Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet la résurrection des morts ou de la chair , lorsque notre corps sera réunie à notre âme pour revenir à la vie, conserver notre personnalité et recevoir l'incorruptibilité.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 9 pages.

Nous croyons - La résurrection des morts

« Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts. Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang, Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement. »

1 Corinthiens 15.20-23

Notre vie est terriblement courte. Aucune force ne travaille avec autant de puissance à l’intérieur de nous-mêmes que la connaissance que nous avons de la mort comme d’une réalité sûre et certaine. De grandes civilisations du passé ont été bâties sous son signe; rappelons-nous que la brillante civilisation égyptienne de l’antiquité ressemblait à une vaste nécropole… Bien des pays furent conquis et soumis non à cause des richesses qu’ils pouvaient recéler, mais pour fournir des sacrifices humains aux dieux des conquérants en vue de les apaiser…

Des systèmes intellectuels, eux aussi, se sont penchés sur cette réalité. La raison humaine a tenté d’exorciser la mort. « Lorsque je suis, écrivait Épicure, la mort n’est pas; lorsque la mort est là, je ne suis plus. Ainsi nous ne pouvons rien faire contre elle », ajoutait-il. Les hommes de notre temps restent tout aussi effrayés par la mort que ceux du passé, et même davantage. Comment pourrait-il en être autrement, puisque toute espérance en la vie éternelle, toute conviction religieuse ont été abandonnées! Nous ne devons donc pas nous étonner si tant de névroses autour de nous sont le résultat direct de la peur… La peur de la mort. « Il existe un seul problème philosophique, écrivait Albert Camus, c’est celui du suicide. La vie est absurde, la mort aussi, pourquoi donc continuer à vivre dans un univers absurde? »

Ainsi, l’ombre de la mort plane au-dessus de nos têtes. L’Écriture sainte, Ancien et Nouveau Testaments, qui inspire notre foi et fonde le Symbole de Nicée-Constantinople, connaît, elle aussi, le visage hideux de la mort mieux que quiconque et l’appelle « notre dernier ennemi »; elle la présente comme un outrage cosmique jeté à la face de la bonne création de Dieu. L’Écriture affirme encore que la mort est une intruse avec laquelle l’homme ne peut pas marchander. Celui-ci, courageux ou non, reste totalement impuissant devant elle. Son ombre s’étend sur nous et sur tout ce qui vit, qu’elle finira par engloutir, soit soudainement soit progressivement… Quoi qu’il en soit, le soleil de notre vie est appelé à se coucher et à disparaître. Que restera-t-il de nous, une fois enveloppés dans l’obscurité de la mort?

Notons cependant que la Bible, et à sa suite le Symbole, ne parle pas de la mort comme en parlent les hommes. Elle nous révèle un aspect de sa réalité encore plus terrible; elle nous fait découvrir la véritable ampleur de la tragédie en déclarant que la mort est le jugement de Dieu prononcé sur nos existences, « le salaire du péché ». Plus que phénomène biologique, elle est réalité spirituelle. L’avertissement adressé à Adam « le jour où tu mangeras du fruit de l’arbre défendu, tu mourras » (Gn 2.17), demeure une redoutable réalité. En Adam, notre ancêtre selon la nature, nous mourrons tous sans exception.

Tout en méditant sur la mort, les hommes ont surtout aspiré à la vie à venir et ont médité sur elle. « S’il n’existe pas d’immortalité, je devrais immédiatement me précipiter à la mer », écrivait le poète britannique Tennyson. Et, selon Sigmund Freud, « la croyance en la mort en tant que la porte menant à une vie meilleure, révèle l’une des plus anciennes aspirations des hommes ».

« Nous attendons la résurrection des morts », déclare le Symbole de Nicée-Constantinople. Cela signifie-t-il que la foi chrétienne aurait en commun avec tous les hommes une certaine croyance en l’immortalité de l’âme? Immortalité de l’âme et résurrection des morts seraient-elles des espérances interchangeables? Si nous nous en tenons à ce que dit la Bible, nous voyons qu’il s’agit là de deux conceptions de la vie dans l’au-delà diamétralement opposées.

Reconnaissons cependant que l’annonce de la résurrection des morts est une pierre d’achoppement pour de nombreuses personnes, parfois mêmes croyantes, qui admettent volontiers l’immortalité de l’âme, mais qui ont de la peine à croire en la résurrection corporelle des morts. Examinons donc la différence entre ces deux conceptions et surtout ce que l’Écriture sainte déclare au sujet de la nature humaine.

L’anthropologie biblique reconnaît en l’homme une créature que j’appellerais « duplex »… ou le lieu de rencontre de deux mondes. D’une part le monde matériel, d’autre part le monde spirituel; physiquement, il est lié à la création inanimée, mais lorsque Dieu lui insuffla la vie, l’homme « devint une âme vivante ». Ceci le rend différent du reste de la création, car s’il appartient à la création physique sur le plan de la nature, simultanément, il est conscient de Dieu. L’homme n’est pas uniquement chair, il est aussi esprit; il n’est pas simple corps, mais encore une âme. Si nous voulons le comprendre adéquatement, nous devons tenir compte de cette double constitution et appartenance.

Du côté des penseurs matérialistes, on a cherché à nier l’élément spirituel dans la nature humaine en tentant de l’expliquer en termes exclusivement matériels et physiques. De telles tentatives sont vouées à l’échec. Le fait est que la personnalité de l’homme ne réside pas en son élément matériel. J’habite mon corps et je m’en sers, mais je ne suis pas seulement mon corps; celui-ci n’épuise pas la totale réalité de mon moi. Je regarde avec mes yeux, je travaille avec mes mains, je parle avec mes lèvres, mais ni mes yeux, ni mes mains, ni mes lèvres, même pas leur totalité, ne constituent mon moi. Le vrai « je » se trouve à l’intérieur, invisible, intangible, impondérable, dirigeant, contrôlant et gouvernant le cadre physique. Le penser, le sentir et le vouloir est mon moi réel.

Le corps change constamment, mais moi je demeure! On dit que notre corps change tous les sept ans. Je puis donc soutenir qu’aucune cellule du corps de mon enfance n’est présente dans mon corps physique d’homme adulte. Mon corps actuel est entièrement différent de celui de mon adolescence. Sans doute ai-je pu changer au moins cinq ou six fois de corps! Si mon corps avait été entièrement mon moi, je devrais être entièrement différent du moi d’il y a trente ou quarante ans! Pourtant, je ne suis pas un « je » différent. Le jeune d’il y a trente ans et l’adulte d’aujourd’hui sont la même personne. Le moi ne peut pas par conséquent s’identifier avec le corps en constante transformation, car l’identité de la personne demeure.

Il est néanmoins aussi important de se rappeler que si le moi réel est invisible et spirituel, le for intérieur de l’homme, son tréfonds, ne peut se concevoir en dehors de son corps. Le corps est aussi essentiel à notre idée de l’homme que l’est son âme. L’homme n’est pas un esprit désincarné. Il est un esprit incarné. C’est cette double nature de l’homme qui permet de mieux saisir l’annonce de la résurrection des morts.

Ainsi, nous venons de souligner la différence radicale entre la résurrection du corps et l’immortalité de l’âme. Contrairement à la philosophie grecque, notamment platonicienne, le Nouveau Testament n’affirme pas la survie d’une âme désincarnée, mais proclame la résurrection des corps, voire, dans le Symbole dit des apôtres, celle de la chair. Celle-ci embrasse aussi bien l’âme que le corps. Une existence sans corporéité ne serait point complète, pas même réelle, pour des êtres humains. Âme et corps doivent être totalement restaurés en l’homme pour qu’il puisse vivre de nouveau. Le Nouveau Testament prêche la survie de l’homme dans la complétude de sa nature. La mort fait une brèche dans cette nature, mais la résurrection répare cette brèche. L’œuvre rédemptrice du Christ est une œuvre complète; c’est pourquoi, à la fin, la mort est abolie. Ceux qui, parmi ses victimes, se trouvent « en Christ » seront affranchis, leurs corps délivrés, leur humanité restaurée. L’incarnation du Fils de Dieu n’est pas un accident, une phase temporaire, mais l’expression du dessein divin et son projet pour notre humanité.

L’idée de la résurrection corporelle pose des questions et elle est entourée de nombreux malentendus. La reconstitution des particules physiques formant le corps humain comme tel est inconcevable. La nature accomplit son travail en les dissolvant, mais sans les détruire définitivement. Ces éléments sont « recyclés » toujours à nouveau, passant dans d’autres organismes vivants tels les plantes, les arbres, les animaux, voire d’autres corps humains…

L’Écriture ne nous parle pas d’une reconstitution de ce type. Pensons au cas de l’Église de Corinthe, qui s’interrogeait au sujet du corps qu’on allait revêtir lors de la résurrection. Les Corinthiens avaient une conception naturaliste de celle-ci, mais l’apôtre Paul répudie leur représentation matérialiste. « La chair et le sang ne peuvent hériter le Royaume de Dieu et la corruption n’hérite pas l’incorruptibilité » (1 Co 15.50). Le corps actuel ne sera pas le corps spirituel.

Ouvrons à cet endroit une parenthèse consacrée plus particulièrement à l’article que nous lisons dans le Symbole des apôtres et qui déclare, non la résurrection des morts comme le fait le Symbole de Nicée-Constantinople, mais celle « de la chair ».

« Les Hébreux n’avaient pas la notion de la vie éternelle pour l’individu. Les promesses d’avenir avaient été faites au peuple : “Écoute Israël”. Quant à la survie individuelle, on se la représentait fort précaire, comme une pauvre existence dans un lieu souterrain, le Shéol, où on ne pouvait même pas louer Dieu (És 38.18).
L’idée que la plupart des Juifs de l’Ancien Testament avaient de la résurrection était celle d’une résurrection de la chair terrestre au sens le plus réaliste, où les borgnes ressusciteraient n’ayant qu’un œil, afin qu’on puisse les reconnaître…
Ne nous hâtons pas de sourire. Il y a dans ce réalisme de la croyance d’Israël une vérité propre à donner le frisson à plus d’une conscience humaine; cette vérité, c’est que l’homme nourrirait en vain l’espoir de se cacher dans la nuit du sépulcre ou de se perdre dans la lumière des cieux… Après sa mort, sa personnalité sera identifiée, et c’est comme telle qu’elle paraîtra devant le tribunal du Christ pour être jugée selon ses œuvres.
Il est étrange que les auteurs du Symbole, pénétrés de l’enseignement du Nouveau Testament, se soient rattachés à la doctrine juive plutôt qu’à l’enseignement de l’Évangile selon Jean ou des épîtres de Paul. Aussi bien, la contradiction n’est-elle ici qu’apparente, et si cette apparence nous choque si durement, c’est parce que notre pensée, trop ignorante de l’anthropologie de l’Ancien Testament, est, de par notre éducation classique, tout imprégnée de philosophie grecque. La doctrine platonicienne de la survie essentielle de l’âme met la créature dans une situation indépendante vis-à-vis du Créateur que le Juif, et à plus forte raison le chrétien, ne peuvent admettre. Voilà pourquoi, logiquement, la Bible oppose à la doctrine de l’immortalité de l’âme celle de la résurrection de la chair.1 »

Les Grecs avaient eu l’intuition que l’homme est fait pour la vie éternelle; mais comme ils n’avaient pas la révélation du Dieu qui est Esprit, seul possesseur de la vie, ils ont conclu de leur intuition que l’homme devait posséder en lui-même un principe d’immortalité, qu’il était constitué de deux éléments : la matière et l’esprit. Dans cette dualité, la matière est envisagée comme la source du péché, le corps comme la prison de l’âme.

L’anthropologie de l’Ancien Testament n’a rien de commun avec la philosophie de Platon. Pour l’Ancien Testament, l’homme n’est pas fait de deux éléments, mais d’un seul. L’homme est chair, et le mot « chair » comporte toute la personne humaine dans ses limites, ses infirmités, son entière dépendance de la vie qui est en Dieu seul. « Toute chair » veut dire toutes les créatures (Jl 2.8; Za 23.13). « L’homme n’est que chair » signifie que l’homme, par lui-même, n’est que faiblesse et fragilité; l’homme est une personnalité suspendue à la personnalité de Dieu, qui fait vivre, qui fait mourir, qui ressuscite. Pour l’Hébreu, dire « ma chair ressuscitera » est l’équivalent de « je ressusciterai ».

Quand Jésus dit à Nicodème : « Ce qui est né de la chair est chair » (Jn 3.6), il va du connu à l’inconnu, pour l’amener à comprendre que la personnalité humaine, par elle-même limitée, impuissante, est une création avortée destinée à disparaître dans le néant, à moins qu’elle ne passe par une nouvelle naissance spirituelle.

À travers le Nouveau Testament, la notion de « chair » s’aggrave. Dans un bon nombre de passages, le mot « chair » indique, par extension, notre nature animale dans son infirmité pécheresse et son état de condamnation. On trouve cette acception surtout chez Paul, tout occupé de présenter le salut comme une réalisation de justice et une œuvre de grâce. C’est dans ce sens qu’il faut entendre la déclaration citée plus haut : « J’affirme que la chair ne peut hériter le Royaume de Dieu. »

Cependant, le sens premier de chair, « nature humaine », « personnalité terrestre » se retrouve aussi chez Paul. Quand il dit aux Colossiens que Jésus nous a réconciliés avec Dieu en souffrant « dans le corps de sa chair » (Col 1.22) n’entend-il point par « chair » la personne historique de Jésus avec sa sainteté, son Gethsémané et sa croix?

Chez Jean, qui envisage avant tout l’œuvre du Christ comme le don de la vie éternelle, le sens hébraïque de la chair signifiant la personnalité demeure à fleur de coin. « La Parole a été faite chair » (Jn 1.1), c’est-à-dire une personne humaine. L’Antichrist est quiconque nie que le Christ est « venu en chair », c’est-à-dire réellement manifesté dans la personnalité historique de Jésus (1 Jn 4). « Qui mange ma chair a la vie éternelle », dit Jésus (Jn 6.54), entendant par là « qui se nourrit de ma personne ».

« Qui mange ma chair…, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6.54). Chair et résurrection, voilà les deux mots indissolublement liés. Le Christ est chair vivifiante; le chrétien devient par lui chair vivifiée. La vie divine a passé de la personne du Rédempteur à la personne du racheté. Voilà le miracle du salut.

Les disciples, qui virent la Parole faite chair ressuscitée et qui reçurent de lui la Pentecôte, crurent et professèrent que leur chair ressusciterait comme la sienne, grâce à la sienne, par l’action de l’Esprit. Ils se rendirent quand même compte qu’au point de vue de la matérialité, la chair du Christ ressuscité n’était pas identique à ce qu’elle était avant sa mort.

Le Symbole des apôtres emploie l’expression « résurrection de la chair ». La chair, nous l’avons vu, témoigne de la résurrection de la personne, contrastée à l’immortalité de l’âme. Dans le langage biblique, « chair » désigne la personne concrète, et non une substance périssable en contraste avec l’âme immatérielle et immortelle, comme dans la pensée platonicienne et grecque… Si nous vivons actuellement dans une division existentielle, cela est dû aux ravages accomplis par le péché et non à une constitution fondamentale de l’être. Cependant, selon notre glorieuse attente, nous connaîtrons dans le Royaume la parfaite glorification de notre personne, en tant que chair et âme.

Quand on a compris cela, on saisit l’harmonie profonde des enseignements de Jésus, de Jean et des auteurs du Symbole. « Je crois en la résurrection de la chair » signifie : Moi, membre de l’Église des saints en Christ, je crois que ma personnalité, après ma mort terrestre, ne sera pas engloutie dans l’inconscience d’un océan béatifique, mais que le Christ la rappellera à la vie, délivrée de ses infirmités, de ses imperfections, de ses limites, pourvue d’organes propres au service de Dieu et capable d’épanouir ses virtualités célestes dans le bonheur d’un amour éternel.

Quand? Dans quelles conditions? Avec quelles modalités s’effectuera cette résurrection? Le Symbole ne le dit pas. Mais couverts par l’autorité de ce Symbole, gardons-nous de rejeter une affirmation entre toutes précieuse, et remercions les auteurs du Symbole de ce qu’ils nous présentent notre avenir céleste non sous la froide catégorie de « l’immortalité de l’âme », mais sous l’aspect vivant de la résurrection.

Notre résurrection est la conséquence directe de celle du Christ, aussi devons-nous examiner celle-ci pour en comprendre les modalités.

Dans sa lettre adressée aux Romains, l’apôtre Paul écrivait les lignes suivantes : « Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus; la mort ne domine plus sur lui. […] Maintenant qu’il vit, il vit pour Dieu » (Rm 6.9-10). De son côté, dans le livre de l’Apocalypse, le Christ affirme : « J’étais mort et voici je suis vivant, j’ai les clés de la mort et du séjour des morts » (Ap 1.18).

La résurrection du Christ nous a procuré l’assurance du pardon de nos péchés et celle de notre justification vis-à-vis de Dieu. Mais elle est également la garantie de notre résurrection future. Désormais, nous savons que nous partagerons la nouveauté de la vie avec notre Seigneur. Notre résurrection aura lieu lorsque le Christ reviendra sur terre, pour nous transformer en son image si nous sommes vivants, nous accorder un corps nouveau si nous sommes morts. La mort, l’intruse hostile, l’ennemie de notre âme et l’adversaire de Dieu, sera détruite.

Mais dès à présent, l’angoisse de la mort en tant que jugement est bannie pour celui qui confesse sa foi au Christ ressuscité; son aiguillon a été brisé; la mort elle-même a été dévitalisée, si je puis m’exprimer d’une manière aussi paradoxale. Nos offenses nous ont été remises; désormais, « ni la vie, ni la mort, […] ni les choses présentes, ni les choses à venir, […] ni aucune créature ne peuvent nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 8.38-39).

Une question subsidiaire, mais importante, se pose : Qu’advient-il au croyant pendant sa mort? Elle est tout à fait légitime.

D’après la Bible, notre mort physique peut être assimilée à un sommeil. Un sommeil et un repos que nous a procurés la venue du Fils de Dieu. Lors de notre passage de la vie terrestre au repos céleste, le Christ nous accompagne. Il ne nous abandonne pas un seul instant. Il maintient une communion constante avec ses élus et ses disciples. Dans l’attente de notre résurrection, nous passons dans un état intermédiaire. À une femme qui pleurait la disparition de son frère, à Marthe de Béthanie, Jésus déclarait : « Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort » (Jn 11.25). Voilà pourquoi notre mort ne doit plus nous paraître comme un ennemi redoutable. Désormais, elle apparaît comme la porte qui nous laisse un libre accès vers la présence et l’intimité du Sauveur. Contre son propre gré, la mort est devenue l’instrument du dessein rédempteur de Dieu.

Il est indéniable que les anciens ne pouvaient pas se représenter une personnalité sans un corps, c’est-à-dire, un organisme approprié qui l’exprimât. Mais nous-mêmes, pouvons-nous nous le représenter? Et quand nous parlons du « revoir » dans les cieux, n’affirmons-nous pas l’existence d’une société sainte où, sous une forme quelconque, ceux qui se sont aimés ici-bas pourront se reconnaître? C’est là le « corps spirituel » incorruptible, glorieux, plein de force céleste que saint Paul annonce aux Corinthiens, essayant de décrire l’indéfinissable et rompant ainsi de façon décisive avec les anciennes croyances.

Ainsi, croire en la résurrection est bien autre chose qu’une croyance en une vague et imprécise immortalité de l’âme. La première nous emplit d’une espérance lumineuse, vibrante de joie. Hors de la foi en Christ, il serait impossible de savoir quoi que ce soit au sujet de ce mystère. Parce qu’il est notre Tête, nous lui appartenons tant dans la vie que dans la mort.

Que Dieu accorde la vie aux morts est une vérité que l’on ne peut comprendre qu’à l’aide de la seule foi. Aucune sagesse humaine ne pourrait découvrir ni embrasser cette vérité. Non seulement Dieu est capable de nous ressusciter, mais encore il veut notre résurrection. Dans sa première lettre aux Corinthiens, au chapitre 15, saint Paul projetait une ample lumière sur le sujet. Pour commencer, il affirme que ce sont les morts qui ressusciteront, et ceci implique la personne tout entière.

Quel sera le corps de la résurrection? Celle-ci ne signifie pas une création entièrement nouvelle. Comme dans celle de Jésus-Christ, notre corps, notre personne visible sera reconnue. Le corps actuel est semé corruptible, il ressuscitera incorruptible. « Ce mystère appartient au domaine que l’œil de l’homme n’a pas vu ni l’oreille n’a entendu et qui ne monte pas dans la connaissance de l’homme » (1 Co 2.9). Savoir que des corps ensevelis, littéralement retournés à la poussière, parfois déchiquetés, brûlés, enfouis peut-être dans les fonds de l’océan, réduits en cendres et dispersés aux quatre vents, pourront revivre, dépasse tout entendement. Mais Dieu est celui qui, précisément, fait des choses merveilleuses et appelle à l’existence « les choses qui n’existent pas » (Rm 4.17).

Ce corps nouveau, comment sera-t-il? Nous savons que tout corps est nécessairement un organisme physique, matériel. La substance spirituelle ne peut devenir corps. Mais le terme « matériel » ne veut pas dire « naturel » au sens que lui accorde la Bible. Il n’est pas « chair et sang ». Ensuite, ce corps sera un corps humain, car l’homme ne cesse d’être une personne humaine et toute idée de réincarnation devrait être exclue. À travers les étapes qu’il traverse, péché, mort, régénération, état intermédiaire et résurrection, l’homme reste toujours homme. Sa nature est telle qu’elle est adaptée pour porter l’empreinte de l’image divine. Le corps de la résurrection servira à refléter cette ressemblance et à servir Dieu. À travers la mort, notre corps conservera entièrement son individualité. C’est moi-même qui ressusciterai et non une autre personne qui me remplacerait.

Nous tiendrons également compte des différences entre le corps présent et celui de la résurrection. Le corps actuel est terrestre, l’autre sera céleste. Actuellement, il est humilié; dans l’au-delà, il sera corps glorieux, affranchi des servitudes du mal et du péché. Le corps présent est sujet à la corruption qui agit en lui de l’intérieur et de l’extérieur. Il ne peut résister aux éléments étrangers, parasitaires, qui l’envahissent comme des virus mortels. La corruption de notre corps est effective dès les premiers instants après notre naissance, et elle s’achève à notre mort. Dans la tombe s’accomplit la parole du Seigneur Dieu : « Tu es poussière, tu retourneras à la poussière » (Gn 3.19).

Mais le corps ressuscité, lui, sera incorruptible, immunisé. Aucun élément nuisible, aucune force maléfique ne pourront nous atteindre, aucun virus mortel ne pourra plus exercer ses ravages… Ce corps qui est actuellement caractérisé par une extrême faiblesse et dont les forces sont extrêmement limitées, puisera des forces nouvelles, se nourrira du fruit de l’arbre de la vie. Sa vitalité ne sera menacée par aucune perspective de détérioration.

Le corps actuel est semé dans le déshonneur, privé de sa gloire originelle, de sa beauté première. Il ne reflète plus l’originelle gloire divine. On pourrait même dire qu’il est passablement laid ou enlaidi, en dépit des artifices que tant d’hommes et de femmes emploient pour l’embellir… Dans le Royaume, il atteindra une beauté parfaite, car tous les effets et chacun des vestiges du péché auront disparu. Il est corps naturel, il sera corps spirituel. Adapté à servir comme un outil temporaire à ce qui est terrestre, notre corps de résurrection sera entièrement soumis à l’Esprit glorieux, en mesure d’hériter le Royaume et de regarder Dieu face à face.

Pourquoi insister tellement sur cette foi en la résurrection des morts, en celle des corps, en la résurrection de la chair? Ne suffirait-il pas de savoir que nous serons spirituellement vivants, sans préciser que nous le serons corporellement? L’immortalité de l’âme ne donnerait-elle pas une ample satisfaction à nos âmes inquiètes à la recherche d’assurance?

Je voudrais, pour conclure, souligner trois points qui serviront de récapitulation à tout ce qui précède.

1. La résurrection des corps sauvegarde la réalité de la permanence de notre personnalité et de notre individualité. Car il est important de savoir s’il est possible de posséder une personnalité et en même temps être dépourvu d’un organisme qui l’exprime visiblement. Or, toute individualité implique nécessairement une limitation, une délimitation. La foi en la résurrection du corps l’exprime parfaitement. Nous savons que nous ne serons pas fondus ou confondus dans ou avec quelque vague réalité abstraite et mystérieuse; perdus dans un nirvana nébuleux, amalgamés avec un être indéfini… Nous demeurerons des individualités distinctes et conscientes de notre existence personnelle. Vous et moi, nous serons les mêmes personnes.

2. En sauvegardant cette individualité, la foi en la résurrection procure une ample consolation et motive notre gratitude. Nous nous retrouverons au ciel. Nous nous y reconnaîtrons parfaitement. Le ciel ne sera pas le séjour des esprits désincarnés, car chaque âme aura son corps. De même que les disciples purent reconnaître le Seigneur ressuscité, ainsi, heureusement, nous reconnaîtrons ceux avec qui nous avons confessé la même foi, partagé la même espérance, aimés d’un amour vrai et sincère.

3. La foi en la résurrection est également une assertion de la richesse et de la perfection de la vie dans l’au-delà. Le Christ nous sauve pour un salut parfait. Il nous sauve corps et âme. Il ne sauve pas seulement l’âme en négligeant le corps, mais refaçonne notre corps actuel d’humiliation selon l’image même du Fils de Dieu glorifié. Ce n’est pas une vie maigre et limitée qui nous sera accordée; en Christ, nous jouirons d’une vie abondante; nous ne descendrons pas dans le shéol, séjour lugubre peuplé d’ombres sans visage ni identité. Bien au contraire, dans le séjour des bienheureux ressuscités, rien n’y sera perdu, tout y sera gagné, embelli, parfait…

Celui donc qui confesse sa foi au Dieu trinitaire, dans la communion de l’Église une, sainte, universelle et apostolique, sait que, dès à présent, il est bénéficiaire de la victoire du Christ qui lui vaut un si grand salut.

Mais celui qui se détache de cette communion de la foi devrait savoir qu’une autre résurrection attend celui qui s’aventure à se couper de la source de sa vie; ce sera la résurrection en vue du jugement et de l’exclusion définitive de la communion d’avec Dieu.

Affranchis par le Sauveur dans la communion des saints, nous chanterons à présent avec l’apôtre l’hymne de victoire : « Ô mort, où est ta victoire? Ô mort où est ton aiguillon? » (1 Co 15.55).

Note

1. A. Westphal.