Cet article a pour sujet la notion biblique de la santé et de la maladie, qui n'est pas séparée du bien-être de l'homme en général, incluant le bien-être spirituel. La maladie est parfois rattachée à la possession.

Source: Défi et défaite des démons. 5 pages.

Démonologie - Le ministère de guérison - La maladie

Examinons la notion de maladie. Le problème de la maladie et de la guérison n’est pas nouveau. L’Église chrétienne a toujours cru que Dieu peut guérir. Elle a eu en son sein des hommes qui ont eu le don de guérir au nom du Seigneur. S’il n’est pas facile de distinguer les faits réels de la légende, il n’est cependant pas douteux qu’il y ait toujours eu des guérisons miraculeuses. Nous ne parlons pas ici des superstitions, introduites assez tôt dans l’Église, qui associèrent la guérison miraculeuse au culte voué aux morts et à leurs reliques. Or, selon le témoignage biblique, nos relations sont non avec les morts, mais avec les saints; toute relation avec les trépassés est une forme larvée ou ouverte de spiritisme. Cependant, tout en refusant de telles pratiques, reconnaissons qu’elles témoignaient, chez les chrétiens du passé, d’une certaine foi en la guérison miraculeuse.

Si l’onction d’huile aux malades dont parle l’apôtre Jacques a disparu de la pratique des Églises issues de la Réforme ou a dégénéré en sacrement d’extrême-onction, on ne peut pas dire que le recours à la prière pour les malades n’ait jamais failli. On a toujours prié pour eux, peut-être pas assez, il est vrai, et parfois avec une foi hésitante, mais persistante quand même. Dans les secteurs de l’Église où se manifesta un renouveau de foi en la puissance de la prière, on intercéda pour les malades avec une efficacité réelle, qui préluda aux manifestations surprenantes du mouvement de Pentecôte. Celui-ci a mis au premier plan, avec excès et avec une doctrine et des méthodes discutables, le problème de la maladie et de la guérison. Les remous créés dans l’Église par les débats autour du mouvement de Pentecôte ont poussé les uns et les autres à rechercher dans les Écritures les fondements d’une doctrine de guérison chrétienne.

Ainsi que le rappelle opportunément G. Crespy, l’expression « guérison par la foi » est impropre. La foi, en effet, n’est pas un agent thérapeutique. En soi, elle n’est rien d’autre qu’une assurance fondée sur la réalité de ce qui s’est accompli dans l’histoire du monde en Jésus-Christ et qui s’accomplira jusqu’au dernier jour. C’est à tort qu’on parle d’un grand « volume » de foi départi au guérisseur; la foi n’est pas à confondre avec le « man ». À proprement parler, poursuit-il, la foi ne guérit jamais. Ce qui guérit, c’est celui qui est l’objet et le fondement de la foi sans lequel il n’y aurait pas de guérison. La foi n’est pas l’agent de la guérison, elle en est la bénéficiaire. Elle ne produit pas la guérison, elle la demande et la reçoit.

Écoutons encore cette mise en garde du même auteur :

« L’authentique guérison donnée à la foi ne requiert ni la crédulité ni l’éviction de la médecine parce qu’elle n’est pas nécessairement spectaculaire. Elle est donnée à la foi. Il faut se garder de la tentation de chercher la gloire de Dieu là où les “guérisseurs” sont contraints de chercher leur propre gloire. Si la foi est un pouvoir, elle exige l’abandon des remèdes et une guérison spectaculaire, fut-ce pour se nourrir de sa propre victoire. Mais l’erreur porte précisément sur la nature de la foi. Elle n’est pas de croire qu’une guérison puisse être donnée à la foi, et même une guérison spectaculaire; elle est de croire que la foi soit en elle-même une puissance de guérir. »

Pour comprendre la maladie et la guérison, il faut au préalable une définition aussi correcte que possible de la santé. Empruntons celle de l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.) : « La santé est l’état de bien-être physique, mental et social, et non la simple absence de la maladie et de l’infirmité. » À partir d’une telle définition de la santé, la maladie sera perçue comme étant une déviation de la santé que la guérison restaure.

Dans nombre de textes bibliques, la maladie est nommée à côté d’autres calamités : la famine, la nielle, les sauterelles, l’ennemi, etc. Elle n’est donc jamais isolée. Signification religieuse, elle intéresse au premier chef la relation établie entre Dieu et l’homme et souligne, en dégageant ses conséquences, la rupture unilatérale de cette relation. Mais, note Crespy, le châtiment-maladie s’individualise rarement. Certains exemples constituent des exceptions plus qu’ils n’illustrent la règle. Toutefois, si Jésus refuse de considérer la maladie comme conséquence du péché personnel (Jn 9.1-3), il ne refuse pas pour autant de lier la maladie au péché. Le châtiment-maladie ne s’applique pas, dans la Bible, sur le plan de la morale, comme la sanction d’une faute, mais sur le plan proprement religieux, comme la sanction de l’idolâtrie. La maladie est un accident religieux. Cependant, elle apparaît aussi comme la réalité provisoire dont la disparition sera l’un des signes des temps nouveaux.

Il importe de se souvenir qu’à la suite de Jésus, il ne faudrait pas associer directement une maladie à la transgression personnelle du sujet, sans toutefois éliminer entièrement la responsabilité personnelle au sujet de la maladie. Une erreur largement répandue cherche à établir un rapport direct de cause à effet, rapport erroné, aboutissant inéluctablement à des afflictions personnelles. Il ne faudrait pas davantage chercher l’intervention d’un agent causatif spécifique extérieur, comme c’est hélas! le cas dans les conceptions africaines traditionnelles de la maladie. Dans celles-ci, toute maladie est considérée comme étant causée par quelqu’un ou par quelque chose, notamment par un méchant esprit, à cause d’une transgression ou d’un tabou. D’où l’importance capitale dans la société traditionnelle africaine du devin et du magicien.

Dieu ne désire pas la maladie en tant que telle, aucune sorte de maladie, ni du corps ni de l’esprit, surtout pas la possession, quoique certaines formes de maladies et d’afflictions puissent servir entre ses mains pour éveiller le sujet à son appel et le pousser à répondre à l’offre de la grâce. La maladie est étrangère à la création de Dieu, c’est la santé qui y est l’état normal, naturel.

L’homme a été créé en vue de cette santé totale qu’il a perdue lors de la chute. Il n’y aura jamais de définition correcte, claire et suffisante de l’homme à moins d’établir l’indissoluble unité du corps et de l’esprit; et puis, plus décisif encore, à moins de rétablir, non simplement ses rapports avec autrui et le monde environnant, mais avec Dieu. Parce que le bien-être total de l’homme comprend ses rapports avec Dieu, la question de la maladie et de la santé préoccupera le penseur chrétien. Car nous le savons, tous les aspects physiques, mentaux, spirituels et sociaux de l’homme sont imbriqués, interdépendants et en relation intime. Fondamentalement, cela veut dire que le bien-être spirituel influe sur le bien-être général de l’homme. Aussi, fixer son attention simplement sur la maladie et la santé reste une appréciation inadéquate de la personne humaine. La bonne intention de Dieu à l’égard de l’homme cherche à chacune des étapes de l’existence un état de bien-être spirituel, aussi bien physique et mental qu’individuel et social.

Dans sa grâce et son intention positive, Dieu ne nous abandonne pas au non-être. À l’intérieur de son activité, nous distinguons entre l’opération de sa grâce générale, ou commune, et de sa grâce spéciale. Cette distinction s’applique parfaitement à la guérison. Par sa grâce commune, Dieu restreint les effets de l’obstination rebelle de l’homme pécheur. Il lui offre même des possibilités pour que l’existence de l’apostat à l’est d’Eden puisse devenir viable et qu’une certaine harmonie s’y maintienne.

Les tentatives humaines de restaurer le bien-être perdu seront considérées, elles aussi, comme un effet et le don de la grâce générale. Certainement, la Bible accepte le principe de traiter des maladies physiques par des moyens physiques ou techniques. Mais pour le chrétien, la médecine, la psychiatrie et les œuvres sociales s’occupent d’une réparation toute provisoire des problèmes. Les racines de la maladie descendent bien plus profondément dans l’esprit de la personne que les disciplines mentionnées ne pourraient atteindre, et encore moins apporter la guérison totale. Nous ne les sous-estimerons pas, mais nous ferons également bien de ne pas les surévaluer.

L’activité que Dieu déploie au moyen de sa grâce spéciale est une tout autre affaire. La grâce spéciale s’occupe du bien-être de l’homme dans tous les aspects de sa personnalité (Dt 28). L’hébreu « shalom » laisse supposer un bien-être dans tous les aspects que nous venons de signaler, aussi bien physique que spirituel. De son côté, le grec « sôzô » (sauver) indique la même tonalité. Le ministère de Jésus a touché aussi bien le corps que l’esprit des victimes qu’il a rencontrées. Il a guéri des corps abîmés, il a pansé des âmes blessées et a rétabli des relations rompues.

Pour l’apôtre Paul, l’œuvre du Christ affecte aussi bien sa propre génération que celles du futur. Cette mission rédemptrice établit la paix entre Dieu et l’homme, entre le Juif et le païen, et elle restaure même l’harmonie en l’homme lui-même. Elle consiste aussi bien en l’affirmation que « vos esprits sont vivants », au présent, qu’en celle rappelant que « Dieu donnera la vie à vos corps mortels aussi », ce qui est objet d’espérance (Rm 8.10-11).

Notre bien-être physique total ne nous sera accordé qu’à la fin des temps; nous ne ferons jamais l’expérience d’un bien-être total ici-bas, qu’il soit physique ou spirituel, tant que tous les autres aspects de la personne humaine et de la création n’auront pas, eux aussi, été restaurés. N’oublions pas que Romains 8 est précédé de Romains 7! Cependant, notre relation avec Dieu est, en principe, déjà réglée par le Christ, et lorsque l’on est en paix avec Dieu, on peut, dans une certaine mesure, retrouver aussi bien la paix en soi-même qu’avec autrui. Le Seigneur est le guérisseur de son peuple (Ex 15.26).

Dans un passage de l’Ancien Testament, le roi Asa est critiqué pour avoir cherché la guérison ailleurs qu’en Dieu (2 Ch 16.12). Cette condamnation est motivée du fait que le monarque a seulement recherché la guérison physique, sans se poser les questions vitales sur les choses spirituelles.

Le ministère de guérison est étroitement associé au conflit des pouvoirs. Il existe indéniablement un élément d’influence spirituelle néfaste dans certaines formes de maladie, sans qu’il soit évident que toutes les maladies relèvent de manière directe et indubitable du démoniaque. C’est avec une très grande précaution que nous parlerons des rapports étroits entre des maladies courantes et le conflit des pouvoirs.

Relevons encore l’essentiel des données bibliques relatives à la maladie et à la guérison. La santé est une donnée de la bonne création de Dieu et se trouve incluse dans l’Alliance de grâce. Certes, elle est conditionnelle et collective; elle appartient à la providence particulière dont le peuple élu bénéficie. Elle ne s’oppose pas à la providence générale dont tous les hommes sont enveloppés, ni non plus à une providence individuelle dont chacun peut être bénéficiaire. Cette clause ne garantissait pas l’absence de toute maladie ou de tout malaise, mais de toute maladie mortelle ou de toute maladie grave et inguérissable, en tant que châtiments analogues à ceux dont l’Égypte avait été frappée.

Les termes « maladie » et « plaie » présentent chez les prophètes l’ensemble des maux dont Israël avait été frappé à cause de son infidélité. Guérir peut avoir le sens de « pardonner » et implique la délivrance du châtiment dû au péché. Cet emploi métaphorique nous introduit dans la perspective de la Nouvelle Alliance.

La Bible recense une trentaine de maladies et d’infirmités. Elle les décrit çà et là d’un point de vue symptomatologique et ne paraît pas se soucier de leur éventuelle répartition nosologique. Elle ne reprend nulle part à son compte la classique distinction tripartite entre maladies curables par le charme (maladies mentales), par les plantes (maladies organiques) et par le couteau (accidents chirurgicaux). Plus ordinairement, la Bible les sépare en deux séries pathologiques : d’une part, la série des faiblesses et des troubles organiques (« asthénéia », « nosos », « malakia », « arrôstos », « kakôs echein »), au sein de laquelle voisinent les fièvres, consomptions, hémorragies, dermatoses, etc., et les infirmités congénitales ou acquises (cécité, mutité, surdité); d’autre part, la série des possessions (« daimonizoménoi », « daimonisthéis », « ochlouménoi apo pneumatôn »), qui peut comprendre la démence, la paralysie, la cécité, la mutité.

Le couple maladie-possession est d’usage fréquent. Certains troubles relèvent tantôt d’une série, tantôt d’une autre, sans que rien en avertisse à l’avance. Est-ce à dire, s’interroge G. Crespy, que nous nous trouvons en présence d’une conception purement empirique de la maladie? Non certes, mais la vision biblique ne s’inscrit pas dans les cadres d’une systématique. En fait, poursuit le même auteur, dans la Bible, la maladie a une signification théologique, comme d’une manière générale tout ce qui est humain, et c’est de ce point de vue qu’il faut l’envisager1.

Note

1. G. Crespy, La guérison par la foi, p. 9ss.