L'Église dans l'histoire (2) - Introduction - La plénitude des temps
L'Église dans l'histoire (2) - Introduction - La plénitude des temps
« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils… » (Ga 4.4). D’après l’apôtre Paul, le Christ est né « à la plénitude des temps ». Faut-il en conclure que le monde de l’époque l’attendait avec impatience et l’accueillit les bras ouverts, comme l’Église qui prit forme le jour de la Pentecôte à Jérusalem?
Il n’en fut rien. Ce n’est pas parce que le monde païen lui aurait réservé un accueil favorable que l’édification de l’Église apostolique put avoir lieu et qu’elle connut une expansion aussi rapide. La seule raison, il faut la chercher en la puissance conquérante de Jésus-Christ le Seigneur, son Chef. Il faut néanmoins reconnaître que les nations occidentales avaient été providentiellement préparées à l’avènement du christianisme, et c’est cette préparation que nous appelons « la plénitude des temps ».
À l’époque où commence l’histoire de l’Église, la puissance impériale de Rome dominait le monde. « Le monde », celui dont nous parlons, désigne à cette époque de l’histoire les pays autour de la mer Méditerranée : une grande partie de l’Europe, y compris les îles Britanniques, et toute l’Afrique du Nord. La « Pax Romana » (Paix romaine) a été la période la plus longue de l’histoire où une certaine paix et prospérité avait été quasi générale. Un remarquable réseau de communications et une relative tolérance religieuse dans un monde ordonné ont été quelques-uns des avantages extérieurs offerts par la puissance impériale de Rome. Ces facilités furent mises à profit par les premiers missionnaires chrétiens. Quelque trente années avant la naissance de Jésus-Christ, Rome devenait une dictature grâce à un large consensus populaire. Auguste en fut le premier empereur ou César. C’est en tant que puissance impériale que Rome exercera, durant plus de quatre siècles, son influence et sa contrainte sur l’Église naissante. Toutefois, Rome ne contribua pas positivement à l’expansion du christianisme et nous constaterons, au fur et à mesure de notre exposé, son opposition à l’Église naissante. En tout cas, celle-ci rencontra dans l’Empire une telle décadence morale et une telle licence des mœurs qu’elles devaient précipiter inévitablement la chute de cet empire colossal.
Ainsi, l’aide que Rome apporta à la cause chrétienne fut tout à fait involontaire. Rome fut conquise non par un empereur se déclarant d’origine divine, mais par le Christ, celui que certains de ses contemporains appelaient « le charpentier », le fils de Joseph, et qui n’était autre que le Fils même de Dieu. Ce fut uniquement sa puissance qui permit à ses disciples et à ses témoins de pénétrer à Rome et de la conquérir de manière pacifique.
Avant l’apparition de l’Empire romain, c’était la Grèce qui dominait le monde méditerranéen, ou tout au moins une grande partie de celui-ci. L’influence culturelle qu’elle exerça durant cette période fut telle qu’on a pu dire « qu’au lieu d’être conquise par Rome, elle la conquit par son esprit et par sa brillante culture ».
Le grec était largement répandu dans le bassin méditerranéen, voire ailleurs, et les livres du Nouveau Testament furent rédigés en « koinè », un grec courant assez différent du grec classique des 5e et 4e siècles avant Jésus-Christ. Toute personne cultivée se devait de connaître le grec, et les idées philosophiques des penseurs grecs formaient l’essentiel de la pensée du monde civilisé de l’époque. La culture hellénistique (du grec « Hellas », « Grèce ») était devenue une culture quasiment universelle.
Les disciples du Christ n’auraient pu exprimer et faire comprendre leur foi et leur pensée à leurs contemporains sans avoir recours à la langue grecque et sans connaître leurs penseurs. Nombre de leurs concepts ont été empruntés par les premiers théologiens chrétiens comme outils de travail, afin de pouvoir formuler de manière claire et compréhensible pour leurs contemporains les doctrines de la foi chrétienne.
Pourtant, même dans ce domaine, ni la langue ni la culture grecques comme telles ne furent des alliées volontaires des disciples du Christ, même s’ils s’en servirent comme instruments pour proclamer l’Évangile. Bien au contraire, personne n’aura autant méprisé le message chrétien que les penseurs athéniens, ces « sages de ce monde » comme l’écrit saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens. On ne peut vraiment pas dire que la sagesse humaine contribua volontairement à répandre la lumière de l’Évangile, et dès lors, on comprend la célèbre phrase de Tertullien (2e et 3e siècles) : « Qu’est-ce qu’Athènes peut avoir à faire avec Jérusalem, quel rapport existe-t-il entre l’Académie et le Temple? »
La religion, elle aussi, tint un rôle certain dans la préparation de l’avènement du christianisme. Il existait a l’époque une infinité de religions païennes, orientales, grecques ou syncrétistes. Mais nous ne mentionnerons que celle qui a des affinités avec la foi chrétienne : la religion juive. En fait, la seconde est l’aboutissement normal de la première.
Le Christ et ses disciples furent tous, sans exception, d’origine juive. La foi chrétienne fut édifiée sur les bases religieuses et théologiques de l’Ancien Testament. C’est pourquoi les premiers missionnaires chrétiens, et surtout l’apôtre Paul, pénétraient dans les synagogues afin d’y proclamer l’Évangile, aussi bien en Asie Mineure qu’en Europe.
Rappelons-nous aussi que les juifs pieux et croyants produisaient un effet considérable sur leurs contemporains dans les colonies ou pays où ils s’étaient établis. Néanmoins, il serait risqué de présenter l’apport de la religion juive telle qu’elle était pratiquée à l’époque comme un élément favorable pour l’expansion de la foi chrétienne. S’il y eut une contribution positive, elle fut, à son tour, involontaire. On se rappellera que les premières persécutions contre l’Église naissante furent lancées par des juifs fanatiques, les plus religieux entre tous.
En outre, la jeune Église chrétienne dut se séparer fréquemment de la nation juive afin de ne pas subir la condamnation qui la frappait, notamment lors de la destruction de Jérusalem, en l’an 70 de notre ère.
D’autre part, le paganisme, aussi bien ancien que moderne, prouva en quelque sorte son « utilité » et devint, bien involontairement d’ailleurs, un outil dans la vaste entreprise de proclamation de la foi au Christ Sauveur. Le vieux paganisme avait été passablement affaibli par le pouvoir romain. Tout en tolérant les cultes des nations qu’elle soumettait, Rome humiliait systématiquement leurs divinités. Car, dans une certaine mesure, les Romains se rendaient bien compte de la nature « illogique » des divinités ethniques des peuples soumis, et le christianisme vainquit plus facilement ces religions affaiblies que l’athéisme outrancier qu’il rencontra sur son chemin.
De nouvelles religions, importées d’Orient et appelées « mystères », étaient en vogue à Rome. Elles allaient se présenter bientôt comme des rivales dangereuses de la foi évangélique. Pour l’instant, elles préparaient, à leur manière, la route pour le radical changement spirituel qui devait avoir lieu. En fait, ce panorama religieux en plein changement semblait offrir une occasion unique pour la proclamation de l’Évangile.
Néanmoins, bien qu’à son insu le paganisme pavât le chemin pour l’avènement du christianisme, il n’accueillit pas le Christ de l’Évangile. Mais le Libérateur et Vainqueur allait en briser la force vitale et réduire en poussière ses divinités ridicules.
En concluant notre introduction, nous redirons qu’aussi bien sur le plan politique que culturel et religieux, le monde avait été providentiellement préparé pour l’apparition de la foi chrétienne et de l’Église. Toutefois, aucun de ces facteurs n’explique le succès fulgurant de l’Église naissante. Humainement parlant, un tel succès ne pouvait pas avoir lieu. C’est Christ, Vainqueur et Seigneur suprême, qui a édifié son Église par son Esprit et par sa Parole.