Le contrôle parental ne suffit pas : Une réponse communautaire s’avère nécessaire pour mettre fin à la crise de la pornographie
Le contrôle parental ne suffit pas : Une réponse communautaire s’avère nécessaire pour mettre fin à la crise de la pornographie
Au cours des dernières années, j’ai parlé à des dizaines de communautés chrétiennes à des milliers d’étudiants et de parents sur la question de la dépendance à la pornographie numérique. Il y a dix ans, de nombreux parents pensaient que les avertissements concernant la menace de la pornographie numérique étaient bien intentionnés, mais exagérés. Aujourd’hui, la plupart des gens savent que l’utilisation de la pornographie devient rapidement une norme dans les communautés chrétiennes1. Je n’ai pas vu une seule école secondaire chrétienne dans laquelle j’ai parlé qui compte moins d’une proportion significative d’élèves ayant des problèmes avec la pornographie.
Alors, comment les parents peuvent-ils prendre des mesures pour protéger efficacement leur foyer contre la pornographie? De nombreux parents tentent de procéder ainsi. Ils installent des filtres Internet. Ils surveillent les appareils que leurs enfants possèdent ou auxquels ils ont accès. Ils utilisent Covenant Eyes, Qustodio ou d’autres logiciels de responsabilisation. Cependant, à maintes reprises, des parents frustrés me disent que des contenus explicites sont quand même apparus sur les écrans de leurs enfants, parce que les parents des amis que fréquentent leurs enfants ne prennent pas ces précautions. En outre, les parents qui surveillent activement l’accès à Internet de leurs enfants en ne leur donnant pas de téléphone intelligent sont confrontés à des disputes constantes avec leurs enfants s’ils sont parmi les rares à ne pas en avoir.
En réalité, si les communautés chrétiennes veulent répondre efficacement à la crise de la dépendance à la pornographie chez les jeunes, une réponse communautaire s’avérera nécessaire. Oui, les ménages individuels doivent absolument veiller à ce que l’accès à l’Internet soit à la fois limité et étroitement surveillé. Toutefois, cela ne suffit pas. En fait, la plupart des gouvernements laïques ont pris de l’avance sur les dirigeants des Églises en ce qui concerne la reconnaissance de cette réalité. C’est pourquoi les législatures des États américains, le gouvernement britannique et d’autres gouvernements à travers l’Europe ont du mal à trouver la solution pour tenir la pornographie éloignée des enfants. Ils reconnaissent que cela constitue un problème social nécessitant une solution collective solide, et les communautés chrétiennes doivent également le reconnaître. La plupart des communautés chrétiennes se trouvent à la traîne des leaders séculiers pour ce qui est de reconnaître ce problème et d’envisager des solutions collectives.
Dans un récent article de First Things intitulé « Les parents ne peuvent pas lutter seuls contre la pornographie2 », dans lequel ils plaident en faveur de restrictions gouvernementales sur la pornographie numérique, Clare Morell et Brad Littlejohn expliquent pourquoi les communautés doivent travailler ensemble :
« Les propriétés addictives de la pornographie augmentent les enjeux. Non seulement les enfants sont mal équipés pour prendre des décisions rationnelles concernant la consommation d’un produit, mais leur cerveau en développement se montre plus enclin que celui des adultes à devenir accro, avec des conséquences à vie. Les adultes peuvent abuser de l’alcool, du tabac et de la pornographie (en effet, pour la pornographie, une “utilisation” saine n’existe pas, mais la loi ne peut pas supprimer tous les vices), mais ils deviennent moins souvent dépendants si la première exposition a lieu après l’âge de dix-huit ans, lorsque leur cerveau est plus développé. De plus, les qualités addictives de la pornographie rendent dérisoires les contrôles parentaux : une fois que la pornographie a fait son apparition dans la vie d’un enfant (peut-être par l’intermédiaire d’un ami, ou sur l’appareil d’un parent, ou avant que les parents ne se rendent compte qu’ils devaient mettre en place des contrôles sur l’appareil de l’enfant), son cerveau sera programmé pour le rechercher encore et encore, de sorte que toute faille ou tout accroc constitue une ouverture à la consommation continue de pornographie.
Trop souvent, les portails vers la pornographie se présentent sous la forme d’amis. Pour de nombreux enfants américains, le sombre voyage avec la pornographie commence dans le bus scolaire, à la récréation ou même au groupe de jeunes. Même lorsque les parents mettent en place des systèmes de filtrage de contenu pour leur propre famille, ils ne peuvent pas contrôler les actions des autres familles de leur communauté. Étant donné que 95 % des adolescents transportent des mini-ordinateurs dans leur poche, un camarade disposant d’un téléphone intelligent non filtré peut trop facilement exposer un autre enfant à de la pornographie. Une étude de l’Oxford Internet Institute a ainsi estimé que, pour qu’un enfant soit protégé de la pornographie en ligne au cours d’une année donnée, au moins dix-sept foyers de son réseau (voire soixante-dix-sept) devraient utiliser des filtres. »
Relisez un instant ce qui vient d’être dit : Au moins dix-sept ménages dans le réseau d’un seul enfant doivent surveiller et restreindre l’utilisation de l’Internet afin de le protéger de la pornographie en ligne au cours d’une seule année. Et, comme je le souligne dans mes présentations, il importe peu que vos enfants cherchent de la pornographie : si ceux-ci sont connectés, c’est la pornographie qui les cherche. Comme le disent Morell et Littlejohn :
« Aujourd’hui, le foyer moyen possède de nombreux appareils connectés à Internet : téléviseurs intelligents, ordinateurs portables, iPads, consoles de jeux et téléphones intelligents pour chaque membre de la famille, sans parler des appareils fournis par l’école. Chacune de ces technologies “intelligentes” peut comporter des centaines d’applications individuelles, dont plusieurs intègrent leur propre navigateur Internet, ce qui signifie que des milliers de points d’accès à l’Internet peuvent se trouver dans un même foyer. Un mineur utilisant Snapchat, par exemple, peut accéder à Pornhub en seulement cinq clics sans jamais quitter l’application.
L’abondance de portails nécessite plusieurs solutions de contrôle parental différentes, dont peu se révèlent intuitives ou totalement fiables. Le filtre Screen Time d’Apple, l’un des meilleurs, nécessite dix-sept étapes pour être configuré correctement, il est connu pour cesser de fonctionner sans avertissement et, même lorsqu’il fonctionne adéquatement, des adolescents férus de technologie peuvent le contourner. Les applications de contrôle parental tierces, mieux conçues, n’ont pas accès aux applications les plus populaires et les plus dangereuses, telles que Discord, Snapchat et TikTok, et ne peuvent pas les réguler. Et si un parent, reconnaissant qu’aucune solution ne se veut parfaite, essaie d’installer plusieurs applications de contrôle externe sur le même appareil, ces applications entreront souvent en conflit les unes avec les autres.
Les parents se retrouvent donc perdants dans la course aux armements contre Big Tech et Big Porn. C’est dramatique, car les enfants n’ont pas besoin d’aller chercher la pornographie; elle les trouve sur les médias sociaux. L’industrie pornographique a adopté le modèle de l’influenceur sur les médias sociaux, les artistes pornographiques faisant la promotion de leur contenu sur des plateformes telles que TikTok, YouTube, X, Facebook et Instagram, afin d’inciter les utilisateurs (dont beaucoup sont mineurs) à cliquer sur leurs propres sites. »
On peut comprendre que de nombreux parents se sentent désespérés. Beaucoup d’entre eux finissent par abandonner, épuisés par les supplications et les harcèlements de leurs enfants et par le manque de soutien de la part de la communauté pour leurs décisions concernant les téléphones intelligents et les appareils compatibles avec l’Internet. Si tous les autres enfants en ont, ils ne peuvent pas se révéler aussi mauvais, n’est-ce pas? La pornographie existe depuis toujours, et la plupart des gens s’en sont sortis, n’est-ce pas? Si nous prenons ce problème plus au sérieux que les dirigeants de notre communauté, nous nous montrons peut-être paranoïaques ou nous exagérons, n’est-ce pas? Nous trouvons plus facile de céder, de nous voiler la face et d’espérer que tout ira bien, mais cela a invariablement des conséquences dévastatrices, que je détaille dans un chapitre complet de mon récent livre How We Got Here : À Guide To Our Anti-Christian Culture [Comment nous en sommes arrivés là : Un guide sur notre culture antichrétienne].
Si nous voulons protéger nos enfants de l’exposition à des contenus explicites et du développement d’une dépendance à la pornographie — et encore une fois, j’insiste sur le fait que cela constitue un problème important et en croissance dans toutes les communautés chrétiennes que j’ai visitées —, nous devrons travailler ensemble. Les communautés chrétiennes doivent traiter la dépendance à la pornographie avec le même sérieux qu’une vague de dépendance à d’autres drogues. La pornographie se montre plus insidieuse, puisque ses effets, au début, restent discrets, mais ils demeurent tout aussi destructeurs. Ils reprogramment et transforment fondamentalement l’esprit, altèrent notre capacité à établir des relations avec le sexe opposé et empoisonnent profondément notre capacité à avoir des relations saines3.
C’est pourquoi les responsables locaux doivent s’attaquer de front à la crise de la pornographie. Oui, les parents doivent s’assurer que chaque appareil connecté à Internet est verrouillé et surveillé. Cependant, nous devons également travailler avec d’autres parents et nous assurer que les réseaux dont nous faisons partie tirent dans la même direction. (Comme l’a dit le psychologue américain Leonard Sax lors d’une présentation à laquelle j’ai assisté récemment, les parents doivent vérifier si le foyer où se rend leur enfant dispose d’un accès illimité à Internet). Les écoles chrétiennes devraient élaborer et appliquer des politiques rigoureuses sur l’utilisation des téléphones intelligents à l’école et, idéalement, cultiver une communauté avec une norme collective qui reconnaît, dès le départ, les dangers de donner des téléphones intelligents aux adolescents. Nous sommes tous concernés, et nous ne pouvons pas protéger nos enfants de la pornographie si les autres parents ne veulent pas faire de même.
Là encore, les experts séculiers ont pris de l’avance sur la plupart des communautés chrétiennes sur cette question. Des intellectuels tels que Jonathan Haidt4 ont contribué à un nouveau consensus : donner à un enfant (et cela inclut les adolescents) un téléphone intelligent (ou un appareil avec un accès non filtré à Internet) est l’une des décisions les plus préjudiciables qu’un parent puisse prendre. Morell et Littlejohn ont raison : Les parents ne peuvent pas agir seuls. Ils ne devraient pas non plus avoir à accomplir cette tâche seuls. Les communautés chrétiennes se situent derrière les gouvernements et les experts laïques sur cette question. Nous devons rattraper notre retard.
Notes
1. N.D.T. : Voir l’article de Jonathon Van Maren La dépendance à la pornographie constitue une crise colossale dans la communauté chrétienne.
2. Clare Morell, Brad Littlejohn, « Parents Can’t Fight Porn Alone » [Les parents ne peuvent pas lutter seuls contre la pornographie], First Things, 10 janvier 2025.
3. N.D.T. : Voir d’autres articles de Jonathon Van Maren sur les effets destructeurs de la pornographie :
- La pornographie empoisonne : Nous devrions l’interdire – L’évolution du discours sur la pornographie
- La pornographie devrait être interdite en raison de son lien indéniable avec la violence sexuelle
- Ce que les filles disent de la culture pornographique dans laquelle elles sont forcées de grandir
- La pornographie violente incite-t-elle les filles à s’identifier comme transgenres?
- Pourquoi les femmes ont-elles peur des rencontres?
- Une nouvelle étude établit un lien entre la consommation de pornographie et la dépression et la détresse psychologique
4. Jonathan Haidt, The Anxious Generation: How the Great Rewiring of Childhood is Causing an Epidemic of Mental Illness [La génération anxieuse : la grande reprogrammation de l’enfance entraîne une épidémie de maladies mentales].
