Les sectes et la saine doctrine chrétienne
Les sectes et la saine doctrine chrétienne
Pourquoi l’homme croit-il plus volontiers à l’erreur et accepte-t-il des déviations de l’imagination égarée au lieu de faire confiance en la révélation divine? Ces erreurs ne sont-elles pas des bulles vides, ou bien l’écume seulement sur le vaste océan de la connaissance?
Pourquoi la secte? La question doit être posée ici. Le problème est de savoir de quelle religion l’homme a besoin. Déchu, laissé à lui-même, il reconnaît le besoin d’un ordre et d’un sens. Il sait qu’une religion, une certaine, est absolument nécessaire pour vivre. Cependant, à cause de sa nature déchue, il fabrique une religion selon son image et sa ressemblance, dans les termes mêmes de sa rébellion contre le Dieu vrai! Il redéfinit la justice selon ses désirs et ambitions. Le résultat en est que le monde déchu devient le champ où proliféreront toutes les religions les plus bizarres, prétendant offrir des réponses, des solutions, des sauvetages, le salut!
Mais en dehors de la grâce surnaturelle de Dieu, l’homme ne peut connaître de vraie religion. Il doit reproduire et raffiner la fausse religion de la chute, son désir d’être son propre dieu, sachant par lui, de lui-même, le bien et le mal, le juste et le faux, établissant sa propre loi.
En outre, le problème est compliqué du fait que l’homme, même converti, porte en lui une aire de sa pensée insoumise, rebelle. Il est partiellement converti, il appartient partiellement au Seigneur. Il est partiellement guéri de ses maux. Il cherche tout ce que le Christ peut offrir, mais en surplus aussi ce qu’il désire lui-même. Certes, il dira « que ta volonté soit faite Seigneur », mais non sur le champ, non si elle contredit la mienne! En bref, il cherche une religion du salut selon ses propres conditions. Ou bien il fait de la religion un soutien de sa vie et de ses propres valeurs, ou bien le moyen de glorifier Dieu et le servir.
Fondamentalement, écrit un théologien réformé d’outre-Atlantique, la secte apparaît lorsque l’Écriture est rejetée en tant qu’unique norme de foi et de conduite.
Il nous faut examiner les raisons pour lesquelles les fondateurs des sectes ne suivent pas une voie d’investigation scientifique, mais au contraire prennent leurs états d’âme et leurs vertiges mentaux et les forcent sur l’esprit de celui qui n’est pas prévenu.
Or, la Bible est l’enclume d’airain sur laquelle tous les martèlements de l’histoire et du temps se sont épuisés. Elle-même, enclume d’airain, la Bible chrétienne demeure solide et inébranlable. Le fondement de la foi chrétienne a été jeté une fois pour toutes en elle; l’ancre de l’espérance se trouve en Christ. En dépit de ses faiblesses, l’Église chrétienne attend une fin glorieuse.
Nous ne voulons, par notre propre autorité, exclure les adeptes des sectes du plan du salut. Admettons que le Dieu tout-puissant ait envoyé son Fils unique pour le salut de quiconque croit. La rédemption a été achevée en Christ. Le seul salut pour chacun consiste à croire en Jésus-Christ, le Sauveur, le Seigneur, le Roi des rois. « Nul ne vient au Père si ce n’est par moi », déclarait-il aux juifs, ses contemporains (Jn 14.6), et cette condition restera valable jusqu’à la fin des siècles. Il est l’unique moyen et le seul Médiateur. « Il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ », déclare de son côté saint Paul (Rm 8.1). L’Écriture nous parle d’un Sauveur unique, du Seigneur Jésus-Christ, le Médiateur, Voie exclusive, le Fils de Dieu depuis toute l’éternité (Jn 14.6; Lc 20.14).
Dans le sermon sur la montagne, Jésus déclarait :
« Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés. C’est du jugement dont vous jugez qu’on vous jugera, de la mesure dont vous mesurez qu’on vous mesurera. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil? » (Mt 7.1-3).
De son côté, saint Paul exhorte :
« C’est pourquoi ne jugez de rien avant le temps, avant la venue du Seigneur, qui mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qui manifestera les desseins des cœurs. Alors la louange de chacun viendra de la part de Dieu » (1 Co 4.5).
Il mettait en garde d’autres contre des faux prophètes :
« Je vous exhorte, frères, à prendre garde à ceux qui causent des divisions et des scandales, contrairement à l’enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux. Car de tels hommes ne servent pas Christ notre Seigneur, mais leur propre ventre; par de bonnes paroles et par des éloges, ils séduisent les cœurs des gens sans malice » (Rm 16.17-18).
Mais suffirait-il d’en rester à ce point? La meilleure défense ne se trouve-t-elle pas précisément dans l’attaque? Il faudrait remplacer le faux par le vrai. Saint Pierre, dont je vous recommande vivement de lire le texte, nous informe sur la vraie religion, qui est diamétralement opposée aux contrefaçons qu’il vient de démasquer. Remarquons, en tout premier lieu, que contrairement aux prétentions des fausses religions, qui placent la figure du chef au centre, la foi chrétienne, elle, détourne les hommes d’un personnage pour fixer leur regard sur Jésus-Christ. Ainsi, l’un des disciples de Jésus-Christ, parmi ceux de la première heure, et non des moindres, Pierre, n’a jamais attiré l’attention sur sa personne. Il a prêché le nom de l’Évêque suprême, le Berger universel de nos âmes.
En outre, la Bible n’encourage nullement la cupidité, mais la générosité, la vertu, le don de soi, le service désintéressé. De même, elle invite à l’humilité et exhorte à renoncer à toute arrogance. Et puis, trait dominant, l’Évangile invite sans cesse à la pureté sexuelle. Si l’Église a gagné la bataille contre un empire décadent, celui des premiers siècles de notre ère, ce fut aussi grâce à sa morale évangélique dans un domaine où les religions n’avaient agi que comme gangrène et putréfaction.
L’Évangile tout entier est le discours consacré à la personne de Jésus-Christ. Il en est le centre, lui qui, parmi les dédales sans issue de toutes les religions, se déclare être la seule Voie; contre tout mensonge de la pensée humaine, il se dit la Vérité; face à l’universelle domination de la mort, il se déclare être la Vie et la Résurrection (Jn 11.25; 14.6). Nous lui accorderons sans honte ni timidité notre entière confiance, nous le suivrons comme le seul Guide et le seul Pasteur de nos âmes. Pour cela, il nous faut lire et constamment relire l’Écriture sainte. Sa Parole vivante et actuelle est l’antidote efficace au mensonge des sectes, versions anciennes ou modernes.
Le fondateur et l’adepte de la secte ne comprennent pas et n’admettent pas que le salut soit l’offre gratuite faite à celui qui est en Christ :
« Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent pas selon la chair, mais selon l’Esprit. En effet, la loi de l’Esprit de vie m’a libéré de la loi du péché et de la mort » (Rm 8.1-2).
« Car le salaire du péché c’est la mort; mais le don gratuit de Dieu c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rm 6.23).
« Car il n’y a pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ » (Rm 3.23-24).
Le chrétien possède l’assurance de l’entière gratuité de son salut, par le moyen de la foi en la mort expiatoire de son Sauveur. Pour étancher cette soif, les sectes ont recours à de multiples moyens illégitimes, distillant comme le poison mortel crainte et angoisse.
Les grandes Églises ne devraient pas attacher trop d’importance au rassemblement de leurs forces effectives, non pour les isoler, mais pour qu’en leur cohésion et en leur rayonnement puisse se manifester le vrai sens de la communion fraternelle. Il faut que celle-ci trouve l’occasion de s’exercer dans des centres d’édification, d’étude et de travail, qui peuvent prendre des formes diverses adaptées à leur milieu.
Reconnaissons que le sectarisme ne contribue jamais à fortifier la cause du christianisme dans le monde. Que l’on ne se laisse donc pas ébranler par la multitude des propagandistes qui s’efforcent de répandre, avec plus ou moins d’habilité et d’opiniâtreté, leur message particulier! Rappelons avec force que, pour le fidèle membre des Églises évangéliques, issues de la Réforme, il n’y a pas d’autorité supérieure à celle de la Parole de Dieu, cependant lue et étudiée dans un esprit d’humilité, sans parti pris ou idées préconçues, sous l’illumination ou le témoignage du Saint-Esprit qui l’éclaire; son rôle n’étant point, en effet, de nous apporter des révélations inédites ou des enseignements nouveaux, mais de confirmer dans nos cœurs ce que la Bible, Parole inscripturée de Dieu, contient et enseigne.
Il est évident que de bons commentaires bibliques nous faciliteront l’étude respectueuse et soumise du texte sacré de la Bible, et tout ce qu’une saine et sainte tradition nous a transmis comme héritage. L’Église évangélique ne dédaignera jamais la tradition, lorsqu’elle est témoignage rendu à la Parole, et non adjonction humaine à la révélation divine.
Relevons à cet égard l’attitude des chefs de la Réforme du seizième siècle. Avec une implacable rigueur, tous ces hommes se sont résolument opposés à l’intrusion de traditions qui prétendaient compléter la révélation biblique, mais qui la dénaturaient par l’adjonction d’éléments contraires à la pensée des écrivains bibliques. Cela ne veut pas dire que le protestantisme évangélique fut par principe hostile à une saine tradition théologique. Il tient, au contraire, à réaliser en tout temps la communion des saints avec de nobles âmes, profondément chrétiennes, et il se plaît à retrouver, au cours des siècles, l’authentique enseignement du Maître et de ses premiers disciples, en son émouvante continuité, qui n’est pas celle d’une seule Église.
C’est en nous conformant à pareil exemple que nous trouverons la méthode la plus sûre pour apprécier à leur juste valeur les mouvements sectaires, novateurs ou schismatiques, qui retiennent l’attention de nos contemporains. Nous tenterons cet examen en toute humilité, sachant par avance qu’il n’est jamais facile d’unir à la charité le souci de la vérité. Il est impossible que, par le rapide exposé de nos opinions si justifiées qu’elles soient, nous plaisions à chacun. Nous ne le pouvons pas. Nous ne le devons pas non plus!
Les Églises dignes au contraire d’un nom qu’elles sont plusieurs à porter sont celles qui, répudiant tout exclusivisme, s’appliquent à servir d’organes humbles et fidèles à l’Église de Jésus-Christ. En ce sens seulement, elles pourront se dire parties intégrantes de l’Église universelle, et, par voie de conséquence, elles se sentiront appelées à rechercher toujours mieux leur coordination en de loyales unions, fédérations ou alliances.
Nous sommes loin de considérer sans discrimination toutes les dissidences qui se sont produites dans le protestantisme au cours de son histoire. Nombre de fautes ou d’insuffisances notoires de l’Église ont provoqué, aux heures sombres du passé, des réactions, des protestations de conscience, des scissions même accomplies avec tristesse et douleur. Ces oppositions et ces conflits qui n’entachaient nul esprit de haine ni aucun sentiment de propre justice ont généralement servi à redresser, à stimuler, à réveiller l’Église égarée ou endormie.
Nous n’ignorons pas que la vision trop idéalisée des congrégations restreintes formées de membres fervents, familièrement unis les uns aux autres, exerce un vif attrait sur les néophytes des dissidences sectaires. Hélas! combien est illusoire la pensée que des pécheurs, même pardonnés et sauvés, puissent constituer des associations parfaites! Les infidélités de leurs adhérents, les rivalités et les querelles, dont ils se rendent coupables par une insuffisante vigilance, ébranlent la vie des petites communautés avec d’autant plus de gravité qu’elles se produisent dans une étroite ambiance. C’est la cause fréquente de nouvelles scissions.