L'événement de la résurrection du Christ
L'événement de la résurrection du Christ
La naissance et la mort sont les deux faits qui ouvrent et qui ferment, qui inaugurent et qui concluent le cours de notre existence. Un biographe peut se pencher sur notre ascendance, examiner les circonstances extérieures, culturelles, sociales, politiques, dans lesquelles nous avons vu le jour, grandi et œuvré ou encore déceler l’influence qu’a exercée sur nous tel héros national ou telle personnalité éminente. Mais il ne pourra rien dire de plus que ce qui est contenu entre ces deux points : notre naissance et notre mort. Même une biographie fictive ne pourrait s’inspirer que du déroulement réel de notre vie. Ainsi, aucun auteur dramatique n’oserait inclure dans son œuvre l’histoire de la préexistence de son héros, car il n’en a point… Il ne laisserait pas davantage son imagination vagabonder dans les nébuleuses de l’au-delà décrivant ce que l’on y ressent, subit ou éprouve, car il n’en sait rien… Ceci est vrai pour toute personne dont la biographie est relatée, soit de manière rigoureusement historique, soit dans un style fictif. Une seule exception à cette règle générale, universelle : Jésus-Christ.
Selon les Évangiles et le reste du Nouveau Testament, Jésus a préexisté avant son incarnation et sa naissance. Après sa mort, constatée officiellement, de manière légale, il a été vu en compagnie d’hommes et de femmes. Ces affirmations-là ne laissent subsister aucun doute. Écoutons-les : « En vérité, en vérité je vous le dis, avant qu’Abraham fût, moi, je suis » (Jn 8.58). « Et si vous voyiez le fils de l’homme monter où il était auparavant? » (Jn 6.62). « Car vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ qui pour vous s’est fait pauvre de riche qu’il était, afin que par sa pauvreté vous soyez enrichis » (2 Co 8.9). « Lui dont la condition était celle de Dieu, il n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu » (Ph 2.6).
De telles affirmations sur la préexistence du Christ ne sont pas susceptibles d’être vérifiées par des méthodes d’investigation rigoureusement scientifiques. Ou bien on y croit et on les accepte, ou bien on les récuse et on les écarte définitivement, selon l’idée que l’on se fait de la foi et de la révélation chrétiennes en général.
En ce qui concerne les activités du Christ après sa mort, la chose est différente. Certes, il existe également ici des affirmations que l’on ne peut vérifier à la manière dont on vérifiera, par exemple, la vie de Jules César. On ne peut acquiescer que par la foi à la session du Christ à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, au fait qu’il y intercède en notre faveur, ou encore qu’il envoie son Saint-Esprit. Tout ceci ne se plie pas à une méthode de recherche scientifique. Mais sa résurrection corporelle constatée par ses disciples, ses nombreux entretiens avec eux, sa présence à leurs côtés sur la route, au bord de la mer ou dans une chambre close, le fait qu’ils le voient goûter du miel ou manger du pain et du poisson en leur présence, permettent une recherche à la fois honnête et rigoureuse dans le but d’en vérifier la véracité.
Il est donc possible et même souhaitable d’avoir recours à une méthode rigoureuse pour scruter dans les détails l’historicité des faits rapportés sur le Christ après sa résurrection. Il est tout à fait légitime d’examiner les documents du Nouveau Testament qui les contiennent, ainsi que la foi de l’Église universelle qui les proclame. Mais j’anticipe sur mes conclusions; il est également possible, voire impératif de leur accorder un crédit total, même si l’on s’arrête sur tel ou tel détail qui requiert une plus grande clarification.
J’aimerais, pour commencer, signaler une erreur largement répandue d’après laquelle la foi en la résurrection du Christ se fonderait sur l’acceptation de l’inspiration des textes du Nouveau Testament. Du fait qu’on croit que le Nouveau Testament est un document divinement inspiré, l’on devrait aussi admettre l’historicité de la résurrection, celle-ci découlant de celle-là. Quant à moi, je tiens à procéder dans un ordre inverse. Notre foi en l’inspiration suit seulement la foi en la résurrection. C’est là d’ailleurs l’ordre historique. Avant que les documents du Nouveau Testament ne fussent rédigés, la première génération chrétienne confessait déjà sa foi en la résurrection. Le dernier livre du Nouveau Testament ne fut terminé qu’après la seconde génération. Entretemps, l’Église primitive accorda joyeusement sa foi et sa confiance en la résurrection corporelle de son Seigneur.
Autre détail important qui corrobore notre thèse : l’acceptation universelle de ces documents n’intervint qu’un siècle après qu’ils eurent été composés et mis en circulation dans toutes les Églises. C’est, me semble-t-il, une raison suffisante pour admettre qu’après avoir établi la factualité de la résurrection on obtint aussi toutes les assurances nécessaires pour accepter la divine inspiration de l’Écriture. Je ne tiens pas à développer dans le présent exposé la doctrine de l’inspiration de l’Écriture. J’y crois; peut-être y reviendrai-je à une autre occasion. Je tiens à préciser, plus simplement, que la foi en l’inspiration suit, et ne précède pas, la foi en la résurrection.
Voici à présent l’essentiel de ce que l’Église chrétienne, dans son ensemble, croit au sujet de la résurrection de Jésus-Christ. Jésus de Nazareth a été crucifié sous le gouvernement du préfet romain Ponce Pilate autour des années 30 de notre ère. Il est mort, comme mourra tout être mortel. Certes, nous ignorons ce qu’est exactement la mort physique, puisque nous n’en avons pas fait personnellement l’expérience. Il en est de même pour celle de Jésus-Christ. Il est difficile d’expliquer ce qui s’est produit, ce qui est advenu à son âme après qu’il eut remis son esprit entre les mains du Père et après qu’il eut expiré. Nous savons cependant qu’il est mort réellement. Et si l’ordre naturel avait pu prévaloir dans son cas, on aurait constaté la décomposition de son corps enseveli dans une tombe palestinienne. Mais dans son cas, précisément, l’ordre normal de la nature fut suspendu. Le troisième jour, il revint à la vie, il est ressuscité d’entre les morts. Il sortit vivant du tombeau récemment taillé dans un rocher, dans le jardin d’un disciple nommé Joseph d’Arimathée.
Ses proches l’ont vu, de près ou de loin; ils l’ont touché, à des heures différentes et en différents endroits, et ceci pendant quarante jours. Durant ces six longues semaines, ses disciples et amis ont marché à ses côtés, ont mangé en sa compagnie, se sont entretenus avec lui. Il leur a montré ses membres blessés, dont les cicatrices sont restées visibles dans son nouveau corps. Ils se sont aperçus que ce corps avait subi certaines transformations, si l’on peut s’exprimer de la sorte, des changements qui en faisaient un corps différent d’un corps commun et mortel comme le leur et le nôtre. Il était doté de pouvoirs qu’on ne peut attendre d’aucun être humain.
Pourtant, les blessures de sa crucifixion y avaient laissé des empreintes, des cicatrices profondes. Les disciples savaient parfaitement que la personne à qui ils avaient affaire était la même dont le corps avait été enseveli quelques dizaines d’heures avant ces apparitions. Il s’agissait bien du même corps qu’ils avaient, avec quel recueillement et quelle indicible douleur, enfermé dans le tombeau taillé dans le roc et scellé par une lourde pierre…
Tout ceci pour affirmer que la résurrection du Christ n’est pas seulement un article fondamental de notre foi, mais encore un fait, un événement dont on peut examiner et prouver l’historicité si l’on est de bonne foi. Je ne prétends pas que nous soyons en mesure de faire une démonstration au-delà de toute possibilité de douter. De telles certitudes ne sont que l’apanage des sciences exactes, mathématiques ou physiques… Je prétends pourtant qu’il est possible de prouver la réalité de la résurrection au-delà de tout doute raisonnable, et j’insiste fortement sur ce terme de « raisonnable ». Il est donc possible d’avancer des preuves acceptables aux yeux d’une cour de justice et devant un aréopage d’historiens impartiaux.
Non seulement nous tenons la résurrection du Christ pour un fait démontrable, mais encore nous fondons sur elle notre foi et toutes les assises de la religion chrétienne. Autrement, la prédication chrétienne, la mienne comme celle des missionnaires du passé et des prédicateurs du présent, n’aurait aucun sens. La foi des chrétiens répandus sur la face entière de la terre et celle de l’Église qui la confesse depuis vingt siècles ne serait que pure superstition, un mythe peut-être superbe, mais mythe quand même…
Mais si nous pouvons avancer des preuves de la résurrection, alors nous sommes aussi en mesure de démontrer raisonnablement le bien-fondé de toutes les doctrines fondamentales de la foi chrétienne. Pris isolément, les éléments de celle-ci peuvent être sujets de dispute. Mais la résurrection du Christ les lie ensemble dans une harmonie parfaite et une cohésion étroite. Elle projette une vive lumière qui éclaire tous les détails. Grâce à elle donc, nous nous approchons du noyau même de la foi chrétienne.