Cet article a pour sujet les sacrements qui sont des signes et des sceaux visibles de la grâce promise dans l'alliance de Dieu. Ils confirment les promesses de la Parole de Dieu afin de fortifier notre foi.

Source: La Parole et les sacrements. 6 pages.

Les sacrements en général

  1. La signification des sacrements
  2. Comment les sacrements sont-ils composés?
  3. Le nombre des sacrements
  4. Pourquoi les sacrements?

1. La signification des sacrements🔗

Le terme de sacrement ne se trouve pas dans les écrits du Nouveau Testament. Dérivé du latin « sacramentum », qui à l’origine signifie « vœu », particulièrement vœu d’allégeance du soldat à son chef ou à sa patrie, il a traduit par la suite le terme grec de mystère.

Le sens théologique du terme donné par Augustin a été retenu par les Églises et notamment par les théologiens réformés du 16e siècle. Le sacrement est « un signe extérieur et visible d’une grâce intérieure et invisible ».

« Nous croyons que les sacrements sont ajoutés à la Parole pour nous la confirmer plus amplement, afin de nous servir de gages et de preuves de la grâce de Dieu, de sorte qu’à cause de notre grande faiblesse et de notre ignorance, ils concourent à soulager et à aider notre foi.
Nous croyons que les sacrements sont des signes extérieurs au moyen desquels Dieu agit par la puissance de son Esprit, afin de nous y rien représenter en vain. Nous sommes toutefois persuadés que toute la substance et la réalité des sacrements sont en Jésus-Christ et que, si on les en sépare, ils ne sont plus qu’illusion et fumée » (Confession de La Rochelle, article 34).

À côté de la prédication qui occupe et occupera toujours la première place dans le ministère de l’Église, aussi bien dans le Nouveau Testament que pour la Réforme, il existe des gestes ou des rites que l’accompagnent comme signes extérieurs et qui sont le baptême et la sainte cène.

L’Église a discerné dans l’activité de Dieu, déjà dans l’Ancien Testament, ces traits particuliers de l’approche divine lorsque Dieu se révèle aux hommes pour établir une communion avec eux. Car non seulement il a recours à des mots, à des discours, au verbe, mais encore il donne des signes salvifiques à côté de sa Parole. Ces signes peuvent être des rêves, des visions, des objets symboliques, des miracles. Ils attiraient l’attention sur le message et parfois, plus simplement, ils signifiaient la réalité de la présence concrète de Dieu.

Lors de son ministère terrestre, Jésus, lui aussi, pour renforcer l’autorité de sa Parole, opéra des miracles et offrit des signes. Ces signes miraculeux, apposés comme un sceau sur la Parole proclamée, continuèrent durant les premiers temps de l’Église jusqu’au moment où celle-ci décida que le baptême et la cène devaient rester les seuls signes permanents et autorisés attachés à la prédication de la Parole.

Ce fut donc plus tard que prévalut l’usage du terme sacrement. Le terme grec du « mustèrion », que nous avons mentionné plus haut, dénote, dans le Nouveau Testament, le dessein divin du salut caché durant les siècles anciens et mis en plein jour ces « derniers temps » par la proclamation de l’Évangile. La révélation de ce mystère sera pleine et totale « le dernier jour » (Ép 3.3-6; 1 Tm 3.16; Col 1.27; 1 Co 15.51-52).

Dans la pensée de l’Église primitive, il n’existait, en réalité, qu’un seul sacrement : le Christ en personne. Pourtant, le baptême et la cène furent également appelés des sacrements, ou mystères, parce qu’ils rendaient possible la participation par la foi à l’union mystique avec le Sauveur Fils de Dieu grâce à sa mort expiatoire et à sa résurrection. Les sacrements n’étaient efficaces que dans la mesure où ils dépendaient de la Parole et rien que de la Parole lorsqu’elle était reçue par la foi. Les sacrements requièrent donc la condition de la foi.

Après Augustin se développa une théologie sacramentelle à tel point que cinq autres « sacrements » furent ajoutés au baptême et à la sainte cène. Ce sont la confirmation, la pénitence, l’ordination, le mariage et l’extrême-onction. Les cinq nouveaux rites étaient considérés comme possédant la même grâce que la Parole et les deux premiers sacrements. L’Église commença à se considérer elle-même comme une institution sacramentelle capable de dispenser une grâce spéciale à chaque occasion importante. À partir de ce moment-là, les sacrements furent considérés comme ayant en eux-mêmes une valeur et une efficacité propres, quasi automatiques, et, dans la mentalité populaire, presque magiques. Pourvu que le récipiendaire ne place pas d’obstacle sur le chemin de la réception du sacrement, celui-ci opère par sa valeur intrinsèque. L’expression latine « ex opere operato » exprime cette conception théologique.

En suivant la théologie d’Augustin, la Réforme du 16e siècle admet que ces signes et sceaux sont ceux de la grâce de Dieu manifestée en Christ et que, par leur moyen, nous bénéficions des dons de l’alliance de grâce.

En ayant recours à ces signes matériels, nous exprimons envers Dieu notre foi et notre fidélité. Nous nous rappelons que le Christ a institué les sacrements pour notre bien-être spirituel et que son œuvre rédemptrice leur accorde toute leur valeur. De notre côté, il faut une foi croyante pour saisir les biens spirituels offerts par leur canal.

Les sacrements sont le soutien et l’étai de notre foi, mais il faut bien se garder de croire qu’ils nous procurent le salut de manière automatique. Il faut absolument souligner ce point pour ne pas tomber dans l’abus des sacrements ni en faire l’objet d’une croyance superstitieuse. Certains chrétiens en ont exagérément souligné l’importance. À leurs yeux, les sacrements prennent une importance plus grande encore que la prédication.

On connaît ces pratiques religieuses marginales consistant à ne pas fréquenter le culte, mais à faire baptiser quand même les petits enfants, parfois contre toute « bonne foi ». De même que, chez certains, il devient impératif de faire une fois par an « la Pâque » en participant à la cène, même s’ils se désintéressent complètement de la foi et de la vie de l’Église!

Or, pour la théologie et la piété réformées, les sacrements sans l’explication de la Parole demeurent des formes vides et des éléments matériels morts. Car du point de vue de la théologie réformée, la Parole en tant que moyen de grâce est complète, mais les sacrements sans la Parole ne le sont pas. Nous maintenons cette affirmation contre les positions erronées qui considèrent les sacrements comme absolument indispensables au salut.

Voici sommairement définies les différences entre la Parole et les sacrements :

  • La Parole proclamée est absolument indispensable au salut; les sacrements ne le sont pas.
  • La Parole proclamée engendre et fortifie la foi; les sacrements contribuent seulement à la conforter.
  • La Parole s’adresse au monde entier; les sacrements sont destinés aux seuls croyants et à ceux qui leur appartiennent.

2. Comment les sacrements sont-ils composés?🔗

Nous distinguons trois parties composantes :

  1. Les signes extérieurs et visibles : l’eau pour le baptême, le pain et le vin pour la cène. Celui qui ne reçoit que les éléments extérieurs participe aux sacrements, mais pas à la totalité de ce qu’ils signifient et ne bénéficient même pas en partie de ce qu’ils confèrent.

  2. Le sens interne du signe. Un signe indique nécessairement la direction signifiée. C’est ici la partie intérieure du sacrement. Elle peut s’appeler la justice de la foi (Rm 4.11), le pardon des péchés (Mc 1.4), la foi et la repentance (Mc 1.14; 16.16), la communion avec le Christ (Rm 6.3; Col 2.11-12).

  3. Enfin, l’union entre le signe et la chose signifiée. Cette union constitue également l’essence du sacrement. Là où il est reçu par la foi, la grâce l’accompagne sans défaut.

Résumons tout ceci en une phrase : Un sacrement est une ordonnance sainte de Dieu instituée par le Christ dans laquelle, au moyen d’un signe sensible, la grâce divine est représentée, scellée et appliquée aux croyants. De leur côté, les croyants expriment leur foi et leur obéissance envers Dieu.

3. Le nombre des sacrements🔗

Durant la période de l’Ancien Testament, il y avait seulement deux sacrements : la circoncision et la Pâque. Tous deux ont été des « signes sanglants » en accord avec l’institution de la dispensation de l’Ancien Testament. Pour la Pâque, il y a mort d’animal pris comme substitut de l’homme. Dans la circoncision, c’est la mort symbolique du pécheur qui est figurée. Bien que le texte ne le dise pas clairement, la théologie réformée pense que le rite sanglant apparaît déjà à la suite de la chute, lorsque Dieu couvre Adam et Ève avec la peau d’un animal, et certainement aussi dans l’offrande d’Abel.

L’Église du Nouveau Testament possède également deux sacrements, le baptême et la sainte cène, qui ne sont pas des signes sanglants, car après l’expiation et l’œuvre rédemptrice achevée par le Médiateur, prêtre et victime, il n’est plus nécessaire de verser du sang en vue d’obtenir le pardon des offenses.

Selon l’Église romaine, il y aurait une différence essentielle entre les sacrements de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament. Les premiers seraient des types affectant la position légale du récipiendaire, mais non sa condition spirituelle; ils accomplissaient une œuvre et une grâce spirituelles, uniquement en vertu de l’opération sacramentelle, quasi automatique.

À nos yeux, il n’existe aucune différence essentielle entre les sacrements de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau Testament. Il n’y a que la différence de la dispensation. Les premiers avaient un sens national en plus de leur sens spirituel. Ils indiquaient la direction du sacrifice à venir, tandis que ceux du Nouveau Testament indiquent le sacrifice déjà accompli une fois pour toutes. Ajoutons que ceux du Nouveau Testament annoncent une mesure de richesse et de grâce plus grande que ceux de l’Ancien.

4. Pourquoi les sacrements?🔗

Les sacrements sont administrés parce que le Christ ressuscité et glorieux, Tête de son Église, en a donné l’ordre aux siens (Mt 28.19; 1 Co 11.23). Il ne s’agit donc pas d’un rite fixé par l’Église, mais d’une décision salutaire et souveraine de celui qui a fondé son Église, qui y a établi des ministères et des moyens de grâce, et qui, par ces moyens, agit constamment en sa faveur. La décision du Seigneur constitue à nos yeux la suprême autorité concernant les sacrements, car le Christ sait et veut ce qui est bon et nécessaire à notre foi.

Le message de la Parole semble s’adresser à l’homme surtout à travers son intelligence. Mais nous ne sommes pas de purs esprits. Nous sommes aussi des êtres de chair, ce qui ne signifie pas l’infériorité de la chair, mais sa condition spécifique (ce que voulait exprimer Calvin par sa célèbre phrase : « C’est à cause de notre imbécillité [faiblesse] que Dieu nous a pourvus de sacrements »).

C’est la condition que le Fils de Dieu est venu partager avec nous (Jn 1.14). C’est la raison pour laquelle nous aimons les actes concrets et les signes visibles. Dieu lui-même tient compte de notre infirmité. Il donne des signes visibles pour appuyer notre foi chancelante et notre amour tremblant. Mais les sacrements ont été institués pour des raisons encore plus profondes. L’homme est esprit, âme et corps dans une unité essentielle de sa personne. Dieu s’adresse à l’homme, l’homme tout entier. Il ne veut pas que celui-ci, poussé par les exigences de son corps, de son être concret, son besoin des réalités sensibles, aille chercher dans ses expériences, ses traditions et son imagination des signes inventés par lui-même et, ce faisant, ne représente rien d’autre que sa propre personne.

Dieu a voulu lui donner des signes à partir des choses simples et naturelles, des signes que l’homme peut inventer, mais sans leur donner ce sens divin. Dieu, Maître de la création, a choisi les éléments des sacrements. Ainsi, la création sensible et visible peut devenir, quand Dieu le décide, signe d’une autre création.

Cela nous conduit à une troisième raison pour laquelle Dieu a institué les sacrements. Lui qui, à travers Jésus-Christ, nous annonce le Royaume, il ne veut pas que ce Royaume soit pour nous une espérance imprécise, une attente confuse. Il veut que nous comprenions la réalité matérielle, concrète et tangible, la réalité future, mais toute proche et substantielle de son Royaume à venir qui, en Jésus-Christ, s’est approché de nous (Mt 4.17; Mc 1.15). Ce sont là les raisons pour lesquelles nous devons reconnaître dans l’institution des sacrements une grâce excellente et nécessaire pour apaiser notre besoin de réalité tangible parlant à notre être tout entier, esprit, âme et corps, et nous assurant la réalité de son Royaume.

Mais alors, penserons-nous, les sacrements ne nous disent rien de plus que la Parole écrite et prêchée? En effet, ils ne nous disent pas autre chose, car il n’y a qu’un seul message de Dieu, celui de notre salut. Mais les sacrements nous l’annoncent de manière particulière; ils nous le disent dans et pour la communauté ecclésiale. Comme la Parole, les sacrements ont leur sens et leur autorité uniquement en Jésus-Christ. Ils sont une signature, un sceau que Dieu place sur sa Parole. Ce n’est donc pas nous-mêmes qui décidons de leur sens, bien que ce soit aux siens, à son Église, que Jésus-Christ en ait confié l’administration.

Ce sceau est celui que marque l’alliance établie entre Dieu et son peuple, dont il a pris l’initiative, parce qu’il était le seul à pouvoir la prendre. D’ailleurs, cette alliance n’est pas une alliance entre égaux, chacun donnant sa parole et apposant son sceau. C’est Dieu, le Seigneur, qui fait alliance avec nous et la confirme, l’authentifie et la scelle par le moyen des deux sacrements, tout en plaçant entre les mains de son Église ces signes extérieurs que sont l’eau, le pain et le vin.

Ainsi, les sacrements ne possèdent pas une sorte de puissance magique, une vertu transformatrice permettant à l’eau, au pain et au vin d’agir par eux-mêmes de manière automatique. Pour l’Église romaine, le sacrement agit par lui-même, par une sorte de puissance qui lui serait inhérente, et aussi en vertu du sacerdoce, à savoir, du pouvoir du prêtre régulièrement ordonné. Son ordination lui accorderait le pouvoir de conférer à certaines cérémonies une nature sacramentelle. Or, une telle pratique est une usurpation par l’homme d’un pouvoir qui n’appartient qu’au seul Seigneur de l’Église.

Le chrétien réformé croit que c’est Dieu lui-même qui offre les sacrements à sa foi. Il y discerne le corps du Seigneur (1 Co 11.29), le signe de la présence du Christ qui nous revêt de sa dignité et nous offre son pardon. L’efficacité propre au sacrement ne dépend pas de notre ferveur, même si celle-ci est nécessaire. C’est le Saint-Esprit présent et agissant qui opère ce que le sacrement annonce et promet visiblement. Sans lui, nous sommes réduits à nous-mêmes. Il faut que nous nous en remettions au Saint-Esprit pour que la Parole prêchée devienne Parole de Dieu et que l’eau, le pain et le vin des sacrements deviennent moyens de grâce.

Voilà notre consolation et notre joyeuse espérance. En prêchant et en célébrant les sacrements, l’Église ne se sert pas d’un pouvoir mis par Dieu à sa disposition pour devenir elle-même maîtresse suprême, mais elle a la promesse que le Seigneur lui a faite, celle de sa grâce, sur laquelle l’Église doit compter pour que les sacrements et la prédication soient efficaces concernant l’amour miséricordieux de Dieu que, justement, la Parole et les sacrements annoncent. Car Dieu a choisi son Église comme servante et comme témoin. Quant à lui, il demeure Maître et Seigneur de cette Église de la Parole et des sacrements.