Luc 24 - La résurrection du Christ
Luc 24 - La résurrection du Christ
« Le premier jour de la semaine, elles se rendirent à la tombe de grand matin, en apportant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent que la pierre avait été roulée de devant le tombeau; elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Comme elles étaient perplexes à ce sujet, voici que deux hommes se présentèrent à elles en habits resplendissants. Toutes craintives, elles baissèrent le visage vers la terre; mais ils leur dirent : Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts? Il n’est pas ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous de quelle manière il vous a parlé, lorsqu’il était encore en Galilée et qu’il disait : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs qu’il soit crucifié et qu’il ressuscite le troisième jour. Et elles se souvinrent des paroles de Jésus. Du tombeau elles s’en retournèrent pour annoncer tout cela aux onze et à tous les autres. C’étaient Marie-Madeleine, Jeanne, Marie mère de Jacques; et les autres avec elles le dirent aux apôtres; mais ces paroles leur apparurent comme une niaiserie et ils ne crurent pas ces femmes. Mais Pierre se leva et courut au tombeau. En se baissant il ne vit que les bandelettes qui étaient à terre; puis il s’en alla chez lui, dans l’étonnement de ce qui était arrivé. »
Luc 24.1-12
« Si Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vaine et votre foi aussi est vaine! », écrira, quelque trente ans plus tard, saint Paul aux Corinthiens (1 Co 15.14). De cet événement prodigieux, la seconde vie d’un homme après sa mort, que les agnostiques ne peuvent tenir que pour légendaire et que Renan, par exemple, exclut tacitement de l’histoire en arrêtant son récit à l’ensevelissement de Jésus, la foi chrétienne fait la pierre d’angle de son édifice. Au cœur de sa théologie et de sa proclamation, de sa morale et de son espérance, se dresse l’image du Seigneur vainqueur de la mort. L’espérance chrétienne en procède tout entière, car « si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes » (1 Co 15.19).
« L’image d’un dieu qui meurt comme meurent tous les hommes, mais qui ressuscite pour leur enseigner comment la mort peut être vaincue, est de celles qui, depuis des millénaires, ont le plus hanté la conscience des vivants. Sous quelque forme qu’elle se manifeste, elle a de la noblesse. Enfermé dans une vie aux bornes fatidiques, il semble à l’esprit humain que tout ce qu’il porte en soi d’unique, d’irremplaçable, ait le droit de se prolonger par-delà ce demi-siècle qui lui est accordé. Comme tous les grands mythes, celui-là naît du plus secret de l’angoisse humaine, témoignage d’une même inquiétude, et s’il affecte des formes qui, d’un temps à l’autre, se ressemblent, il témoigne d’une même grandeur.
S’ensuit-il que l’histoire du Christ sorti vivant du sépulcre doit être assimilée à des mythes? Certes, comme d’autres éléments de la doctrine chrétienne, le dogme de la résurrection est venu combler une attente qui existait depuis longtemps au cœur des hommes et dont les récits légendaires ne faisaient que donner une expression impure et malhabile. Mais où l’erreur commence, c’est quand on prétend assimiler la résurrection de Jésus aux résurrections mythiques, à vouloir faire de lui une sorte d’émule d’Osiris, d’Attis, d’Adonis, le placer sur le même plan qu’eux. Aucune influence des légendes païennes sur la pensée juive ne peut être décelée qui explique la formation de la doctrine du Dieu ressuscité… On peut citer maints de ces “dieux morts et ressuscités”… Mais chaque fois qu’on aborde un de ces thèmes, les plus grandes précautions s’imposent. De ces religions mystérieuses, nous ne connaissons, la plupart du temps, que l’extérieur, un ensemble de mots et de rites, et il nous est bien malaisé d’en reconstituer, par l’intérieur, la foi profonde.1 »
Écoutons le récit évangélique de la résurrection du Christ. Rappelons-en les traits saillants, sans manquer les détails à première vue insignifiants.
« Les femmes, donc, se rendent tôt au sépulcre pour y procéder à l’embaumement du corps de Jésus. Nulle intuition secrète ne les guide ni aucun soupçon d’espérance. Elles vont seulement rendre les derniers devoirs à la dépouille d’un ami. Mais la grosse pierre, qui défendait l’entrée du tombeau contre les chiens errants, avait été ôtée, et le corps de Jésus n’était plus là. Elles sont désorientées et ne savent que penser. Deux anges leur apparaissent alors. Comme les bergers de Bethléem (Lc 2.9), elles sont remplies de crainte devant cette apparition.
Les anges leur annoncent que Jésus est ressuscité; inutile de le chercher parmi les morts : il n’y est plus. Ils leur rappellent que Jésus lui-même avait annoncé, quand il était encore en Galilée, sa passion, sa mort, et sa résurrection (allusion à Lc 9.22).
Remises de leur frayeur et quittant alors le sépulcre pour retourner vers les apôtres et vers ceux qui étaient avec eux, les femmes — dont quelques-unes sont nommées et deux d’entre elles ont déjà été mentionnées (Lc 8.2) — leur racontent ce qu’elles ont vu et entendu au tombeau. Mais ils n’ajoutent pas foi à leur récit. Bien loin de s’attendre à la résurrection de leur maître, les apôtres restent incrédules devant ce que disent les femmes. Ils croient savoir, comme tout le monde, que “quand on est mort, on est bien mort”. Et ce ne sont pas des racontars de femmes, qui n’ont du reste pas vu le ressuscité, qui les feront changer d’avis.
Cependant, Pierre, toujours entreprenant, ne peut rester inactif. Il veut y aller voir lui-même, et se hâte au tombeau. Pas d’ange pour lui : seulement les linges dont était enveloppée la dépouille. Le corps de Jésus n’est plus là. Il rentre alors chez lui, se demandant ce qui a bien pu se passer. Le tombeau vide est pour lui un signe équivoque. La vérité inouïe ne s’est pas encore fait jour dans son esprit.2 »
Reprenons notre première idée de la factualité de l’événement.
Plusieurs théories ont cherché à expliquer la résurrection physique du Christ et le tombeau vide. Pourtant, il n’en existe qu’une seule qui correspond à la réalité.
L’une d’elles soutient que Jésus ne serait point mort, mais seulement évanoui sur la croix et qu’il aurait repris connaissance quelques heures plus tard, et, s’échappant aux bandelettes qui l’enveloppaient, il aurait apparu aux disciples. Jésus n’avait-il pas déclaré qu’il devait mourir et ressusciter le troisième jour? Et c’est ainsi qu’il aurait fait croire aux siens que sa prophétie s’était bien réalisée. Mais peut-on tenir le Christ de notre foi pour un grossier menteur et douter vraiment de son honnêteté?
Une autre explication veut que les disciples venus durant la nuit aient volé le corps de leur Maître pour laisser courir l’incroyable nouvelle selon laquelle il était ressuscité. Cette explication fait des apôtres des imposteurs de génie! Mais comment concilier la vie et la prédication de ceux-ci, si extraordinaire par la suite, avec une telle imposture?
La troisième théorie est aussi incroyable que les deux précédentes; selon celle-ci, ce furent les ennemis de Jésus qui volèrent son corps; mais si la dépouille avait vraiment été en leur possession, ils n’auraient pas manqué de la produire pour faire taire les disciples de leur mensonge annonçant la résurrection.
Enfin, une quatrième explication, plus récente, estime que la résurrection du Christ fut le fruit, le produit de l’imagination des disciples déçus qui, en inventant un tel fait, se sont donné du courage et réussirent à entreprendre leur prodigieuse carrière missionnaire. La résurrection, dans ce cas, est un mythe comme objet de prédication de l’Église primitive!
Une seule explication nous retiendra et déjà elle a été offerte au début de notre exposé. Aussi, avec Pierre et les autres disciples s’annonçant mutuellement le fait prodigieux, nous ne ferons que déclarer en ce dimanche de Pâques : Le Seigneur est vraiment ressuscité, alléluia!
Écoutons à présent la lecture de ce vieux texte pascal, Préface de Pâques :
« Il est nécessaire et bénéfique de te rendre grâce, Dieu saint et tout-puissant; de te célébrer avec dévotion, Père glorieux, Créateur et Auteur de l’univers, par ton Fils Jésus-Christ. Étant Dieu, plein de majesté, il s’est humilié au point d’accepter le supplice de la croix pour sauver les hommes. Du fond des siècles, Abraham l’a préfiguré en son fils, le peuple de Moïse en l’agneau pascal qu’il immolait. Il est celui que la trompette des prophètes annonçait : Il portera les péchés de tous les hommes, il effacera tous nos méfaits. Voilà la grande Pâque que le sang du Christ a couverte de gloire, qui fait exulter d’une joie fervente le peuple chrétien! Ô mystère de grâce! Mystère inexprimable de la munificence divine! Ô festivité vénérable entre toutes, en laquelle le Christ s’est abandonné aux hommes jusqu’à la mort pour sauver de simples esclaves! Ô bienheureuse mort, qui a rompu les liens de la mort! Désormais, le prince de l’enfer peut se considérer comme vaincu, et nous, sauvés de l’abîme de la faute, nous exultons d’allégresse et nous reprenons avec le Christ le chemin du ciel. »
Notes
1. Daniel-Rops, Jésus en son temps, p. 587-588.
2. J. S. Javet, L’Évangile de la grâce, p. 269.