Nos œuvres bonnes sont inutiles
Nos œuvres bonnes sont inutiles
Mais pourquoi nos œuvres bonnes ne peuvent-elles pas être notre justice devant Dieu, ou du moins en être une partie?
Parce que la justice, pour subsister devant le jugement de Dieu, doit être parfaite et entièrement conforme à la Loi de Dieu1, alors que nos meilleures œuvres elles-mêmes, pendant cette vie, sont toutes imparfaites et souillées de péché2.
1. Dt 27.26; Ga 3.10.
2. És 64.6; Jc 2.10.Catéchisme de Heidelberg, Q&R 62
- Le témoignage de l’histoire de l’Église
- Pourquoi est-il si difficile d’accepter cette vérité?
- Pourquoi Dieu nous a-t-il choisis dans son équipe?
Nous sommes justifiés par pure grâce, par la foi seule. C’est le cœur de l’Évangile. Il s’agit là d’un message très simple : Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé! Un message simple est toutefois difficile à croire. Comment est-il possible pour des pécheurs d’avoir tous leurs péchés pardonnés et d’être en paix avec Dieu? Uniquement en croyant en Jésus-Christ! Cela semble trop beau pour être vrai.
Déjà à l’époque du Christ et des apôtres, les Juifs avaient beaucoup de difficulté à accepter cette vérité fondamentale de l’Évangile. Tout au long de l’histoire de l’Église des objections ont été fréquemment soulevées à propos du salut par pure grâce. Ce message est tellement étonnant qu’il soulève toutes sortes d’objections dans nos cœurs. Non, cela n’est pas possible, pensons-nous; il nous faut sûrement faire quelque chose pour gagner notre ciel. Nous voulons absolument contribuer à notre salut.
Souvenons-nous du temps où nous étions enfants et où nous faisions des jeux d’équipe. Au moment où les deux chefs d’équipe choisissaient leurs coéquipiers, il était tellement difficile et humiliant d’être choisi le dernier. Le message était clair : « Tu ne peux rien apporter à l’équipe, mais, bon, je te prends quand même étant donné que je n’ai pas le choix… » N’est-ce pas le genre de message qui nous est communiqué lorsqu’on nous dit que nous ne pouvons aucunement contribuer à notre salut?
Après avoir traité de la justification par la foi, le Catéchisme de Heidelberg considère maintenant trois objections :
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La question 62 soulève une objection qui vient de notre cœur pécheur : Pourquoi nos bonnes œuvres ne peuvent-elles pas contribuer à notre justice? La réponse : Nos bonnes œuvres sont inutiles.
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La question 63 soulève ensuite une objection qui vient de la Bible : Dieu ne promet-il pas une récompense pour nos bonnes œuvres? La réponse : Nos bonnes œuvres sont acceptées par pure grâce.
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La question 64 soulève enfin une objection qui vient de notre expérience pratique : Cette doctrine ne nous rend-elle pas négligents et paresseux? La réponse : Nos bonnes œuvres sont nécessaires.
Les deux dernières réponses seront discutées dans des articles subséquents. Concentrons-nous pour l’instant sur la première objection et sur sa réponse qui peut paraître déroutante : Nos bonnes œuvres sont inutiles. Dieu me choisit dans son équipe même si je ne peux rien faire de bon par moi-même. Au lieu d’accepter joyeusement ce que Dieu nous révèle, les gens ont tendance à y voir des problèmes et à trouver des arguments pour contredire sa Parole. C’est là le sens de la question : « Mais pourquoi nos œuvres bonnes ne peuvent-elles pas être notre justice devant Dieu, ou du moins en être une partie? » (Q&R 62).
1. Le témoignage de l’histoire de l’Église⤒🔗
En une seule question, le Catéchisme résume la pensée de plusieurs grands mouvements dans l’histoire de l’Église. Le premier mouvement vient de Pélage et s’appelle le pélagianisme. Qu’est-ce que Pélage enseignait? Il s’opposait vivement à la doctrine de la justification par la foi. D’après les pélagiens, nos bonnes œuvres sont justes devant Dieu. Nous ne sommes pas conçus et nés dans le péché. Nous péchons seulement par imitation, parce que nous imitons de mauvais exemples. Toutefois, si de bons exemples nous sont présentés, nous pourrons les imiter et faire des œuvres bonnes. Dans cette optique, le Seigneur Jésus ne serait qu’un exemple et non un véritable Sauveur. En suivant son exemple, nous pourrions acquérir notre justice par nos bonnes œuvres et gagner ainsi notre ciel. Je fais partie de l’équipe de Dieu parce que j’accomplis pour lui de grandes performances.
Ce faux enseignement a été fermement combattu par Augustin et condamné par l’Église ancienne. Mais comme Satan est rusé, une partie de cet enseignement a tout de même été repris et a réussi à s’infiltrer dans l’Église pour parvenir jusqu’à nous. Les idées de Pélage ont été atténuées, elles ont été mélangées à la Bible, et le résultat a donné ce que nous appelons le semi-pélagianisme. De quoi s’agit-il? Contrairement à Pélage, les semi-pélagiens reconnaissent que nous sommes conçus et nés dans le péché. Ils disent que nous avons besoin de Jésus comme Sauveur. Il n’est pas seulement notre exemple. Il nous assure notre salut. En même temps, nous pourrions contribuer dans une certaine mesure à notre salut avec l’aide de la grâce. Je fais partie de l’équipe parce qu’avec l’aide du chef d’équipe je peux apporter une contribution significative. Voilà où se trouve l’erreur mensongère. Nos bonnes œuvres, aidées par la grâce, contribueraient à notre justification. Vous aurez sans doute reconnu qu’il s’agit de l’enseignement de l’Église catholique romaine. Rome accepte Jésus-Christ, mais pas comme seul et parfait Sauveur. Notre justification viendrait de Jésus plus nos œuvres. C’est le « plus » qui est tout le problème.
La Réforme est revenue à la Bible et a rejeté cette hérésie. Nous sommes justifiés par la foi seule, par pure grâce! Plus tard, après la Réforme, d’autres gens, des protestants cette fois-ci, ont repris les idées semi-pélagiennes et les ont adaptées. C’est ce qu’on appelle l’arminianisme. Arminius a dit que nous sommes effectivement tombés dans le péché, mais que nous serions tombés seulement du 2e étage, et non du 50e étage, si l’on peut dire. Cette chute aurait produit des blessures qui font que nous avons besoin d’aide, mais nous ne serions pas réellement morts dans nos péchés. Nous pourrions par conséquent apporter une contribution à notre salut. Dieu m’a choisi dans son équipe parce qu’il a vu des choses plaisantes en moi. Il a vu d’avance que j’allais me tourner vers lui et croire en lui.
Dans un sens, les arminiens disent que notre justification est obtenue par la foi seule. Sauf que la foi serait tout de même une œuvre qui viendrait de nous-mêmes, par notre propre décision, et non du miracle de la régénération par l’action libre et souveraine du Saint-Esprit. Les arminiens acceptent Jésus-Christ comme seul Sauveur… plus notre libre décision. Jésus rendrait possible le salut pour tout le monde, mais c’est finalement notre volonté qui déciderait et qui nous rendrait capables de nous tourner vers Dieu. Encore une fois, cette idée enseigne que nous contribuons à notre salut, ne serait-ce que dans une infime proportion.
Au fond, qu’il s’agisse du pélagianisme, du semi-pélagianisme ou de l’arminianisme, nous avons toujours affaire à la même erreur qui revient sous des formes différentes et qui assombrit la lumière de l’Évangile. Le problème se situe toujours dans le fameux « Jésus-Christ plus quelque chose ». Notre cœur pécheur a tellement de difficulté à accepter que tout est par pure grâce! Nous avons tendance à dire : « Mais pourquoi nos œuvres bonnes ne peuvent-elles pas être notre justice devant Dieu, ou du moins en être une partie? » (Q&R 62). Notre orgueil nous pousse tellement à vouloir contribuer à notre salut, ne serait-ce que dans une faible mesure.
2. Pourquoi est-il si difficile d’accepter cette vérité?←⤒🔗
Pourquoi est-il si difficile de reconnaître que nous sommes tout à fait incapables de contribuer à notre justice? Parce que nous ne comprenons pas bien la sainteté de Dieu. Par conséquent, nous ne réalisons pas bien l’extrême gravité de notre condition pécheresse. Nous sous-estimons la sainteté de Dieu et nous surestimons notre bonté. Rappelons-nous que Dieu « habite une lumière inaccessible » (1 Tm 6.16). « Dieu est lumière, il n’y a pas en lui de ténèbres » (1 Jn 1.6). Il n’y a aucun péché en Dieu et il est impossible pour Dieu de cohabiter avec le péché, même avec un seul « petit » péché. Pour pouvoir nous approcher de lui et nous tenir dans sa présence, il nous faut être absolument parfaits et impeccables, le cœur pur et les mains propres. Tel est le témoignage du prophète Ésaïe :
« Saint, saint, saint est l’Éternel des armées! Toute la terre est pleine de sa gloire! […] Alors je dis : Malheur à moi! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées » (És 6.3-5).
Il est très difficile pour nous de comprendre cette réalité. Nous vivons dans un monde pécheur. Nous nous accommodons au péché. Nous sommes désensibilisés au péché. Nous devenons habitués au péché qui existe dans le monde et dans nos propres vies. Comme il nous est pénible de contempler la sainteté de Dieu! Il n’est pas naturel pour nous d’être dégoûtés par nos péchés. Pensons à notre vie de prière. De quelle manière prions-nous? Nos prières reflètent-elles notre douloureuse prise de conscience de nos péchés? Pensons par exemple à cette émouvante prière de confession de David :
« Lave-moi complètement de ma faute, et purifie-moi de mon péché. Car je reconnais mes crimes et mon péché est constamment devant moi. J’ai péché contre toi, contre toi seul, et j’ai fait le mal à tes yeux, en sorte que tu seras juste dans ta sentence, sans reproche dans ton jugement » (Ps 51.4-6).
Évidemment, si nous prenons à la légère notre état de pécheur, nous croirons facilement que nous pouvons contribuer d’une manière ou d’une autre à notre salut. Nous aurons par conséquent plus de difficulté à véritablement apprécier tout ce que Jésus-Christ a fait pour nous.
Il y a une petite voix en nous qui nous souffle que nous pourrions et que nous devrions faire au moins un petit quelque chose pour nous rendre dignes de Dieu ou pour améliorer notre relation avec lui. Notre cœur résiste à l’idée que nos bonnes œuvres sont complètement inutiles à notre salut. Cette affirmation est tellement humiliante! Nous persistons à croire que Dieu doit tout de même nous trouver quelque peu attirants ou désirables et qu’il doit avoir trouvé en nous une raison de nous aimer. Et pourtant, non, la Parole de Dieu nous assure qu’il n’y a rien en nous qui soit naturellement attirant, désirable ou aimable aux yeux de Dieu. Nous sommes sauvés par pure grâce, sans aucun mérite de notre part!
3. Pourquoi Dieu nous a-t-il choisis dans son équipe?←⤒🔗
Nous ne pouvons donc apporter aucune contribution personnelle à notre justice. Comme c’est humiliant! Le prophète Ésaïe l’a bien dit : « Nous sommes tous devenus impurs et tous nos actes de justice sont comme un vêtement pollué » (És 64.6). Le vêtement pollué dont il est question n’est pas comme le vêtement du mécanicien taché d’huile ou le vêtement du peintre taché de peinture. Le terme qu’Ésaïe utilise ici réfère en fait à un sous-vêtement taché du sang des menstruations. L’image est plutôt dégoûtante. Le Saint-Esprit nous dit que nos actes de justice sont dégoûtants à ses yeux. Voilà exactement le sens de cette confession : « Nos meilleures œuvres elles-mêmes, pendant cette vie, sont toutes imparfaites et souillées de péché » (Q&R 62). Nous ne parlons pas ici de nos actions les pires, mais de nos actions les meilleures! Même nos meilleures œuvres sont dégoûtantes devant les yeux purs du Dieu trois fois saint.
Il ne faudrait pas conclure de là que nous ne faisons jamais aucune œuvre bonne. Le Saint-Esprit nous régénère et nous transforme réellement. Par sa puissance, nous commençons à porter de bons fruits et nous grandissons dans l’obéissance. Cependant, même le meilleur fruit demeure toujours entaché de péché. Il y a toujours un mélange et des impuretés qui persistent. Nos pensées, nos paroles et nos actes ne sont jamais parfaitement purs. Dès qu’il s’élève dans nos cœurs une seule pensée impure ou orgueilleuse, une seule mauvaise motivation, cela suffit à nous rendre dégoûtants aux yeux de Dieu. Un seul péché contre la loi sainte de Dieu suffit à nous condamner en enfer! « Car quiconque observe toute la loi, mais pèche contre un seul commandement, devient coupable envers tous » (Jc 2.10).
Est-il possible de contribuer à notre salut? Théoriquement, oui, cela est possible. Mais il faudrait que notre justice soit « parfaite et entièrement conforme à la Loi de Dieu » (Q&R 62). Nos bonnes œuvres peuvent-elles contribuer à notre justice? Oui, elles le pourraient, en principe, si toutefois nous étions parfaits. Une telle perfection est cependant impossible. Même le meilleur chrétien parmi nous est encore pécheur et pèche encore tous les jours. Le verdict divin sur nos prétendues bonnes œuvres méritoires est tranchant : « Maudit soit quiconque n’observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi pour le mettre en pratique » (Ga 3.10). Il nous faut donc humblement reconnaître que notre contribution personnelle à notre salut est nulle.
Pourquoi donc Dieu nous a-t-il choisis dans son équipe? Pourquoi a-t-il fait de nous ses enfants et les héritiers de son Royaume? Il l’a fait par pure grâce, selon sa grande miséricorde, sans aucune considération de nos œuvres.
« Car nous aussi, nous étions autrefois insensés, désobéissants, égarés, asservis à toute espèce de désirs et de passions, vivant dans la méchanceté et dans l’envie, odieux et nous haïssant les uns les autres. Mais lorsque la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes ont été manifestés, il nous a sauvés — non parce que nous aurions fait des œuvres de justice, mais en vertu de sa propre miséricorde — par le bain de la régénération et le renouveau du Saint-Esprit; il l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers dans l’espérance de la vie éternelle » (Tt 3.3-7).
Jésus a enseigné une parabole « pour ceux qui se persuadaient d’être justes et qui méprisaient les autres »; il s’agit de la parabole du pharisien et du publicain (Lc 18.9-14). Ne soyons pas comme le pharisien qui priait : « Je te remercie de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes… » Ayons plutôt l’humilité du publicain qui se frappait la poitrine et disait : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur. » Ce dernier retourna à sa maison justifié. Acceptons de dépendre entièrement de la grâce de Dieu.