Cet article sur Tite 2.11 a pour sujet la grâce manifestée par l'incarnation de Jésus. Dans nos détresses, la grâce guérit et procure la vie nouvelle. L'Esprit de Noël reconnaît que Jésus est venu dans la chair pour notre salut.

Source: Méditations sur les fêtes chrétiennes. 6 pages.

Tite 2 - Noël ou la grâce de Dieu Message de Noël

« La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. »

Tite 2.11

Célébrer Noël dans un monde que l’on dit post-chrétien — ce qui n’est d’ailleurs pas du tout évident — signifie pour chaque chrétien tourner une fois de plus ses regards avec foi et émerveillement vers Jésus-Christ, dont la figure, en dépit de la place infime qui semble lui être réservée dans le monde dit moderne, domine et dominera l’histoire humaine jusqu’à la fin. Jésus ne cesse de séduire les uns et d’intriguer les autres, et il reste la cible des attaques violentes ou sournoises de la part de beaucoup, même dans l’Église qui porte son nom. Mais l’énigme de sa personne n’est pas près d’être résolue en dehors de la foi.

Un seul mot décrira aujourd’hui, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, le mystère de sa personne. Je l’emprunte à un texte de l’apôtre Paul : il s’agit de la grâce de Dieu.

Je conviens que même parmi les chrétiens ce terme est tombé en désuétude. Il semble vieilli, sentant la sacristie, bon peut-être encore pour quelques « demeurés », mais que pourrait-il apporter de neuf à l’homme moderne? Les mots d’ordre au goût du jour sont ceux d’action, d’engagement, de libération, de révolution… Pour ma part, je retiendrai ce terme biblique, qui reste sans équivalent dans le vocabulaire moderne parce qu’il traduit une expérience qui, elle, reste aussi sans équivalent. Il s’agit de la rencontre de l’homme avec Dieu en Jésus-Christ. La grâce, celle que Dieu nous offre dans l’incarnation de son Fils, balaie d’une part toutes nos prétentions humaines, mais aussi la détresse qui en résulte et que nous connaissons d’une manière aussi personnelle et aussi aiguë. Nos prétentions cachent mal, très mal, nos misères de chaque jour. Mais la grâce, elle, guérit, restaure, donne impulsion et fournit l’énergie qui fait de nous des êtres nouveaux. Grâce à elle, nous trouvons la paix, l’espérance et la joie de vivre.

Peut-être à cette heure même, nous avons de multiples raisons de nous faire des soucis, pour nous-mêmes ou pour ceux que nous aimons, à moins que les préoccupations qui nous accablent soient dues aux graves problèmes qui agitent la société dans laquelle nous vivons. Nous avons peut-être aussi des maîtres à penser ou des chefs dont les mots d’ordre et d’appel sont capables de nous mobiliser, et nous les suivrons sans hésiter… Ceux d’entre nous qui sont parvenus à l’âge mûr se confieront davantage à leur bon sens, tandis que les jeunes qui s’ouvrent à la vie et envisagent leur avenir de manière goulue se jetteront à corps perdu à la poursuite de leurs aspirations et de leurs rêves. À vrai dire, n’est-ce pas un besoin universel que celui de désirer une vie meilleure, sortant des ornières, hors de l’ordinaire? Les passions qui dévorent nos contemporains, depuis la soif de pouvoir jusqu’aux délires de l’érotisme, en passant par les folies meurtrières et l’asservissement à la drogue, ne sont-elles pas des indices d’un désir de changement, mais aussi, hélas!, des signes sûrs et certains de confusion et de déroute?

Pourtant, c’est la grâce seule, celle qui fut déposée à la crèche de Bethléem et qui s’offrit sur la croix du Calvaire, qui ouvre les portes du changement véritable et de la nouveauté de vie. Même là où l’on s’y attendait le moins, elle a atteint des hommes et des femmes, et cela dans le monde entier; dans les goulags de toutes sortes, mais aussi chez les esprits les plus hostiles à la foi chrétienne, chez ses adversaires les plus acharnés… Nombreux seraient parmi nous ceux qui, jeunes ou moins jeunes, pourraient témoigner de l’expérience bouleversante qu’a été leur rencontre personnelle avec Jésus-Christ. Ils ont découvert la source unique et inespérée de la grâce divine, et Noël est la fête et la célébration de l’événement qui a brisé à jamais les murs de nos prisons intérieures.

Toutes les pages du vieux Livre portent un témoignage lumineux à cet événement qui a eu lieu dans notre monde vieilli, las et blasé. À Noël, une puissance fut libérée sur terre, non pour détruire, mais pour édifier, non pour tuer, mais pour redonner la vie, non pour effrayer, mais pour rassurer.

Voyez par exemple ces premiers témoins de Noël. Les conditions dans lesquelles ils menaient leur existence n’étaient pas plus faciles que celles de nos contemporains. Ils étaient soumis à une puissance politique et militaire étrangère, prête à écraser la moindre velléité de révolte. Tout principe de moralité était ouvertement bafoué, et les foules, accoutumées aux spectacles sanglants, étaient devenues incroyablement cyniques. Les anciennes religions avaient perdu toute crédibilité, et celles qui les remplaçaient étaient souvent confinées à des cercles ésotériques, coupés de toute réalité et incapables d’apporter le moindre secours à leurs adeptes. Impatients et inquiets, les hommes cherchaient du nouveau. Ils se posaient les mêmes questions, les mêmes « pourquoi » sur la vie et sur la mort que nos contemporains. Ils rencontraient les mêmes problèmes et les mêmes angoisses, les mêmes passions et les mêmes désillusions à chaque tournant de leur existence.

Or, dans cette atmosphère orageuse, pleine de tumulte, de foules égarées et de bruits de guerre; dans la nuit opaque de l’immoralité la plus grossière et dans les dédales d’innombrables religions, les premiers chrétiens témoignèrent de la grâce de Dieu manifestée en Jésus-Christ le jour de Noël. Elle était offerte à tout homme sans distinction de race, de classe, de couleur ou de mérite. L’esclave comme le maître, le patricien comme le plébéien pouvaient en devenir bénéficiaires. Mais ils ne furent qu’une poignée à accepter la nouvelle foi.

Or, qu’affirment les statistiques modernes sur le nombre de chrétiens dans le monde? Qu’ils sont une minorité, comparés aux millions et millions d’êtres humains qui le peuplent. L’Église véritable, celle qui croit au miracle de Noël et qui en témoigne, n’est qu’une infime minorité, comme à ses débuts. Elle aussi se trouve dispersée parmi les hommes agités et angoissés de notre époque, et, à son tour, rencontre ceux qui s’attendent à voir s’abattre sur eux d’un moment à l’autre les terreurs du troisième millénaire.

Mais ce n’est pas de cela que l’Église est chargée de parler. Petite et insignifiante, elle aura toutefois à témoigner de l’acte exceptionnel accompli par Dieu. Ce ne sont donc pas les conjonctures de nos contemporains qui comptent, car le mot de la fin appartient à la grâce. Si les discours moralisateurs ne résolvent aucun de nos problèmes, la Bonne Nouvelle, l’Évangile de la grâce, nous apportera le seul discours réparateur et transformateur. « La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ », écrit saint Jean au début de son Évangile (Jn 1.17).

Le nombre des religions s’accroît prodigieusement, paraît-il, à notre époque. Est-ce là un signe de renouveau spirituel? Je crains, bien au contraire, que nous n’assistions à la manifestation et à la pratique, de plus en plus répandue, de rites extravagants et de pratiques asservissantes, que nous entendions de plus en plus souvent des messages creux et stériles, parfois ouvertement malfaisants et destructeurs, qui, tôt ou tard, serviront d’épitaphe aux nouvelles victimes tombées sous l’emprise de religions moribondes et mortifères.

La vie de l’homme est essentiellement religion, et celui-ci se tournera soit vers Dieu pour accueillir sa grâce et pour en vivre, soit vers le mensonge pour se détruire. La grâce de Dieu fait de notre religion, qui colle à notre personne comme la peau à notre corps, une religion de vie. Religion dans laquelle le Dieu d’amour et de pardon devient le seul objet de notre adoration, parce qu’il s’y révèle comme la source unique de guérison. Car la grâce de Dieu, manifestée en Jésus-Christ, est guérison. La guérison ne s’offre qu’à ceux qui sont malades. « Ce ne sont pas les bien portants, qui ont besoin de médecin, mais les malades », disait Jésus (Mt 9.12). Pour le malade que nous sommes, et nous le sommes tous, Noël est jour de guérison, fête par excellence. La joie de la célébrer ne sera pas procurée par des réjouissances extérieures, mais à cause de la santé récupérée.

Je vous propose un petit échantillon de l’atmosphère qui sera marquée sans doute, comme le veut la tradition, d’un peu plus de bonne volonté que d’habitude au milieu du gaspillage et des ripailles… Une charité saisonnière fera également son apparition ici et là, et on déploiera une activité fébrile d’autant plus qu’elle ne durera que la semaine de bonté rituelle en faveur des pauvres, des malades, des déshérités. Les personnes âgées et les isolés feront l’objet d’un peu plus d’attention et d’attendrissement que d’habitude. Colis et cadeaux afflueront, et même quelques chèques seront envoyés aux œuvres philanthropiques qui, pendant le reste de l’année, continueront à tirer le diable par la queue.

Ainsi, dans un monde totalement endurci, insensible à la tendresse, stérile aux sentiments, Noël arrivera comme un catalyseur après de longs mois de morosité, de travail frénétique et d’insécurité. Noël apportera une fois de plus cette note bienfaisante dont chacun de nous a besoin sans trop s’engager. Il rappellera quelques vertus humanitaires que, grâce à lui, on tirera du fond des tiroirs poussiéreux de ses bons sentiments.

Atmosphère de Noël et Esprit de Noël ne sont pas nécessairement identiques. Même si une telle atmosphère de bonne volonté existait tout au long de l’année, elle n’aurait aucune parenté avec la foi qui se fonde sur l’incarnation du Fils de Dieu et sur tous les grands faits chrétiens.

L’Esprit de Noël n’est ni un sentiment ni une humeur passagère, encore moins une légende. Il est une personne divine et, précisons-le, la troisième personne de la sainte Trinité, le Saint-Esprit lui-même. « Reconnaissez à ceci l’Esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu » (1 Jn 4.2).

Ce texte biblique constitue en tout premier lieu un test pour ceux qui ont la prétention d’enseigner la foi chrétienne. Leur enseignement doit passer nécessairement par ce crible. C’est lui qui est le critère déterminant pour savoir si la prédication chrétienne est vraie ou fausse; le fait de croire en l’incarnation du Fils de Dieu, Jésus-Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la vierge Marie, vrai Dieu et vrai homme et le Sauveur des hommes. On peut se fier à la prédication de ceux qui font cette profession de foi, leur prêter attention, car ils ont l’Esprit de Dieu.

Autrement, écoutons en tremblant ce que l’apôtre dit plus loin : « … Et tout esprit qui ne confesse pas Jésus-Christ n’est pas de Dieu, c’est celui de l’Antichrist, dont vous avez appris qu’il vient, et qui maintenant est déjà dans le monde » (1 Jn 4.3).

Ce texte s’applique aussi à chaque fidèle qui se réclame de Jésus-Christ. Il a toujours existé au cours des siècles des soi-disant chrétiens, des docteurs, des prédicateurs et des hommes d’Église étrangers, si ce n’est totalement hostiles à cet Esprit. De nos jours, ils sont légion et passent, hélas!, pour être plus éclairés et plus intelligents du seul fait qu’ils nient les faits fondamentaux de notre foi, disant, par exemple, que le Christ n’a pas été conçu du Saint-Esprit, qu’il n’y a jamais eu la naissance miraculeuse dont témoigne l’Évangile et que le Christ n’est pas ressuscité d’entre les morts.

Que dire aussi de ceux qui leur prêtent attention? Il faut bien prendre garde, car on peut célébrer Noël avec l’apparat, les fastes et la gaieté d’une ambiance de festival et n’avoir rien saisi de l’Esprit qui le fonde et qui l’anime.

Ainsi, Noël devient souvent, sous les apparences d’une joyeuse kermesse, la plus tragique des fêtes de l’homme, car tout en conservant les formes extérieures de la célébration, elle est entièrement vidée de son contenu.

Mais qu’en est-il de vous? Croyez-vous que le Fils de Dieu est venu dans ce monde dans une nature semblable à la nôtre pour être notre Sauveur personnel? Croyez-vous au grand miracle accompli par le Saint-Esprit? Si oui, vous avez saisi l’Esprit de Noël et trouvé la foi dans le seul Esprit qui peut vous l’accorder. Tout autre esprit, aussi bienfaisant soit-il pour une brève période, n’est pas l’Esprit véritable.

Je ne minimise pas l’importance des plaisirs innocents, qu’il ne faut pas dévaluer. Mais il nous faut beaucoup plus pour pouvoir célébrer dignement Noël. Ceci est d’autant plus évident que nous savons que l’atmosphère de joie et de fête ne dure que quelques moments passagers. Le lendemain de la fête, après avoir dégarni votre sapin et l’avoir jeté dehors, la vieille routine monotone s’installera de nouveau, l’ennui et les soucis s’empareront de vos jours et de vos nuits comme auparavant, et les tourments, réels ou imaginaires, s’abattront sur vous quand il faudra continuer à vivre et à évoluer dans un monde froid, parcimonieux et dépourvu de tendresse, mais riche d’égoïsme et souvent même de cruauté. Lorsque vous aurez à vous battre désespérément, peut-être même avec vos proches, au sein de votre famille, avec un mari tyrannique ou irresponsable, avec une femme acariâtre, des enfants difficiles ou des parents incompréhensibles ou injustes… De quelle utilité peut vous être une atmosphère gaie, mais passagère?

Tel n’est pas le rôle ni la place de l’Esprit de Noël. On ne peut le changer au gré des humeurs et il ne dépend pas du calendrier. Lorsque le Christ est absent, comment peut-on conserver l’Esprit de Noël? Il n’est pas étonnant que tant d’êtres ignorants ou frivoles, après avoir tourbillonné quelques instants comme le papillon qui tourne, grisé, autour de la lampe, se brûlent comme lui les ailes et tombent finalement dans l’obscurité.

Dans un univers comme le nôtre, où la connaissance scientifique croît de jour en jour avec une rapidité vertigineuse, la connaissance essentielle, elle, diminue tragiquement. Entre 1950 et 1970, la connaissance que nous avons de l’univers aurait quadruplé par rapport à celle du passé! Or, la clé de toute connaissance véritable et de toute réalité est Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Nous ne comprendrons pas cet univers qui s’étend devant nos télescopes géants, à moins d’agencer toute connaissance autour du fait central qui ordonne tout le reste, c’est-à-dire la venue sur terre du Fils éternel de Dieu, en ce jour qu’on appelle Noël.

L’esprit matérialiste, quelle que soit d’ailleurs l’idéologie qui l’inspire — marxiste, rationaliste, séculariste — nie ce fait et son importance absolue. Actuellement, c’est cet esprit qui semble étendre son hégémonie sur le monde tout entier. Mais en une telle époque, nous avons toutes les raisons, et même l’obligation impérieuse, de parler du véritable Esprit de Noël. Un autre esprit ne saurait résoudre nos problèmes personnels ou sociaux, et surtout pas sauver notre vie au-delà de la mort. Les tentatives de rapprocher les hommes ou les nations en dehors de cet Esprit échoueront lamentablement, car tout autre esprit que celui du Dieu descendu à Noël parmi les hommes est incapable de les rapprocher entre eux et encore moins de les rapprocher de lui. Il ne peut pas accorder la paix, car il ignore la paix de Dieu, la seule qui demeure.

Aussi, nous devons tout mettre en œuvre pour que « l’Étoile brillante du matin » (Ap 22 16), ce nom imagé donné à Jésus-Christ, ne soit pas voilée, pour que les chants des anges puissent encore se faire entendre afin d’aider ces millions d’êtres, tellement impatients de goûter aux plaisirs éphémères d’une fête mondaine, à retrouver l’Esprit de Noël et à rencontrer Jésus le Sauveur.

À cette seule condition, nous pourrons nous souhaiter les uns aux autres et du fond du cœur un joyeux Noël!