Cet article sur Jude 1.1-2 a pour sujet les destinataires de l'épître de Jude qui ont reçu l'appel de Dieu à recevoir son amour et qui sont gardés par lui jusqu'à la fin, assurant leur préservation et les encourageant à la persévérance.

Source: La foi transmise une fois pour toutes - Méditations sur l'épître de Jude. 4 pages.

Jude 1 - Les destinataires de l'épître de Jude

« Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, à ceux qui sont appelés, aimés en Dieu le Père et gardés pour Jésus-Christ, que la miséricorde, la paix et l’amour vous soient multipliés! »

Jude 1.1-2

Les destinataires de la lettre ne sont pas mentionnés nommément. Étaient-ils d’origine juive ou païenne? Nous ne le savons pas. Pas plus que nous ne saurons le lieu dont ils sont originaires. Mais à cause des fréquentes références à l’Ancien Testament, il serait logique de conclure qu’il s’agit de lecteurs familiers avec l’histoire sainte. Peut-être vivaient-ils en Asie Mineure, où ont été également adressées les deux lettres de Pierre. Sans entrer dans les détails de la date de composition, mentionnons seulement en passant que les opinions des spécialistes varient quant à l’antériorité de celle-ci sur la deuxième lettre de Pierre (comparer 2 Pi 3.3 à Jude 1.17-18 et 2 Pi 2.1 à Jude 1.4)1.

Quels que soient les destinataires qui liront cette lettre, ainsi que le lieu de sa composition et la date de sa rédaction, une chose apparaît clairement : D’après les versets 3 et 4, l’auteur cherche à les instruire au sujet du salut commun, à les exhorter à garder la vraie foi et à les protéger contre les faux docteurs qui pervertissent la doctrine et encouragent le relâchement des mœurs.

Si, comme nous l’avons vu dans le précédent paragraphe, il ne se trouve pas de précision quant à l’origine des destinataires, les quelques premières lignes de cette lettre nous renseignent abondamment quant à leur origine et leur statut spirituel. Les termes qui les qualifient sont éloquents et d’une grande beauté. La salutation, prise avec le verset 20, montre que « la très sainte foi » se fonde sur la connaissance de la sainte Trinité. Le Saint-Esprit n’est pas mentionné expressément dans la salutation, mais son opération est sous-entendue, ainsi que nous le verrons plus loin. Il les conservera en Christ; il les fera vivre pour le Père, source d’amour, et par l’Esprit de paix.

Ils sont appelés, aimés de Dieu le Père, conservés pour Jésus-Christ. Cette description montre combien la vie chrétienne, c’est-à-dire l’offre de la grâce, est entièrement dépendante de Dieu. « Appelé de Dieu » est l’une des descriptions les plus glorieuses du fidèle. Rien de ce qui relève de notre existence terrestre n’est étranger à cet appel; qu’il s’agisse de l’appel au salut ou de notre état de citoyen, de notre situation maritale ou de notre profession, tout en dépend. C’est un appel céleste, un appel à regarder vers le haut, un saint appel, un appel à se donner à Dieu. Il est le facteur qui unifie tous les éléments constituant la vie dans la foi. Appel qui est permanent, qui ne change point, « car les dons gratuits et l’appel de Dieu sont irrévocables » (Rm 11.29). C’est là le privilège du fidèle, mais également un défi et une source d’inspiration.

Son amour, sa puissance et sa souveraineté sont, depuis toute éternité, ses qualités propres, mais elles se sont montrées au cours de l’histoire (voir Jn 14.20; 15.4; Rm 3.24; 6.23; 8.30; 8.39; 1 Co 1.4; Ga 3.14,26; 1 Pi 1.3-5; 1 Jn 2.24). Selon l’Écriture, les appelés entendent l’Évangile, sont convaincus par le Saint-Esprit, croient au Sauveur, sont morts quant au péché, passés des ténèbres à la lumière de Dieu (voir Rm 6.11; 2 Th 2.13-14; 2 Pi 1.9-10). Le Sauveur leur a dit « venez à moi » et les appelés par la foi se sont rendus auprès de lui avec une entière confiance. Jude s’adresse à tous ceux qui ont été appelés et qui ont répondu à l’appel du Seigneur.

Ceci laisse entendre leur union spirituelle avec Dieu et leur soumission à son influence. Une relation intime s’est instaurée entre lui et eux; désormais, elle sera indissoluble. Tout acte de Dieu exprime sa miséricorde envers l’homme qu’il vient racheter. Le Fils incarné a démontré ce dessein divin dans chacun de ses actes et de ses discours pendant son ministère terrestre. Notre union avec lui assure notre protection contre l’adversaire. Par amour du Christ, Dieu veille continuellement sur les siens. L’auteur parvient ainsi à établir un contraste frappant, et même redoutable, entre ceux qui ont été appelés et ont répondu et ceux qui ont été appelés, mais ont succombé à la tentation.

Ces appelés sont également aimés de Dieu. Jésus-Christ a rendu cet amour manifeste; nombre de ses discours en ont donné l’assurance. Dieu les aime comme il aime le Fils unique, et il les aime en son Fils unique (voir Jn 14.23; 16.27; 17.20,23).

Enfin, ils sont conservés. Ils le sont sur la demande du Christ et par amour pour lui (Jn 17.11-12,15; 1 Th 5.23; 1 Pi 1.5; 1 Jn 5.18; Ap 3.10). Le Père les conserve en et pour Jésus-Christ, qui est source d’amour et de compassion; le Saint-Esprit, quant à lui, est source de paix. Le chrétien est caché en Christ (Col 3.3). Si l’expression littéraire est à cet endroit quelque peu difficile, la pensée exprimée n’en dévoile pas moins une grande profondeur théologique.

La pensée de cette conservation est l’une des plus réconfortantes pour le fidèle. Le verbe grec « tèréô » (« garder ») la rend avec force. Il signifie entre autres une vigilance active, une attention intense, une possession présente (voir Ac 12.5; 25.4,21; et 1 Pi 1.4 à propos de l’héritage conservé au ciel). En outre, le temps du participe parfait assure qu’il s’agit d’une conservation continuelle et permanente. Une action passée se prolonge et se perpétue; le regard du fidèle peut donc se fixer en avant et ne pas s’arrêter en arrière ou se figer dans le passé.

D’autres écrits du Nouveau Testament ne contiennent ni le terme ni l’idée de la conservation de la manière décrite ici. Dans les lettres de Paul, il est toujours question d’être aimé et d’être appelé, mais non d’être « conservé ». L’acte de la conservation préservera le fidèle en temps de trouble et de confusion. C’est elle qui l’encourage à persévérer jusqu’à la fin, jusqu’au glorieux avènement du Seigneur, et non pas son effort personnel, ses résolutions, ses velléités. Même au milieu d’une apostasie générale, il sera gardé.

Dans sa prière sacerdotale, Jésus priait le Père pour ses disciples. Il demandait qu’il les garde du monde (Jn 17.11-15). Jude se charge d’assurer le disciple que cette prière du Fils Sauveur a été exaucée. Mais cette conservation ne va pas de soi, elle n’est pas automatique. Le disciple devra aussi se garder dans l’amour du Père (Jude 1.21). Face à l’action souveraine de Dieu et à sa grâce conservatrice, le fidèle fait montre d’une attitude responsable. L’action divine et la responsabilité du fidèle deviennent complémentaires. Ceci n’a rien à voir avec une coopération en vue d’obtenir le salut par une participation active à l’œuvre de la rédemption, mais révèle plutôt à la fois la nature nouvelle des rapports entre Dieu et l’homme et le caractère noble que ce rapport confère désormais à l’homme. Il n’est pas un automate, mais une personne qui, ayant atteint sa maturité, s’engage à honorer la grâce. En définitive, la doctrine de la sanctification, l’un des points les plus élevés de la théologie réformée calviniste, loin des interprétations légalistes, moralistes et piétistes de la sanctification, est la seule qui accorde à l’homme croyant ses titres de noblesse. On peut savoir gré à Jean Calvin, le grand réformateur français, d’avoir mis en évidence l’une des vérités essentielles qui fondent toute véritable expérience chrétienne.

Plus loin, Jude rappellera que, parce que des anges ne se sont pas gardés, ils sont enchaînés dans les ténèbres et sont gardés pour le jugement dernier (Jude 1.6). Dieu soit loué pour une telle assurance. Quelque diabolique que devienne l’apostasie, quelque rude l’épreuve ou douloureuse l’affliction, l’Église confessante se sait conservée par son divin Berger. À l’heure de la tribulation, elle sera gardée (Ap 3.10). Mais qu’elle garde la Parole de la patience. Qu’elle prête attention à l’exhortation, qu’elle se maintienne activement dans l’amour de Dieu, qui gardera l’âme, l’esprit et le corps (1 Th 5.23). Il est capable de nous préserver de toute chute jusqu’au dernier jour, pourvu que l’on s’appuie sur la seule Parole de vérité.

En lisant le début de la lettre de Jude, le fidèle ne peut s’empêcher de se réjouir. Il sait qu’il peut s’approprier le salut et il est rassuré quant à son appartenance au Christ. S’il a entendu son appel et s’il lui a accordé la réponse de sa foi, il ne peut plus en douter. S’il a été l’objet de l’invitation divine et s’est hâté de se rendre au festin du Royaume, l’amour dont il est l’objet n’est pas un sentiment humain fragile et éphémère; il désigne le rapport fondamental établi entre lui et Dieu, pour le temps et pour l’éternité. Une vocation céleste, efficace, l’a appelé. Elle témoigne avec assurance qu’elle n’est pas un appel pathétique impuissant, une requête suppliante faite à l’homme par le Seigneur tout-puissant de se donner à lui. Au contraire, cet appel est une action divine ayant pris les devants; il ne se lasse pas devant l’humeur changeante de l’homme et ne se fie pas aux caprices de la chance. Il ne lui confie pas le soin de sa conversion.

Conservé pour le jour du jugement, le fidèle comparaîtra sans tache devant le tribunal de Dieu. Il est également conservé chaque jour. Au cours des multiples tribulations et tentations qui l’assaillent de toutes parts, la faveur divine le fait déjà participer au règne du glorieux Évangile en le rendant bénéficiaire de l’incomparable nouveauté de vie qui est en l’Esprit. Il ne sera pas exclu du dessein de Dieu. Si, par lui-même, il ne saurait s’approcher de Dieu, l’appel qui lui a été adressé et qu’il a entendu est le signe sûr et certain que Dieu l’a élu et qu’il l’attire à lui.

Jude prie pour cette raison afin que les bénédictions richement accordées et largement répandues par le Dieu trinitaire soient multipliées. La miséricorde assure une grâce imméritée. Il n’existe pas d’autres raisons pour la compassion de Dieu que la libéralité de la grâce. Dieu a eu pitié de notre misère comme jadis il avait eu pitié des Israélites en Égypte (Ex 3). Quant à la paix, elle est la bénédiction profonde accordée à celui qui est réconcilié avec Dieu. L’amour qu’il a manifesté surplombe et soutient notre existence quotidienne et notre sort éternel. Combien il est réconfortant de savoir que les grâces divines nous sont non seulement assurées, mais encore renouvelées chaque jour, si nous vivons par la foi au Christ!

Note

1. Voir mon article intitulé La date de composition de l’épître de Jude.