Cet article a pour sujet la liberté qui n'est pas l'anarchie sans contrainte ni l'antinomisme qui s'oppose à la loi morale de Dieu. La vraie liberté est en Dieu qui nous libère du péché, elle est protégée par sa loi qui règle nos vies.

Source: L'obéissance de la foi. 5 pages.

La liberté en conflit

Parler de liberté présuppose une sérieuse élucidation sémantique, ou, pour le dire plus prosaïquement, il faudrait faire un sérieux décapage du sens du mot. Car ce terme bien-aimé, dont on a tant abusé, ne revêt pas dans l’esprit de tous le même sens. D’ailleurs, aucun mot ayant quelque importance religieuse et philosophique ne peut prétendre posséder un sens universel. Même le vocable « Dieu », aussi paradoxal que cela puisse paraître, a des sens différents, voire contradictoires, pour les uns et pour les autres. Et ceci jusque dans notre propre civilisation occidentale, pour ne pas mentionner les religions et systèmes philosophico-moraux qui pullulent dans le vaste monde. Des définitions étranges lui sont données arbitrairement, qui n’ont rien de commun avec ce que représente réellement le terme « Dieu ».

Ma conviction est que c’est la foi religieuse, quelle qu’elle soit, qui choisit le sens et donne les définitions aux choses et aux réalités. C’est une tâche essentiellement religieuse que d’accorder des noms aux choses, depuis que Dieu a chargé le premier homme, Adam, de nommer les animaux. Le droit de définir une idée, un objet, voire une personne et ses qualités est un droit divin. J’ajouterai que c’est encore une grave mission, un privilège et une noble prérogative que nous ne devrions pas sous-estimer sottement.

Ces remarques préliminaires étaient nécessaires pour préparer le terrain et clarifier la notion du terme « liberté » que j’offre à vos réflexions.

Essentiellement, il n’existe que deux manières de concevoir la liberté. Et de ce fait, le conflit actuel à son sujet naît strictement de l’opposition à la loi divine. Précisément, c’est cette sorte de résistance obstinée et insensée que l’Écriture sainte nomme « iniquité » et qu’en termes théologiques nous appelons « antinomisme », c’est-à-dire opposition à la loi, à la loi morale transcendante de Dieu.

Cela dit, je ne m’étonnerais pas que nombre de modernes, acquis à des idées dites de liberté et de libération, ne traitent d’intégriste attardé celui qui, contre le prétendu sens de l’histoire, défendra la notion de liberté en conformité avec la loi morale transcendante de Dieu. Artisans et partisans de toutes les débauches caractérisées, voire des hommes d’État chargés de l’inculture moderne, auront vite fait de vous taxer d’intégriste, à qui toute liberté d’expression doit être refusée! À la garantie que la loi morale transcendante de Dieu accorde à la liberté, on substituera, sous prétexte de modernité, les contre-vérités les plus aberrantes.

Dès lors, je ne m’étonne pas que nous soyons parvenus au stade de décomposition morale que nous connaissons actuellement. Comment expliquer autrement que nous puissions offrir, par exemple, une liberté sans bornes ni mesure à une chanteuse américaine sans talent, mais douée par contre d’un inépuisable dévergondage et se livrant à un exhibitionnisme effréné? Comme si elle offrait à ses admirateurs sans cervelle de l’art de première qualité! Si une quelconque péripatéticienne s’était livrée publiquement à de tels excès, nul doute que la police des mœurs l’aurait embarquée promptement dans ses paniers afin de préserver la morale publique… ou tout au moins sa façade. Il est vrai que la péripatéticienne, elle, soustrait au fisc les revenus du péché, tandis que la dernière vulgarité commise par ladite chanteuse, sous forme « d’album artistique » et vendue à 50 dollars pièce, rapportera gros au fisc qui, en ces temps de vaches maigres, fait feu de tout bois pour renflouer ses escarcelles vides.

« Beaucoup d’esprits se sont tellement laissé complexer qu’ils n’osent plus parler, tout bonnement, de bien et de mal. Tout est permis, il n’y a rien de sacré; mais parler de bien et de mal… c’est très mal. Tel est le nouvel ordre moral. »

Voilà ce qu’écrit un jeune auteur contemporain faisant une analyse rigoureuse des mentalités modernes. « Il ne faut pas, a-t-on dit, parce qu’il faut. » Le jeune auteur que je cite ajoute :

« Le refus des disciplines morales dans la seconde moitié du vingtième siècle a eu un caractère ambigu; pour une part cynisme jouisseur, d’autre part réaction contre une morale souvent desséchée par défaut d’irrigation religieuse, ou mal irriguée par une religiosité devenue elle-même étouffante par manque d’authentique spiritualité.
Cela dit, du simple point de vue pragmatique, aucun peuple ne peut vivre prospère et libre sans une sérieuse discipline morale. C’est tout particulièrement vrai pour une démocratie. […] Et comme il n’y a pas de moralité durable sans religion, il n’y a pas non plus, du moins durablement, de vie sociale libre et prospère sans religion. […] La seule vie religieuse capable d’animer le corps social authentique est une vie religieuse qui vient du cœur. Une telle religion ne se propose pas des buts d’abord sociaux et temporels. Elle s’intéresse à Dieu et à notre destinée. Elle parle d’union à Dieu, de sainteté, d’amour, d’héroïsme, de perfection, de salut, de vie éternelle. […]
La vie morale devient ainsi la seule chose qu’elle puisse raisonnablement être; une modalité concrète de l’existence religieuse, c’est-à-dire (dans le cadre du théisme) une modalité et une expression de la relation personnelle avec Dieu. […] Le christianisme est la religion de très loin la plus humaniste et la plus favorable au développement humain intégral, à la personnification. […] Le pouvoir politique est impuissant pour susciter directement l’existence religieuse, surtout en ses formes les plus hautes et les plus puissamment durables.1 »

À ces excellentes observations de l’auteur, j’ajouterai la remarque suivante. Parler de religion et de morale de manière imprécise ne réglera pas encore le problème ni ne mettra fin au malentendu relatif à notre liberté. Car l’une et l’autre devront être exprimées en termes de loi transcendante divine.

Car, l’exemple que j’ai cité plus haut n’est que la perverse iniquité de ceux qui bafouent justement la loi de Dieu; ce faisant, ils s’asservissent de manière dégradante tout en hurlant leur passion pour la liberté, et asservissent également leurs prochains plus vilement encore que s’ils les mettaient sous la botte despotique d’un régime politico-militaire.

Nous encourrons, cela va sans dire, leur ire. Ils nous taxeront de haineux et de venimeux, de conservateurs réactionnaires et j’en passe… Mais peu nous importent leurs épithètes infamantes. Un rien suffit pour enrager ces dévoyés, qui se font un devoir d’accorder leur bénédiction à toutes les anarchies et à toutes les perversions, comme si elles étaient des progrès accomplis par la liberté et la culture modernes! Seraient-ils seulement animés du souci de défendre sincèrement la liberté de leur semblable, que je leur trouverais peut-être des excuses. Las! Il s’agit purement de se vautrer dans la fange et d’entraîner des naïfs dans leurs mœurs dévoyées.

Comme je l’ai déjà mentionné, l’Écriture appelle cela « iniquité ». C’est elle qui nous apprend ce qu’est le droit de la personne et nous enseigne aussi comment défendre la liberté contre ses déviations et contre ses contrefaçons. Seule la loi de Dieu peut garantir l’un et rendre authentique la seconde. Car le Seigneur Libérateur est aussi le divin Législateur.

Mais les dérives sémantiques du terme « liberté » s’opèrent dans d’autres eaux troubles que celles des marécages sexo-voyeuristes. Un de mes amis signale que dans telle bibliothèque nationale, parmi les plus prestigieuses du monde, le directeur découvre que nombre de titres et de documents précieux disparaissent régulièrement! En outre, il constate que les délinquants ne sont autres que des personnalités de renom, aux titres prestigieux. Lorsqu’il a le courage de dénoncer la pratique, les syndicats répliquent que ces livres, acquis avec les deniers publics, reviennent de droit à Messieurs et Mesdames les honorables professeurs érudits qui les consultent! Pour avoir moi-même prêté nombre de livres qui ne m’ont jamais été retournés, et dont certains sont devenus introuvables, je sais combien la chose doit être pénible pour le directeur d’un établissement public.

Comment en serait-il autrement vu qu’une loi morale transcendante ne régit plus aucune conscience et que celle-ci chroniquement anémiée, systématiquement atrophiée et asphyxiée de propos délibéré, n’a plus de force pour protester?

Mais pour être impartiaux, nous devons nous rappeler aussi qu’à cet égard nombre d’hommes d’Église ne sont pas irréprochables. Captation d’héritage, faux en écriture, menaces d’excommunication, expropriation et spoliation de biens ecclésiastiques semblent être aussi une pratique courante. Ces ecclésiastiques qui savent sans doute que « la terre est au Seigneur » s’imaginent peut-être que ce qu’elle contient appartient non pas au Seigneur, mais à ses ministres…

Mais revenons à notre idée initiale. Aucune société ne peut jouir de stabilité ni d’un bon ordre si, avec une logique implacable et viscéralement anti-chrétienne, elle décide que la liberté ne reconnaît et n’admet aucune contrainte. Par conséquent, liberté et anarchie y deviennent des idées interchangeables, quitte à bafouer les droits souverains du Dieu d’ordre et de nuire irrémédiablement au prochain.

« Si le Fils vous rend libres, vous serez réellement libres », déclarait Jésus (Jn 8.36). Nous en concluons que toute iniquité est une forme dégradante de servitude. L’inique est un pécheur qui transgresse la loi divine. Le péché originel était précisément l’ambition démesurée, outrancière, de vouloir être son propre dieu. Mais les conséquences, on se souvient, furent tragiques pour le premier couple qui cherchait, comme notre génération, à se conduire en adulte en dehors du regard divin.

La vraie liberté n’est offerte et acquise que sur son propre terrain : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles » (2 Co 5.17). Son Esprit nous permet de vivre dans une soumission qui garantit à la fois notre libération et un bonheur sans partage. Je ne prétends pas que nous deviendrons parfaits, mais nous avons déjà part à la justice de Dieu. Sa loi sainte, sage et parfaite devient le principe de vie et la règle infaillible pour une saine conduite.

Pour le disciple et le témoin du Christ, toute liberté anarchique signifie asservissement et échec total. C’est pourquoi l’affirmation d’une liberté radicalement inconditionnelle conduit logiquement à l’autodivinisation de l’individu, à l’antimorale arbitraire et à la société sans droit. Lorsque des politiciens modernes cherchent à nous obnubiler avec leurs pompeux et creux discours sur les libérations qui s’imposent et qu’ils promettent, sachons qu’ils ne font rien d’autre que nous conduire, tel Lénine il y a un siècle, vers des aliénations dégradantes, dont l’histoire rougit à en devenir cramoisie… Celui qui refuse la loi de Dieu nous refusera notre liberté de droit divin. Il serait alors insensé de dénoncer l’escalade de l’immoralité, les hordes de démons qui détruisent notre société et nos familles, si nous oublions le rôle salvateur que tient la loi de Dieu révélée sur les pages de la Bible.

Ce n’est pas un moralisme conservateur, un traditionalisme suranné, une bonne volonté aphasique, le bon sens stérile, qui freineront l’escalade de la violence et l’avalanche dévastatrice, fulgurante, de la débauche. Ce seront la loi et le commandement, les préceptes et les règles révélés d’en haut. Avons-nous fait quelque chose pour les mettre à jour? Nous avons plutôt fabriqué :

« … une religiosité qui ne servira à rien pour le salut spirituel de leurs adeptes abusés. En pays chrétien ou christianisé, rationalisé, technicisé, ce n’est plus qu’une parodie de spiritualité, un micmac conceptuel inextricable qui conduit à une plongée dans l’inconscience et le néant, un facteur de destruction de première importance. […] Il faut le dire nettement : cette spiritualité livrée en kit, traduit le fait que tout désormais, chez nous, même la spiritualité, subit la loi du matérialisme. Cette religiosité haute technologie est une sorte d’équivalent du plat cuisiné prêt à être réchauffé. Le salut dans les trois minutes, le savoir absolu en quatre leçons, l’extase mystique à la fin du mois. […] Cette religiosité soi-disant nouvelle ne fait, pour l’essentiel, que reproduire les formes du paganisme superstitieux des anciens empires décadents. Elle contribue à la corruption des mœurs, mais ne contribue en rien à leur relèvement » (Henri Hude).

Méfions-nous des chrétiens exaltés et tapageurs à l’enthousiasme délirant qui ont oublié que l’Évangile qui est grâce contient aussi une loi qui libère et qui assure une conduite correcte. Il nous faut cette mesure-là, un canon de foi et de vie, une Parole et un Esprit qui, transcendants et souverains, ultimes et absolus, nous disent clairement, suffisamment et avec autorité, ce qu’il y a à faire et comment nous avons à nous conduire pour être libres.

Je n’aborderai pas ici les questions philosophiques relatives à la liberté. Que la liberté soit un élément essentiel de la nature humaine ne m’aide nullement à vivre librement; que la seule limite de la liberté soit là où je ne dois nuire à autrui n’a aucun sens. Comme si, logeant dans une maison en carton-pâte dans une agglomération qui ne compte que des demeures en carton-pâte, je me chauffe à blanc, au degré incandescent, sans me soucier de la maison d’à côté, elle aussi, précisons-le, en carton-pâte… Le feu ne prendra pas seulement dans mon petit chez moi, il se transmettra aussi à l’appartement du voisin. Comment donc puis-je songer au bien d’autrui si moi-même je ne prends aucune garde pour me préserver?

Si nous persistons à nous imaginer que le mal sous toutes ses formes, même les moins graves, doit être toléré sous prétexte de préserver la liberté d’expression, soyons certains que notre société sombrera corps et biens sous une nouvelle dictature; celle-ci nous guette déjà, guette l’occasion pour nous saisir de ses crocs et de nous déchirer entre ses griffes sans pitié.

L’anarchie est une poussée inévitable vers les pulsions masochistes; elle conduit directement à la mort. C’est une option suicidaire, en toute liberté et en toute bêtise. Il n’existe de liberté que sous le regard de Dieu; assurée et protégée par sa loi. Les mauvais choix nous coûteront très cher. Mais le Christ a déclaré une fois pour toutes : « Si le Fils vous rend libres, vous serez réellement libres » (Jn 8.36).

Note

1. Henri Hude, Éthique et politique.