Cet article a pour sujet le communautarisme qui donne de l'importance à la communauté, le prosélytisme qui est le désir ardent de faire de nouveaux adeptes, et la liberté de conscience et de religion reconnue dans une démocratie.

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Communautarisme, prosélytisme, liberté de conscience et de religion

  1. Communautarisme
  2. Prosélytisme
  3. Liberté de conscience et de religion

1. Communautarisme🔗

Le terme « communautarisme » est apparu dans les années 1980, en référence aux revendications de certaines « minorités » d’Amérique du Nord (Indiens, Noirs, Québécois français). Employé dans un sens plutôt péjoratif, il donne à la communauté (ethnique, religieuse, culturelle, sociale…) une valeur plus importante que l’individu ou que la nation.

Souvent par réaction de défense, le communautarisme s’oppose au libéralisme, à l’individualisme, au rationalisme, au cosmopolitisme. Pour les formes les plus exacerbées, le monde est manichéen : il y a les bons (ceux qui font partie de la communauté) et les mauvais (les autres). Il s’apparente alors à une forme de racisme.

À la lecture de ces principes, chacun comprend la difficulté de se situer en tant que chrétien. Il est indéniable que la compréhension biblique de l’Église correspond à un certain communautarisme. Si l’Église le nie, elle dilue son identité et son message; si l’État le combat, il démontre une frilosité inquiétante… Le « Rendez à Dieu, rendez à César » n’apporte-t-il pas tout à la fois une légitimation du communautarisme et une correction des dérives possibles?

2. Prosélytisme🔗

Le prosélytisme (du grec proselutos : nouveau venu dans un pays étranger) désigne une insistance ardente déployée par certaines personnes ou certains groupes en vue de rallier de nouveaux adeptes à une religion et plus largement à une cause. De nos jours, il est utilisé avec une connotation négative, pour qualifier l’ardeur à convertir quelqu’un à ses idées, pour tenter d’imposer ses convictions, recruter de nouveaux adeptes…

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) indique dans son article 10 que : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Cette disposition établit donc une distinction entre les opinions et leur manifestation. Les opinions sont libres, ce qui interdit toute discrimination en raison des convictions. En revanche, leur manifestation ne doit pas troubler l’ordre public. Le port d’un signe religieux ou politique n’est donc pas en soi une manifestation de prosélytisme, comme le Conseil d’État l’a rappelé à de nombreuses reprises, et tout récemment à propos des signes religieux.

3. Liberté de conscience et de religion🔗

La manifestation des opinions est traitée de manière plus spécifique, sous le nom de liberté de communication, dans l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Dans son article 9, « Liberté de pensée, de conscience et de religion », la Convention européenne des droits de l’homme1 précise :

a. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

b. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé et de la morale publique ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

La Jurisprudence Kokkinakis de la Cour européenne des droits de l’homme confirme que :

« La liberté de pensée, de conscience et de religion représente l’une des assises d’une “société démocratique” au sens de la Convention. Elle figure, dans sa dimension religieuse, parmi les éléments les plus essentiels de l’identité des croyants et de leur conception de la vie, mais elle est aussi un bien précieux pour les athées, les agnostiques, les sceptiques ou les indifférents. Il y va du pluralisme — chèrement conquis au cours des siècles — consubstantiel à pareille société. Si la liberté religieuse relève d’abord du for intérieur, elle “implique de surcroît, notamment, celle de manifester sa religion”.2 »

La Cour distingue par ailleurs, le témoignage chrétien du prosélytisme abusif.

« Le premier correspond à la vraie évangélisation qu’un rapport élaboré en 1956, dans le cadre du Conseil œcuménique des Églises, qualifie de “mission essentielle et de responsabilité de chaque chrétien et de chaque Église”. Le second en représente la corruption ou la déformation. Il peut revêtir la forme d’activités offrant des avantages matériels ou sociaux en vue d’obtenir des rattachements à une Église ou exerçant une pression abusive sur des personnes en situation de détresse ou de besoin, selon le même rapport, voire impliquer le recours à la violence ou au “lavage de cerveau”. Plus généralement, il ne s’accorde pas avec le respect dû à la liberté de pensée, de conscience et de religion d’autrui. »

Là où le prosélytisme conduit à imposer un point de vue, le débat ouvre à la confrontation, à la pluralité des points de vue et au libre arbitre. La liberté de pensée et d’expression, le libre débat fondent la démocratie. La laïcité constitue la garantie du pluralisme de ces expressions et l’éthique du débat dans une démocratie. Chacun est libre de développer avec conviction son opinion ou ses croyances, mais il ne peut les imposer à ceux qui ne veulent pas les partager. La formule des républicains du début du 20siècle reste vraie : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi. »

L’exemple et l’enseignement apostoliques nous montrent une voie relativement claire, ce qui n’en rend pas l’application nécessairement aisée : en aucun cas, la foi ne peut s’imposer à qui que ce soit. Le chrétien ne se met jamais à la place de celui à qui il parle ni… à la place de Dieu! La compréhension réformée de l’œuvre du salut est à même, normalement, de poser le principe de la responsabilité de l’homme dans le cadre de la souveraineté de Dieu, ce qui est propre à éviter maintes dérives. Il est intéressant de constater que les textes de loi n’interdisant nullement l’expression de la foi, où que ce soit (!), mais seulement les abus. Ainsi est confirmé le principe biblique : le chrétien se soumet à cette loi aussi loin qu’elle sert « le bien commun » et qu’elle ne s’oppose pas au commandement de Dieu. Sinon, « il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 4.19-20; 5.29).

Notes

1. Texte de 1970, amendé en 2010.

2. Une partie de cette page est tirée du site : La laïcité à l’usage des éducateurs.