Cet article a pour sujet les noms de Dieu qui révèlent son essence, et les attributs de Dieu ou ses qualités qui sont des aspects sous lesquels nous connaissons réellement Dieu.

Source: La connaissance de Dieu. 4 pages.

Les noms d'essence ou les qualités de Dieu

Dieu s’est révélé comme une personne. La révélation du Nouveau Testament nous apprend à discerner le Père, le Fils et l’Esprit. Nous savons donc qui il est avant de savoir ce qu’il est. Progressivement, Dieu a révélé ce qu’il est, sa nature. Nous ne donnons pas à ce mot un sens philosophique précis; nous nous en servons comme dans le langage familier. Si parlant d’une personne, nous cherchons à connaître ce qu’elle est, nous rassemblerons dans notre enquête tout ce qu’il nous sera possible de savoir sur elle, sur son aspect, sa constitution physique, ses relations, ses connaissances, son caractère… Il en est de même si nous cherchons à connaître ce que Dieu est. Il ne s’agit pas de chercher d’une façon rationnelle quelles sont les propriétés de l’être infini, nécessaire, parfait, etc. Notre connaissance de Dieu dépend de la révélation. Nous chercherons dans la révélation biblique ce qu’il a montré et dit de lui-même.

La révélation de Dieu, notamment celle qui est contenue dans l’Ancien Testament, est faite dans des langues et selon des conceptions qui ne nous sont pas toutes familières. Nous ne devons pas oublier que nous avons une conception de Dieu traditionnelle, celle que l’Église a façonnée autant et plus à l’idée de concepts philosophiques qu’à l’aide des données bibliques. Il sera nécessaire de veiller à ne pas imposer nos catégories de pensée à la révélation biblique, mais d’adopter au contraire, pour notre pensée, les catégories bibliques. La difficulté sera plus grande lorsqu’il s’agira de la révélation de l’Ancien Testament.

Gabriel Millon se demande si les attributs sont différents de la nature ou de l’essence divine. Il rappelle que certains « a-noméens » disaient que Dieu étant parfaitement simple, il n’était pas possible de distinguer en lui la bonté, la justice, la sainteté, etc.

Les nominalistes soutenaient une opinion analogue. Dieu est le bien, la somme de toutes les perfections, mais il nous est impossible de l’atteindre en lui-même par notre intelligence. Les concepts que nous formons (sainteté, justice…) sont purement subjectifs. Ce ne sont que des noms n’ayant aucun contenu réel ni aucun appui en Dieu (Guillaume d’Occam, Gabriel Biel, Grégoire de Rimini).

À l’opposé, d’autres admettent qu’il y a entre l’essence divine et les attributs une distinction réelle telle que ces attributs sont séparables. On disait qu’il y avait une distinction réelle entre la personne et l’essence de Dieu, que Dieu était distinct de sa divinité. Nous retrouvons une pensée analogue dans l’Église orthodoxe : c’est la célèbre théorie des énergies divines.

Cette théorie, précisée par Grégoire de Palamas, a été dogmatisée par les conciles orientaux de 1341 et 1351. Elle se formule ainsi : Dieu, dans son essence, dans sa superstructure plutôt, car son existence personnelle englobe et dépasse l’essence même, est totalement inaccessible. Dans ses énergies, il est particulièrement participable.

« Les énergies sont incréées; elles s’épanchent de l’essence une de la Trinité, comme une surabondance de divinité. C’est la gloire dans laquelle Dieu vit et règne, et dont les voyants de l’Ancien Testament ont perçu la fulgurance. »

Cela n’implique aucune « composition en Dieu ». Mais l’existence personnelle ou trinitaire peut « librement franchir le mur de sa transcendance pour nous communiquer sa surabondante plénitude ». L’énergie-acte souligne la liberté de la révélation et de la grâce; l’énergie-manifestation désigne le contenu de la divine condescendance. « Lorsque la Trinité vient habiter en nous, nous sommes pénétrés par la divinité qui s’écoule de son essence. » La théorie des « énergies » fonde la cosmologie. Le Dieu « pantodynamos » pénètre l’univers d’une toute-puissance non pas causale, mais réelle. « L’eucharistie est une présence restituée; elle est la clé de la transparence universelle. »

Cette théorie nous surprend par sa forte imprégnation mystique, dit G. Millon. Il est vrai que Dieu est présent au monde et que sa présence revêt des modalités diverses qui vont de la présence générale à l’habitation de l’Esprit dans les chrétiens, en passant par les théophanies et l’incarnation. Mais il y a dans la théorie des « énergies », par rapport à la révélation, un dépassement spéculatif très net qui risque de cacher la richesse de la réalité.

Nous disons donc que s’il est parlé de la sainteté, de la bonté, de la justice de Dieu, c’est qu’il y a en Dieu quelque chose qui justifie cette façon de parler. Il ne s’agit donc pas de formules vides de réalité et nous sommes en droit de parler des attributs de Dieu. Mais nous devons le faire avec prudence en évitant de les concevoir comme des entités séparées ou séparables de Dieu, ne serait-ce qu’à la façon des « énergies » qui débordent de l’essence divine.

La révélation biblique ne dresse pas un tableau systématique des attributs divins. Nous ne pouvons faire qu’un inventaire de ce que l’Écriture nous apprend sur Dieu. Il n’est toutefois pas interdit de tenter une classification des attributs à condition de ne pas les déformer en les enfermant dans nos cadres arbitraires de pensée.

Certains classent les attributs divins en attributs naturels (vie, ubiquité, éternité…) et en attributs moraux (sainteté, justice, amour, miséricorde). On peut parler aussi d’attributs absolus (indépendants de l’existence des créatures) et d’attributs relatifs (impliquant une relation à la création comme l’omniprésence, l’omniscience, la miséricorde…). Certains opposent les attributs de l’être (attributs métaphysiques) et les attributs de la vie (attributs moraux).

Avec Gabriel Millon, nous parlerons d’attributs premiers parce qu’ils sont inclus dans toute révélation de Dieu. Dans toute révélation de Dieu, nous percevons ces aspects ou attributs de Dieu, avant même que nous parlions ou que Dieu nous en parle. Nous ne disons pas qu’ils sont « premiers » dans l’être, comme s’ils étaient les fondements ontologiques de tous les autres attributs; ils sont « premiers » dans la connaissance et inclus dans toute révélation de Dieu. Nous ne disons pas non plus qu’ils sont premiers dans la spéculation sur la nature de Dieu, car nous ne nous occupons pas de cette spéculation. Nous n’analysons pas l’idée de Dieu; ce qui nous intéresse, c’est Dieu se révélant concrètement à l’homme. Ces attributs ont été mis en question dans les fausses religions qui ne reposent pas sur la révélation authentique de Dieu. Aussi a-t-il été nécessaire que le vrai Dieu, en se révélant, parlât de ces choses afin d’ôter toute équivoque.

Nous parlerons aussi bien de « noms d’essence » que de « qualités de Dieu ».

L’expression « noms d’essence » a sa valeur, car elle indique que nous connaissons l’essence de Dieu par sa révélation et seulement par elle; en effet, Dieu nous a fait connaître son nom qui est l’expression de son essence. Sachant cela, nous pouvons aussi employer le mot « qualité » qui est moins lourd que le mot « essence » et qui convient à ce que nous sommes en train de faire : décrire Dieu.

En dehors du mot « qualité », il est d’usage d’employer aussi le mot « attribut » (expression dangereuse parce qu’elle suppose habituellement qu’on peut séparer essence et attributs), « perfection » (moins clair), « vertus » (1 Pi 2.9). Mais ce mot est trop lié à la moralité. Or, nous ne parlons et ne pouvons parler que de l’essence de Dieu.

Entre les qualités de Dieu et son essence, il y a identité.

Il n’y a pas de contradiction entre les qualités que Dieu révèle et son essence. Dieu est ses qualités. Cependant, l’essence de Dieu n’est pas composée de ses qualités.

Les qualités sont les aspects sous lesquels nous connaissons Dieu. Ces aspects ont un fondement objectif dans la révélation et dans l’essence de Dieu. Il n’y a pas de contradiction en Dieu. Dieu est totalement amour, sainteté, justice, etc. Seulement, à cause de l’imperfection de notre connaissance, nous ne pouvons pas exprimer l’essence de Dieu en une seule notion. Nous avons besoin de plusieurs notions qui se complètent. Si nous disions seulement que Dieu est amour, nous aurions une représentation très insuffisante de Dieu. Nous perfectionnons cette représentation de Dieu en considérant qu’à un autre point de vue nous connaissons Dieu comme saint. Nous savons ainsi que Dieu est amour, saint, juste, etc., et en même temps « justice aimante et sainte ». C’est nous qui avons besoin de la distinction des qualités de Dieu. Notre connaissance de l’essence de Dieu elle-même n’est pas possible sans une composition de notions; mais l’essence de Dieu elle-même n’est pas composée de ces qualités. L’imperfection de notre connaissance est évidente. Pourtant, la distinction des qualités de Dieu a une base objective dans la révélation de Dieu. C’est pourquoi nous connaissons vraiment Dieu par nos notions.

Les qualités de Dieu ne sont pas seulement des noms que l’homme lui donne et qui n’ont pas un fondement dans l’essence de Dieu. On ne peut même pas dire que les qualités n’ont qu’un fondement en Dieu, Dieu étant lui-même réellement ce que nous disons de lui en vertu de sa révélation. Mais cela ne veut pas dire que Dieu est partiellement amour, partiellement sainteté, etc. La Bible peut dire que Dieu est amour, c’est-à-dire totalement amour. Il n’existe rien en Dieu qui ne soit amour. Mais la Bible dit aussi que Dieu est vérité, entièrement vérité. Il y a identité entre l’essence de Dieu et chacune de ses qualités. Aussi n’est-il pas possible de dire que l’une de ces qualités est plus essentielle à Dieu que l’autre. Il ne faut pas subordonner une qualité à une autre. En Dieu, il n’y a pas de devenir. Il est toujours le même. Cela s’applique de la même façon à la connaissance et à la volonté de Dieu. Dieu n’est pas dépendant de rien en dehors de lui-même. Il ne l’est pas plus en sa connaissance et sa volonté qu’en ses autres qualités. La connaissance et la volonté de Dieu sont identiques à l’essence de Dieu, autant l’une que l’autre.

N’objectons pas à la distinction entre qualités communicables et qualités incommunicables.

Par « qualités incommunicables », on entendait jadis les qualités dans lesquelles la distance infinie qui existe entre Dieu et le monde créé apparaît clairement : aséité, immutabilité, infinité, unité. Par « qualités communicables », on entendait les qualités dont on peut trouver l’analogue dans la création. On retrouve la même tendance dans des divisions en attributs négatifs et en attributs positifs. Nous ne pouvons parler de Dieu qu’exclusivement sur la base de l’analogie entre lui et sa création. D’un autre côté, nous devons montrer que la distinction entre Dieu et la créature est absolue, même quand nous parlons de « qualités communicables ».

Ne faisons pas prévaloir une qualité de Dieu sur une autre.

Les relations des qualités divines entre elles sont connues par la révélation. Aussi est-il incorrect de les déterminer d’après nos propres pensées. Cette règle est importante lorsqu’il s’agit de traiter des qualités de Dieu. N’essayons pas de voir le rapport existant entre l’amour et la justice de Dieu sans l’approbation des Écritures. Il est encore moins permis de juger les qualités de Dieu en partant de notre idée d’une de ces qualités comme critère. Par exemple, si nous ne voyons pas la correspondance entre notre représentation de l’amour de Dieu et notre représentation de sa justice, nous ne sommes pas libres de nier ce que la Bible nous enseigne sur la justice de Dieu. Il est possible que nous soyons obligés de reconnaître que la correspondance entre les deux qualités reste voilée. Mais cela est la faute de notre intelligence. Nous avons dit qu’il n’existe pas une contradiction dans ce qui a été révélé des qualités de Dieu. Dieu est toutes ses qualités, et nous connaissons ses qualités uniquement par la Bible. La théologie moderniste a critiqué le contenu de la Bible en partant de son idée de l’amour de Dieu.

Le traitement de chaque qualité suppose une analogie avec les choses créées. Dans chaque qualité, nous devons voir la transcendance de Dieu. Il nous est interdit de construire une relation entre les qualités, relation qui ne nous serait pas enseignée par les Écritures. Le rapport scripturaire apparaît quand nous exposons le contenu des qualités divines selon la Bible.