Cet article a pour sujet des mythes païens de la création ou des cosmogonies mythiques de peuples anciens (Égypte, Sumer, Babylone, Phénicie, Grèce, Inde), comparés au récit biblique de la création dans Genèse 1.

Source: Évolution ou création?. 4 pages.

Genèse 1 - Mythes de la création et récit biblique

  1. Des cosmogonies mythiques anciennes
  2. Le récit biblique de la création
« Dès que l’homme fut capable de réflexion, il se posa des questions sur l’origine du monde et sur sa propre origine. Les premiers documents écrits qui nous sont parvenus, et dont certains remontent au troisième millénaire, nous en fournissent la preuve. On sait que dès ces époques lointaines l’homme s’est préoccupé des questions qui lui paraissaient fondamentales, notamment sur son destin, heureux ou malheureux. Ce destin semblait dépendre de forces cosmiques ou divines. Les premières réflexions ne sont pas abstraites ou philosophiques; il faudra attendre pour cela les débuts de l’hellénisme du sixième siècle avant J.-C. Le questionnement sur les origines emprunte des genres littéraires variés dont les frontières sont imprécises : proverbes, fables, légendes, épopées, mythes.1 »

Ce sont ces mythes cosmogoniques que je voudrais ici comparer au récit biblique de la création, afin d’évaluer par la suite la signification théologique du récit de la Genèse ainsi que ses implications existentielles. Il y a tant de malentendus au sujet des origines qu’il est nécessaire de les dissiper de toute urgence, sans prétendre toutefois résoudre tous les problèmes ou répondre à toutes les questions. Je me propose, après avoir examiné rapidement certaines mythologies, de témoigner du caractère historique sérieux et solide du texte biblique. La distance infranchissable entre celui-ci et les cosmogonies mythiques saute aux yeux.

Sans aborder l’examen du mythe comme tel, qu’il me soit permis d’exprimer mon étonnement devant ces savants modernes, parfois même chrétiens, qui estiment que celui-là contiendrait des éléments tout à fait positifs… Pour ma part, je tiens le mythe pour la balle qu’il faut séparer du bon grain de la révélation biblique; car le mythe, selon la conception chrétienne et selon Paul lui-même dans sa lettre aux Romains, il est la rétention même de la vérité de Dieu, cette vérité « que les hommes ont retenue injustement captive » (Rm 1.18). Non seulement ils l’ont refoulée, mais encore ils l’ont déformée au point de la rendre méconnaissable, pour ne conserver que la paille à la place du froment, en abandonnant leurs adeptes dans l’ignorance et les ténèbres religieuses les plus opaques. Désolé de ne pas suivre l’avis des savants spécialistes des religions comparées; je prends le mythe en son sens péjoratif; il pourrait être, éventuellement, une noble fiction, mais une fiction qui ment quand même…

1. Des cosmogonies mythiques anciennes🔗

Voici pour commencer une énumération ou classification des cosmogonies mythiques rapide et assez commode, que nous comparerons au récit biblique des origines. (J’emprunte encore à l’auteur cité plus haut).

1. Mentionnons d’abord la création du monde par la pensée, la parole et l’émanation d’un dieu. Dans ce type de mythe, on situe au point de départ un dieu, parfois appelé père. Toutes choses sont d’abord dans sa pensée, y compris l’homme, puis deviennent finalement « chair et sang »; les phantasmes divins se transforment en réalités palpables. Le dieu Ptah, adoré à Memphis (Égypte), crée l’univers par son « cœur », source de toute connaissance, et par son verbe qui répète ce que le « cœur » a pensé.

2. Les cosmogonies, c’est-à-dire les explications de la naissance du monde par l’émanation d’un dieu, se rencontrent déjà dans l’Égypte ancienne. Par exemple, le créateur se transforme en soleil; de sa propre substance, il produit deux germes avec lesquels il ensemence les eaux pour donner le père ciel et la terre mère.

3. Il existe également un autre mode de création à partir d’un plongeon cosmogonique. Suivant ce type de mythe, au commencement n’existaient que les eaux; Dieu ordonne à un animal amphibie de plonger jusqu’au fond de l’océan pour lui ramener une poignée de glaise avec laquelle il formera la terre. Dans l’Inde, cet animal plongeur est un sanglier. Parfois, c’est le dieu lui-même qui se transforme en animal avant de plonger. Chez les Amérindiens, les animaux plongeurs sont des oiseaux aquatiques, des crustacés ou des poissons. Dans d’autres mythes, le dieu n’est plus seul à planer au-dessus des eaux; il est accompagné d’un homme. Celui-ci reçoit l’ordre de plonger, il s’exécute, mais en remontant, il tente de garder pour lui, en le dissimulant dans sa bouche, une partie du limon. Alors le dieu lui fait le reproche : « Tu as péché et tes sujets seront mauvais! »

4. Un quatrième mode de création mythique est la division de la matière primordiale. L’existence d’un couple ciel-terre se trouve dans beaucoup de mythologies. C’est le mythe des « parents du monde ». Chez les Grecs, le couple Gaïa (terre) et Ouranos (ciel étoilé) donne naissance à la famille innombrable des êtres divins. Selon la tradition sumérienne, au commencement le ciel et la terre étaient confondus, et le dieu Enlil les sépara. En Égypte (Héliopolis), la terre et le ciel se tenaient étroitement embrassés, le dieu Geb sous la déesse Nout. Leur père (Shou) les sépara, en haussant par-dessus sa tête la déesse, qui devint la voûte céleste. Pour les Phéniciens, le chaos était le principe primordial. En s’unissant à l’esprit, il produit le désir. Les trois se combinent pour finalement donner naissance à un œuf qui contient en germe l’univers tout entier. L’œuf se brise en deux; une moitié devient le ciel, l’autre la terre.

5. Voici, enfin, le mythe de la création par démembrement d’un géant ou d’un monstre. Dans les Védas, textes fondateurs de l’hindouisme, ce sont les dieux qui procèdent au sacrifice du Purusha (l’homme), le géant primordial. Son démembrement donne naissance aux astres, à la terre, au vent. Un dépeçage analogue se trouve dans la mythologie scandinave et en Chine. Dans celle d’Iran, l’univers a pris naissance dans le corps d’Ormuzd et se développe à la façon d’un embryon jusqu’à l’accouchement; le dieu crée tout ce qui existe à partir de cet être issu de lui. À Babylone, le grand poème de la création s’inscrit dans cette catégorie. Le mythe du combat entre un dieu champion et un dragon est attesté en Grèce, dans l’Inde et dans le Proche-Orient. Il s’agit souvent d’une bataille entreprise pour sauver le monde du retour au chaos par un désastre (eau, sécheresse).

Ainsi, tous les peuples voisins d’Israël, Sumer, Babylone, l’Égypte, possédaient des traditions relatives à la création du monde. À Babylone, la grande épopée Enuma Elish était récitée solennellement à la fête du Nouvel An. Les différentes parties du monde, ciel, mer et terre, y étaient représentées comme autant de divinités qui se livraient à une lutte à mort, lutte d’où sort le monde créé. Bien que vivant dans un milieu où les mythes de la création jouaient un grand rôle, Israël ne les avait pas repris. Au contraire, il s’en était libéré.

2. Le récit biblique de la création🔗

Le livre de la Genèse, révélation des origines, contient deux récits de la création. Certes, d’autres passages de l’Ancien Testament rapportent également sinon le récit détaillé de la création, en tout cas le fait de celle-ci par l’acte divin et souverain du Dieu révélé, notamment dans les livres des Psaumes et celui de Job (Jb 38.8). La première phrase de la Bible appelle déjà la question : Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde? Ou encore : Pourquoi suis-je? La réponse se trouve déjà dans ce « Dieu trouva cela bon », qui revient dans le récit comme un leitmotiv. C’est à partir de la Parole divine que tout est et que tout s’organise. Elle est dès le commencement la lumière des hommes (voir le prologue de Jean). Et toute la création va s’ordonner autour de cette lumière. Elle est mouvement et force, ordre et harmonie, clarté et vérité.

L’homme, homme et femme, est créé à l’image de Dieu. Le monde est remis entre ses mains. Il nous est dit : « Faisons l’homme à l’image de Dieu », pour bien marquer que le Seigneur prend conseil de lui-même en créant le « couronnement de la création » à qui il délègue donc une partie de son autorité et qui sera, en quelque sorte, l’intermédiaire entre Dieu et son œuvre. Tout ce qui est créé l’est « selon son espèce », mais le rapport entre Dieu et l’homme s’exprime dans la grâce et la foi, le commandement et son obéissance, ainsi que la reconnaissance. Lorsque nous connaissons dans la foi et la confiance en Christ cette bienfaisante réalité, nous savons ce que signifie être « créé à l’image de Dieu ».

Dans le récit de la création éclatent la sagesse et l’amour de Dieu, présenté tout au long de la Bible comme le Dieu Créateur. Elle magnifie sa puissance, son amour et sa sagesse, et nous fait comprendre la fragilité de l’homme, sa vulnérabilité, sa mortalité…, mais aussi et surtout sa dépendance vis-à-vis de lui. Le monde et la vie n’existent que par Dieu, et l’univers, avec tout ce qu’il contient, n’existerait pas une seconde sans être soutenu par Dieu. Sa puissance sur le monde et sur la vie, notamment la vie humaine, demeure entière et ceux-ci restent suspendus à sa grâce. Il ne les maintient que parce que telle est sa bonne volonté.

Là, nous sommes bien loin des mythes païens de la création!

Note

1. Jean-Pierre Longcham, La création du monde, Desclée de Brouwer, p. 37. 1