Cet article sur le Symbole de Nicée-Constantinople a pour sujet l'espérance de la vie éternelle qui nous motive à aider l'humanité souffrante; cette vie éternelle est déjà commencée en Christ, en attendant sa plénitude à venir.

Source: Nous croyons - Explication de la foi chrétienne en suivant l'ordre du Symbole de Nicée-Constantinople. 8 pages.

Nous croyons - La vie éternelle

« Aujourd’hui, nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière confuse, mais alors, nous verrons face à face; aujourd’hui, je connais partiellement, mais alors je connaîtrai comme j’ai été connu. »

1 Corinthiens 13.12

Par ce mot final, qui couronne tous les articles du Symbole chrétien et qui exauce le soupir de nos âmes, le Symbole de Nicée-Constantinople s’achève en contemplation : « Nous attendons la vie du siècle à venir. »

Comme les architectes géants du Moyen Âge ont conçu leurs cathédrales gothiques, les pieux constructeurs du Symbole ont élevé leur cathédrale de la foi. D’abord le fondement, et le système des arcs et des piliers qui supportent tout l’édifice : « Je crois en Dieu. » « Tu as fondé la terre, ô Éternel, et elle demeure ferme » (Ps 119.90).

Puis, le vaisseau et ses verrières, d’où descendent dans l’obscurité du sanctuaire les clartés du ciel : « Je crois en Jésus-Christ », avec sa vie de sainteté et de souffrance, où resplendit toute la lumière qui descend d’en haut sur les croyants. Enfin, les tours et les clochers, dont les carillons mêlent la voix de Dieu à la voix des hommes : « Je crois en l’Esprit Saint », qui fait entendre dans nos âmes la voix divine, intercédant en nous par d’inexprimables soupirs.

Et, comme les architectes achevant la flèche du grand œuvre en doraient la pointe pour que son rayonnement en prolongeât les lignes à l’infini et s’élevât dans la lumière, les auteurs du Symbole ont placé la vie éternelle au faîte de leur cathédrale, pour l’irradier d’espérance et la consommer dans la gloire.

Notre étude consacrée à l’explication du Symbole de Nicée-Constantinople prend fin avec cette dernière affirmation : « la vie du siècle à venir », c’est-à-dire la vie éternelle. Elle traite spécifiquement de l’espérance chrétienne. Résurrection des morts, jugement éternel des corps et des esprits et, enfin, vie éternelle.

Les adversaires de la foi ont, depuis les origines, choisi pour cible de leurs attaques non tellement ce qu’elle affirme au sujet de Dieu, mais ses affirmations en ce qui concerne l’au-delà. Ils ont estimé que la foi de l’Église devrait s’atteler à des tâches terre-à-terre, plus urgentes, afin de soulager les misères de l’en-deçà. À leurs yeux, l’Église nourrirait ses fidèles avec un vague et hypothétique espoir dans le futur, oubliant, voire négligeant, les peines temporelles, chroniques, les besoins immédiats, que ce soit d’ordre individuel ou d’ordre social.

Cette critique est totalement infondée, sinon malveillante. Car, plus que toute autre philosophie morale ou religieuse, voire spirituelle, c’est la foi au Christ, le Fils du Dieu révélé, qui s’est intéressée au sort temporel de l’homme autant qu’à sa destinée éternelle. Dès l’origine, elle s’est penchée avec une sollicitude toute particulière sur chaque peine humaine et elle a cherché à soulager les insoutenables misères de l’humanité, et ceci avec un rare dévouement; elle a pansé les plaies du corps autant que les blessures de l’âme, au niveau personnel aussi bien que social.

Sans doute ici et là, des chrétiens dépourvus de sensibilité, ignorèrent les implications pratiques de leur foi et de l’espérance en l’au-delà, détournant leur regard des misères de l’humanité… Ce furent pourtant des exceptions, des fanatiques de l’intériorisation du sentiment religieux, plutôt que d’authentiques disciples du Sauveur compatissant. Au lieu de pratiquer le commandement d’amour, ils se confinèrent à la culture d’une piété anémiée, vivant en quarantaine, repliés sur le bien-être de leur conscience aseptisée, voire atrophiée.

Affirmons cependant sans fausse pudeur, mais aussi sans ostentation ni complaisance excessive, qu’au cours de vingt siècles d’histoire, en matière d’œuvres charitables, les chrétiens n’ont de leçons à recevoir de la part d’aucun philanthrope. Que de sublimes exemples de dévouement, d’abnégation et de sacrifice dans les rangs chrétiens! À travers deux mille ans d’histoire, ils surent soulager des souffrances de toutes sortes, affranchir des esclaves, lutter contre la traite des femmes, faire disparaître des bagnes inhumains, distribuer de la soupe et du savon, tout en prêchant le salut…

Faut-il encore le souligner? La foi au Christ ne nous commande pas de nous couper du monde, de négliger le temporel, d’abandonner l’humanité souffrante à ses peines et les hommes à leurs angoisses, justifiées ou imaginaires. La lettre comme l’esprit de l’Évangile refusent l’isolationnisme ascétique, en rupture avec les tragiques réalités de la vie quotidienne des hommes; ils balaient avec force une conception de vie religieuse chrétienne réduite à une mystique ésotérique. Et si actuellement nous constatons de tels comportements et si nous sommes, avec émotion et respect, les témoins des gestes humanitaires de la part même d’humanistes non chrétiens, qu’il nous soit permis de rappeler que sans le commandement évangélique d’aimer, aucune civilisation respectant l’être humain et aucune philanthropie digne de ce nom n’auraient pu voir le jour.

L’Évangile qui consiste à proclamer l’incarnation de la Parole, le Fils devenu chair et sang, qui témoigne de la manifestation physique et de sa matérialisation, ne ferme pas les yeux sur l’infinie détresse matérielle et morale de l’humanité. Il n’est pas vrai que la foi en l’au-delà nous détache de l’en-deçà. Au contraire, c’est elle qui accorde la plus haute importance à ce qui est terre-à-terre.

Au cœur de notre confession de foi se trouve l’affirmation que ce qui était éternel est devenu temporel, que l’infini s’est joint au fini. Le Créateur et le Père tout-puissant, qui mesure l’étendue incommensurable de l’univers, prend soin de la veuve et de l’orphelin. Même les cheveux de nos têtes sont comptés par lui. Sans sa permission, même pas un moineau ne peut atterrir. Bien que vécue imparfaitement, notre foi, confessée correctement et pratiquée avec zèle, dévouement et générosité, témoignera ici-bas des vérités éternelles, vers lesquelles elle invite notre foi, notre espérance et notre amour. Elle inspira les David Livingstone, les François Coillard, les Florence Nightingale ou le général William Booth, pour ne rien dire d’un saint Vincent de Paul ou d’une mère Thérésa…

Sans la foi chrétienne, sans ses apports moraux, culturels, sociaux et intellectuels, l’humanité n’aurait jamais pu s’affranchir des préjugés de toutes sortes, obstacles à une activité philanthropique sans discrimination, et plus d’hommes seraient restés à leurs instincts sauvages de loups pour l’homme, leur semblable… C’est la foi en la vie éternelle qui a su adoucir les mœurs de l’homme et faire de lui le prochain qui va jusqu’à aimer son ennemi. D’innombrables chrétiens, en dépit de leurs manquements, ont su attester que, par la grâce divine, toutes choses étaient devenues véritablement nouvelles.

Nous n’avons pas honte d’appartenir à la cohorte de ceux qui, tout en exprimant leur conviction en la vie éternelle, ont parfaitement su s’intéresser à la vie d’ici-bas afin de la transformer et d’en faire l’avant-goût de l’autre, qu’ils attendent vibrants d’impatience. La foi chrétienne a été la meilleure servante fidèle et dévouée de la vie temporelle, témoin d’une espérance qui anime les cœurs dès ici-bas grâce aux radicales transformations opérées.

Cependant, et notre approche sera différente des matérialistes et des sécularistes modernes, la foi chrétienne s’occupe du présent du point de vue de l’éternité. Sub specie aeternitatis, disaient les anciens, « sous le signe de l’éternité ». C’est l’éternité qui accorde sa valeur à la temporalité, qui « dé-fatalise » l’histoire, la « dé-démonise » pour la transformer en un parcours éclairé par l’Esprit, pour en faire l’histoire du bien, du beau, du vrai… La foi plonge le domaine physique et matériel dans l’océan de l’esprit immortel et incorruptible. À ses yeux, l’actuel passager s’intègre dans le permanent.

Ainsi, la différence entre ceux qui nous reprochent notre intemporalité et ce que nous sommes en réalité apparaît au grand jour. Nos critiques ignorent ou nient tout simplement la réalité de l’éternel pour ne s’occuper que d’un temporel sans lendemain, déraciné, dépourvu du moindre fondement.

Nos adversaires nous taxent d’obscurantistes parce que nous annonçons les choses ultimes lors de cette phase pénultième de la vie. Serions-nous des cerveaux malades parce que nous affirmons la résurrection des morts, le jugement à venir et la vie éternelle? Mais, qu’est-ce qui est plus réaliste, je vous le demande : imaginer notre fin dans une tombe froide ou bien confesser la foi en l’au-delà éternel de Dieu? Jugez ces conceptions d’après leurs résultats immédiats. Parce qu’on a oublié, qu’on a violemment rejeté l’existence de cette autre dimension de la destinée humaine appelée vie éternelle, nous sommes en train de connaître actuellement l’une des périodes les plus sombres, les plus pessimistes et les plus meurtrières de l’histoire humaine.

Le 20siècle a été le témoin de plus de meurtres, de massacres de génocides et d’holocaustes que toutes les périodes qui l’ont précédé. Cela s’explique par des raisons morales et spirituelles, non socio-économico-politiques. Le 20siècle a vu plus de martyrs chrétiens que les 19 qui l’ont précédé. Neuf pour cent de la totalité de la population mondiale depuis ses origines a été tuée durant notre époque. L’orgie sexuelle partout présente, l’épidémie des drogues, des guerres plus dévastatrices que jadis, les génocides et les crimes de terrorisme, nous laissent pantois en une époque ou nos contemporains très éclairés nous affirment que la destinée finale de l’homme se trouve dans la tombe qui accueillera sa dépouille.

Comment pourrait-il en être autrement? Si l’homme que je croise sur mon chemin est destiné à une décomposition rapide et définitive, à être effacé de la mémoire des hommes et de Dieu, alors je ne puis pas le respecter, mais je peux me comporter envers lui comme un animal féroce, l’exploiter, le terroriser, l’écraser; je pourrai avoir recours à tous les moyens pour l’anéantir, le liquider corps et âme, et si possible l’âme avant même le corps. Si l’homme n’est pas destiné à la vie éternelle, allons, dépêchons-nous, achevons-le sans tarder, assenons-lui le coup de grâce! Si son nom n’est pas écrit dans le livre de la vie et si son visage reste inconnu du Dieu des cieux et de la terre, celui de l’éternité, pourquoi ne pas terminer son existence sur terre par une explosion meurtrière à l’échelle planétaire! Et s’il y a des survivants, ils pourront toujours égrainer un lugubre requiscat in pace (RIP : « qu’il repose en paix »). Si l’homme n’est que créature temporelle, matérielle et physique, complexe amas d’atomes et de molécules dépourvus d’esprit, et qu’il doive connaître le même sort que l’animal, alors qu’est-ce qui nous empêche de le liquider dès le ventre de sa mère?

Ce ne sont point ceux dont le regard ne dépasse guère le monceau de terre d’une tombe qui pourraient rendre la vie présente humaine et paisible, ou même supportable, face à des calamités de tous ordres.

Ceux qui ne confessent pas la foi en la vie éternelle peuvent être classés en deux catégories : ou bien ce sont des vaincus, frustrés et désespérés, qui égrainent à longueur de journée leurs jérémiades sur tout et sur tous, ou bien, avec un zèle peu commun, tout sarcasme et ricanement, s’abandonnent aux plus vulgaires passions dionysiaques. La pornographie moderne, qu’est-ce sinon la répudiation pure et simple non seulement de l’ordre et du commandement moral, mais encore de toute l’espérance qui nous accroche à l’éternité de Dieu! Cette pornographie est le signe le plus tragique de l’absence d’espérance en la vie éternelle.

Ces deux catégories d’hommes sans espérance parce que sans Dieu sont également inutiles à la vie; ils ne peuvent contribuer en quoi que ce soit à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité. Ils déambulent au milieu de la société comme des calamités vivantes, source intarissable de troubles et de malédictions…

Celui qui confesse sa foi en la vie éternelle nourrira l’affamé, soignera le malade, consolera l’affligé, s’occupera du prisonnier, fondera des écoles et respectera l’ordre et la paix au nom de celui qui a vaincu la mort et détruit les forces de l’enfer. Par amour pour lui, il accueillera les plus petits et les plus démunis, tendra le verre d’eau à celui qui a soif, car il sait que ces bonnes œuvres ont été préparées d’avance pour qu’il les mette en pratique. Ainsi que l’écrivait saint Paul : « Si ce n’est que pour cette vie présente que nous avons cru, nous sommes alors les plus misérables des hommes » (1 Co 15.19). Si notre route s’arrête au cimetière communal, si nos peines et nos joies, nos projets les plus chers et nos pensées les plus nobles, nos espoirs les plus ardents et la conscience du bien et du mal doivent être engloutis définitivement dans la tombe, quel avantage et quelle raison avons-nous pour continuer à supporter nos détresses? Ne serait-il pas mille fois préférable d’en finir le plus tôt possible? Heureux serait alors celui qui, la tête froide, se précipite dans l’inconscience de la mort… C’est pourquoi, partout où l’on a déraciné la foi en la vie éternelle, les statistiques nous apprennent le nombre croissant des suicidés du désespoir.

On pourrait nous répondre qu’il existe malgré tout, même si l’on ne croit pas en la vie éternelle, un instinct de conservation et un attachement à l’existence ici-bas tellement forts que la plupart des gens ne songent pas au suicide. Un désir naturel à l’homme le pousse à vivre en dépit de ses malheurs et des déceptions les plus amères. Je veux bien, mais il faut reconnaître que ce désir est la réponse inconsciente, mais réelle, d’une vie au-delà de l’actuelle.

Nous ne sommes pas les partisans d’un au-delà en tant que tel; pas plus que des adeptes d’une vie de l’en deçà sans lendemain… Ni rêveurs d’un futur immatériel ni acharnés à consommer les maigres satisfactions d’une vie temporelle débouchant vers le cimetière communal. Pour nous, la tombe n’est ni un début ni une fin, elle ne trace pas les limites définitives à notre vie; elle n’est qu’un arrêt sur notre parcours.

Nous croyons en celui qui a détruit l’oppression de la mort et qui a dissipé les terreurs de l’enfer. Tant dans la vie que dans la mort, nous appartenons à celui qui est vivant aux siècles des siècles, à la fois Dieu et homme, qui a réuni le temporel et l’éternel et qui a attaché le temps à son éternité en affirmant : « Je suis la résurrection et la vie; celui qui croit en moi vivra quand il serait mort » (Jn 11.25).

Aucun obstacle ni aucune puissance adverse ne sauraient nous empêcher d’accéder à cette vie préparée pour le croyant. Les forces hostiles ont beau s’acharner pour nous en détourner, en réalité, elles s’obstinent et se brisent contre la croix du Calvaire, sur laquelle elles ont été jugées, condamnées et privées de leur pouvoir destructeur. Il n’est pas étonnant que cette dernière partie du Symbole, ainsi que toutes les affirmations tirées des bénéfices de la mort du Sauveur, se trouvent incluses dans l’article qui commence par le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit étant abondamment répandu dans notre cœur, il y reste à l’œuvre. S’il nous permet de croire en la résurrection du Sauveur, il nous aide aussi à attendre la nôtre.

« Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ-Jésus d’entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8.11).

Le Saint-Esprit nous a atteints, nous ne sommes pas en dehors de son action. Là où les germes de corruption préparent et produisent la mort, le Saint-Esprit renouvelle nos forces et édifie jour après jour l’homme nouveau. Si l’homme extérieur se détruit, l’homme intérieur se renouvelle tous les jours (2 Co 4.16-18). Une nourriture céleste nous est offerte en abondance et un breuvage éternel pour nous abreuver suffisamment. « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle », disait Jésus (Jn 6.54) pour montrer que la mission pour laquelle il était apparu parmi les hommes consistait dans le don de sa divine personne, afin que nous naissions à une vie nouvelle.

La vie éternelle est-elle pour après ou pour maintenant? Y aurait-il un dilemme à résoudre sur ce point? Séparer ces deux réalités, ce serait faire tort à la révélation et à l’espérance que les hommes peuvent placer en ce message précis et précieux. Il convient de ne pas miser uniquement sur l’aspect futur de la vie éternelle, et nous avons déjà souligné l’actualité de la vie éternelle.

Or, outre sa dimension sociale qui en révèle la nature et son actualité pour notre vie temporelle, la vie éternelle est également rétablissement de la communion avec Dieu dès ici-bas. C’est une puissance qui est à l’œuvre, ici et aujourd’hui, pour transformer nos rapports avec le Père tout-puissant.

La vie éternelle est notre vie en Christ. Nous n’avons pas à l’atteindre par nous-mêmes. Nos efforts ne nous la mériteront pas. Le Christ nous la donne comme le fruit de sa conquête. Si Jésus-Christ ne prend pas notre vie en main, s’il ne la purifie pas par son sang versé et s’il ne la justifie pas par sa grâce, il serait inutile de parler de vie éternelle. Nous ne saurions jamais, par nos propres efforts, nous élever progressivement vers les sphères d’une existence supérieure. Mais Jésus-Christ n’est pas venu nous rencontrer à mi-chemin, nous invitant à parcourir l’autre partie, nous donner juste un petit coup de pouce et nous laissant le soin d’escalader l’autre moitié. Il est notre tout. Il est venu racheter, libérer, transformer, nous refaire d’après sa propre image, c’est-à-dire l’original. Et si nous recevons sa mort, il produira en nous la vie. « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi », écrivait saint Paul; « si je vis, je vis par la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2.20).

La vie éternelle est une connaissance et une certitude. Ni mystique enfiévrée ni intellectualisme aride, elle est une connaissance destinée et offerte à tous. Tous doivent connaître le Sauveur crucifié et le Seigneur ressuscité. Cette connaissance-là est à la fois le début et la preuve de la vie éternelle. Savoir qu’au milieu de notre misère et de notre désespoir, du mal qui sévit et du péché qui nous asservit, nous avons rencontré celui qui a vaincu la mort et qui nous a arrachés au péché, voilà la vie éternelle. Connaissance accessible aux humbles et à la portée des plus petits.

Dieu se présente à nous en tant que le Libérateur, et non comme un vague idéal. Jésus-Christ est la Parole active de Dieu, non une vérité abstraite, aussi noble soit-elle. La vie éternelle consiste à le connaître et à connaître la puissance de sa résurrection. Mais elle suppose aussi la croissance et le développement, jusqu’à nous faire parvenir à la stature parfaite du Christ. Allons-nous montrer le visage de cet homme nouveau, donner l’évidence de notre transformation?

Il ne s’agira certes pas d’en donner une description psychologique. Qui prétend avoir atteint, ou pouvoir atteindre dès ici-bas, la perfection de la vie éternelle?

Cependant, celle-ci est cachée en nous, tel un germe. Elle se révélera dans sa plénitude lorsque le Christ réapparaîtra dans sa gloire. Pour l’heure, il nous est interdit de faire la comptabilité de nos actions et d’étaler avec ostentation nos conquêtes. Au dernier jour, nous serons connus tels que nous sommes au regard du divin Sauveur.

Néanmoins, certains indices, bien que faibles encore, nous permettent de saisir les pulsions de la vie éternelle. L’amour envers le prochain en est une évidence parmi d’autres. « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie parce que nous aimons les frères » (1 Jn 3.14). De toute façon, les rênes de nos vies sont entre les mains du Christ. Ses promesses sont opérantes :

« En vérité, en vérité je vous le dis, quiconque écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle. Il échappe au jugement, il est passé de la mort à la vie » (Jn 5.24).

Ne nous trompons donc pas, ne nous méprenons pas, le présent est indissolublement lié à l’au-delà. Avant la tombe et après celle-ci, il existe une vie. Ce que nous semons aujourd’hui, nous le moissonnerons demain. Nos espérances actuelles se réaliseront sous peu. Si tu fais le mal aujourd’hui, demain tu en cueilleras les fruits empoisonnés. Mais crois dès maintenant et ton salut sera éternel. Prête ton attention à ta vie présente, car le Royaume de Dieu déjà est autour de toi.

Quoi, mes amis, Dieu, le Père tout-puissant, aurait créé les cieux et la terre, les choses visibles et invisibles, fait l’homme selon son image et d’après sa ressemblance, se serait incarné en son Fils unique qui, devenu homme, aurait souffert, serait mort et enseveli, ressuscité et exalté; le Saint-Esprit aurait parlé par les prophètes et dans l’Évangile, habité nos cœurs, formé l’Église universelle, ordonné le baptême et la rémission des péchés, pour que, en définitive, nos années ne durent que 70 ou 80 ans au plus, sans autre suite? Qu’avec l’ensevelissement de notre corps soit aussi ensevelie l’espérance qui fait vibrer chaque jour nos cœurs?

Non, mille fois non. Chaque acte temporel possède une signification d’éternité. Dieu le Père a donné la vie à l’homme pour que celui-ci vive éternellement. Jésus-Christ le Fils de Dieu nous a libérés, et ce salut assure une rédemption éternelle. Le Saint-Esprit nous habite afin de nous conduire ici-bas dans la sainteté et nous renouveler bientôt de gloire en gloire pour l’autre dimension de l’existence.

La mort n’est pas capable de nous arracher des mains divines. Le Symbole ne fait pas mention de la mort, mais de la résurrection d’entre les morts, du jugement des esprits et des corps, du Royaume des cieux et de la vie éternelle.

Bienheureux donc celui qui partage cette conviction et confesse une telle foi. S’il est dans le monde présent, il ne lui appartient pas définitivement, ses souffrances actuelles ne sont rien en comparaison avec la gloire à venir. Les vagues du temps présent, aussi sauvages et menaçantes soient-elles, ne l’emporteront pas. Il s’est accroché au Refuge éternel, au Dieu incarné en Jésus-Christ, celui qui commande à la tempête et apaise les turbulences, dont la tête majestueuse s’élève au-dessus de toute mêlée. Quelque violents que soient les grondements et aveuglants les éclairs, il demeure imperturbable, couronné d’une lumière inextinguible.

Il nous faut réapprendre à confesser le Symbole avec la même ferveur et la même clarté que nos Pères dans la foi du 4siècle. Ils nous l’ont laissé tel un précieux héritage. Grâce à leur foi, à leur credo, ils ont su braver mille morts; persécutés, ils ont résisté; tentés, ils ont surmonté l’épreuve; assujettis à des règnes oppresseurs, ils ont eu l’assurance d’avoir été affranchis du joug le plus avilissant, celui du péché. La victoire qui vainc le monde, c’est notre foi, déclarait saint Jean (1 Jn 5.4).

Et, parvenus en cette demeure où des myriades de saints entourent le trône de la majesté divine, ils adorent Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit en chantant ce suprême, jubilant et triomphant « nous croyons; nous attendons la vie éternelle ».