Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet l'Église du Christ, sa localité géographique et sa catholicité (ou son universalité), de même que son unité dans la foi en Jésus-Christ et dans sa Parole.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 7 pages.

Nous croyons - La sainte Église universelle

« À l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés, appelés à être saints, et à tous ceux qui, en quelque lieu que ce soit, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, leur Seigneur et le nôtre. »

1 Corinthiens 1.2

« Nous croyons une seule Église sainte, universelle et apostolique. » Le passage de la lettre de saint Paul qui nous sert d’introduction à cette partie du troisième article du Symbole de Nicée-Constantinople nous permet, je le crois, de bien saisir l’idée que le grand apôtre des païens se faisait de l’Église du Christ.

L’apôtre s’adressait aux membres croyants de l’Église de la ville de Corinthe, qu’il qualifiait « d’Église de Dieu »; mais aussitôt, soupçonnant que les Corinthiens pouvaient se prévaloir d’un tel titre pour en tirer une gloire illégitime pour eux-mêmes, s’imaginant à tort que l’Église est une institution à caractère simplement local, liée à un lieu géographique, il ajoute : « à ceux qui ont été sanctifiés, appelés à être saints », condition entièrement indépendante du cadre local et d’une administration spécifique à leur ville de Corinthe.

Afin d’empêcher que circulent de fausses idées, il généralise la qualification d’Église en adressant sa salutation également « à tous ceux qui, en quelque lieu que ce soit, invoquent le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, qui est leur Seigneur et le nôtre ». Cette salutation apostolique met fin, devrait mettre fin une fois pour toutes, à toute prétention de localiser l’Église et d’en monopoliser le titre. L’Église n’est pas celle de Byzance ni de Rome, elle n’est pas l’Église de Genève ou celle de Kinshasa, mais elle est premièrement l’Église de Jésus-Christ, composée de saints élus de Dieu, partout où ils se trouvent. C’est ici le correctif unique et suffisant qui la rend à la fois une réalité visible et la « délocalise », de sorte que son invisibilité même se manifeste, si j’ose dire, dans son universalité.

Il est évident que l’apôtre ne méconnaît nullement la nécessité de l’Église locale; car que ce soit en Grèce ou en Europe actuelle, en Afrique ou en Polynésie, elle devra comporter une adresse, autrement dit porter les marques d’une institution visible. Néanmoins, l’Église locale et visible n’est qu’une partie, qu’une parcelle seulement de l’Église universelle, laquelle transcende toute localité géographique, et aucun nom, aucune ville, ne devrait plus la qualifier comme telle. Les réformés du 16siècle en France ne se sont jamais présentés comme « l’Église réformée de France », mais plutôt comme des « Églises réformées en France ». Reconnaissons qu’il y a là plus qu’une nuance. L’Église comprend tous ceux qui confessent partout Jésus-Christ comme leur Seigneur et en invoquent le nom.

Des raisons politiques, géographiques, linguistiques, administratives et parfois historiques ont été à l’origine de la création des différentes branches et Églises locales, à l’intérieur de l’Église universelle, ainsi que de la création des Églises dites nationales. De telles divisions, dues à des circonstances particulières, peuvent se justifier et devenir parfois indispensables, mais elles peuvent aussi parfois être au détriment du témoignage chrétien. Quoi qu’il en soit, à l’heure actuelle, nous avons hérité des situations et des traditions du passé dont il nous serait quasiment impossible de nous défaire, au risque d’appliquer un remède pire que le mal.

Les divisions en question sont accidentelles et elles sont toutes humaines. Ne les condamnons toutefois pas sans appel, en cherchant une uniformité forcée qui cesserait de représenter un organisme vivant, à la condition expresse de ne pas oublier que, selon l’apôtre, l’Église véritable consiste en l’unité générale et universelle entre croyants de tous les lieux géographiques.

Dans un autre de ses écrits, Paul déclarait que les croyants formaient un même corps et une même âme, étaient appelés à une seule espérance, ayant un seul et même Seigneur, professant une même foi, bénéficiaires d’un seul baptême, croyant à un seul Dieu, Père de tous (Ép 4.1-7).

Telle est la réalité de l’Église chrétienne véritable. Certains l’appellent l’Église idéale, d’autres en parlent comme de l’Église invisible. Pour ma part, sans adhérer à l’idée de l’existence de deux Églises, l’une visible, l’autre invisible, je préfère distinguer en l’Église, une et indivise, des aspects visibles et des aspects invisibles.

Les apôtres en ont été les fondateurs. Nous-mêmes nous sommes invités à nous édifier sur le fondement posé selon notre unique espérance et la vocation divine que nous avons reçue. Le Christ intercédait en faveur de cette Église un peu avant son arrestation, son procès et sa condamnation à mort (Jn 17). À cette heure redoutable, tandis qu’il prononce son émouvante prière dite sacerdotale, dont l’Amen final sera prononcé au Calvaire, il précise qu’il ne prie pas seulement pour les disciples, mais encore pour ceux qui croiront en lui par leur intermédiaire.

Disons notre conviction que si les Églises locales sont des organisations humaines, l’Église universelle, elle, est d’origine divine. L’une, visible, est née de circonstances historiques données, l’autre est la création de l’autorité souveraine du Seigneur Dieu. Les premières sont temporaires, la seconde sera éternelle. Nous devrions rester fidèles à l’Église locale si elle est véritablement l’Église du Christ, composée des saints et des sanctifiés. Mais c’est un impérieux devoir de nous savoir aussi tous appartenir à l’Église universelle, dont les limites dépassent toute frontière nationale et culturelle, voire confessionnelle. C’est la raison pour laquelle toute Église authentique, à moins qu’elle ne dégénère en secte, confessera la foi de l’Église universelle, en l’occurrence le Symbole de Nicée-Constantinople.

Au Concile de Nicée, plus de trois cents délégués d’Églises locales représentèrent leurs communautés, aussi bien celles établies en Orient que celles d’Occident. Toutes les Églises dispersées du monde connu d’alors, appartenant à des races diverses, parlant des langues différentes, n’estimèrent point indispensable de faire allusion à leurs communautés locales, par exemple à celle de Constantinople ou de Rome, d’Antioche ou d’Alexandrie, de Tagaste ou de Bithynie, mais plutôt de confesser leur foi en l’Église universelle.

Latins comme Grecs, Assyriens comme Arméniens, n’ont pas réservé pour eux-mêmes une place privilégiée dans le Symbole de Nicée, ce qui, hélas!, n’est pas le cas actuellement autour de la grotte de Bethléem, où ces mêmes Églises se livrent souvent à des querelles lamentables pour le droit de célébrer une simple messe dans une grotte supposée être le lieu de la Nativité… Quel scandale!

Le Symbole de Nicée-Constantinople serait incomplet s’il ne contenait pas cette partie consacrée à l’Église. D’ailleurs, il ne fait que reprendre l’enseignement original du Nouveau Testament. Mais reconnaître que l’Évangile appelle à la création d’Églises locales ne nous autorise pas à multiplier à l’infini le nombre de confessions, car ceci trahit davantage un esprit sectaire que la légitime liberté de conscience. De toute évidence, l’Évangile n’accorde aux organisations accidentelles et temporaires aucune qualité de permanence durable et indispensable, quelles que soient les prétentions de certaines Églises majoritaires ou minoritaires. Nous avons, certes, retenu les noms de l’Église de Corinthe, celle de la Galatie ou encore les sept Églises mentionnées dans le livre de l’Apocalypse. Cependant, de telles subdivisions (parfois même de telles séparations intempestives!) n’altéreront en rien la promesse du Christ d’après laquelle ceux qui lui demeurent fidèles deviendront un seul troupeau, conduit sous la houlette d’un unique Berger (Jn 10.16).

Même les divisions actuelles supposent une unité supérieure ainsi que le déclare encore saint Paul. Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare et Scythe, esclave et affranchi, blanc et noir, n’existent plus en tant que classes séparées! (Ga 3.28; Col 3.11). « Que la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos cœurs », écrivait encore saint Paul (Col 3.15).

Diverses fonctions, un seul Seigneur, diversité dans ce qui est secondaire, mais unité dans l’essentiel, tel est l’idéal de toute Église authentique. Malheureusement, l’esprit humain, incapable de saisir cet idéal élevé, a produit beaucoup d’erreurs.

On a tenté de recréer artificiellement l’unité des Églises soit à l’aide d’une seule langue, le latin, soit par un gouvernement central, soit encore par l’uniformité des rites. On a cherché à rendre ainsi éternel ce qui n’était que de nature temporelle, à établir le fondement de l’universalité de l’Église sur des bases purement locales. On a eu la fâcheuse tendance d’oublier que l’Église n’a pas été fondée grâce à la position privilégiée de telle ou telle ville, mais en Christ, son divin Seigneur et Chef.

À l’inverse, d’autres se sont rebellés contre ce type de sectarisme en insistant unilatéralement sur le caractère d’indépendance par rapport à tout ce qui était centralisé dans le gouvernement, la langue ou le cérémonial. Ils ne sont parvenus qu’à créer de nouvelles divisions en soulignant exagérément les aspects secondaires au détriment de ce qui est essentiel. Avouons que si l’unité administrative et rituelle de l’Église n’est point indispensable à son bien-être, elle n’est pas pour autant condamnable dans la mesure où elle ne nuit pas à sa vocation d’Église. L’essentiel, faut-il encore le rappeler, consiste en la fidélité au Christ, si possible dans l’unité de la foi et de la confession de la foi.

Bien entendu, ce serait tellement beau si, enfin, ceux qui nous observent de loin, et souvent avec quelle malveillance!, ne voyaient plus nos divisions et ne ricanaient pas sur nos déchirures. Si nous pouvions cesser de nous quereller comme nous l’avons fait dans le passé et comme nous le faisons encore, hélas!, si souvent à l’heure actuelle… Je ferai remarquer, toutefois, que ce n’est pas l’unité extérieure, apparente, parfois purement artificielle, qui révélera la marque d’unité des chrétiens. Une telle unité n’atteindra jamais le niveau de celle du Symbole de Nicée-Constantinople. Nous venons de voir, d’après le texte apostolique lu en exergue, en quoi consiste la véritable universalité de l’Église.

Ceux qui ont été appelés à devenir des saints le seront grâce à la mort expiatoire du Christ s’ils le confessent comme leur Seigneur. À cette condition-là, ils forment l’Église universelle, une, sainte et apostolique. Ils n’ont nul besoin de s’abriter derrière le nom prestigieux de telle ou telle métropole. L’unité réelle ne sera jamais tributaire d’une organisation extérieure et formelle, et sa vitalité ne résidera pas en sa capacité de traiter des affaires secondaires.

Ceux qui préfèrent un rituel plus élaboré ou ceux qui se contentent de lire et de commenter simplement l’Évangile ont également droit de faire partie de l’Église universelle à condition que leur confession du nom du Christ soit vraie et leur fidélité à l’Évangile sans partage. La simplicité du rituel ne sauvera personne, pas plus qu’une liturgie élaborée ne contribuera, comme telle, à la sanctification. Notre espérance et notre foi ne sont fondées ni sur le cérémoniel ni sur la simplicité, mais exclusivement et totalement dans le Fils incarné de Dieu, le Sauveur des hommes. Rien de tout ceci n’affectera comme tel ni notre sainteté ni notre sort éternel. L’essentiel est de reconnaître en Christ l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes, le Sauveur de l’humanité.

Il y a près de cinq siècles, les réformateurs de l’Église occidentale ont cherché précisément à parvenir à cette définition évangélique de l’Église et en ont rétabli la véritable universalité. Nous-mêmes, leurs héritiers et successeurs, nous pensons qu’ils s’attelèrent avec raison à cette tâche de restauration, malgré tant de peine, de larmes et de coûteux sacrifices. Ils furent chassés, anathématisés, persécutés et souvent mis à mort, le bras séculier prêtant main-forte à l’Église officielle de l’époque pour les basses besognes…

Ils ne furent point responsables de la déchirure du corps du Christ et nous leur sommes reconnaissants de ce qu’à l’heure actuelle, grâce à leur mission, nous pouvons reconnaître la véritable catholicité de l’Église, qui n’est nullement fonction d’un lieu déterminé. Nous croyons fermement que le Saint-Esprit a été l’initiateur du mouvement de la Réforme du 16siècle, comme à Pentecôte il avait donné son impulsion à l’Église chrétienne. Saurons-nous apprécier leur œuvre, même s’ils ne furent pas exempts des maladresses inévitables propres à toute entreprise humaine?

On croit souvent que la Réforme ne fut qu’un simple mouvement de protestation contre des abus ecclésiastiques. Parlons à présent de la recherche d’authenticité chrétienne des réformateurs, notamment en présence des malentendus, hélas si souvent intentionnellement entretenus au sujet de la conception protestante de l’unité de l’Église… Qu’il nous soit permis de revenir en arrière et de redire ce qui a déjà été dit pour expliciter de nouveau les positions bibliques de l’ecclésiologie réformée.

En dépit de tant de généreuses initiatives œcuméniques de la part de représentants d’Églises non réformées, celles-ci sont compromises, voire stérilisées, par des affirmations inexactes qui perpétuent les vieilles équivoques. Il n’y a pas longtemps qu’on lisait les lignes suivantes sous la plume d’un éminent penseur catholique romain :

« Pour le protestant, l’union est invisible, elle ne se réalisera à l’avenir que par une sorte de fédération entre les Églises. Pour les catholiques, l’unité est donnée d’abord; elle n’a pas à être cherchée. Elle existe, elle est visible, elle est à Rome. Et mieux vaudrait une Église réduite à un seul homme, qui serait comme un nouvel Abraham, solitaire, fugitif, mais portant l’avenir dans son sein, qu’une Église prospère qui aurait accepté des concessions sur son essence.1 »

On laisse l’entière responsabilité de telles affirmations à leurs auteurs, même concernant l’ecclésiologie romaine, qui n’est certainement pas partagée par tous les théologiens catholiques romains. Mais que disent les réformés au sujet de l’unité de l’Église? D’après l’auteur cité, cette unité serait pour eux semblable à l’unité politique, une œuvre à construire qui n’existe pas encore et qui ne pourrait se réaliser que par le moyen d’une fédération d’Églises. Et il suggère que, comme toute unité de ce genre, elle se réalisera par le moyen de compromis dont la vérité fera naturellement les frais. Circonstance aggravante, on dit cela de manière hâtive, en s’adressant au grand public, comme s’il s’agissait d’une vérité connue, évidente et incontestable.

Or, où a-t-on puisé cette singulière information? Assurément pas dans les confessions de foi des Églises de la Réforme ni dans aucun des documents symboliques de ces Églises. Dans le Catéchisme de Calvin (15section), la réalité de la sainte Église catholique y est confessée comme un article de foi. Qu’on veuille ouvrir le Grand Catéchisme de Luther, on y lira ceci :

« Je crois qu’il y a sur terre une sainte communauté, un petit groupe de saints [voyez que l’Église ne cherche pas la prospérité] dont le seul Chef est le Christ. Appelés et rassemblés par le Saint-Esprit, ils ont une même foi, les mêmes sentiments et une même pensée; ils ont reçu des dons différents, mais ils sont unis dans l’amour et il n’y a parmi eux ni sectes ni divisions… Le Saint-Esprit restera jusqu’au dernier jour avec la sainte communauté ou la chrétienté par laquelle il nous amène à lui. »

Qu’on ouvre la Confession de foi de La Rochelle, qui est le fondement doctrinal des Églises réformées en France, et on lira à l’article 26 :

« Nous croyons donc que nul ne doit se retirer à part et se contenter de sa personne, mais que tous ensemble doivent garder et entretenir l’unité de l’Église, se soumettant à l’instruction et au joug de Jésus-Christ. »

Nulle part, dans ces textes essentiels, il n’y est question de construire par des moyens humains l’unité de l’Église, parce que celle-ci serait inexistante… Comme il y a un seul Christ, il y a nécessairement une seule Église, car l’unité est donnée dans sa personne. Elle n’est plus une œuvre à accomplir. Par contre, ce que nous ferons, par notre infidélité, sera de voiler l’unité de l’Église aux yeux du monde. Il faut admettre que, malheureusement, les chrétiens ne s’en sont pas privés… L’œuvre œcuménique doit consister à manifester, à rendre apparente la véritable unité de l’Église que nos divisions obscurcissent, mais qu’elles ne sauraient détruire.

L’unité invisible n’a aucun rapport avec l’unité d’une cité idéale, la « civitas platonica ». Invisible signifie, nous l’avons déjà précisé, ce qui est perçu par la foi. C’est pourquoi nous refuserons une unité bon marché. Et qu’on n’allègue pas que les textes cités plus haut sont anciens! Ils forment à l’heure actuelle les textes doctrinaux de base de toute véritable Église réformée.

La Réforme est née par rapport à une Église donnée du 16siècle, mais non pas en fonction d’elle. Ce fut un acte d’obéissance au Christ Seigneur avant d’être un acte de désobéissance envers une Église. La Réforme se mesure à l’aune de l’Écriture sainte et non à partir d’une autre Église chrétienne. Sa nature profonde émerge de la confrontation avec l’Évangile, car les réformateurs se sont livrés, avec des efforts inouïs, à une recherche infatigable et passionnée pour retrouver le christianisme évangélique. Ils ont cherché à exprimer l’authenticité chrétienne. Ils ont lutté, non en faveur d’une façon différente d’être chrétien, mais pour la vraie manière de l’être. C’est la vérité qui leur tenait à cœur et non un pluralisme anarchique comprenant toutes les expressions ecclésiastiques et théologiques. Ils ont cherché à créer non pas une variante du christianisme, mais à vivre un christianisme authentique.

Et voici à présent un avertissement nécessaire aux protestants modernes à travers les mots d’un théologien italien contemporain que je cite :

« Dans les Églises évangéliques d’aujourd’hui, on ne retrouve plus cette conscience théologique, pour diverses raisons, bonnes ou moins bonnes, qu’il faut examiner. Les Églises évangéliques ne se conçoivent pas comme l’unique Église sur la terre, cela va de soi, mais elles ne se conçoivent pas pour autant comme des fragments d’Église, ou comme des “communautés ecclésiales” selon la définition ambiguë du concile Vatican II. Les Églises évangéliques entendent être des Églises au sens plein du mot : par rapport à celle de telle ou telle autre, elles sont sans subordination, sans complémentarité, non interchangeables, complètement différentes. La Réforme est une proposition globale et non fragmentaire, non comme un complément, mais comme une alternative. Sur la légitimité même et même la nécessité évangélique de cette alternative, nous n’avons aucun doute. Nous savons qu’il est exclu de faire la synthèse de tant d’éléments étrangers à l’Évangile et nous livrer soit à l’idolâtrie que dénoncèrent les réformateurs soit actuellement au polythéisme qui menace tant d’Églises modernes. La seule chose à faire c’est écouter le Christ prendre une décision pour elle. Si nous l’écoutons, nous ne pouvons croire en telle ou telle chose, souscrire en tel dogme ou vivre telle expérience mystique. Nous ne nous trouvons pas au-dessus des différences qui divisent les Églises, mais au milieu d’elles. Seuls pourraient se tenir au-dessus de la mêlée ceux qui agiraient en spectateurs de Dieu et d’eux-mêmes, et qui finalement n’écouteraient qu’eux-mêmes. Mais cela suppose aussi que les Églises de la Réforme ne devraient pas avoir une opinion plus grande qu’il ne le faut d’elles-mêmes. L’autocritique est, en principe, une vertu réformée. Autrement, elles se fossiliseraient, cristallisant le message de la Réforme. En cela, il est nécessaire de rappeler que notre identité nous ne la chercherons pas dans la Réforme du 16siècle, mais en l’Écriture comme Parole de Dieu et comme Évangile qui sans cesse nous réforme. Pourtant, ce sera toujours à partir de la Réforme que nous chercherons notre authentique identité chrétienne.2 »

Aujourd’hui comme dans le passé, nous sommes appelés à la sanctification et à invoquer, en temps et hors temps, le nom qui, sur la terre et dans les cieux, est le seul par lequel nous soyons sauvés; ce nom n’est autre que celui de Jésus-Christ. Sur un tel fondement, nous élèverons l’édifice de l’Église de demain. C’est celui-ci qui nous rendra permanents et nous conduira vers l’éternité de Dieu.

Nous sommes investis d’une mission divine unique. Proclamer le Christ dans un monde asservi aux idoles et aux tyrans. Que le zèle des ignorants et des obscurantismes ecclésiastiques n’occulte pas sa seigneurie universelle! Le Christ est l’espérance de la gloire et le garant de la rénovation. À quoi bon ôter à telle ou à telle Église ses superstitions si on ne leur substitue pas l’enseignement des Écritures?

Ne nous arrêtons pas à des questions sans importance. Prenons conscience du contenu de l’Évangile tel qu’il est défini et proposé par le Nouveau Testament. Je parle ici comme un membre d’une Église issue de la Réforme du 16siècle. Nombre de chrétiens estiment que la fraîcheur et la vigueur du mouvement se sont fanées. On en a conclu à la décadence de celle-ci, à son lent, mais sûr dépérissement. Je dois reconnaître, certes, que les Églises de la Réforme ne peuvent prétendre, pas plus que d’autres, à l’infaillibilité, et qu’elles ne sont pas nées immaculées… Ce serait plus qu’imprudent que de fermer les yeux sur nos faiblesses, manquements, défauts et erreurs. Il nous faut consentir à de réels sacrifices si nous voulons justifier notre revendication d’être des chrétiens réformés. Et puis souvenons-nous que, selon les réformateurs eux-mêmes, l’Église réformée est celle qui se laisse toujours réformer par la Parole de Dieu.

Que le Christ soit tout en tous et qu’ainsi tous puissent reconnaître que son Église est une, universelle, apostolique et sainte. Alors d’un seul cœur et d’une même voix, nous pourrons confesser la même foi qu’il y a 17 siècles les Pères conciliaires de Nicée confessaient en Dieu Père, Fils et Saint-Esprit.

Notes

1. Jean Guiton.

2. Paolo Ricca, Identité protestante.