Cet article a pour sujet le fondement de nos vies et de l'Église. Au milieu des changements, nous pouvons bâtir avec confiance sur Jésus-Christ révélé dans la Bible en utilisant des matériaux de qualité, car il est solide et inébranlable.

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Le fondement inébranlable

« Pour moi, frères, ce n’est pas comme à des hommes spirituels que j’ai pu vous parler, mais comme à des hommes charnels, comme à de petits enfants en Christ. Je vous ai donné du lait, non de la nourriture solide, car vous ne pouviez pas la supporter. Et vous ne le pouvez pas, même à présent, parce que vous êtes encore charnels. En effet, puisqu’il y a parmi vous de la jalousie et de la discorde, n’êtes-vous pas charnels et ne marchez-vous pas d’une manière tout humaine? Quand l’un dit : Moi, je suis de Paul! et un autre : Moi, d’Apollos! n’êtes-vous pas des hommes? Qu’est-ce donc qu’Apollos, et qu’est-ce que Paul? Des serviteurs, par le moyen desquels vous avez cru, selon que le Seigneur l’a donné à chacun. J’ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître. Ainsi, ce n’est pas celui qui plante qui est quelque chose, ni celui qui arrose, mais Dieu qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu’un, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre labeur. Car nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu. Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, comme un sage architecte, j’ai posé le fondement et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus. Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ. Or, si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’œuvre de chacun sera manifestée; car le jour la fera connaître, parce qu’elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera de quelle nature est l’œuvre de chacun. Si l’œuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense. Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il en subira la perte; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu. »

1 Corinthiens 3.1-15

Je ne vous apprendrai certainement rien de nouveau en vous parlant des changements qui se produisent sans cesse dans notre vie et autour de nous. Car le changement fait partie intégrante de notre condition humaine. Il touche et modifie notre manière de vivre ainsi que notre environnement. Ce qui est plutôt surprenant, c’est la rapidité vertigineuse avec laquelle tout semble changer. D’où la difficulté, parfois énorme, à nous adapter aux nouvelles situations. Dans le jargon moderne, nous parlons de mutations. À côté des perfectionnements qui rendent la vie moderne plus facile (les communications rapides, l’information immédiate et universelle, des maladies jugulées, la vie humaine prolongée), des questions angoissantes se posent aux hommes, chaque jour plus nombreuses et avec plus d’acuité. Autour de nous, combien de personnes angoissées, déboussolées, sans espérance! Aussi pourrions-nous dire avec le croyant de l’Ancien Testament : « Quand les fondements sont renversés, le juste, que fera-t-il? » (Ps 11.3).

Mais tournons-nous vers ce que dit saint Paul. D’après lui, si nous avons commencé avec Jésus-Christ, les mutations les plus radicales ne nous dérouteront pas. Nous saurons résister au torrent violent qui veut nous emporter et nous submerger. En Christ, nous sommes ancrés sur un fondement inébranlable, dès maintenant et pour l’éternité. Le Christ est le fondement non seulement de notre foi, de toute notre vie, mais de l’univers tout entier. Il n’existe aucune analogie entre le Christ et ces barres de platine que l’on conserve à l’abri de l’altération provoquée par le temps. Le Christ ne change pas, aussi pouvons-nous, en toute confiance et certitude, bâtir notre vie sur lui, croire en sa présence, espérer en sa domination finale et l’aimer au-dessus de toutes choses.

Pour le premier sage de l’antiquité grecque, la vie n’était qu’un flux continuel : tout s’écoule, c’est là le principe de la vie. Mais voici donc quelqu’un qui ne change pas et qui ne subit aucun des effets du temps. Face à lui, notre vie et nos idées, notre activité ainsi que toutes les réalités de la vie présente connaîtront le changement; les marques du temps, le vieillissement qu’apportent les années vont toujours caractériser l’existence humaine. Mais le Christ reste au-dessus et domine tout cela.

Il nous faut alors écouter l’avertissement de l’apôtre : Que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit. Le Seigneur éprouvera toute chose. Le feu révélera la qualité du matériel. L’on saura si le matériel employé était solide ou bien fragile et périssable.

Nous savons maintenant qu’il ne peut y avoir d’autre fondement que Jésus-Christ. Il est le fondement de la vie de l’Église. Sa personne, le ministère de sa Parole et de ses actes, sa mort rédemptrice et sa résurrection triomphante sont la base sur laquelle nous bâtirons. Toute recherche et toute édification sur un autre fondement seront vouées à l’échec total, définitif et cuisant. Mais nous pouvons construire sur le Christ, c’est-à-dire réfléchir et étudier, parler et témoigner, croire, espérer et aimer.

Ce fondement est un fait accompli une fois pour toutes. Il a été posé depuis la proclamation des apôtres, par des hommes que Dieu a choisis pour être des disciples et des témoins. Nous n’avons pas le droit de les remplacer ni d’ajouter ou retrancher quoi que ce soit à leur témoignage. Nous serons tous dans la véritable succession apostolique si nous persévérons dans leur ligne et dans leur enseignement. Nous savons aussi que leur témoignage nous est parvenu sous une forme concrète, qu’il a pris corps et a reçu le souffle et le sceau de l’Esprit Saint; il s’appelle la Bible, le livre saint.

Le fondement posé par Dieu comporte des implications pratiques. Ce qui veut dire que ni nos traditions ni nos habitudes chrétiennes comme telles n’ont de valeur inhérente et ne possèdent une autorité absolue. Notre assurance ne s’appuie pas dans l’Église, dans les structures ecclésiastiques ou dans les œuvres instituées par nos pères. Notre fidélité chrétienne ne se traduit pas par l’attachement à des formes de piété et de culte adoptées jadis. Comme l’Israël d’autrefois, exhorté à ne pas servir des dieux étrangers, ainsi l’Église d’aujourd’hui est invitée à rejeter tout fondement qui ne serait pas Jésus-Christ lui-même.

Prenons garde donc à la manière dont nous voulons bâtir. Veillons à l’orientation et aux matériaux choisis. Au temps de saint Paul et de l’Église de Corinthe, il n’existait pas encore un accord général sur les vérités doctrinales, mais l’essentiel était présent. Le Modèle avait été déposé et, depuis cette époque, l’édification de l’Église continue. Une grande tradition chrétienne jalonnée de crises et de dénouements, de succès et d’échecs, est arrivée jusqu’à nous.

Mais la construction n’est pas terminée. C’est pourquoi, à notre tour, nous pouvons y contribuer après vingt siècles de travaux lents et patients. Il n’existe pas un mode de vie chrétien, une expression de la piété rigides définitifs. Nous devons nous souvenir parfois que même certaines formulations anciennes de la foi chrétienne ont apporté un très mauvais témoignage à Jésus-Christ. Elles ont détourné l’attention des hommes vers d’autres horizons que Jésus-Christ, l’unique Sauveur, et ont placé l’assurance du salut en d’autres que le seul Médiateur.

Et nous pourrions commettre nous-mêmes cette erreur fatale si nous n’y prenons pas garde. Malgré toutes nos bonnes intentions, nous risquons parfois de nous appuyer sur des hommes et sur des idées qui semblent avoir de nos jours pignon sur rue ou encore sur les institutions ecclésiastiques et les dirigeants des Églises. Pourtant, Dieu a placé le fondement non pas sur des idées anciennes ou nouvelles, et encore moins en des hommes, fussent-ils brillants, mais en son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ. Les hommes d’Église d’aujourd’hui ou ceux d’autrefois, les martyrs et les théologiens ne sont pas le fondement. « Qui est Paul, qui est Apollos? », s’écrie l’apôtre dans le texte que nous avons lu. Ce ne sont que des hommes.

Si nous voulons être l’Église de Jésus-Christ reconnaissante et obéissante, nous bâtirons et nous nous épanouirons même dans cette période de l’histoire qui, peut-être plus que jamais, est celle de l’Antichrist. Des changements se produiront autour de nous, mais à mesure que nous serons renouvelés dans notre intelligence, nous saurons discerner ce qui est bon et acceptable selon la volonté de Dieu.

Pour nous, tout changement suppose tout d’abord une meilleure compréhension de la Bible, mais également une meilleure connaissance des besoins de notre époque. Le Saint-Esprit nous a été promis et donné afin de nous guider « dans toute la vérité » (Jn 16.13). Pour les besoins de notre temps, nous pouvons insister davantage sur certains points que sur d’autres, souligner tel aspect de la vérité ou tel autre et rendre parfois témoignage d’une manière différente du passé.

Une compréhension du monde moderne en vue d’un témoignage vivant demande de nous un effort constant d’imagination et d’invention. Le terrain du combat de la foi peut, lui aussi, être déplacé. L’évangélisation et la mission chrétiennes doivent pénétrer dans le terrain redoutable où les forces du mal agissent, progressent et asservissent les hommes. La culture, l’art, le théâtre, l’éducation donnée aux enfants et aux jeunes sont les lieux favoris où l’ennemi cantonne ses forces et attaque. Nous ne pouvons pas chanter uniquement des cantiques sur le ciel ou sur l’état de notre âme, lorsque des hommes sur terre crient leur amertume et leur désespoir.

Beaucoup de choses doivent changer. Mais ce ne seront pas les slogans qui changeront la réalité. La nouveauté n’est pas une garantie de qualité sur le passé! Que de changements aujourd’hui ne sont que des bulles de savon, plus vaporeux et plus creux que les choses anciennes! Combien de têtes de linotte, jeunes ou moins jeunes, emportées par le premier courant d’air venu, croient avoir reçu vocation de rénovateurs! Que de salive en guise de matériaux, de générosités, de palabre, de sentiments ne relevant que d’un égoïsme infantile!

Dans le conte bien connu d’Anderson, à force de vouloir changer chaque jour d’habits, l’Empereur, dupé par des escrocs, s’est trouvé tout à fait nu devant ses sujets… On peut inverser la morale de ce conte et dire que, de nos jours, le plus grave danger n’est pas celui d’avoir un empereur nu, mais d’avoir des habits sans empereur!

Beaucoup d’enseignements « nouveaux » ne sont, en réalité, que des hérésies anciennes. La « nouvelle morale » n’est, en réalité, que l’immoralité du passé, et la vieille luxure a pris le nom d’érotisme… Oui, les vieux péchés sont considérés actuellement par beaucoup de nos contemporains comme la meilleure expression de soi et d’une liberté authentique.

Tout changement comporte des dangers, à tel point que le chrétien réfléchi et prudent ne souhaitera pas certains bouleversements. Il peut exister un conservatisme qui ne retient du passé que ce qui est bon et utile. Nous bâtissons toujours « montés sur les épaules de ceux qui nous ont précédés », pour employer une expression de George Bernard Shaw. Dans le travail chrétien, on ne peut pas faire table rase du passé. Découvrir des domaines nouveaux pour nos activités et des expressions modernes de la piété ne signifie certainement pas abandonner le seul fondement, qui est Jésus-Christ.

À la fin, il y aura des matériaux qui résisteront et d’autres qui brûleront. Il y aura même des chrétiens qui parviendront à la vie éternelle, qui iront à la rencontre du Maître les mains vides, sauvés « comme au travers du feu ». Chacune des étapes que nous franchissons est une période d’épreuve.

Que les changements que nous souhaitons soient inspirés de Dieu. Qu’ils soient orientés par lui, et que nous nous adaptions soutenus par sa force. Alors nous pourrons avec assurance nous lever et bâtir. Dieu soutiendra tous nos efforts.