L'imagination de Dieu
L'imagination de Dieu
L’imagination de Dieu! L’expression risque de sonner légère, voire frivole, à l’oreille de l’homme qui « pense » Dieu avec une morne solennité. Nous-mêmes, nous serions-nous permis de discourir sur Dieu d’une manière un peu cavalière? D’ordinaire, ce sont d’autres attributs que nous rattachons à sa personne. Nous exaltons sa sainteté; nous révérons sa toute-puissance; nous sommes émus par ses compassions infinies, et la rigueur de sa justice, loin de nous effrayer, nous rassure et nous remplit de confiance.
Mais l’imagination de Dieu! Qui l’aurait imaginée? Peut-être préférerions-nous parler de sa créativité. C’est là un terme qui lui convient, certes, parce qu’il est véritablement Créateur. Pourtant, je préfère encore substituer à ce terme celui d’imagination. Car le mot créativité a été tellement galvaudé que presque plus rien de son sens original ne subsiste dans notre esprit. Ainsi, le publiciste qui trace quelques traits pour les besoins du marketing passe pour créateur. Le dessinateur qui lance sur le marché une nouvelle mode féminine sera tenu pour un génial artiste créateur, et même la ménagère qui invente une savoureuse formule de pâtisserie sera appelée créatrice dans le domaine gastronomique. On parle à présent de jeux d’enfants créatifs, des vacances d’été « développant l’esprit créateur » et que sais-je encore… Vous comprenez donc que je répugne à mettre la créativité de Dieu dans un catalogue uniforme contenant toutes les trivialités que je viens de mentionner. Eh bien, optons alors pour l’imagination de Dieu!
Ce faisant, nous n’allons pas contempler purement et simplement les merveilles de sa création; mais encore souligner combien leurs différents aspects sont plaisants et agréables à notre regard émerveillé. Regarder la nature autour de nous, c’est goûter au bonheur exquis de l’art vivant, pur produit de l’imagination inventive du Dieu et œuvre de ses mains créatrices.
On a prétendu que la vie pourrait être vécue sans la présence de l’art. Mais imaginez un peu un monde sans aucune sorte d’art et appauvri des trésors accumulés depuis des siècles. Combien nos existences seraient grises, ternes et monotones! Mais un monde fonctionnant, même avec la régularité et la précision d’une montre à quartz, mais dépourvu de la variété infinie de couleurs, de nuances, de parfums, de mélodies, de la richesse et de toutes les gammes des textures qui le composent, ce serait vraiment un monde mortellement ennuyeux. Un monde qui n’éveillerait nullement notre esprit et nos sens à la beauté, cette dimension que Dieu a voulue pour l’univers qu’il a créé. Or l’imagination de Dieu nous emplit chaque jour d’une sorte d’embarras par ses bienfaits mêmes. Nous en mentionnerons, trop sommairement, hélas!, pour lui rendre justice, un quadruple aspect : la perfection, la diversité, la prodigalité, l’invention.
1. La perfection⤒🔗
Et d’abord la perfection. Quelle énorme différence entre les œuvres de l’homme et celles de Dieu! Une recherche minutieuse des œuvres d’art les plus perfectionnées du génie humain finira toujours par révéler des défauts, donnera toujours matière à une critique fondée. Placées sous un examen minutieux et rigoureux, leurs inégalités, leur côté rugueux, toutes les gaucheries et les maladresses de l’homme apparaîtront immanquablement. Mais prenez le microscope et observez une simple fleur des champs. Aucun défaut n’apparaîtra. Au contraire, c’est une beauté parfaite qui restera exposée à nos regards dans une grande variété et harmonie de formes. Comment ne pas se rappeler de l’immortel discours du Seigneur Jésus : « Observez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent; cependant, je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux » (Mt 6.28-29).
2. La diversité←⤒🔗
La diversité constitue un deuxième aspect de l’imagination du Dieu Créateur. Notre planète compte pas moins de 200 000 sortes de fleurs, et plus de 9000 espèces d’oiseaux volent au-dessus de nos têtes; deux milliards de familles d’insectes ont leur place sous le soleil; deux empreintes digitales ne sont jamais identiques…
Adam put nommer les créatures vivantes qui se présentèrent à lui, d’après leurs familles et leur nature. Mais qui serait à même de compter et de nommer les milliards de corps célestes, les étoiles qui s’éparpillent sur la Voie lactée et, à plus forte raison, qui pourrait parvenir à compter le nombre de galaxies qui peuplent l’univers? Or, ainsi que le déclare expressément l’Écriture sainte, Dieu les appelle toutes par leurs noms! L’Esprit Saint n’a pas fait que donner le souffle de la vie; il a orné aussi l’univers qu’il a créé. Il donne aux fleurs leurs parfums, leurs formes et leurs couleurs. Les formes et les couleurs de la nature sont une source inépuisable pour l’inspiration des humains, pour leur travail littéraire et artistique, pour la peinture autant que pour la musique et la poésie…
3. La prodigalité←⤒🔗
N’oublions pas la prodigalité de l’imagination divine. Le plaisir que Dieu prit à la suite de l’accomplissement final de son œuvre constitue pour nous tous un perpétuel sujet de plaisir et d’émerveillement devant la richesse, l’abondance, la multiplicité des paysages, des minéraux, des êtres vivants et des plantes qu’il forma pour la vie. Si Dieu se plaît à contempler l’étendue du ciel et à puiser sa gloire de l’immensité infinie de l’univers, il prend autant de plaisir à se pencher sur la dix-millionième pâquerette que nous foulons sous nos pieds sans y prendre garde, ou à regarder les nuages qui se reflètent sur une flaque d’eau limpide ou lorsqu’ils dansent sur les coteaux d’une colline riante. Le ressac incessant des vagues de la mer, c’est un spectacle qui ne lasse jamais son regard. Comment en serait-il autrement, lui qui sait toujours faire toutes choses nouvelles?
4. L’invention←⤒🔗
Enfin, l’invention de l’imagination de Dieu. Elle est révélée et exposée dans toutes les lois naturelles, si harmonieusement ordonnées. Les sonates de Beethoven comme ses symphonies ont été créées à partir des sept notes musicales existantes. Rembrandt n’a créé ses couleurs qu’à partir de celles du spectre solaire. Les poèmes classiques que nous lisons avec tant d’admiration ne furent exprimés que par les vingt-six lettres de nos alphabets…
Un savant moderne parvint à la conclusion que le nombre total des étoiles observables serait l’équivalent du nombre total des grains de sable qui couvrent les plages du monde. Il nous est quasiment impossible de concevoir l’imagination du Dieu Créateur. Mais le Dieu que nous nous imaginons, nous, créatures limitées, n’a-t-il pas une taille moyenne? Ne le représentons-nous pas d’après nos toutes petites mesures, pour ne pas dire nos mentalités toutes mesquines? Or, il peut, lui, appeler à la vie des systèmes de couleurs et des formes pour chaque étoile. Et sur notre planète terre, vous ne rencontrerez aucun duplicata des formes inventées par lui. N’est-ce pas ce qui arrachait le cri d’admiration du psalmiste, il y a trois mille ans? « Une telle science est trop merveilleuse pour moi, trop élevée pour que je puisse la saisir » (Ps 139.6).
D’ordinaire, nous assignons une certaine hiérarchie aux œuvres des hommes. Pour certains, les chorales de Jean-Sébastien Bach seraient supérieures aux lieder de son compatriote Schubert. Les paysages de Ruysdaël dépassent — croyons-nous — en génie, les tableaux de Corot ou de Monet. Pourtant, les uns et les autres sont issus du même cerveau qui a placé les rayons de l’aurore sur les collines. Le Créateur des Pléiades et celui du minuscule atome est le même. Et c’est lui, précisément, qui a recours aux moineaux, aux grains, au lever du soleil et aux arbres ordinaires pour illustrer dans ses discours sa vérité éternelle.
C’est lui qui donne à l’artiste son génie. Qui sommes-nous pour établir une telle hiérarchie entre eux? Et puis, suprême surprise! Il fait du croyant, comme de l’incroyant, l’artiste qui va dépeindre ses propres œuvres. Nous oublions que ce furent Lémek et ses enfants, descendants de Caïn et des impies, qui inventèrent la musique et la promurent au rang de l’art que nous connaissons. Relisez les premières pages de votre Bible (Gn 4.17-24). Ainsi, l’art, comme l’écrivait le regretté Hans Rookmaker de l’Université libre d’Amsterdam, ne requiert aucune justification. Dans toutes ses formes, picturales, littéraires, musicales et poétiques, l’art est une œuvre qui témoigne de la beauté de la création. La seule différence est que le chrétien reçoit, par l’Esprit, la pleine révélation de la création autant que le sens de l’univers et de sa propre vie. Le savant Isaac Newton du 17e siècle disait :
« J’ignore comment j’apparais au regard du monde; mais à mon propre regard, je ne suis que le petit enfant jouant au bord de la mer, me divertissant, quand je découvre un galet ici, un autre plus poli et plus joli plus loin, tandis que l’océan de vérité s’étend sans limites sous mes yeux, encore inexploré. »