Cet article a pour sujet la richesse et la pauvreté dans l'enseignement de Jésus et ses fréquentes allusions à l'argent dans ses discours. Nous sommes gérants des biens que Dieu nous confie et devons éviter l'amour de l'argent.

Source: La vie de Jésus. 3 pages.

Richesse et pauvreté dans l'enseignement de Jésus

C’est avec un certain étonnement, d’ailleurs injustifié, que nous rencontrons dans l’enseignement de Jésus de fréquentes allusions à l’argent. Songez seulement aux paraboles. Voici un riche propriétaire dont les champs produisirent tellement de grain qu’embarrassé, il se fit construire d’autres greniers pour engranger ses biens. Si lui, il s’imagine trouver la bonne « solution matérielle » à son problème, la parabole, elle, conclut par la solution que Dieu prend à son égard (Lc 12.16).

Voilà un autre propriétaire ou banquier dont le gérant, homme paresseux, a abusé des biens d’autrui dont il pouvait disposer à sa guise. Au moment où il est sur le point d’être renvoyé, il trouve le moyen de se lier à certains débiteurs de son maître pour tirer avantage de leur amitié et se faire une situation nouvelle, à l’abri du besoin. La parabole se termine avec le « conseil » de se faire des amis même parmi ceux qui se trouvent sous le « Mammon de l’injustice » (Lc 16.1-18).

La liste des paraboles pourrait s’allonger; elles tournent souvent autour de l’argent, de son utilité ou des abus commis par son moyen (le trésor caché, le serviteur impitoyable, les laboureurs de la vigne, les deux débiteurs, le bon Samaritain, la drachme perdue, les dix talents…). En dehors même des paraboles, l’argent trouve une place considérable dans les discours de Jésus, notamment dans la conversation avec un jeune homme riche et avec le péager Zachée, ainsi qu’au sujet du don jeté par une veuve dans le trésor du Temple.

Ces allusions fréquentes à l’argent cessent de nous surprendre lorsque nous nous rappelons de quelle manière inextricable toute la question de l’argent se mêle dans ce monde à l’existence quotidienne des hommes et des femmes ordinaires, parfois contre leur gré. Parfois l’argent se mêle ou s’associe au « spirituel », comme dans l’amour des parents pour leurs enfants ou la miséricorde d’un homme, le bon Samaritain, pour un malheureux rencontré étendu sur la route, ou encore l’offrande de reconnaissance apportée à Dieu. Jésus n’était donc pas un idéaliste rêveur, planant dans les nuages. Réaliste, il observa les faits tels qu’ils étaient, et notamment un aspect de la vie qu’on ne pouvait ni ne devait ignorer. Il y avait là un besoin urgent auquel il fallait apporter son enseignement et sa direction.

Il ne semble pas que Jésus considère les possessions matérielles en soi comme intrinsèquement mauvaises. Parmi ses disciples se trouvait un homme riche, au moins un, Joseph d’Arimathée (Mt 25.57). Le cercle de ses amis intimes en incluait quelques-uns qui, sans être riches, avaient néanmoins plus que le nécessaire pour vivre tels que Nicodème, le centurion de Capernaüm, la famille amie de Béthanie, c’est-à-dire Lazare et ses sœurs; il y a aussi cet hôte anonyme de la dernière soirée passée à Jérusalem et ces femmes qui l’ont soutenu, comme ce devait être l’habitude courante dans le judaïsme contemporain, où de riches amis ou disciples subvenaient aux besoins d’un rabbi itinérant (Lc 8.3).

La parabole du riche et de Lazare n’indique pas que le premier aurait été envoyé vers les tourments de l’enfer à cause de ses richesses, mais qu’il y avait été envoyé parce qu’il n’avait pas eu compassion du malheureux étendu sous sa porte. Lazare, lui, « se trouvait dans le sein d’Abraham » qui était pourtant un personnage fort riche de l’Ancienne Alliance. En demandant au jeune homme riche de vendre ses biens et de le suivre, Jésus n’a pas institué une loi universelle. Il s’attaque, dans ce cas précis, à l’unique obstacle qui s’opposait à l’entrée du Royaume pour ce jeune homme (Mt 19.21).

Il n’a pas davantage soutenu que la pauvreté en soi était une bénédiction du ciel. Nous savons qu’il fut lui-même un homme pauvre (Lc 9.58). Pour illustrer un point précis de son enseignement, il lui fallut, une fois, emprunter une pièce de monnaie. Lorsqu’il mourut, il ne possédait rien excepté la tunique « d’une seule pièce » (Mt 27.35) que les soldats tirèrent au sort. Il fut enseveli dans la tombe d’un ami (Mt 27.60).

La pauvreté de Jésus fut une pauvreté noble, libératrice, comme une route ouverte qui menait vers les abondantes grâces du ciel. Toute autre est la pauvreté de la civilisation techniciste moderne, avec son côté sordide… Nous ne trouvons aucune justification pour ce genre de misère dans les pages des Évangiles. Il nous semble que l’Esprit du Christ et sa Parole nous enjoignent plutôt d’y mettre fin dans la mesure du possible, de procurer à tout homme des conditions de vie décentes lui permettant un certain épanouissement là où c’est réalisable. Nous apercevrons, certes, en lisant les Évangiles, que Jésus ne s’engage pas dans une lutte économique, mais tout ce qu’il a enseigné, ainsi que l’amour et le secours qu’il porte au prochain s’appliquent également au domaine économique. Tous les hommes devraient avoir accès aux dons de Dieu, car le monde et les hommes sont sa création; l’homme est le serviteur de Dieu, l’économe de la création et, dans une certaine mesure, le gardien de son frère…

Cette exigence économique fait aussi partie de l’Évangile et le motif positif en est que l’homme est l’économe, le gérant des biens qu’il reçoit de la part de Dieu. Tout homme est redevable ou responsable vis-à-vis de Dieu pour l’emploi qu’il aura fait des talents reçus en dépôt (Lc 19.12), car tout ce que nous avons nous vient de lui (Mt 5.45). Nous sommes des économes serviteurs. Rien n’est plus certain que le jugement de Dieu pour une utilisation égoïste des biens temporels (Mt 25.41).

Jésus a toujours insisté sur le fait que si les richesses sont la cause d’un préjudice à l’âme de l’homme, il faut que celui-ci accepte un sacrifice radical. Mieux vaudrait se couper la main droite que d’éteindre l’Esprit. Mieux vaut mourir pauvre et entrer dans le Royaume, que riche et connaître les tourments « du feu qui ne s’éteint point ». « Car, que profitera à l’homme s’il gagne le monde tout entier et qu’il perde son âme? » (Mc 9.36). Il a, certes, laissé entendre qu’il serait plus facile à un pauvre de devenir son disciple qu’à celui jouissant d’une grande abondance de biens. La richesse n’est pas chose illégitime, mais elle présente de graves et réels dangers.

Les richesses peuvent être employées de manière noble et digne, mais ce n’est que la grâce, une grâce toute spéciale de Dieu, qui permet cela. C’est ici l’accent majeur de l’enseignement de Jésus sur l’argent et l’utilisation qu’il convient d’en faire. Il met toujours à nouveau ses auditeurs en garde contre ses dangers.

L’argent donne à l’homme un faux sentiment de sécurité. Il est souvent un obstacle à l’acceptation d’une vie de service ou de sacrifice. Il rend parfois la conscience insensible à l’appel de Dieu. Il risque de devenir un maître, une passion, une idole devant laquelle l’homme plie les genoux et qu’il adore. Et alors il usurpe la place qui revient à Dieu. Point de fausse note donc dans l’avertissement de Matthieu 19.18-24 :

« Jésus dit : Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d’adultère; tu ne déroberas pas; tu ne diras pas de faux témoignage; honore ton père et ta mère; et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Le jeune homme lui dit : J’ai observé toutes ces choses-là depuis ma jeunesse; que me manque-t-il encore? Jésus lui dit : Si tu veux être parfait, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; après cela, viens et suis-moi. Mais quand le jeune homme eut entendu cette parole, il s’en alla tout triste; car il possédait de grands biens. Alors Jésus dit à ses disciples : Je vous dis en vérité qu’un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. Et je vous dis encore : Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume de Dieu. »

Jésus met en garde contre les terribles tentations qui accompagnent souvent la richesse. Rendez grâces à Dieu si vous pouvez éviter ces tentations.

Enfin, pour Jésus, les meilleures choses dans ce monde ne peuvent s’acheter ni se vendre. La vie d’un homme, sa vie profonde, le secret de l’existence et la splendeur radieuse que Dieu a voulue pour les siens ne consistent pas en l’abondance des choses (Lc 12.15). On ne saurait acheter l’amour ou une conscience tranquille, ni le sourire d’un petit enfant, ni surtout pas le soin du Père céleste. Les vraies richesses de l’existence ne s’achètent pas avec de l’argent. Elles sont « sans argent et sans prix » pour reprendre l’expression d’Ésaïe 55, et ne nous sont données qu’au prix de notre abandon à Dieu et à condition de suivre Jésus en prenant son joug sur nous.