Cet article a pour sujet la recherche de l'unité des Églises chrétiennes. Selon la prière de Jésus en Jean 17, cette unité ne sera possible et légitime que par la fidèle obéissance à la Parole de Dieu et à la vérité révélée.

Source: Méditations sur la vie chrétienne. 4 pages.

La quête de l'unité chrétienne

La quête pour l’unité des Églises chrétiennes ne devrait laisser aucun chrétien indifférent. Notre siècle la poursuit avec une ardente passion. Réjouissons-nous de ce que des barrières jadis infranchissables aient été abolies et que diverses familles chrétiennes se soient rapprochées, au lieu de se regarder en chien de faïence ou de s’adonner aux invectives et aux excommunications d’antan.

Mais quel est le motif réel de l’unité? Sur quelles bases devrait-on la fonder?

Les paroles de la prière dite sacerdotale du Christ, « qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17.22), ont été interprétées de diverses manières.

Pour les uns, il s’agirait d’un simple vœu, d’un idéal élevé ne pouvant se réaliser que lors de l’établissement final du Royaume de Dieu. Son exaucement devrait par conséquent attendre le dernier jour de l’histoire.

Une autre interprétation souligne que cette prière est exaucée chaque jour. Quelles que soient les divisions, voire les déchirements du corps du Seigneur de l’Église, il existe une unité de base en Jésus-Christ.

Une troisième lecture la comprend comme un ordre donné. Certes, le Christ adresse sa prière au Père céleste, relève-t-on, mais simultanément il charge ses disciples d’une obligation, celle de leur unité. Ainsi sa prière sera-t-elle exaucée dans la mesure où les siens, et après eux l’Église, réalisent concrètement leur mission en obéissant à l’ordre reçu. En dernier ressort, l’unité de l’Église dépendrait ainsi des efforts déployés par les chrétiens.

Quel est le sens exact de la prière sacerdotale et quelles sont les circonstances durant lesquelles elle fut prononcée?

Nous lisons pour commencer : « Garde-les en ton nom, ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous » (Jn 17.11). Nous y entendons effectivement un ordre. Une sainte requête est adressée au Père céleste. « Père saint — semble dire Jésus — je te demande, sur le fondement de l’œuvre de Médiateur que je viens d’accomplir en obéissance à la mission que tu m’as confiée, que tu préserves ceux que tu m’as donnés en ton nom. » Nous reconnaissons en effet qu’il s’agit bel et bien d’une prière sous forme de requête.

Mais pourquoi Jésus prie-t-il à ce sujet en ce moment précis, c’est-à-dire peu avant son arrestation et sa crucifixion? Quelle est la motivation réelle de sa requête?

Jésus est sur le point de quitter le monde des hommes. Il devra abandonner les siens dans un environnement hostile. Il sait que l’Adversaire s’acharnera contre eux afin de précipiter leur ruine. Aussi prie-t-il en leur faveur et en faveur de ceux qui, par la suite, croiront par leur intermédiaire, afin qu’ils soient préservés des attaques du Malin. Leur unité est par conséquent de la plus haute importance. L’assaut de l’Adversaire s’effectuera en détruisant leur unité, en les séparant du Père, en rompant leur unité avec la Parole même de Dieu.

Ainsi, il apparaît bien clairement que l’unité des apôtres s’enracine dans le nom même du Père, celui que Jésus était venu révéler. Cela revient à dire que leur unité se fonde dans l’observation de la Parole divine. Si l’Adversaire de Dieu et des hommes parvenait à les arracher à la sphère de l’autorité de la Parole de Dieu, il en serait irrémédiablement fait de leur unité profonde, la seule qui soit légitime. Dans une telle situation, leur témoignage et la proclamation de l’Évangile seraient définitivement compromis.

Rendons-nous à l’évidence. L’unité de l’Église pour laquelle prie le Christ n’est garantie que par la fidèle obéissance à la sainte Parole de Dieu, révélée par Jésus-Christ et transmise par les apôtres. Le déchirement entre chrétiens est dû à leur transgression de la Parole.

Nous nous réjouissons, certes, de la quête des chrétiens pour retrouver leur unité. Néanmoins, cette préoccupation semble naître bien souvent d’une perception erronée de la nature même de cette unité, à vrai dire de leur ignorance de son fondement. En réalité, le problème de l’unité ne réside pas en la désunion des Églises comme telle, mais dans un fait beaucoup plus sérieux encore.

L’unité est celle qui sera réalisée au nom du Père du Christ, le Dieu révélé de la Bible, ou elle ne sera pas! L’unité véritable naîtra de la principale et salutaire préoccupation de la fidélité envers lui. La réalisation donc de celle-ci ne dépend pas d’une recherche frénétique et désordonnée d’unité à laquelle se livrent certains ecclésiastiques appuyés par une lourde machinerie bureaucratique, pas plus qu’elle ne se trouve du côté de simples fidèles mal informés de la question.

Il ne suffirait pas d’organiser des colloques, de convoquer des synodes, de réunir des conférences, de sauter d’un avion à l’autre, afin de ne pas rater la prochaine réunion œcuménique, pour arriver à la véritable unité entre chrétiens! Une telle recherche trahit un souci excessif et nullement fondé d’un dénominateur commun au plus bas degré, qui néglige le cœur du problème pour s’offrir le luxe de questions triviales ne s’agitant qu’à la périphérie des intérêts ecclésiastiques. Comme si un médecin traitant un cas de cancer ne prenait que la température du malade et prescrivait des comprimés pour combattre des symptômes secondaires…

Or, le cancer qui atteint l’Église chrétienne est sa désobéissance même envers la Parole de son Seigneur et l’ignorance, voire le mépris, de l’Écriture sainte qui, dans sa totalité, nous annonce le Christ Fils de Dieu, Sauveur des hommes. C’est perdre son temps que de vouloir hâter à n’importe quel prix l’unité visible des Églises chrétiennes, car il ne peut pas y avoir automatiquement de rémission du mal; au contraire, ses ravages se poursuivront de plus belle…

Les chrétiens modernes, quelle que soit par ailleurs leur confession, sont-ils disposés à déclarer en face d’un monde apostat, avec un courage prophétique, le célèbre et incontournable « Ainsi parle le Seigneur »?

Il semblerait plutôt que nombre de chrétiens n’accordent plus aucune importance à la vérité révélée, qu’ils considèrent comme une vérité fragmentée. C’est ainsi qu’une idée chasse l’autre et que telle ou telle théologie, se réclamant de la foi chrétienne, peut en cacher une autre n’ayant pas le moindre rapport avec la révélation biblique.

De toutes parts, nous entendons monter des clameurs au sujet de « la présence de l’Église dans le monde ». Cela signifie, sans exception, qu’elle se substitue ouvertement au « Christ dans le monde ». Sous des formes nouvelles, même dans sa version protestante, elle a la prétention d’être « la prolongation de l’incarnation », dans ses multiples et frénétiques « présences au monde », de la même manière que l’Église d’avant la Réforme prétendait être la prolongation de l’incarnation du Fils unique de Dieu. Ce faisant, elle relègue en arrière la totale et absolue seigneurie du Christ.

Certaines Églises laissent même ouvertement entendre que leur présence et leur ministère, dans leur dimension humaine et horizontale, suffiraient à l’homme moderne, qui « n’a pas besoin de Dieu ». La Bible n’est plus acceptée par elles comme la révélation claire, suffisante et nécessaire, revêtue d’une autorité suprême. Pour nombre de chrétiens, elle n’est qu’une intéressante collection hétérogène d’écrits, « réaction humaine à la Parole de Dieu », mais non Parole de Dieu; interprétation de celle-ci, mais non la lettre de la part du Dieu qui se révèle à notre foi.

Les débats théologiques se poursuivent avec une passion futile, telles les flambées d’un feu de paille, sans le moindre rapport avec l’exposition de la vérité transmise une fois pour toutes, dans une obsession de dialogue qui s’est substituée à la sainte flamme de la communication de l’Évangile.

Actuellement, nous pataugeons dans les marécages d’un humanisme horizontaliste et unidimensionnel. Aurions-nous raison de qualifier toute confession se prétendant chrétienne d’Église chrétienne véritable, si elle ne confesse et ne souscrit à la seule Parole révélée? Il ne faudrait pas tromper le peuple de Dieu en lui jetant de la poudre aux yeux… Il est une vérité élémentaire dont on ne fera jamais l’économie : si l’on refuse de marcher avec Dieu, on ne pourra pas marcher non plus avec les hommes. Si on rompt l’Alliance avec le Seigneur, on ne pourra jamais vivre en communion avec son prochain. L’unité de l’Église est une affaire d’obéissance au Seigneur de l’Église, non un slogan ni la justification d’activités ecclésiastico-bureaucratiques.

La véritable et urgente question devra être posée en priorité si l’on ne veut pas aboutir à une unité factice et fragile. Les chrétiens, sans distinction de confession, sont-ils disposés à se soumettre à la Parole rédemptrice? Là où une telle soumission fait défaut et qu’on lui substitue les idéologies « courant d’air », si en vogue à notre époque, là la véritable unité fera défaut, et l’Église, elle, ne sera plus que le fantôme de la véritable Église de Jésus-Christ.

Admettons qu’une certaine forme de fidélité à la Parole peut, elle aussi, devenir factice; elle est devenue un simple attachement superficiel à des formules sans vie, un culte rendu par les lèvres, mais non célébré dans le cœur. Il ne suffit pas de dire : « Nous avons le dépôt de la tradition apostolique, nos credo sont les plus anciens et les plus authentiques. » L’essentiel, faut-il encore le souligner, consiste en l’attachement du cœur et en l’adhésion intelligente de l’esprit à la vérité qui sauve. Toute autre attitude reviendrait à vénérer les dogmes et les credo de la foi, même les meilleurs, à la manière dont certains vénèrent des reliques, entre leurs mains ils perdent toute vigueur et toute flamme communicative.

Les ministres des Églises chrétiennes et leurs théologiens devraient s’atteler avec diligence à la transmission correcte et conforme de la révélation biblique, sans la contredire ni l’interpréter arbitrairement, selon leurs présupposés; sans en retrancher un iota ni y ajouter des traditions humaines; menant un combat militant contre toute erreur et déviation, tant dans l’enseignement que dans la prédication et le gouvernement de l’Église.

Ce n’est que dans l’obéissance à la Parole de Dieu que l’œcuménisme véritable pourra être édifié. L’unité des Églises sera assurée partout où les chrétiens relèveront le défi de cette fidélité vivante et obéissante à la Parole de vie, la Bible chrétienne, Ancien et Nouveau Testament. À cette condition seulement la prière du Seigneur de l’Église, prononcée la veille de sa passion, sera exaucée.