Cet article sur Genèse 1.26-29 et Genèse 2.15 a pour sujet la vocation de l'homme d'être gérant de la bonne création de Dieu, afin d'accomplir son travail au service de Dieu et de son prochain, et d'adorer Dieu le jour du repos.

Source: La vocation du chrétien. 4 pages.

Genèse 1 - Genèse 2 - La vocation de l'homme

« Dieu dit : Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance, pour qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image : Il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. Dieu dit : Voici que je vous donne toute herbe porteuse de semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre fruitier porteur de semence : ce sera votre nourriture. »

Genèse 1.26-29

« L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. »

Genèse 2.15

Le rapport de l’homme à son milieu naturel est un sujet qui préoccupe les modernes à un très haut degré, et il est normal que le chrétien s’y intéresse également. Quelle est la nature de ce rapport et comment, sans entrer dans des détails techniques, le définir à la lumière de la révélation chrétienne?

Notre présente réflexion et une seconde qui la suivra tâcheront de faire un tour d’horizon biblique. C’est l’Écriture qui nous apprend que Dieu adresse à l’homme une vocation culturelle, qu’il lui confie le mandat de s’occuper de la terre et le désigne comme gérant attitré de sa bonne création.

Cette vocation se situe à l’intérieur du cadre essentiel qu’exprime la triade ou le motif biblique de la création, la chute et la rédemption. C’est ce motif biblique fondamental qui définit la vocation culturelle de l’homme et non pas, ainsi que le voulait Pierre Teilhard de Chardin, une espèce d’incarnation évolutive.

Pour commencer, examinons la vocation adressée par Dieu. Ce sont les deux premiers chapitres du livre de la Genèse, c’est-à-dire les premières pages du livre des origines, qui rapportent en le définissant le rôle de l’homme dans la création visible. Cependant, d’autres passages de l’Ancien Testament (Ps 8; Ps 104; Ex 28) la confirment à leur manière.

Jésus, quant à lui, dans son discours relatif au mariage et à son institution divine, confirme la même pensée. Il corrobore la conviction biblique au sujet d’un ordre établi par Dieu (Matt. 19).

Le récit de la création de l’homme nous le présente comme ayant été tiré de la terre le dernier jour, comme l’ont été les animaux terrestres; mais contrairement à ces derniers, il reçoit la domination sur l’ensemble de son environnement, aussi bien animal que végétal. C’est cette nature placée à ses pieds qu’il fera fructifier par ses labeurs et c’est d’elle qu’il tirera sa subsistance. Il est appelé à remplir la terre et à se la soumettre.

Au deuxième chapitre, qui reprend le récit de la création en l’explicitant et en le développant, il nous est dit que l’homme peut manger de tous les fruits du jardin au milieu duquel il a été placé, pour le garder et le cultiver. Plus loin, nous apprenons qu’il nomme les animaux, exerçant par là sur eux le privilège du maître.

Ces données simples, mais claires nous autorisent à conclure que Dieu, dès le lendemain de la création de l’homme, lui confie un mandat, que nous appelons culturel.

Nous nous garderons d’en tirer des conclusions illégitimes et de prétendre que l’homme serait devenu le collaborateur de Dieu, ou « co-créateur ». Dieu n’associe pas l’homme à son œuvre de création; il n’est pas appelé à créer à son tour. Son œuvre scientifique et technique, dont la nomination des animaux est un aspect, ne parachève nullement une création qui serait inachevée. « Faire et, en faisant, se faire » était la claironnante devise marxiste. Et elle le demeure pour les adorateurs de la technique moderne.

Le philosophe Jean Brun, disparu récemment en laissant un grand vide, a souligné dans ses ouvrages cette tentation prométhéenne qui guette constamment l’homme depuis que le serpent l’avait susurrée au jardin d’Éden à l’oreille de notre mère Ève : « Vous deviendrez comme des dieux » en goûtant du fruit de l’arbre défendu de la connaissance du bien et du mal. Le professeur Brun rappelait notamment dans Le rêve et la machine, avec son brio habituel et sa pensée originale, que c’est là une simple absurdité dont il n’est nulle part question dans la Bible.

Car pour la Genèse, c’est Dieu qui donne dès le départ, et l’homme ne fait que recevoir. Son travail, qui doit être une joie, ne peut cependant rien créer. En Éden, l’homme, encore protégé des divisions dans ses relations, vit grâce à la vocation reçue des mains de Dieu dans une parfaite harmonie avec son environnement visible et naturel. La technique ne viendra que plus tard, après la chute, et d’instrument de culture qu’elle aurait dû rester, elle servira à fabriquer des armes de destruction aussi bien pour son environnement que pour son prochain, voire pour lui-même, s’il n’y prend pas garde.

Ayant brisé le miroir, il cherche à en recoller les morceaux par la multiplication des moyens, mais hélas!, il ne sait pour quel but. En effet, n’a-t-on pas déjà dit au siècle dernier dit : « Hypertrophie des moyens, atrophie des buts »?

À la suite de Jean Brun et de la pensée biblique et chrétienne, nous dénoncerons donc l’hymne-rengaine à la créativité humaine. Le livre des origines affirme que la création a été achevée et que Dieu la tient pour très bonne. Voici comment nous-mêmes caractériserons cette vocation culturelle de l’homme. La domination de celui-ci est d’abord réception et jouissance des biens créés par Dieu; il a le privilège de les savourer; créé par le fiat divin, il est tout d’abord l’objet de ses faveurs. Le Créateur a bâti; lui, il doit habiter. Le Seigneur a planté un jardin; l’homme doit en goûter les fruits. L’homme vient après que tout a été créé, c’est pourquoi la domination qu’il exercera ne pourra être que seconde.

Notons ensuite que la domination est une activité, l’accomplissement d’une mission. L’homme doit travailler pour se soumettre son environnement; il doit déployer un effort; notons que cet effort, ce labeur, n’est nullement une malédiction, ainsi que le pensèrent les Grecs de l’antiquité, ainsi que l’estiment encore bien des modernes ignorant la notion de la vocation divine. Pour bénéficier de la bonne création, l’homme ne passera pas tout son temps aux jeux et aux amusements. La culture et la conservation du jardin signifient une prise en charge, une responsabilité de gérance, et non l’oisiveté et la nonchalance du touriste. Il y a une obligation à remplir vis-à-vis de celui qui lui adresse sa vocation; il est tenu de lui rendre des comptes comme le mandataire et non de s’en servir comme le propriétaire.

La lecture du Psaume 104 nous décrit l’homme qui sort le matin pour travailler jusqu’au soir. La vocation culturelle de l’homme, avant même la chute, suppose le travail, travail manuel ou intellectuel, artistique ou scientifique.

Or, cette domination est exercée en vue d’un service. Le gérant ne dispose pas du jardin pour le saccager à sa fantaisie. S’il doit exploiter les ressources mises à sa disposition, ce n’est pas pour les épuiser, mais dans le respect des lois que le Créateur a instituées pour le bon fonctionnement de sa création. Sa domination, secondaire par rapport à ses privilèges, est une domination responsable. En outre, l’ordre du Créateur associe étroitement la multiplication de l’humanité et la soumission de la terre. Selon le chapitre 2 du livre de la Genèse, Dieu accorde à l’homme une aide semblable à lui. Cela veut certainement dire que la gestion à exercer doit être un travail collectif ou communautaire. L’assujettissement de la nature sera lié à la civilisation de l’humanité (voir Éz 28.12).

Enfin, la domination de l’homme sera marquée par une alternance spécifique, celle du rythme travail-repos. L’homme ne sera pas l’esclave de son travail; tout labeur devra s’arrêter à un certain moment, et le laboureur se reposer. Bien que l’idée n’est pas littéralement exprimée dans le texte, le septième jour après la création nous permet de comprendre que, si Dieu achève sa création et qu’il se repose, son gérant, à son tour, a l’obligation de s’arrêter et de se reposer. Oserions-nous dire que, si Dieu a institué le sabbat, c’est bien pour l’homme autant que pour lui-même? En principe, l’homme a le droit de respirer dans son travail quotidien, prendre du recul par rapport à ses œuvres; il ne doit pas se laisser absorber par tous les stakhanovismes et ergolâtries qui dévorent l’homme sans le rendre plus heureux et accompli.

Le jour du repos est le jour sanctifié, ce qui signifie que le regard de l’homme doit se tourner de la terre vers le ciel, la culture sera sanctifiée par le culte, et la domination de la terre sera relativisée. Pas de boulimie. Il est appelé à rapporter toutes choses à Dieu.

En concluant la première partie de notre exposé, rappelons que l’une des différences essentielles entre la compréhension biblique et les idées humanistes athées et matérialistes réside dans le respect et l’observation du sabbat, du jour du repos. Les humanismes athées, et plus particulièrement le marxisme, ont mis l’essence de l’homme en son travail censé transformer la nature. La révélation biblique, dès le départ, relativise le travail de l’homme tout en le commandant. Elle ouvre l’existence de l’homme vers son Créateur. L’homme à qui on dérobe son travail est lésé, mais il n’est pas amputé de son humanité pour autant. Le chômeur, le vieillard, l’impotent ne sont pas des sous-êtres du fait qu’ils ne peuvent pas mener une activité productrice. Car l’humanité de toute personne se trouve dans son rapport avec Dieu et non en ses œuvres accomplies sur terre.

Dieu, déclare la Genèse, a achevé la création en six jours. Curieuse façon de s’exprimer, qui a tant intrigué les esprits humains et a donné lieu à de fausses interprétations ou à de graves malentendus. Simplifions la chose en disant que le travail de Dieu s’articule comme celui de l’homme; inversement, durant ses six jours de travail, l’homme, par ses labeurs, devra refléter le travail de Dieu. La terre deviendra l’image du ciel, le gérant se comportera tel un fils de Dieu, un laboureur et un fidèle administrateur du Créateur divin.

L’homme sur terre n’est pas le produit d’une lente et monstrueuse évolution à partir d’une vie protozoaire monocellulaire, mais une personne créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, ayant reçu vocation, devant agir de manière responsable, pouvant œuvrer jusqu’à la fin, en rendant pour les privilèges reçus, en glorifiant le Seigneur par tout ce qu’il accomplit et lui étant redevable pour chacun de ses gestes.