Vivre une spiritualité trinitaire
Vivre une spiritualité trinitaire
- Connaître le Dieu trinitaire
- Le Dieu trinitaire révélé dans les Écritures
- Une spiritualité trinitaire dans les Écritures
- Implications sur la vie de l’Église
- Implications sur toutes les facettes de la réalité
1. Connaître le Dieu trinitaire⤒🔗
Le grand réformateur du 16e siècle Heinrich Bullinger a parlé de l’enseignement sur la Trinité en ces termes : « Le cœur et le fondement de notre religion ». Il est certain que cet enseignement est absolument central dans la connaissance que nous avons de Dieu. Depuis les tous débuts de la vie de l’Église, les chrétiens sont connus comme des hommes et des femmes qui adorent le Père, le Fils et le Saint-Esprit comme le Dieu unique. La confession de foi la plus ancienne de l’Église universelle est connue sous le nom de Nicée, la ville d’Asie Mineure où elle a été promulguée en l’an 325 par des représentants de toutes les Églises d’alors. Confirmée dans la ville de Constantinople quelque cinquante ans plus tard, cette confession de foi insiste sur l’enseignement de la Trinité en proclamant très clairement la divinité du Fils éternel de Dieu, Jésus-Christ, né de Dieu avant tous les siècles.
Aujourd’hui comme par le passé, des chrétiens sont persécutés dans un bon nombre de pays justement à cause de leur foi dans le Dieu trinitaire. La foi en la Trinité ne distingue pas seulement les chrétiens des musulmans, mais aussi des hindous, qui ont tâché de combiner trois dieux en un seul : Brahma, Vishnou et Civa. Brahma, le créateur du monde et père de tous les autres dieux d’après l’hindouisme, fut d’abord considéré comme le plus grand d’entre eux. Pourtant, plus tard, on lui a attribué une place de second rang auprès des deux autres dieux mentionnés. Mais ni Allah ni les trois dieux de l’hindouisme ne sauraient être assimilés ou confondus avec le Dieu trinitaire.
Il est tout aussi certain que nous ne pouvons en aucune manière connaître le Dieu trinitaire, si ce n’est au travers de sa révélation spéciale faite aux hommes, à travers la Bible qui est pour les chrétiens une règle, un canon de la connaissance vraie et de l’adoration de Dieu. Dans la révélation générale de Dieu, c’est-à-dire par l’observation de la nature et de sa cohésion extraordinaire, l’homme sent bien qu’il existe un être suprême, peut-être même un dieu qui entretient sa création. Mais pour le connaître tel qu’il est, le Dieu trinitaire éternel et tout-puissant, il faut se laisser illuminer et enseigner par l’Écriture sainte et son auteur premier, le Saint-Esprit. La Confession de foi des Pays-Bas qu’on appelle Belgica, et qui date du 16e siècle, le déclare de la manière suivante :
« Cette doctrine dépasse l’entendement humain, cependant nous la croyons maintenant par la Parole, en attendant d’en avoir la pleine connaissance et jouissance au ciel. »
Je reviendrai plusieurs fois sur l’enseignement de la Confession Belgica au cours de cet article sur la Trinité, en particulier sur les articles 8 et 9 de ce grand texte chrétien, car ils exposent plus en détail la doctrine de la Trinité, sur la base de la révélation de Dieu dans sa Parole.
Ce que nous devons cependant comprendre, c’est que même si cette doctrine dans sa totalité et sa grandeur dépasse complètement l’entendement humain, les implications de la foi au Dieu trinitaire pour l’Église aussi bien que pour la société en général sont d’une importance cardinale. Je me propose de le montrer en m’appuyant sur des passages choisis de la Bible, comme le quatrième chapitre de la lettre de Paul aux Éphésiens ou le chapitre 14 de l’Évangile selon Jean.
2. Le Dieu trinitaire révélé dans les Écritures←⤒🔗
Mais assurons-nous d’abord que l’enseignement sur la Trinité provient bien de l’Écriture sainte, de la Bible elle-même. Aujourd’hui, on entend souvent dire que cet enseignement n’est qu’un développement tardif dans l’Église chrétienne, qui ne serait intervenu que plusieurs siècles après Jésus-Christ et aurait été formulé par les Pères de l’Église des 4e et 5e siècles de notre ère. Il s’agirait donc d’un système de pensée à moitié théologique et à moitié philosophique, fortement influencé par la philosophie de l’Antiquité, mais qu’on ne trouverait nulle part dans la Bible. En est-il vraiment ainsi? N’importe qui connaissant tant soit peu la Bible sait que tel n’est pas le cas.
Les formules trinitaires, c’est-à-dire les passages de la Bible témoignant d’un seul Dieu en trois personnes, abondent dans le Nouveau Testament. Pensons à la toute fin de l’Évangile selon Matthieu, où Jésus-Christ ressuscité commande à ses disciples de baptiser les nations au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit (Mt 28.19). Pensons au récit du baptême de Jésus par Jean-Baptiste dans les quatre Évangiles : la voix du Père se fait entendre; il parle de son Fils bien-aimé, tandis que le Saint-Esprit apparaît sous forme de colombe (Mt 3.13-17; Mc 1.9-13; Lc 3.21-22; Jn 1.32-34). Pensons à la conclusion de la seconde lettre de Paul aux chrétiens de Corinthe, déclarant, en forme de bénédiction : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous! » (2 Co 13.13).
3. Une spiritualité trinitaire dans les Écritures←⤒🔗
Mais penchons-nous plus spécialement sur un autre passage du Nouveau Testament, le début de la première lettre de Pierre. Elle est adressée à des croyants dispersés en Asie Mineure à la suite de persécutions qu’ils ont subies. Pierre commence sa lettre en se présentant tout d’abord, puis en nommant les personnes auxquelles il s’adresse et en les saluant de la part du Dieu trinitaire :
« Pierre, apôtre de Jésus-Christ, salue ceux que Dieu a choisis et qui vivent en étrangers, dispersés dans les provinces du Pont, de Galatie, de Cappadoce, d’Asie et de Bithynie. Dieu le Père vous a choisis d’avance, conformément à son plan, et vous lui avez été consacrés par l’Esprit, pour obéir à Jésus-Christ et être purifiés par l’aspersion de son sang. Que la grâce et la paix vous soient abondamment accordées » (1 Pi 1.1-2).
Vous le voyez, trois personnes, le Père, Jésus-Christ et le Saint-Esprit sont ici nommés, qui travaillent dans une parfaite unité et pour le même but; toutes les trois ont des attributs divins, ce qui ne peut cependant pas laisser penser que nous avons affaire à trois dieux, mais bien à trois personnes en un seul Dieu. Pierre mentionne le Dieu trinitaire par rapport à son œuvre de salut pour l’Église, qui sont les élus mentionnés auxquels il s’adresse. Dans la Bible, on pourrait trouver bien d’autres exemples dans lesquels les trois personnes de la Trinité travaillent ensemble à l’œuvre de la création. Cependant, nous allons maintenant considérer l’œuvre de la Trinité en vue de l’avènement d’une nouvelle création, qui commence ici-bas par l’Église.
Commençons par Dieu le Père : « Il vous a choisis d’avance », écrit Pierre à ses lecteurs. Il a déterminé d’avance que vous croiriez en lui. Qui d’autre que Dieu pourrait accomplir une telle chose? Dieu est éternel, élevé au-dessus de notre existence temporelle; cela veut dire que demain, après demain et chaque événement depuis le début du temps jusqu’à la fin des temps lui est connu et est placé sous son contrôle. Nous pourrions l’expliquer aux enfants de la manière suivante : Imagine que tu observes une petite fourmi sur une feuille de papier. Tu vois comment la fourmi se déplace d’un bout à l’autre de la feuille; tu sais exactement combien de temps cela va lui prendre pour arriver au bout de la feuille. Tu vois d’un coup d’œil toute la feuille de papier et tu en observes les quatre coins. Le Seigneur fait cela avec la vie de chacun de nous, et il fait bien davantage encore : c’est lui qui a fait la feuille de papier et aussi la fourmi qui se déplace sur elle. Non seulement il sait ce que nous allons faire demain et après demain, mais chaque pas que nous accomplissons sur la feuille de papier, il le dirige. Le Seigneur Jésus a dit un jour qu’il ne peut même pas tomber un cheveu de notre tête sans la volonté du Père qui est dans les cieux.
Mais, nous dit ce passage de la lettre de Pierre, Dieu le Père accomplit quelque chose de plus spécial encore : il vous a choisis d’avance en vue d’être sanctifiés, ou consacrés, par le Saint-Esprit, pour obéir à Jésus-Christ et être purifiés par l’aspersion de son sang. Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser après ce que je viens de dire, l’élection par Dieu d’hommes et de femmes qui lui appartiennent comme ses enfants et le fait qu’il connaisse et gouverne tous nos pas, n’est pas du tout semblable à une force aveugle et implacable qu’on pourrait appeler le destin et dont nous devrions avoir peur. Car Dieu a en fait un plan merveilleux pour ses enfants : c’est de les consacrer à lui pour lui obéir et l’adorer comme Père céleste. Il les sanctifie par son Esprit Saint, c’est-à-dire qu’il les consacre à lui en les rendant purs.
Notez bien que Dieu le Père ne travaille pas seul à cette œuvre : car la purification, la sanctification est opérée par son Esprit Saint, sur la base de l’œuvre accomplie sur la croix de Golgotha par son Fils Jésus-Christ. Le Saint-Esprit travaille et opère le changement dans la vie de ceux que Dieu s’est choisis pour lui appartenir, et il le fait en leur appliquant la purification, le lavement nécessaire pour être saints et purs devant Dieu. Il applique une purification que le Fils éternel de Dieu, Jésus-Christ, a accomplie une fois pour toutes lorsqu’il s’est rendu semblable aux hommes pour les laver de leurs fautes devant Dieu, par le sang qu’il a versé sur la croix. Sans ce lavement, qu’on ne peut accepter que par la foi, il n’est pas possible d’être réconcilié devant Dieu. En résumé, la purification a sa source dans le choix des élus par Dieu le Père, avant même que le monde ait été créé, mais elle est opérée par Jésus-Christ et par le Saint-Esprit. Comme le dit l’article 8 de la Confession Belgica : « Le Père est la cause, origine et commencement de toutes choses, tant visibles qu’invisibles. » Cela veut dire qu’il est la cause, l’origine et le commencement du salut de tous ceux qu’il a élus afin qu’ils lui appartiennent.
Examinons maintenant plus en profondeur l’œuvre du Fils et celle du Saint-Esprit, ainsi que le lien divin qui les unit. L’article 8 de la Confession Belgica, parlant du Fils, poursuit : « Le Fils est la Parole, la sagesse et l’image du Père. » Mais, demanderez-vous, quel témoignage biblique existe-t-il pour justifier une telle formulation? Le début de la lettre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, dit ceci au sujet du Fils :
« Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l’expression de son être, soutient toutes choses par sa parole puissante; après avoir accompli la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts » (Hé 1.2-3).
L’article 9 de la Confession Belgica affirme : « Le Fils est notre Sauveur et Rédempteur, par son sang. » Il a délivré les siens de l’esclavage du péché lorsqu’il a été crucifié, mais il les appelle aussi à ressembler de plus en plus à son image.
D’ailleurs, lorsqu’il parle des dons que Jésus-Christ a accordés à son Église, l’apôtre Paul les associe à la croissance des chrétiens vers l’image parfaite de Jésus-Christ : « En vivant selon la vérité dans l’amour, nous grandirons à tous égards vers celui qui est la tête : le Christ » (Ép 4.15). Un peu auparavant, il a écrit à ses lecteurs : « Ainsi nous parviendrons tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes, à un stade où se manifeste toute la plénitude qui nous vient du Christ » (Ép 4.13). En d’autres termes, tous ceux qui forment l’Église du Christ sont appelés à ressembler de plus en plus à l’image parfaite de Jésus-Christ, qui lui-même reflète parfaitement l’image de son Père céleste. C’est lui qui a parfaitement révélé le Père céleste et a réconcilié les siens avec son Père.
Si le Fils éternel de Dieu n’était pas venu vivre sur terre sous une forme semblable à la nôtre, il ne pourrait pas être question de croître vers son image parfaite. On n’aurait eu personne à contempler pour croître plus près de Dieu; de fait, tous tomberaient sous le jugement de la loi parfaite de Dieu, parce que personne n’est en soi capable de l’accomplir parfaitement. Mais le Fils de Dieu a justement pris une forme humaine semblable à la nôtre en venant vivre sur terre, et ceci pour révéler à l’humanité la Parole éternelle de Dieu de manière parfaite. Il l’a fait de telle manière que désormais, purifiés par son sang versé sur la croix de Golgotha, les croyants peuvent contempler le Père céleste sans crainte d’être condamnés à cause de leurs imperfections et de leurs fautes.
La confession des chrétiens est trinitaire, disons-nous : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. La Bible enseigne que c’est par l’opération du Saint-Esprit que l’œuvre du Fils est appliquée dans la vie des croyants. L’article 8 de la Confession Belgica, l’énonce comme suit : « Le Saint-Esprit est la vertu et la puissance éternelle procédant du Père et du Fils. » L’article 9 ajoute : « Le Saint-Esprit est notre sanctificateur, par sa demeure en nos cœurs. » Cet enseignement trouve sa source dans la Bible elle-même. Dans l’Évangile selon Jean, Jésus déclare à ses disciples :
« Si vous m’aimez, vous suivrez mes enseignements. Et moi, je demanderai au Père de vous donner un autre Consolateur, afin qu’il reste pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité, celui que le monde est incapable de recevoir parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas. Quant à vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous » (Jn 14.15-17).
La sanctification, c’est-à-dire cette mise à part des croyants par Dieu en vue de l’obéissance à Dieu, ne peut jamais prendre place, sauf si le Saint-Esprit habite dans le cœur du croyant. La croissance du croyant vers l’image parfaite de Jésus-Christ ne peut jamais avoir lieu, sauf si le Saint-Esprit vient habiter dans la vie du croyant et la transforme. Tout cela ne peut se produire d’aucune autre manière, et certainement pas en essayant soi-même d’accomplir toutes sortes d’œuvres bonnes. Ma sanctification ne peut avoir lieu que si le Saint-Esprit vient prendre possession de ma vie, et me pousse alors à accomplir des œuvres conformes à la Parole de Dieu qu’il a inspirée.
J’insiste ici sur le fait que les œuvres qu’il me pousse à accomplir sont en conformité avec sa Parole. Car de nos jours on abuse beaucoup du nom du Saint-Esprit pour accomplir toutes sortes d’œuvres qui n’ont rien à voir avec la volonté de Dieu révélée dans sa Parole; on se démène et on se tortille, on s’agite beaucoup, on pousse des hurlements, la vie de l’Église se déroule dans le plus grand désordre, le tout prétendument sous l’inspiration du Saint-Esprit. Or si le Saint-Esprit nous conduit à ressembler de plus en plus à l’image de Jésus Christ, on ferait bien de contempler l’exemple donné par Jésus-Christ, tel que n’importe qui peut le lire dans les Évangiles du Nouveau Testament. Où voyez-vous que Jésus-Christ est entré en transe, s’est agité et a poussé toutes sortes de hurlements, c’est comporté comme un magicien païen? C’est faire un grand déshonneur à Jésus-Christ que de se comporter de cette manière en prétendant lui ressembler.
Écoutons plutôt ce que dit l’apôtre Paul au sujet du Saint-Esprit dans sa deuxième lettre aux Corinthiens :
« Le Seigneur c’est l’Esprit et là où est l’Esprit du Seigneur, là règne la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert contemplons comme dans un miroir, la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en son image dans une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir. C’est là l’œuvre du Seigneur, c’est-à-dire de l’Esprit » (2 Co 3.17-18).
Comme vous le voyez, Paul qualifie le Saint-Esprit de Seigneur; il est en effet Seigneur au même titre que Jésus-Christ; c’est lui qui doit venir régner dans notre vie qu’il illumine d’une lumière parfaite et merveilleuse. C’est lui, et nul autre, qui nous transforme et nous fait ressembler de plus en plus à Jésus-Christ en nous faisant contempler son image parfaite, sans qu’un voile nous cache la face de notre Sauveur parfait. Bien sûr, comme Paul l’implique en parlant d’une gloire dont l’éclat ne cesse de grandir, cette transformation est progressive, elle se déroule tout au long de la vie du croyant sanctifié.
Écoutez encore comment Paul, au chapitre 4 de cette même lettre aux Corinthiens, parle de l’illumination qui prend place dans la vie des croyants, en contraste avec ceux qui ne croient pas et restent aveuglés par leurs propres pensées :
« Si notre Évangile demeure voilé, il ne l’est que pour ceux qui vont à la perdition, pour les incrédules. Le dieu de ce monde a aveuglé leur esprit et les empêche ainsi de voir briller la lumière de la Bonne Nouvelle qui présente la glorieuse lumière du Christ, qui est l’image même de Dieu. Ce n’est pas nous-mêmes que nous mettons en avant dans notre prédication, c’est le Seigneur Jésus-Christ. Nous-mêmes, nous sommes vos serviteurs à cause de Jésus. En effet, le même Dieu qui, un jour, a dit : Que la lumière brille du sein des ténèbres, a lui-même brillé dans nos cœurs pour y faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui rayonne du visage de Jésus-Christ » (2 Co 4.3-6).
4. Implications sur la vie de l’Église←⤒🔗
Regardons maintenant, à la lumière de l’enseignement de la Bible, quelles sont les implications pour la vie de l’Église de cette spiritualité trinitaire. Ces implications ne s’arrêtent pas à la vie de l’Église, mais s’étendent à la vie tout entière, à toutes les sphères d’activités sociales, culturelles et autres. Tout prend sa source dans le Dieu trinitaire, tout doit aussi lui être soumis et être transformé à son image parfaite. C’est là seulement que réside la restauration des liens brisés, la fin des tensions et oppressions de toutes sortes, la restauration aussi de notre image humaine abîmée par le péché, déformée et martyrisée par nos propres agissements. Ne soyez donc pas incrédules et laissez-vous transformer par l’Esprit de Dieu, et gardez en mémoire ces paroles extraordinaires de l’apôtre Paul que je viens de citer :
« Si notre Évangile demeure voilé, il ne l’est que pour ceux qui vont à la perdition, pour les incrédules. Le dieu de ce monde a aveuglé leur esprit et les empêche ainsi de voir briller la lumière de la Bonne Nouvelle qui présente la glorieuse lumière du Christ, qui est l’image même de Dieu. »
Quels sont les fruits d’une spiritualité trinitaire pour la vie de l’Église? Nous avons vu, à la lumière de l’enseignement de la Bible, que Dieu est un en trois personnes distinguées l’une de l’autre, mais qui agissent en toutes choses dans un parfait accord divin. L’Église, qui est la nouvelle création de Dieu, reflète désormais ses propriétés ici sur terre. Tout d’abord l’unité. L’apôtre Paul écrit dans sa lettre aux Éphésiens : « Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance » (Ép 4.4). Un seul corps, dont l’unité ne se trouve qu’en Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, qui en est la tête. Mais, tout comme il n’y a pas qu’une seule personne dans la Trinité, mais trois, de même il y a dans l’Église une diversité de dons et de services qui doit être mise au service de la croissance de ce corps unique.
Si l’Église essaie de marcher de l’avant avec un seul ministère, une seule forme de service, jamais elle ne reflétera l’être du Dieu trois fois un, et ne pourra croître. Si l’un des ministères ou des services que Jésus-Christ a institués pour son Église tente de dominer les autres, au lieu de remplir sa vocation en harmonie et coordination avec les autres ministères — comme le font les trois personnes de la Trinité —, alors l’Église ne reflète pas l’image du Dieu trois fois un, mais celle d’un faux dieu. L’unité est alors placée au-dessus de la diversité.
Mais, parlant de Jésus-Christ dans le même passage que nous venons de lire, Paul ajoute :
« C’est de lui que le corps tout entier tire sa croissance pour s’affermir dans l’amour, sa cohésion et sa forte unité lui venant de toutes les articulations dont il est pourvu, pour assurer l’activité attribuée à chacune de ses parties » (Ép 4.16).
Au cas où chaque ministère chercherait son indépendance vis-à-vis des autres ministères, l’Église ne refléterait pas non plus l’être du Dieu trois fois un. C’est la diversité qui se trouverait placée au-dessus de l’unité. Dans l’Église, on agirait comme si Dieu était divisé : le ministère des diacres servant le dieu des diacres, le ministère des anciens servant le dieu des anciens! En pratique, l’Église vivrait comme les païens qui ont toute une panoplie de dieux, ou plutôt d’idoles, chacune servant un but spécifique : chaque idole protège celui ou celle qui l’adore…
L’unité et la diversité ne sont totalement réconciliées qu’au sein du Dieu trinitaire. Ce n’est que dans cette réconciliation que l’amour véritable est possible. L’amour véritable trouve sa source dans le Dieu trinitaire, car les trois personnes de la Trinité s’aiment de manière parfaite. Dans l’Évangile de Jean, au chapitre 17, Jésus prie pour ses disciples de la manière suivante :
« Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17.20-21).
Et un peu plus loin : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi, je sois en eux » (Jn 17.26). Remarquez bien que cet amour parfait au sein de la Trinité repose sur la distinction de rôle de chacune des trois personnes. L’article 8 de la Confession Belgica déclare :
« Car le Père n’a pas revêtu une chair humaine ni le Saint-Esprit, mais seulement le Fils; le Père n’a jamais été sans son Fils ni sans son Saint-Esprit parce que tous trois sont d’éternité égale en une même essence. Il n’y a ni premier, ni dernier, car tous trois sont un en vérité et en puissance, en bonté et en miséricorde. »
Cette égalité n’exclut pas que, par exemple, le Fils se soit complètement soumis à la volonté de son Père, même au moment le plus douloureux de son existence terrestre, à Géthsémané juste avant son arrestation, sa condamnation à mort et sa crucifixion. Il a prié : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe. Toutefois que ce ne soit pas ma volonté, mais ta volonté qui soit faite. »
De cela nous apprenons aussi que tous n’ont pas reçu la même vocation quant au type de service à rendre dans l’Église de Jésus-Christ; égalité devant le Chef de l’Église, Jésus-Christ ne signifie pas que chacun puisse agir comme s’il ou elle avait le droit de remplir la fonction ou le rôle d’un autre. Tous ne sont pas pasteurs, tous ne sont pas diacres, tous ne sont pas évangélistes. Sans soumission volontaire (comme Jésus en a donné l’exemple à ses disciples), il ne peut y avoir d’amour véritable. En même temps, tous peuvent se prévaloir d’une égalité devant le trône de la grâce divine. Aussitôt que la vraie connaissance du Dieu trinitaire s’efface ou est méconnue, les hommes ne peuvent que tomber dans leurs tentatives désespérées d’oppression et de dictature (en plaçant l’unité bien au-dessus de la diversité) ou dans le chaos et l’anarchie (en plaçant la diversité bien au-dessus de l’unité).
5. Implications sur toutes les facettes de la réalité←⤒🔗
Cela dit, l’enseignement sur la Trinité et l’obéissance ou la désobéissance au Dieu trinitaire ont des implications beaucoup plus larges que sur la vie de l’Église. Car le Dieu trinitaire a imprimé sa marque sur toutes les facettes de la réalité et de la vie humaine. À chaque pas que nous faisons dans la vie, nous rencontrons à la fois l’unité et la diversité : l’univers — le cosmos — est un, mais il comprend à tous les échelons la diversité; toutes les unités plus petites que nous rencontrons sont elles aussi composées d’une grande diversité d’éléments (pensons seulement aux espèces animales, composées de plusieurs branches). Ce que nous avons dit sur les rôles et fonctions différents au sein de l’Église et la soumission réciproque qui est de mise vaut aussi pour la société en général. En même temps, l’égalité de tous devant la loi doit être respectée, sans préjudice ou favoritisme, sans pressions indues. Ceci est d’ailleurs un principe clairement énoncé dans la loi de Dieu, dans l’Ancien Testament.
Or, si nous regardons comment fonctionnent les sociétés humaines, nous ne voyons à tous les niveaux que distorsions, oppression et violence, justement à cause du refus de se soumettre au Dieu trinitaire : au nom de l’unité, un parti politique s’empare de tout l’appareil de l’État et empêche toute autre opinion que la sienne d’être exprimée; sous prétexte de diversité, le chaos et la division règnent au sein d’un même cabinet ministériel parce que chaque département veut appliquer sa politique sans tenir compte des intérêts des autres départements. De sanglants conflits ethniques surgissent parce qu’on nie la diversité que Dieu a créée au sein de l’humanité et qu’on dénie le droit de vivre à ceux qui font partie d’un autre groupe ou clan que le sien. Et pourtant, le Dieu unique n’a créé qu’une seule espèce humaine, avec toute sa diversité.
L’oppression culturelle sévit parce que les dons que Dieu a accordés à certaines de ses créatures sont jugés inférieurs à d’autres : on veut forcer chacun à prendre part aux mêmes activités culturelles. La confusion sexuelle sévit lorsque les sexes masculin et féminin — une distinction que le Dieu trinitaire a établie dans sa création — sont méconnus dans leur complémentarité. On pourrait ainsi continuer cette liste de distorsions et d’oppressions pendant longtemps… Au cours de l’histoire humaine, le pendule oscille constamment d’un extrême à l’autre, causant bien des souffrances.
La vocation de l’Église au sein du Royaume de Dieu est de développer une spiritualité trinitaire, c’est-à-dire une spiritualité qui reflète l’être du Dieu trinitaire. L’Église est appelée à vivre une telle spiritualité en paroles et en actes, c’est-à-dire dans son témoignage et dans sa marche, par exemple lorsque les dons de chaque membre ou les services institués dans l’Église sont pris en compte et s’exercent pour la croissance et le bien-être de tous. L’exercice d’une telle spiritualité trinitaire dans l’Église est alors projeté dans la société, en vue de guérir les relations brisées et, par le bon exemple, de réformer les modèles politiques et sociaux qui soit oppressent, soit provoquent le chaos. Car quand on oppresse, on favorise en fin de compte l’éruption du chaos, et quand on laisse s’établir le chaos, on amène en fin de compte l’oppression. Voilà le témoignage que Dieu attend de sa nouvelle création sur terre, l’Église de son Fils Jésus-Christ : le témoignage rendu au Royaume parfait du Dieu trinitaire.