Cet article a pour sujet l'obéissance de la foi. L'homme créé à l'image de Dieu a une responsabilité éthique devant Dieu. Les oeuvres voulues par Dieu sont le fruit de la foi qui amène le chrétien à pratiquer les vertus chrétiennes.

Source: L'Esprit de la loi - Éléments pour une éthique chrétienne et réformée. 5 pages.

L'obéissance de la foi

  1. La responsabilité éthique
  2. La foi comme obéissance
  3. Les vertus chrétiennes
  4. Une volonté dynamique

1. La responsabilité éthique🔗

Ce qui précède a suffisamment démontré déjà que la responsabilité morale du chrétien fait partie intégrante de sa vie. Telle a été la leçon déjà tirée de l’examen des rapports entre la loi et l’Évangile.

Armés de cette conviction, nous pourrons réfuter l’antinomisme humaniste, naturel, voire chrétien ou infrachrétien, selon lequel la vie morale serait inexistante, aucune responsabilité politique n’incomberait alors sur le fidèle.

Le principal représentant humaniste de cette philosophie déterministe fut le juif hollandais Spinoza, au 17siècle. Spinoza a exercé à l’époque une très grande influence sur ses contemporains; la doctrine chrétienne de la responsabilité éthique fut combattue sous prétexte que l’homme est libre. La liberté humaine devenait ainsi un axiome irréfutable.

La situation a cependant changé depuis le tournant du 20siècle. À cet effet, rappelons en passant seulement l’influence de la philosophie existentialiste selon laquelle tout acte d’homme serait la conséquence nécessaire soit de l’hérédité soit d’une situation donnée.

Certes, la théologie chrétienne reconnaît aussi que l’homme en situation de chute a perdu sa liberté d’accomplir le bien, au sens religieux du mot, c’est-à-dire d’observer le commandement de Dieu. Nonobstant, cette doctrine-clé de la corruption radicale ne suppose pas en l’homme un changement au point où celui-ci serait totalement incapable de porter le moindre jugement moral. Sa liberté, sans laquelle il ne peut être tenu responsable ni agir de manière responsable, est fondée en sa création même d’après l’image de Dieu. Il a été créé de telle manière qu’il a perdu la possibilité de vivre selon la volonté de Dieu à moins qu’il naisse de nouveau, qu’il soit régénéré par l’Esprit et par la Parole.

L’image de Dieu en lui est totalement corrompue, déclarent tous les livres symboliques réformés. Néanmoins, il subsiste en l’homme, même pécheur, des vestiges de sa personnalité créée qui, au regard de Dieu, reste moralement responsable. L’homme est toujours homme, et comme tel, du point de vue moral, il demeure une personne responsable. S’il a décidé de choisir le mal, il sera tenu responsable de son choix moral. Responsable devant Dieu qui ne cesse de se révéler à lui, d’abord dans ses œuvres, ensuite dans sa conscience, et suprêmement par son commandement explicite (Rm 1.18-32). L’homme déchu est tenu de répondre à ce commandement, de l’observer. Car il n’a nullement sa liberté psychique.

Notons encore que la chute a entraîné des conséquences autres que celle en sa vie psychique. La chute a affecté l’homme également sur son « physique ». L’homme déchu n’accomplit pas le mal en toute liberté et tout à fait consciemment. L’influence de son environnement social et culturel peut tenir une part de responsabilité dans le choix et dans l’accomplissement de ses mauvaises actions. Il traîne avec lui une lourde hérédité, enclin à de mauvaises tendances, affligé de maladies mentales et corporelles, qui altèrent terriblement son comportement, affectent sa volonté, diminuent le sens de sa responsabilité morale. Il nous faut tenir compte de ces facteurs extérieurs et reconnaître des circonstances atténuantes dans toute mauvaise action, voire criminelle de l’homme. Celles-ci, vues sous l’angle humain des choses, atténuent le degré de sa responsabilité morale. Nonobstant, sous l’angle divin, même le plus dégénéré des hommes reste coupable et responsable de chacun de ses actes moraux. La moindre inclination au péché rend l’homme coupable, non parce qu’il est créature de Dieu, mais parce qu’il est l’homme en situation de chute.

2. La foi comme obéissance🔗

Seules sont bonnes les œuvres voulues par Dieu. Ce sont elles que nous sommes appelées à accomplir; elles sont les fruits véritables de notre foi. Si après notre conversion nous n’offrons aucun signe de sanctification et que nous ne produisons aucune œuvre bonne, nous devons nous interroger sur notre conversion et la sanctification. La raison peut en être que nous n’avons pas une foi véritable et que nous ne sommes pas unis au Christ par la foi; nous ne nous laissons pas guider par son Esprit ni instruire par sa Parole (Jn 15.2; Mt 7.15; Jc 2.26). Notre foi n’est pas vraie si elle n’agit pas par l’amour (Ga 5 et 6). La foi réceptive deviendra active par les œuvres de la sanctification.

C’est pourquoi la Bible nous exhorte avec insistance à vivre selon la volonté de Dieu. Il n’y a point de salut sans la preuve de notre obéissance à la volonté de Dieu (Mt 3.2,8-10; Hé 12.14; Ph 2.12). Dieu ne demande pas seulement une conversion initiale, mais une repentance et une obéissance que démontrera une vie régénérée et sanctifiée. Durant notre existence terrestre, nous lutterons sans cesse contre le péché.

Philippiens 2.12 pourrait laisser entendre qu’il est nécessaire de mériter la grâce par notre « travail ». Cependant, Philippiens 2.13 corrige cette fausse impression : « C’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire. » Éphésiens 2.10 confirme cette idée. La conversion quotidienne est à la fois notre œuvre et un don de Dieu. Gardons sans cesse à l’esprit la complémentarité de l’action de Dieu et de notre réponse. N’attribuons pas à Dieu la part de 50 % et à notre obéissance l’autre 50 %. Nous osons dire, certes d’une manière paradoxale, que notre salut est fonction à 100 % de notre obéissance et à 100 % de l’effet de la grâce. Comprenons bien cette pensée; il ne s’agit nullement d’une coopération méritoire avec Dieu en vue d’obtenir le salut, mais d’une complémentarité dans laquelle Dieu offre tout et nous permet aussi de faire tout pour honorer sa volonté (principe dialogique et principe de récursion). Nous nous opposerons à toute doctrine synergiste, soit catholique romaine, soit arminienne protestante. Dieu qui accorde la vie nouvelle veut que celle-ci devienne une vie d’obéissance. Ces deux aspects ne s’opposent et ne se contredisent point.

Dans Romains 12.1-2, Paul écrit : « Je vous exhorte par les compassions de Dieu à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu. » Nos sacrifices ne fondent pas le salut, mais sont simplement le témoignage de gratitude rendu à la grâce salvatrice. De même : « Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel », c’est-à-dire que le chrétien est bien « mort au péché et vivant pour Dieu en Jésus-Christ » (Rm 6.11). Nous obéirons à Dieu en entendant son appel parce que son appel nous rappelle notre liberté d’enfant de Dieu. L’exhortation à travailler à notre salut ne veut donc nullement dire que le salut serait fondé sur notre travail, comme notre apport personnel.

Sans les œuvres bonnes, il n’y a point de salut. Selon l’admirable expression de Calvin, « le salut n’est pas par les œuvres, mais il n’est pas non plus sans les œuvres ». Nous témoignerions de l’absence de foi véritable là où nous constatons l’absence des œuvres de reconnaissance. Dieu maintient notre foi par ses pressantes exhortations. Notre relation avec Dieu doit toujours rester une relation de foi. Celle-ci n’est pas seulement indispensable au début de notre vie chrétienne, elle doit nous accompagner jusqu’à la fin.

Les œuvres bonnes ont été préparées d’avance par Dieu, afin que nous les pratiquions (Ép 2.10). En gardant cette réalité à l’esprit, nous savons que nous ne contredirons pas le principe de la justification par la seule foi et la régénération par la même foi. Chaque fois que saint Paul adresse de telles exhortations, il prend aussi soin de rappeler « les compassions de Dieu ». Il existe par conséquent un lien indissoluble entre ses compassions et notre possibilité de produire de bonnes œuvres; celles-ci sont à leur tour un don de la grâce, un privilège, le charisme véritable dont nous devrions nous occuper suprêmement. Les compassions de Dieu nous permettent de garder une foi active et d’œuvrer, parce que c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire.

Sans une vie de soumission à la volonté de Dieu, nous ne pourrons prétendre être ses enfants; il en est de même si nous ne surpassons pas la justice des scribes et des pharisiens (Mt 5.20). Les béatitudes que Jésus a prononcées viennent avant la loi dont il va déclarer pourtant aussi la permanence. La grâce divine précède toujours la reconnaissance de la foi exprimée par nos œuvres. Mais il n’y aurait aucun signe de présence de la grâce si les œuvres n’étaient pas manifestes.

3. Les vertus chrétiennes🔗

Le Décalogue contient la somme du commandement de Dieu. Mais aucun système de « vie bonne » ne serait complet sans la considération des qualités morales que communément on appelle « vertus ». Ce sont là les traits d’excellence morale ou spirituelle, accordés en principe à la vie nouvelle par l’Esprit de Dieu, et ils doivent être cultivés par tout fidèle.

En dehors de la révélation, la forme la plus noble de vie bonne se trouve chez Platon. Le philosophe grec a fait mention de quatre vertus principales dont il serait tributaire : la prudence, le courage, la tempérance, la justice.

Cette liste a été reprise par l’Église romaine. D’abord adoptée par Ambroise, évêque de Milan et père spirituel du grand Augustin, bientôt elle s’infiltra dans la théologie romaine et y acquis des droits officiels, sous le titre de vertus naturelles. Ces vertus devaient se distinguer des trois vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité. Ces dernières sont considérées par cette Église comme étant les vertus cardinales, envers lesquelles tout homme est tenu en obligation.

Les Églises de la Réforme se sont opposées à cette distinction entre vertu théologale et vertu naturelle. Elles se fondaient sur l’Écriture sainte, pour qui toute vertu ou don parfait dérive de Dieu et dépend de lui seul. Par conséquent, il ne convient pas de diviser la vie chrétienne, de décréter deux parties en elle, dont l’une serait propre au fidèle comme à l’incroyant, que nous pourrions mener une vie morale à la manière des non-chrétiens, et l’autre, ajoutée à celle-ci, accorderait à Dieu une certaine place.

Or, ce qui se trouve en harmonie avec la volonté de Dieu est nécessairement vertu et ce qui s’oppose est forcément le mal que nous devons abhorrer. Cela demeure même lorsque ce mal prend l’apparence d’un certain bien. L’obéissance véritable de la foi débute à partir de la foi en Dieu pour s’harmoniser avec son commandement. Elle cherche à le glorifier par tout ce qu’elle accomplit. La culture de la vertu véritable est donc le devoir propre de tout fidèle. Cela s’opposera inévitablement aux désirs, aux ambitions et aux actes de l’homme naturel, qui ne produit que des œuvres de la chair.

L’apôtre Paul souligne que ceux qui accomplissent les œuvres de la chair n’hériteront pas le Royaume de Dieu. Ceux qui portent le nom du Christ devraient donc s’éloigner de ces œuvres-là, en « crucifiant la chair avec ses passions et ses convoitises » (Ga 5.24). Mais les vertus qui doivent caractériser la vie du fidèle sont appelées « le fruit de l’Esprit ». C’est lui, l’Esprit, et encore lui qui, en renouvelant notre cœur et en inclinant notre volonté, nous rend capables d’accomplir ce qui est agréable et acceptable au regard de Dieu. Dans Galates 5.22, nous lisons que ce fruit consiste en amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, contrôle de soi. Ces vertus-là, ou si l’on préfère ce fruit de l’Esprit, conduisent et régissent nos rapports avec le prochain. Elles témoignent que nous sommes en constante relation de dépendance avec Dieu en Jésus-Christ. Des listes de vertus se trouvent également dans les épîtres de Paul et dans celles de Pierre, dont les écrits sont remarquablement « pratiques »; il en fait bien souvent mention (1 Pi 3.8-9; 2 Pi 1.5-7).

La recherche et la croissance de la vertu chrétienne s’appellent « se revêtir de l’homme nouveau »; par elles, nous sommes renouvelés d’après l’image de Dieu (Col 3.10; Ép 4.24). L’intention de Dieu à notre égard, nous qui sommes son ouvrage, est que nous marchions dans les bonnes œuvres préparées d’avance (Ép 2.10). Par cette obéissance, nous croissons (Ép 4.13). Par l’œuvre du Saint-Esprit, lequel nous incite et stimule, nous atteignons la stature du Christ, ce qui est la finalité même de toute vie chrétienne.

L’étude des vertus chrétiennes doit procéder par conséquent du principe fondamental que Dieu, par sa grâce, nous restaure à son image. Selon l’image de Dieu, nous pouvons alors parler (1) des vertus de l’esprit; (2) des vertus de la volonté, de la justice, du contrôle de soi, du courage; (3) des vertus du cœur, de l’amour, de la joie, de la compassion. Celles-ci se manifestent dans nos rapports avec Dieu et avec nous-mêmes devant notre prochain. En cherchant de tout cœur leur pratique, nous nous préparons pour la vie de bonheur éternel là où le péché n’aura plus aucune emprise sur nous.

4. Une volonté dynamique🔗

Aucun thème biblique n’est assurément aussi complexe et essentiel que celui de notre connaissance de la volonté de Dieu. Il nous importe peu de réciter, comme un psittacisme, la phrase bien connue : « Que ta volonté soit faite. » Pour qu’elle soit faite sur la terre comme au ciel, il faut connaître ce qu’elle est et, ajoutons, combien elle est, c’est-à-dire quelles sont les volontés de Dieu. Comment faire les indispensables distinctions entre des volontés qui, apparemment, semblent contradictoires et s’excluent mutuellement? Il ne servirait à rien de cacher notre intelligence sous le sable, d’une manière peu réaliste. Il existe un problème, ne le cachons pas. La connaissance de la volonté de Dieu est la chose la plus grave, la chose essentielle, quoique souvent insaisissable. La révélation, elle, ne semble pas toujours rendre les choses aisées. Par exemple, ce texte de l’Ancien Testament : « Les choses cachées sont à Dieu et les choses révélées sont à nous et à nos enfants » (Dt 29.29).