Christ
- Tout chrétien est un disciple
- Il doit y avoir des enseignants
- La bonne et la mauvaise doctrine
- La parole de l’homme
Il y a dans l’Église de Jésus-Christ des docteurs, une doctrine, des disciples, et il doit y avoir un enseignement donné au nom du Seigneur. On ne saurait trop dénoncer les ravages causés dans l’Église par l’oubli de ces vérités élémentaires. Celui qui est le prince des ténèbres a tout fait pour introduire dans l’Église l’ignorance et l’erreur, car, sur tous les points touchés par l’ignorance et l’erreur (deux aspects des ténèbres), il règne. En faisant porter notre attention sur le problème de l’enseignement de la doctrine de Christ dans l’Église, nous ne touchons donc pas à une question théorique; nous nous trouvons, au contraire, engagés dans le plus formidable conflit qui ait bouleversé la création de Dieu : celui des ténèbres contre la lumière, de Satan, le menteur, contre la Parole faite chair. Nous savons qu’en prenant position dans ce conflit au nom du Seigneur, nous sommes dans le camp du Vainqueur, mais nous ne nous dissimulons pas l’aspect tragique de cette prise de position.
1. Tout chrétien est un disciple⤒🔗
Il y a des disciples dans l’Église. Bien mieux, il n’y a en elle que des disciples. Tout chrétien est un disciple du Christ (voir Ac 11.26). Le mot « chrétien » n’est employé que trois fois dans le Nouveau Testament (Ac 11.26; 26.28; 1 Pi 4.6). Au contraire, le mot « disciple », employé dans les Évangiles pour désigner ceux qui suivaient Jésus comme leur Maître, reste, dans le livre des Actes, après la Pentecôte, le terme usuel désignant les membres des Églises. Il apparaît 26 fois. Il n’apparaît ni dans les lettres des apôtres ni dans l’Apocalypse. D’autres expressions le remplacent : frères, saints, bien-aimés de Dieu, serviteurs du Christ, élus.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur la position de disciples. Il ne nous est pas possible d’en parler ici; mais nous dirons seulement que, si tout disciple de Christ est un croyant, tout croyant n’est pas un disciple. Dans les Évangiles, le groupe des disciples est nettement distinct du groupe plus large des auditeurs et de « ces petits » qu’il ne faut pas scandaliser. D’ailleurs, les démons, eux aussi, croient. Nous disons cela, parce que nous trouvons dans les Églises des croyants qui ne sont pas des disciples. C’est par un abus de langage que nous les appelons chrétiens. En réalité, ils n’appartiennent pas à l’Église de Jésus-Christ, bien qu’ils en soient très près et qu’il ne faille donc pas les scandaliser. Aussi, maintenons-nous notre affirmation : dans l’Église de Jésus-Christ, il n’y a que des disciples.
2. Il doit y avoir des enseignants←⤒🔗
Il y a ou il doit y avoir dans l’Église des docteurs. Les conducteurs spirituels des Églises locales, que Paul appelle anciens ou surveillants, ne doivent-ils pas être capables d’enseigner? L’évangéliste qui, dans un ministère transitoire, veille sur une Église mineure tant qu’elle n’a pas réussi à constituer son collège de conducteurs spirituels s’applique à l’enseignement. Et nous ne parlons pas de ceux que le Seigneur a donnés et établis dans l’Église pour exercer le ministère de docteurs et qui ne sont pas nécessairement des évangélistes ou des anciens-surveillants.
Il n’y a, il est vrai, qu’un Maître, Jésus-Christ. Mais ceux qui enseignent le font en son nom, et ils peuvent le faire parce que c’est la volonté du Seigneur qu’il y ait un enseignement dans l’Église (Mt 28.20). Ils ne sont docteurs que si, qualifiés par l’Esprit, ils sont établis et donnés par le Seigneur. Dès le commencement, l’Église a eu ses docteurs et son enseignement de la doctrine. C’est dans l’enseignement des apôtres que les premiers chrétiens persévéraient; Paul revendiquait le titre d’apôtre et de docteur; il y avait à Antioche un collège de prophètes et de docteurs. On pourrait citer bien d’autres textes faisant mention d’un enseignement dans les Églises de la période apostolique. Ces docteurs enseignent une doctrine précise, possédée par l’Église dès le début : c’est la doctrine de Dieu, notre Sauveur, de Christ, du Seigneur, des apôtres. C’est la pure doctrine, la saine doctrine, la bonne doctrine.
Le docteur ne peut aucunement se servir du nom du Seigneur pour enseigner autre chose que la pure doctrine de Christ. Or, nous entendons dans les Églises des voix discordantes qui proclament des doctrines différentes et même contradictoires, bien qu’il n’y ait qu’une doctrine du Christ. Les autres sont des doctrines d’hommes ou des doctrines de démons, et ceux qui les enseignent ne sont que de faux docteurs qui ravagent l’Église. En réalité, ils font du mal à l’Église, l’Épouse du Christ, aux âmes pour lesquelles Jésus est mort et ressuscité, et ternissent la gloire du Seigneur. Il se peut que nous ne nous entendions pas sur le contenu de la doctrine du Christ, mais nous ne pouvons nier que le fait de la multiplicité des enseignements prouve que l’Église est livrée à des hommes qui ne sont pas de vrais docteurs, et que l’erreur est semée à pleines mains dans le champ de Dieu. C’est là une œuvre des ténèbres, un service de Satan.
La vision d’un tel mal nous oblige à nous rassembler autour du Maître unique et de sa bonne, pure et saine doctrine. Cela pose un problème de discernement. Nous voulons en parler au nom du Seigneur et dire ce qu’est la doctrine de Christ.
3. La bonne et la mauvaise doctrine←⤒🔗
Ce que nous appelons la doctrine, c’est ce que Dieu enseigne à ceux qu’il appelle ses enfants, parce qu’il veut qu’ils en aient une connaissance certaine, appuyée sur sa Parole, durant leur vie terrestre. C’est encore ce qui peut et doit être enseigné au nom de Christ dans l’Église, par les docteurs, aux disciples. La prédication (kérygme) s’adresse à ceux qui ne sont pas disciples. Il est distinct de l’enseignement et réclame d’autres compétences, celles de l’apôtre ou de l’évangéliste. Il y a une connaissance qui est nécessaire à l’enfant de Dieu, parce que Dieu veut qu’il ait cette connaissance et aussi parce qu’il en a besoin. Il y a, en effet, des connaissances vaines. L’Ecclésiaste a parlé de ces connaissances qui ne servent pas la vie et qui ne sont que « poursuite du vent ». Les apôtres les dénoncent comme un mal dont souffrit l’Église dès le commencement : questions de généalogies, questions d’anges, doctrines de démons, contes profanes et absurdes, sagesse des Grecs…
L’Église actuelle souffre plus que jamais de ce mal. Tous les systèmes philosophiques ou théologiques loués un jour et abandonnés le lendemain, toutes les hypothèses se prétendant scientifiques, toutes les affabulations des poètes et des rêveurs, ont tour à tour trouvé audience dans l’Église. Tout cela fait un bruit qui couvre la voix de Dieu. Quand on compare la pauvreté doctrinale des Églises, leurs hésitations et leurs doutes, leurs discussions sans fin sur les enseignements les plus élémentaires, au nombre impressionnant de leurs docteurs célèbres, tous applaudis quoique se contredisant, on est obligé de se rappeler que Paul a prophétisé au sujet de femmes « apprenant toujours et ne pouvant jamais arriver à la connaissance de la vérité » (2 Tm 3.17). Mais il n’y a pas qu’à des femmes que cela arrive…
Mais s’il y a une connaissance vaine, il en est une autre qui est nécessaire. Paul écrivait aux Thessaloniciens : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance au sujet de ceux qui dorment, afin que vous ne vous affligiez pas comme les autres qui n’ont point d’espérance » (1 Th 4.13). Il y avait donc des choses que les Thessaloniciens ne devaient pas ignorer, et que nous, disciples comme eux, devons aussi connaître. En parcourant le Nouveau Testament, nous trouverions d’autres mentions analogues de la nécessité de la connaissance. Le disciple ne doit pas ignorer la doctrine des charismes, le mystère d’Israël, qu’un jour est pour Dieu comme mille ans et mille ans comme un jour, qu’il y a la vie éternelle. Parlant de son ministère, Paul disait aux anciens d’Éphèse : « Vous savez que je ne vous ai rien caché de ce qui vous était utile » (Ac 20.20). La connaissance de la doctrine n’est donc pas une chose vaine : elle répond à un besoin de l’homme spirituel.
Si nous ne discernons pas les choses que l’enfant de Dieu doit savoir, nous ne discernerons pas mieux les connaissances vaines. Si nous étions des hommes faits, nous discernerions ces choses. La doctrine n’est pas un ensemble confus. Elle a des limites précises; mais elle est si vaste qu’il se peut que nous éprouvions quelque peine à en faire le tour. Quoi qu’il en soit, même si notre vue est trop courte pour que d’un seul regard nous puissions voir l’immense cercle de ses frontières, il faut que nous sachions que ces frontières existent et que nous ayons assez de discernement pour les reconnaître lorsque nous venons buter contre elles.
Prenons garde : ni la chair ni le monde n’acceptent de s’enfermer dans les limites de la doctrine, et toutes les puissances d’erreur tendent à nous entraîner hors de ces limites. Nous donnons au monde le spectacle de disciples qui s’écartent du groupe qui se presse autour de Jésus, l’unique Maître, pour aller écouter ce qu’enseignent des philosophes païens ou athées. Sommes-nous disciples de Jésus-Christ ou disciples du menteur? Nous voulons être disciples de Jésus, et nous savons que nous touchons aux limites de la doctrine lorsque cesse la certitude spirituelle que nous pouvons et devons avoir que nous sommes en présence d’un enseignement du Maître.
Dieu veut nous communiquer par un enseignement cette connaissance nécessaire qui nous établit en pleine lumière, de telle sorte que toutes nos démarches, toute les attitudes de notre vie soient pleinement éclairées. Nous sommes « enseignés de Dieu » (théodidaktoi, 1 Th 4.10). Quelles que soient les modalités de cet enseignement, c’est Dieu qui est notre Maître. Dieu parle encore aux hommes. L’enseignement considéré comme ministère spirituel exercé au nom du Seigneur dans l’Église est un ministère de la Parole (Lc 1.2). Ce que le disciple veut entendre, ce n’est pas l’homme, qui n’est qu’un serviteur, mais la Parole de Dieu venant jusqu’à lui par le ministère de ceux que le Seigneur a donnés et établis. Cela suppose évidemment que la connaissance peut être transmise et reçue par le moyen de la parole. Des hommes, qui ne sont pas des disciples de Christ, le nient. Qu’ils ne soient pas étonnés si nous ne tenons aucun compte de leur négation, puisqu’ils nous disent eux-mêmes que leur parole ne peut rien nous apprendre.
4. La parole de l’homme←⤒🔗
En parlant de la Parole, nous touchons à un mystère d’une importance capitale. Dès le début de la Genèse, ce mystère nous est présenté au niveau de Dieu d’abord, car c’est par sa Parole que Dieu créa et ordonna le monde, puis au niveau de l’homme, lorsqu’il nous est dit :
« L’Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme » (Gn 2.19).
Dieu savait bien ce qu’étaient ces êtres qu’il venait de former. Comme un homme de théâtre, l’homme assigne des rôles et donne des noms, tenant compte de ce qu’il sait du talent de chacun et du rôle qu’il veut lui faire jouer dans le drame qu’il a conçu. Ce que Dieu veut savoir, si je puis m’exprimer de la sorte, c’est comment l’homme va régner, comment il va organiser son règne sur les vivants : dans les noms il y a le schéma du royaume. Mais Dieu nous a raconté, dans le livre, l’histoire lamentable de l’échec du règne de l’homme.
Dieu sait maintenant que l’homme s’est associé à l’homicide et qu’il a introduit la mort, là où il y avait la vie. Les plans de l’homme n’ont pas d’intérêt. Mais le plan de Dieu demeure. Il le manifeste et le réalise par sa parole. Lorsque l’homme parle de lui-même, l’Éternel n’écoute plus pour apprendre. Il lui dit comme à Job : « Quel est celui qui obscurcit mes desseins par des discours sans intelligence? Ceins tes reins comme un vaillant homme, je t’interrogerai et tu m’instruiras » (Jb 38.2-3). Cinglé par cette ironie, l’homme ne peut que répondre : « Voici je suis trop peu de choses; que te répliquerai-je? Je mets ma main devant ma bouche. J’ai parlé une fois, je ne répondrai plus; deux fois, je n’ajouterai rien » (Jb 40.4-5).
S’il y a eu un siècle bavard et enivré de sa science, c’est bien le nôtre. Et, cependant, nous ne pouvons pas nous dissimuler la vanité de sa connaissance. Si nous découvrons un objet inconnu, nous pouvons le mesurer, le peser, l’analyser et nous arriverons à dire sur lui bien des choses. Et, cependant, nous ne serons que des ignorants et nous ne saurons pas ce qu’il est tant que nous n’aurons pas découvert son utilité, sa raison d’être, ce pour quoi il est fait. Nous pourrons peut-être lui trouver une place dans nos synthèses artificielles, mais cet emploi imposé à l’objet mystérieux restera contre nature. Ainsi, l’homme étudie les propriétés du fer et de l’acier et il en fait des armes qui tuent. Il est évident que dans la pensée de Dieu, le fer n’a pas été créé pour cela.
Si nous avions une connaissance véritable des choses et de leur devenir de la place qu’elles doivent occuper dans la création, nous pourrions dominer sur elles, et notre action, prolongeant celle du Dieu créateur et ordonnateur, ferait de nous des « ouvriers avec Dieu ». Il y a des résistances des choses à notre action qui nous irritent et qui disparaîtraient, car l’homme ne peut ordonner les créatures à une fin autre que celle pour laquelle elles ont été créées qu’en leur faisant violence. Les créatures résistent à cette violence et souvent c’est l’homme qui est brisé par elles. Au contraire, la volonté ordonnatrice de Dieu commande aux créatures. La raideur des choses que nous appelons « lois » et qui n’est le plus souvent qu’un refus de servir à la fantaisie de l’homme plie devant la volonté infiniment sage de Dieu. Le miracle n’est en définitive que la manifestation de la maîtrise divine devant laquelle les créatures sont comme plastiques. Notre science des lois de la nature qui fait notre orgueil d’homme moderne n’est qu’un aspect épisodique de notre ignorance de la vraie nature des choses, de la place qu’elles occupent dans la pensée de Dieu.
On comprend dès lors la nécessité de l’enseignement divin qui fixe à l’homme la fin qu’il doit atteindre et les moyens d’y parvenir, et combien est folle la sagesse des hommes qui osent ajouter leur parole ignorante à la Parole révélatrice de Dieu qui connaît toutes choses. Dieu parle et, par sa parole, il inaugure son règne. Il n’échouera pas dans son entreprise. Si nous écoutons, c’est pour savoir ce qui va se passer sur la scène du monde où nous sommes acteurs. Notre vie tout entière, c’est notre rôle, et il n’y a que la Parole de Dieu qui puisse nous révéler notre rôle, notre vie, notre devenir. Elle est parole de vie.
Mais si nous devons écouter en prenant la position de disciple pour recevoir les paroles qui concernent notre vie, voici que ces paroles nous apprennent que l’homme, dans le plan de Dieu, devra parler. Parler a été le rôle des prophètes; c’est encore le rôle de ceux qui exercent les ministères de la Parole, en particulier des docteurs. Mais alors, l’homme ne parle plus en son nom, il parle au nom du Seigneur.