Quelle Église?
Quelle Église?
1. Quelle est l’Église qui est le corps du Christ?⤒🔗
L’Église chrétienne a, de nos jours, très mauvaise presse. En parlant d’elle et en prenant sa défense, nous nous aventurons sur un terrain bien périlleux. Il aurait été apparemment plus sage de ne parler que de la foi en Dieu et de prêcher Jésus-Christ. Pourquoi s’attarder à se référer à cette vieille institution vénérable qui, aux yeux de la plupart de nos contemporains, passe pour un organisme moribond?
L’Église fait encore partie, tout au moins dans la société occidentale, de la réalité sociale. Mais elle est placée à la traîne d’autres institutions sociales, dont les partis politiques, les syndicats, les écoles ou encore les clubs de rugbymen! Un grand nombre d’hommes et de femmes, conscients de sa réalité, auront recours à l’occasion à ses services. Certains lui confient encore leurs enfants (tout en se gardant d’entrer en son giron), soit pour les faire baptiser, soit même pour qu’ils reçoivent la fameuse « instruction religieuse ». Après tout, n’est-il pas vrai qu’un peu de religion ne fait de mal à personne? Oui, nous accorderons bien volontiers qu’un peu de religion ne fera de mal à personne; beaucoup risque, en revanche, de faire pas mal de… mal!
Parmi les remarques simplistes faites au sujet de l’Église et de l’appartenance à celle-ci, il y en a une qui prétend que la foi individuelle devrait suffire pour être chrétien. Sauf, bien entendu, lorsqu’il s’agit de ces articles de consommation religieuse que sont devenus le baptême, la communion, le mariage et l’inévitable enterrement religieux.
Avec les fidèles de tous les temps, je crois que l’Église constitue l’un des moyens de grâce de Dieu les plus indispensables pour conforter et pour nourrir ma foi personnelle. Et je ne peux rencontrer Jésus-Christ que par son moyen.
Mais quelle est cette Église, moyen de grâce? C’est là, reconnaissons-le, une question bien embarrassante. Le nombre d’Églises et de confessions existantes, sans citer les sectes qui pullulent depuis toujours, n’est pas de nature à rendre notre réponse aisée. Quelle est l’Église pour laquelle nous pourrons opter en toute bonne conscience? Peut-être avec un peu trop de hâte et bien à la légère certains diront : peu importe, toutes se valent. Au demeurant, il n’y a qu’un seul Dieu. D’autres chercheront en vain « la vraie Église » en passant de groupe à groupuscule, fréquentant telle assemblée pour l’abandonner quelque temps après en faveur d’une chapelle voisine. Aussi, considérons avec plus de sérieux notre appartenance ecclésiastique.
Pour ma part, j’aurais beaucoup de peine à accepter comme Église toutes celles qui en portent le nom. Il en existe un grand nombre qui ne sont pas, ou qui ne sont plus conformes à celle que nous décrit le Nouveau Testament. La marque essentielle de l’Église se trouve dans sa conformité et sa continuité avec le Nouveau Testament.
Quelle est l’Église qui s’y réfère sans demi-mesure, sans altérer son enseignement, sans y ajouter des éléments étrangers ou parasitaires, sans en retrancher ce qui en constitue l’essence? Y rencontre-t-on encore Jésus-Christ, qui est en rapport étroit et intime avec l’Église? Il en est la Tête et celle-là est devenue son corps qu’il a racheté au prix de sa vie. Le Christ est aussi vital pour l’organisme de l’Église que la tête l’est pour notre corps. La question est de savoir quelle est l’Église qui représente le corps du Christ. Nous avons suffisamment de raisons bibliques pour ne pas faire un choix rapide et commode. Il ne suffit pas de trouver une Église qui nous serait « sympathique », ou qui serait « solennelle et rassurante » avec ses belles liturgies, ou qui donnerait un élan aux emportements qualifiés de « spirituels ». Appartenir à l’Église n’est pas affaire de goût et de penchant personnels.
Car une Église qui sur le moment vous plaît et exerce sur vous un attrait particulier peut dans la suite cesser de vous intéresser. Ou même cesser d’être l’Église véritable en empêchant la rencontre vivante avec la Tête, Jésus-Christ. Si vous prétendez résoudre ce problème en vous déclarant partisan de l’Église invisible, vous ne serez pas plus près de la vérité.
Vous prétendez peut-être que « les confessions passent, mais que l’Église invisible, elle, demeure universelle ». Écarter de votre chemin l’Église visible vous conduirait aussi sûrement vers l’impasse que si vous aviez choisi une fausse Église. Car l’Église invisible se manifeste concrètement dans l’Église visible. C’est l’Église visible qui est appelée à refléter la plénitude de son Sauveur. Je ne prétends pas qu’un jour ou l’autre vous ne soyez amenés à changer d’Église locale et visible. On ne naît pas forcément membre d’une Église donnée comme on naît citoyen d’un pays donné.
À défaut de vous indiquer l’adresse précise d’une Église, quoique celle dont je fais partie, l’Église réformée, me paraisse encore celle à laquelle je puis rester attaché, à condition qu’elle renouvelle sa fidélité, je tiens à donner quelques indications. Énumérons les marques d’authenticité d’une Église.
Mais auparavant, voyons comment nous sommes parvenus, nous autres réformés, à un accord commun au sujet de ces marques d’authenticité.
2. Les marques de l’Église←⤒🔗
Le mouvement protestant du 16e siècle a-t-il été une révolution ou plutôt une Réforme dans l’Église? La différence entre ces termes est trop importante pour que nous puissions les confondre. Luther et Calvin, les deux grands hommes d’Église, n’ont pas été des anarchistes, mais de véritables rénovateurs de l’Église. Certes, au cours des siècles, les adversaires de la Réforme les ont représentés, eux et leurs disciples, sous des traits hideux, et leurs calomnies et leurs mensonges ne se sont pas bornés à les qualifier de schismatiques ou d’hérétiques, mais leur ont attribué encore des vices imaginaires tels que ce sont les calomniateurs qui sont restés déshonorés plutôt que ces ministres et pasteurs évangéliques de l’Église du Christ.
D’autres assimilent les réformateurs à nos modernes révolutionnaires. Qu’en est-il au juste? Pour donner une réponse exacte, quoique sommaire, il nous faut examiner les motifs purement bibliques et religieux des hommes de la Réforme.
Ce fut à la suite d’une longue et douloureuse expérience, ayant découvert et établi l’infidélité de l’Église à laquelle ils appartenaient, que les réformateurs rompirent avec elle. Ou plutôt, ce fut l’Église infidèle qui les excommunia. À leurs yeux, la Réforme de l’Église suivant les normes de l’Évangile paraissait quasiment impossible. Elle était à tel point endurcie et fermée à l’Évangile qu’il était de toute manière évident qu’une Église plus conforme à la Parole de Dieu devait la remplacer.
Et si leur protestation évangélique provoqua la rupture définitive, la responsabilité en incombe à l’Église mère qui les chassa, les excommunia et les exclut pour toujours. Pour chacun de ces hommes, ce n’était pas une expérience agréable que de se séparer d’une institution spirituelle qui, tant pour Calvin que pour Luther, avait été ou aurait dû être leur mère spirituelle. Relisons leur témoignage : « Dieu a mis sa main sur moi, pour me dompter », écrira Calvin. « Je ne puis autrement; que Dieu me soit en aide », déclarera Luther. L’un comme l’autre avaient cherché la réforme de l’Église et non pas la rupture.
Le cas de Calvin le montre bien. Le jeune humaniste français s’opposait à toute anarchie, tant dans l’Église qu’au sein de la société parce qu’il estimait que la rénovation de l’une et de l’autre devait s’effectuer dans l’ordre et la décence. Le jeune converti de la Réforme avait donc une idée bien haute de l’Église. Avant même de songer à sa réforme, il en avait étudié la nature, l’examinant à la lumière de l’Écriture. Pour lui, l’Église était le corps du Christ, et malheur à celui qui prend plaisir à la dépecer.
Quels seraient alors les signes qui distingueraient l’Église véritable de la fausse? Ces signes sont-ils encore visibles et perceptibles par nous? Qu’est-ce qui différencie un réformateur d’un schismatique?
Les chrétiens sont actuellement d’humeur fort différente en ce qui concerne leur fidélité à leur Église. Certains craignent de créer inutilement un schisme et se sentent obligés de demeurer à l’intérieur de leur Église, même si celle-ci peut facilement être identifiée à un corps en décomposition. Ils vivent soit dans le silence, soit en élevant des protestations vigoureuses contre les abus et les erreurs. D’autres, en revanche, se basent sur les principes de la Réforme, affirmant qu’il leur est impossible de demeurer plus longuement au sein d’une Église complètement déformée. Ils pensent qu’il est urgent d’en constituer une nouvelle. Malheureusement apparaissent alors (parfois avec une rapidité déconcertante) d’innombrables confessions et églisettes sur mesure, selon les goûts et les penchants de tous et de chacun, qui se scindent aussitôt en nouvelles fractions et créent d’autres confessions avec les fragments des anciennes. Hélas!, la fin de ces Églises ne semble guère proche, mais s’agit-il encore de l’Église de Jésus-Christ, appelée à se réformer et à redevenir conforme au modèle proposé?
Je n’ai pas la prétention de vous soumettre une formule par laquelle vous pourriez distinguer sans peine le vrai du faux ou séparer les brebis des boucs. Les signes d’une Église véritable existent, mais je tiens à souligner que ce sont là des signes « dynamiques », par lesquels nous pouvons examiner et savoir si « les esprits viennent de Dieu ». Il n’est pas toujours facile de déterminer quelle est la confession qui représente le plus fidèlement l’Église de Jésus-Christ. De toute manière, souvenons-nous de ceci : l’Église, d’après le Nouveau Testament, possède des aspects invisibles qui nous échappent, et des aspects visibles que nous pouvons et nous devons examiner.
Une Église qui s’estime très proche de l’Évangile peut fort bien en être très éloignée en dépit de ses prétentions. Ceci doit apprendre aux chrétiens à faire preuve d’une grande prudence et d’une très grande humilité. L’Église « aseptisée » n’a jamais existé. Dès la première heure, les réformateurs ont résisté à toute tendance perfectionniste, aux spiritualistes qui se prenaient pour des purs et à toutes sortes de cryptocatharismes, c’est-à-dire aux « parfaits »! La pureté d’une Église ne se préjuge pas de la perfection de ses membres. Inversement, l’Église fidèle et vraie ne pourra pas se passer des marques d’authenticité dans la vie de ses membres.
Permettez-moi de signaler ce qui, aux yeux des Églises de la Réforme, a été considéré comme des signes authentiques d’une Église selon la Bible. Je rappelle qu’il s’agit de signes dynamiques et non d’une commode classification. Nous ne sommes pas autorisés à porter des jugements tels que, par exemple : « cette Église est fidèle à 75 % et infidèle à 25 % »! Certain jour, une Église contre laquelle nous avons beaucoup de préjugés, voire de mépris, peut être très fidèle dans sa prédication; inversement, une Église qui se vante de sa fidélité pourrait être bien en deçà de l’exigence évangélique. Voici donc ce qui, selon la Réforme qui se référait à l’Écriture sainte, constitue la triple marque d’authenticité d’une Église chrétienne.
La première est la prédication qui conduit fidèlement et directement à Jésus-Christ. Dans la prédication fidèle de l’Évangile, le Christ est présent dans son Église. Toute prédication de la Parole, lors de chaque célébration de culte, annoncera la Parole du Christ et non une opinion privée ou à la mode du jour. Ce n’est que la vérité éternelle de Dieu qui sauve, qui conforte, qui instruit et qui conduit le fidèle. C’est l’annonce de la croix et de la résurrection du Christ qui est le fondement de toute Église véritable, et non pas une pensée philosophique étrangère à la révélation ou une action sociopolitique d’inspiration humaniste. Ainsi, la seule relation possible entre la Tête et le corps est la prédication fidèle de la Parole de Dieu, et celle-ci est le critère premier de toute fidélité ecclésiastique.
La seconde marque d’authenticité se trouve dans l’administration correcte des sacrements du Baptême et de la Cène. Si leur administration est surchargée de tradition, d’interprétations erronées et d’autres déformations accumulées au cours des siècles, l’Église a perdu les signes authentiques de son identité; elle a cessé d’être Église de Jésus-Christ. Or, les sacrements sont eux aussi moyens de grâce, et par conséquent d’une grande vitalité pour la foi personnelle du chrétien. L’Écriture fait état d’une union mystique avec le Christ. Celle-ci se déroule aussi bien dans la prière qu’à l’écoute de la Parole prêchée, mais également au moyen des deux sacrements, le Baptême et la Cène, reçus et donnés dans la foi.
Il nous faut examiner enfin le thermomètre de la vie spirituelle de l’Église, et cette troisième marque porte le nom de discipline ecclésiastique. L’Église vit-elle une piété authentique? Ses chants et ses louanges sont-ils adressés à Dieu? Les souffrants et les malheureux sont-ils l’objet d’accueil fraternel? Les égarés et les pécheurs sont-ils exhortés à la repentance et à la conversion? Qu’il n’existe nulle part sur terre une Église parfaite ne devrait pas nous faire l’économie d’en chercher les marques authentiques.
De très nombreuses Églises, même issues de la Réforme, ont carrément abandonné ces signes. Or, toute institution ecclésiastique n’est pas forcément l’incarnation d’une Église fidèle. Dans le Babel d’Églises et d’églisettes qui existent, il y en a qui se laissent emporter par tout vent de doctrine et il nous faut chercher des critères bibliques pour faire notre choix ou porter notre jugement sur telle ou telle Église. L’Évangile n’offre pas, certes, une charte commode, et les signes ou marques dont nous parlions doivent être accueillis comme des marques « dynamiques » et non statiques. L’Évangile nous appelle constamment à devenir les uns et les autres la vraie Église de Jésus-Christ, de sorte que nous puissions représenter ici-bas le corps du Seigneur, dont nous avons été appelés, par grâce, à devenir les membres.
Éphésiens 4 est un rappel très fort et stimulant à devenir effectivement ce que nous sommes déjà par grâce. Pour y parvenir, il est essentiel d’appartenir à une Église locale et visible. Selon Calvin, l’Église n’est pas simplement moyen de grâce, mais encore la mère des croyants. Et puis Jésus-Christ aime son Église. Il a donné sa vie pour elle. Il la déclare son épouse. En dehors d’elle, il nous est impossible de le rencontrer.