Cet article sur le Psaume 42.12 a pour sujet la dépression et le découragement qui font partie de l'expérience chrétienne. En recherchant la présence de Dieu, nous pourrons parvenir à la paix et à la guérison.

Source: Le chrétien et la souffrance. 4 pages.

Psaume 42 - Dépression et guérison (2)

« Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu sur moi? Attends-toi à Dieu, car je le célébrerai encore; il est mon salut et mon Dieu. »

Psaume 42.12

L’angoisse et la désolation du psalmiste nous touchent au plus profond de nous-mêmes. Qui d’entre nous n’a pas connu ces moments de dépression? Qui ne s’est pas trouvé dépourvu de toute ressource, incapable de s’en sortir pas ses propres moyens? Les causes peuvent être diverses. Pour l’auteur de cette prière, ce fut peut-être la prison ou l’exil. À moins qu’il ne se débattît sur un lit de souffrance, accablé par la maladie. Quant à nous, telle ou telle cause, extérieure ou intérieure, peut nous plonger dans l’humeur la plus noire, nous jeter dans un découragement total. Il ne servirait à rien d’entendre dans un tel moment des conseils bon marché tels que : « Courage, mon ami, il faut se faire une raison dans la vie! » Si la chose était possible, ce serait déjà fait. Alors, pourquoi ennuyer avec de telles banalités celui qui est affligé?

Il importe de savoir quel secours on peut nous offrir. Les hommes de la Bible n’ont pas échappé aux situations troublantes et aux questions difficiles, parfois angoissantes, qui par moments ont tourmenté leur existence. Songez à Élie le prophète, qui, fuyant devant la perverse reine Jézabel et croyant la mesure comble, protestait : « C’en est trop! Maintenant, Éternel, prends ma vie! » (1 R 19.4); ou Jérémie le sensible, maudissant le jour de sa naissance… Quant à Job, combien d’amertume ne décèle la constatation : « L’homme né de la femme! Sa vie est courte, il est saturé d’agitations » (Jb 14.1). Même le Nouveau Testament contient des passages où l’angoisse des croyants apparaît de manière cruelle. C’est avec effroi qu’on lit les paroles du Seigneur Jésus dans le jardin des Oliviers : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » (Mt 26.38). Et quelle déchirante détresse lorsque, sur la croix, il se sent abandonné par Dieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mt 27.46).

Les moments de dépression font donc partie de l’expérience des témoins de Dieu. La foi n’est pas une joie toujours « au beau fixe ». Elle plonge parfois aux profondeurs angoissantes de l’âme comme elle peut s’élever à des hauteurs sublimes. Comment nous sera-t-il possible, à l’aide de la foi, de supporter une crise aiguë qui peut parfois mettre en question aussi bien nos relations avec les autres que le sens même de notre vie; aussi bien notre conception des choses que la présence même de Dieu?

Tout prédicateur de l’Évangile a un souci pastoral. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes conscients de problèmes formidables. Les réponses aux problèmes humains doivent absolument être à la mesure de l’immense détresse que nous partageons, nous autres croyants, avec tous les humains. L’âme, dont parle l’auteur du Psaume 42, indique la condition humaine en face de Dieu, aussi bien dans sa fragilité que dans son refus de vivre avec lui. Qu’il me soit permis de ne pas analyser, ni même de suivre de près, le mouvement naturel du texte que nous avons lu. Mon propos est plutôt de comprendre, à la lumière de ce Psaume réconfortant, une situation de dépression commune à tous et d’en indiquer la guérison.

Surmonter la dépression, quels qu’en soient la nature et le degré, ne dépend pas de formules toutes prêtes ni de conseils bien intentionnés.

1. « Pourquoi t’abats-tu, mon âme? » (Ps 42.12). Une indication, plutôt qu’une réponse, s’offre à nous dans cette question. Il est utile de poser des questions et absolument indispensable de poser la bonne question. Pourquoi? Parce qu’il est nécessaire de connaître la cause du mal, d’aller à la découverte de son origine. De faire sortir au grand jour nos soucis, d’admettre que nous vivons dans l’inquiétude au lieu de les dissimuler, au lieu de les refouler, ainsi que le dit le langage psychologique, et de les laisser fermenter en nous-mêmes. Mais lorsque l’on admet l’existence de ces problèmes, il faut poser la question en la présence de Dieu. Les expressions des hommes de la Bible sont avant tout des expressions de relation avec Dieu, vers lui. Le cri déchirant de la croix, la parole prononcée par Jésus que nous citions plus haut, est la citation d’un Psaume, celui-là même qui exprimait la confiance en Dieu (Ps 22).

Tous les croyants de la Bible savaient qu’ils étaient fragiles et ne pouvaient se suffire à eux-mêmes. Mais au lieu de s’apitoyer d’une manière morbide sur leur sort, ils élèvent leur voix et prient le Père céleste. Certes, la foi n’est pas une garantie de guérison miraculeuse parce que nous nous adressons à Dieu. Elle nous assure plutôt de sa présence indéfectible et de la force qu’il dispense. Celle-ci nous permet de lutter contre la peine et l’épreuve, contre l’adversaire extérieur et contre le mal dont nous sommes nous-mêmes seuls responsables. Aussi paradoxal que cela paraisse, l’ordre et la consolation, l’appel au combat comme l’invitation au repos vont toujours de pair sur les pages de la Bible. La joie nous est promise, mais elle n’élimine pas la peine. Dieu reste auprès de nous, ainsi que le dit le catéchisme de Heidelberg : tant dans la vie que dans la mort, c’est en lui notre unique consolation.

2. Il faut, comme nous l’avons dit, poser la question de savoir où se trouve l’origine du mal qui nous trouble, et surtout de le faire en la présence de Dieu. Mais que se passe-t-il lorsque tout en posant de telles questions nous ne trouvons quand même aucune explication? Nous aurions tort de n’attendre que des explications pouvant nous sembler vraisemblables.

Nous vivons à une époque où la médecine est à notre portée et son aide est extrêmement précieuse. Il y a des moments où y avoir recours est un devoir. Il se peut que des facteurs physiques jouent un rôle, lorsque notre esprit ne connaît ni paix ni repos et que notre comportement en pâtit. Pourtant, la foi chrétienne ne saurait se borner à une guérison qui ne s’attaquerait pas à la racine du mal. Elle offre une deuxième indication, extrêmement précieuse. Aussi bien la science moderne que la Bible nous présentent l’homme, corps et âme, en tant qu’une personne indivisible. Notre mal consiste dans la séparation que nous opérons, dans un dualisme qui n’a rien de chrétien. Il nous faut prendre au sérieux la Bonne Nouvelle de l’Écriture, sa compréhension de l’homme et de ses problèmes. Même la psychologie des profondeurs a de la peine à comprendre qui est l’homme. Mais Jésus-Christ, lui, peut nous accorder la paix et la guérison parce qu’il nous connaît totalement.

Nous savons que chacun d’entre nous possède ce qu’on appelle l’impulsion d’agressivité. Celle-ci n’est pas seulement dirigée contre les autres, mais elle est encore très souvent dirigée contre nous-mêmes et est la cause de nos sentiments de culpabilité. Combien de remords morbides, combien de tourments inutiles, que de masochismes spirituels parce que bien souvent nous nous punissons sans même le savoir… C’est dans cette situation qu’intervient l’Évangile. Il nous remet en ordre. En nous-mêmes, nous sommes divisés. Nous sommes de toute manière indignes et surtout incapables de faire un bon choix. Nous échouons tous les jours et de plusieurs manières, mais nous sommes à présent acceptés, pardonnés, aimés par Dieu. Nos remords ne peuvent qu’aggraver la situation, car la rancune contre nous-mêmes n’est que guerre civile.

Mais Dieu, lui, nous accepte parce qu’il nous aime. Il nous accepte avec nos fautes, nos erreurs, notre ignorance, notre péché. Pourquoi nous débattre et chercher une issue qui, de toute manière, nous échappe? Nous ne pouvons atteindre le bonheur que si nous laissons son amour nous rendre intègres et sains. Cela s’appelle avoir un cœur simple. Être simples comme Dieu est simple, comme le dit la Confession de foi de La Rochelle. La foi chrétienne n’est pas moraliste. Et quelle actualité, quelle profondeur et quelle puissance dans cet Évangile qui pénètre au plus profond de nous-mêmes pour nous restaurer!

Si les chrétiens que nous sommes savions trouver un tel équilibre, notre service pour le prochain serait beaucoup plus efficace… Mais quelle caricature de service l’Église offre-t-elle, lorsque, voulant à tout prix être présente au monde, oublie de balayer devant sa propre porte?

3. Pour terminer, sachons quelles autres indications nous offre la foi chrétienne dans des circonstances semblables. Pour le psalmiste, auteur de cette prière, il semblait que tout dépendait de son humeur jusqu’au moment où il se rendit compte que la présence de Dieu était indépendante de sa volonté et de ses sentiments. Notre humeur et notre dépression peuvent être passagères. Celui qui demeure et qui persiste dans la fidélité est Dieu en personne. Il nous faut absolument développer le sentiment de l’objectivité de Dieu.

Dieu n’est pas moi; il n’est pas la profondeur de mon être; il ne se confond pas avec ma personne. Toute la Bible insiste sur ce caractère objectif de Dieu. Il est l’Autre; il est transcendant; il est au-dessus de tout et de tous, bien qu’il soit immédiatement présent auprès de moi.

Ce Psaume remarquable se termine par ces mots d’espérance : Dieu interviendra pour éclairer le jour sombre; il apaisera le cœur troublé; il pansera l’âme blessée; il est le salut. Il est mon Dieu.