Jean 10 - Le bon Berger
Jean 10 - Le bon Berger
« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis entendent sa voix; il appelle par leur nom les brebis qui lui appartiennent et les mène dehors. Lorsqu’il a fait sortir toutes celles qui lui appartiennent, il marche devant elles; et les brebis le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix. Elles ne suivront point un étranger; mais elles fuiront loin de lui, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers. Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Jésus leur dit encore : En vérité, en vérité, je vous le dis, moi, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des brigands; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour voler et tuer et détruire; moi, je suis venu, afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. Moi, je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. »
Jean 10.1-11
Ce chapitre est intimement lié à celui qui le précède. La discussion avec les pharisiens, provoquée par la guérison de l’aveugle-né, continue. Par l’expression « En vérité, en vérité » qui l’introduit, Jésus annonce un enseignement d’une grande importance qui va se heurter à l’hostilité de la plupart de ses interlocuteurs. En effet, celle-ci ne va pas désarmer et elle se retrouvera plus forte que jamais lorsque Jésus aura achevé de parler.
On a supposé que l’épisode entier s’était passé près de la porte des Brebis, à la fin de la journée, quand les bergers ramenaient leurs troupeaux de la campagne. Il semble bien plutôt que ces paroles furent prononcées dans le Temple ou sous l’un des portiques, là même où avait eu lieu la discussion à propos de l’aveugle guéri. C’est la foi de cet homme, opposée à l’incrédulité des chefs, qui va inspirer à Jésus ses comparaisons : l’un était le type même de la brebis qui a entendu la voix de son Maître et l’a suivi, les autres apparaissaient comme les voleurs et les brigands qui veulent dérober les brebis à leur propriétaire légitime, ou comme ces mercenaires qui ne se soucient pas d’elles.
Ce qu’il y a de nouveau ici dans la forme de ce discours par rapport au précédent, c’est que Jésus utilise une similitude. C’est ainsi, semble-t-il, que se traduit le mieux le terme du verset 6 pour caractériser le genre d’enseignement de Jésus à ce moment. Ce n’est pas une parabole proprement dite, c’est-à-dire une histoire concrète destinée à mettre en lumière une action de la grâce de Dieu ou une attitude de foi ou d’incrédulité, avec les conséquences qu’elles comportent. Ici, il y a une image, ou plutôt une suite d’images qui s’enchevêtrent et qu’il est difficile de distinguer, mais non de comprendre. Nous sommes très proches de l’allégorie où chaque détail a un sens symbolique et correspond à une réalité spirituelle. C’est bien une similitude, c’est-à-dire littéralement un chemin parallèle à la réalité, une série de tableaux qui tous mettent en lumière la personne et l’œuvre du Sauveur en des termes familiers à ses auditeurs, non seulement parce qu’ils sont empruntés à la vie concrète de beaucoup d’entre eux, mais surtout parce qu’ils évoquent tant de passages bien connus de l’Ancien Testament, et que, par conséquent, ils prennent tout naturellement, pour eux qui les connaissent, une signification spirituelle.
La similitude du berger et des voleurs expose très clairement la situation devant laquelle Jésus se trouve. Le peuple de Dieu enfermé dans le bercail de l’Ancienne Alliance attend le berger qui lui a été promis, mais beaucoup en convoitent la possession et tentent de s’en emparer par la fraude. Allusion évidente à la domination des chefs du peuple et en particulier des pharisiens, telle qu’elle vient de se manifester à propos de l’aveugle guéri. Mais lorsque vient le vrai Berger, les brebis que Dieu lui destine entendent sa voix et le suivent. Il les conduit hors de l’Ancienne Alliance et les fait entrer dans la vie nouvelle du Royaume de Dieu.
Ses auditeurs ne pouvant ou plutôt ne voulant pas comprendre ces images, Jésus va déclarer avec force qu’il est lui-même la porte. Cette image ne désigne plus ici la sortie du bercail, mais l’accès au Royaume. Ce n’est qu’en passant par lui que les brebis peuvent s’engager sur le bon chemin qui leur permettra de trouver une nourriture abondante. Ceux qui l’ont précédé (les faux messies et ceux qui usurpent une autorité sur le peuple) sont des voleurs et des brigands qui s’emparent de ce qui lui appartient. Ils ne cherchent que leur intérêt. Un seul, parce qu’il aime les brebis et parce qu’il vient de Dieu, peut les faire pénétrer dans les pâturages célestes. Jésus seul donne le salut et procure aux siens la vie en abondance (Jn 14.6).
Il y a probablement ici, contenu dans la réprobation des mauvais bergers, un enseignement pour les disciples appelés à devenir des pasteurs. Ce n’est que dans la mesure où eux-mêmes auront pénétré par la porte et conduiront leur troupeau à travers cette unique porte vers le Royaume qu’ils seront fidèles à leur vocation et demeureront, eux les pasteurs terrestres, en communion avec le grand Pasteur des brebis.
En promettant aux brebis la vie en abondance, le verset 10 prépare la deuxième explication que donne Jésus de sa mission, lorsqu’il déclare par deux fois : « Je suis le bon Berger » (Jn 10.11,14). Ce qui fait de Jésus le bon Berger, ce n’est pas seulement sa fidélité et son désintéressement, mais surtout l’amour qu’il éprouve pour ses brebis, amour qui va le pousser à leur faire le sacrifice suprême : « Je donne ma vie pour les brebis » (Jn 10.15). Ici, toutes les images de l’Ancien Testament sont dépassées. Ce n’est plus le berger tout-puissant qui garde et conduit son troupeau, c’est le berger qui lutte et meurt pour les préserver du loup ravisseur. Lorsque l’ennemi attaque ainsi le troupeau, alors apparaît l’insuffisance ou la lâcheté des bergers ordinaires, qui abandonnent les brebis. Lui, il les aime d’un amour unique, semblable à celui qui le lie au Père, et c’est à cause de cet amour qu’il accomplit pour eux le sacrifice suprême.
Le grand amour du Sauveur pour les siens ne s’applique pas seulement au petit troupeau de ceux qui ont cru en sa Parole pendant son ministère terrestre, mais à tous ceux qu’il est venu chercher et sauver, à ceux qui, lorsqu’il aura donné sa vie, croiront en lui, non seulement dans le peuple d’Israël, mais dans le monde entier. Et parce que ces hommes auront entendu sa voix, ils formeront, malgré les origines différentes, un seul troupeau, un seul peuple, un seul Royaume assemblé autour de l’unique Berger et Roi.
Enfin, Jésus, laissant de côté l’image du berger, affirme que cette œuvre du salut sera accomplie non seulement par son sacrifice, mais par sa victoire sur la mort. Dans ce grand drame qui se prépare et qui doit aboutir à la résurrection, le Seigneur n’est pas un instrument passif entre les mains de Dieu. C’est volontairement, librement, dans une communion parfaite avec son Père, qu’il va réaliser le grand dessein salutaire de Dieu.
Dégageons à présent pour nous-mêmes quelques enseignements précieux de cette première partie du passage johannique.
Jésus montre aux mauvais bergers qui est le bon Berger. Et il ajoute : « Je suis la porte; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé » (Jn 10.9). Le portier, c’est-à-dire Dieu le Père, lui ouvre. Chose inouïe, Dieu lui a réservé un poste; Dieu lui-même l’y introduit. Le berger n’accapare pas sa place, il ne l’assure même pas par sagacité et par ruse, par manœuvres et par manigances. Sa place lui est assignée. On n’est pas berger parce qu’on a réussi à supplanter le compagnon, mais parce que Dieu en personne l’a choisi. Le berger (humain) a répondu à un appel. La véritable autorité vient de Dieu. Elle est reconnue comme telle et par celui qui commande et par ceux qui obéissent. Elle porte le sceau de l’autorité divine. Heureux le peuple dont les chefs ont été appelés par Dieu!
Avons-nous dans l’Église, dans l’État et dans tous les domaines de la vie sociale des chefs qui sont de véritables bergers, c’est-à-dire des hommes qui sont arrivés à leur poste en passant par la porte des brebis? Nos autorités se reconnaissent-elles responsables devant Dieu de leur activité? Nos conducteurs ont-ils été choisis par la grâce de Dieu ou bien par les intérêts des partis et des porte-monnaie?
Jésus-Christ ne nous laisse pas le temps de faire de vaines et troublantes considérations sur l’avenir, mais il se présente à nous et nous rappelle le devoir prescrit à l’Église pour le bien des peuples. Nous devrions prier pour que Dieu établisse sur nous des autorités selon son cœur; pour que Dieu donne à l’Église de vrais bergers, des pasteurs qui annoncent l’Évangile dans la puissance de l’Esprit. Nous ne pouvons recevoir un tel don que si Dieu, le portier, ouvre lui-même la porte au prédicateur dans sa miséricorde. Si le ciel reste fermé pour nous et si nous lui restons fermés, il n’y aura jamais de temps nouveau, de millénaire nouveau. C’est pour nous tous, y compris les chrétiens, une humiliation qu’année après année, siècle après siècle et millénaire après millénaire il n’y ait jamais de changement dans le monde, parfois même dans l’Église. Mais prions donc pour les pasteurs afin que leur parole reçoive l’autorité d’un témoignage. Demandons des conducteurs qui n’ont pas esquivé la porte étroite, mais qui prêchent sans crainte des hommes, qui ne se courbent que devant la Parole de Dieu et dont la trompette rend un son clair.
Demandons aussi à Dieu de nous donner des écoles et des maîtres qui sachent que la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Demandons des guides politiques et des hommes d’État sans arguer que cela ne relève pas du domaine spirituel. Demandons des conducteurs politiques qui dépendent de Dieu, non de l’opinion publique ni des scores et des sondages d’opinion, qui acceptent leur responsabilité devant Dieu.
Les brebis surprises par un loup ravisseur déguisé en berger ne peuvent que devenir méfiantes. Mais là où l’élite est entrée par la porte dans la bergerie, les brebis prennent confiance dans la parole et dans les actes des autorités. Jésus nous montre un vrai berger à l’œuvre. Les brebis entendent sa voix. Des rapports de confiance réciproque règnent entre le peuple et lui. Le peuple est délivré de cette néfaste atmosphère dans laquelle chacun se méfie des autres et défend ses intérêts envers et contre tous. Non seulement les brebis connaissent leur berger, mais le berger connaît ses brebis. Il les appelle par leur nom. Il les mène dehors. L’obéissance du troupeau est la récompense du vrai berger. Les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix. Elles ne suivront pas un étranger.
« Entrer par Jésus-Christ »; cette parole signifie se laisser entraîner dans sa mort et dans sa résurrection. L’apôtre Paul dit des chrétiens qu’ils ont été baptisés dans la mort et dans la résurrection du Christ. Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Avant de devenir des bergers, nous sommes appelés à devenir des brebis. Le Christ lui-même, semblable à un agneau qui se laisse sacrifier, est devenu le Berger de tous les peuples. La croix est la source du véritable esprit de ministère.
Il est possible de se rendre auprès des brebis en passant à côté de la porte, de s’introduire frauduleusement dans la bergerie. Jésus les nomme des voleuses et des meurtriers. Ils ont suivi la voie de l’intérêt personnel et la vaine gloire auprès des hommes. Celui qui cherche le bonheur de l’humanité en dehors de la croix finit toujours par tomber dans la recherche de la puissance personnelle. Mais, dans sa grâce, Dieu ne nous abandonne pas dehors. Il dit : « Je suis la porte. » La porte est ouverte. Nous n’avons pas à redouter l’avenir. Nous pouvons la franchir. Nous pouvons avancer avec confiance chaque jour, chaque année, chaque millénaire. En Christ, nous avons la vie, une vie qui est abondante, nous déclare-t-il.