Cette prédication sur Marc 15.33 a pour sujet les trois heures d'obscurité à la croix où Jésus a subi la colère de Dieu et les pires tourments de l'enfer pour que nous soyons délivrés de toute angoisse.

 

Source: Homme de douleur - La passion du Christ. 5 pages.

Marc 15 - L’heure du jugement

« À la sixième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Et à la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : Éloï, Éloï, lama sabachtani? ce qui se traduit : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? »

Marc 15.33-34

Chers frères et sœurs,

Le Symbole des apôtres nous dit que Jésus « est descendu aux enfers ». Quand donc Jésus est-il descendu aux enfers? D’après la confession de foi, on dirait que cet événement s’est déroulé dans l’ordre chronologique. Il est mort, il a été enseveli, et ensuite il serait descendu aux enfers. Plusieurs l’ont compris de cette façon. Comme s’il fallait qu’après sa mort, Jésus exerce un ministère dans le monde des morts. Mais alors, pourquoi Jésus a-t-il dit au criminel repenti : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis » (Lc 23.43)? Et pourquoi à la fin de ses souffrances a-t-il déclaré : « Tout est accompli » (Jn 19.30)? Et pourquoi, comme dernière parole, Jésus a-t-il prié : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23.46)? Dès l’instant où il mourut, son esprit reposait en paix, entre les bonnes mains du Père. Aussitôt que son esprit quitta son corps, il monta au paradis dans la présence bienheureuse de son Père. Son corps était mort, mais son esprit célébrait avec son Père la victoire de la rédemption accomplie, ce qui ne ressemble en rien à l’enfer. Mais alors, quand Jésus est-il descendu aux enfers?

Notre Catéchisme vient préciser le Symbole des apôtres. Il nous dit que le Christ est descendu aux enfers « sur la croix et auparavant », quand « son âme fut saisie d’une angoisse inexprimable, de tourments et de terreurs » (Catéchisme de Heidelberg, réponse 44). Ces tourments et ces terreurs se sont produits avant sa mort, durant sa vie sur terre, et tout spécialement sur la croix. L’enfer sur terre! Et pourquoi donc? Non pas pour exercer un ministère auprès des morts d’autrefois, mais pour exercer un ministère auprès des vivants d’aujourd’hui. Jésus a subi l’enfer sur terre, ou plutôt entre ciel et terre, sur la croix, pour que nous soyons délivrés des angoisses éternelles de l’enfer!

Regardons à la croix. Regardons, si cela est possible, au moment le plus intense de l’enfer sur terre. Trois heures d’obscurité, en plein jour! Les trois heures les plus sombres de l’histoire de l’humanité.

Les souffrances du Sauveur en croix ont duré en tout six heures, de 9 heures du matin à 3 heures de l’après-midi. Six heures de tourments inexprimables et d’agonie terrifiante, avant de remettre l’esprit. Six heures divisées en deux périodes égales de trois heures. De la troisième heure à la sixième heure, c’est-à-dire de 9 heures du matin jusqu’à midi, le soleil brille normalement. La croix apparaît comme la croix des hommes. Les hommes semblent avoir vaincu le Fils de Dieu; il est en leur pouvoir. Durant ces trois premières heures, Dieu met encore les hommes à l’épreuve. La question qui leur est posée est celle-ci : « Que pensez-vous du Christ? » La réponse est brutale et spontanée. Toute la haine des hommes se déverse contre Dieu et contre son Fils. Jésus est réduit à une victime impuissante et nue. Il souffre l’agonie dans son âme et dans son corps. On avait déjà déversé sur lui méchanceté par-dessus injustice. Il faut encore qu’à la croix les gens l’insultent et lui lancent des reproches, comme si leur haine était inépuisable. Les passants, les chefs religieux, les soldats et même un des deux brigands s’unissent pour augmenter la honte et la moquerie.

Puis, à la sixième heure, vers midi, la scène change complètement. De midi jusqu’à 3 heures, un phénomène astronomique exceptionnel se produit : le soleil cesse de briller! L’obscurité descend sur la terre. Est-ce la terre entière qui tombe dans l’obscurité ou seulement le pays d’Israël? Nous ne savons pas. En grec, le mot peut vouloir dire les deux, terre ou pays. Certains on suggéré une éclipse de soleil, mais c’est impossible. Jésus a été crucifié juste avant la Pâque juive, et Pâque est célébrée à la pleine lune, et à la pleine lune, il est impossible d’avoir une éclipse de soleil, puisque la lune est opposée au soleil par rapport à la terre. Ce qui s’est produit le jour de la crucifixion est donc un phénomène absolument unique. Dieu mettait sa main devant le soleil. Une noirceur opaque et lugubre enveloppa tout le pays d’Israël (au moins), comme une nuit sans lune et sans étoile.

Trois heures de silence. Jésus n’y prononce aucune parole. Il a déjà prononcé trois paroles sur la croix; il lui reste encore quatre paroles à prononcer avant son dernier souffle. Mais ici, rien. Le black-out total. Le sang s’écoule goutte à goutte, les blessures continuent d’enfler, les horribles douleurs de suffocation s’intensifient, mais rien d’autre. On n’entend plus Jésus parler et on n’entend plus les moqueries des méchants. L’action humaine a cessé, comme suspendue entre ciel et terre, au milieu de l’enfer… Les moqueurs se rendent compte qu’ils sont en présence de quelque chose de bien plus grand que leur propre méchanceté. La croix ne leur appartient plus. C’est devenu la croix de Dieu. Les hommes ont frappé, et c’était terrible; maintenant Dieu frappe, et c’est beaucoup plus terrible. Dieu descend dans sa colère pour exécuter le jugement sur le monde méchant. Qui peut supporter ce spectacle horrible et terrifiant? La mise à l’épreuve du monde est terminée. Maintenant vient l’heure de son jugement. Dieu a été patient. Il fait lever son soleil sur les méchants comme sur les bons (Mt 5.45). Mais ici, sa patience est terminée. Dieu ne fait plus briller son soleil ni sur les méchants ni même sur le Juste.

Dans la Bible, la lumière joyeuse du soleil représente la faveur de Dieu. L’obscurité est le signe de sa colère et de son jugement. Souvenez-vous de ce qui est arrivé au pays d’Égypte à l’époque de Moïse. Dieu a frappé le pays d’Égypte de dix fléaux épouvantables. La colère et le jugement de Dieu se sont déversés contre les cœurs obstinés. À la neuvième plaie, le pays est devenu rempli d’obscurité complète pendant trois jours (Ex 10.22). « On ne se voyait pas l’un l’autre, et personne ne se leva de sa place pendant trois jours. Mais tous les Israélites avaient de la lumière là où ils habitaient » (Ex 10.23). Et puis, est arrivée la dixième plaie : tous les premiers-nés des Égyptiens sont morts, tandis que les premiers-nés d’Israël ont été épargnés. Ici, à Golgotha, Israël s’apprête justement à célébrer la Pâque, la sortie d’Égypte. Jérusalem est prête pour la fête, cette fête qui commémore la délivrance de l’Égypte. Sauf que, maintenant, chose étonnante, tout Israël est dans l’obscurité, non pas trois jours comme ce fut le cas chez les Égyptiens, mais trois heures, trois heures intenses et opaques. Même le Premier-né de Dieu n’est pas épargné. Au contraire, il est sacrifié comme un Agneau sans défaut. Obscurité, colère, jugement.

David avait dit : « Le nuage et l’obscurité l’environnent. La justice et le droit sont la base de son trône » (Ps 97.2). Joël a fait l’annonce du jour du Seigneur en ces termes : « Tremblez, vous les habitants du pays. Car il arrive, il est tout proche le jour du Seigneur. Jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuages et de brouillards » (Jl 2.2,31) Amos a dit à son peuple : « Malheur à ceux qui désirent le jour de l’Éternel! Qu’attendez-vous du jour de l’Éternel? Il sera ténèbres, et non lumière » (Am 5.18,20). Ésaïe a déclaré contre Babylone :

« Voici le jour de l’Éternel qui arrive, jour cruel, jour de courroux et d’ardente colère, qui réduira la terre en désolation, qui en exterminera les pécheurs. Car les étoiles des cieux et leurs constellations ne feront plus briller leur lumière, le soleil s’obscurcira dès son lever, et la lune ne fera plus luire sa lumière. Je punirai le monde pour sa méchanceté et les méchants pour leurs fautes » (És 13.9-11; voir So 1.15).

Enfin, Amos a dit ces paroles prophétiques :

« Il arrivera en ce jour-là que je ferai coucher le soleil à midi et que j’obscurcirai la terre en plein jour, je changerai vos fêtes en deuil et tous vos chants en lamentations; […] je mettrai le pays dans le deuil comme pour un fils unique, et son avenir ne sera plus qu’un jour d’amertume » (Am 8.9-10).

Obscurité, colère, jugement.

Le jugement qui devait s’abattre sur les pécheurs tombe finalement sur le Saint, le Juste, le Fils unique de Dieu! De midi à trois heures, au Golgotha, Dieu est présent dans l’obscurité. Il est descendu pour exécuter son jugement, pour tirer vengeance de ses ennemis. Voici maintenant le jugement de ce monde! C’est l’heure du pouvoir des ténèbres (Lc 22.53). Voici le moment où le prince de ce monde, le prince des ténèbres, est jeté dehors (Jn 12.31).

Il fait nuit noire, mais Jésus ne dort pas. Juste avant, il a refusé de boire le mélange de vin et de myrrhe, un sédatif qui aurait pu l’engourdir et l’endormir. Non, il veut rester pleinement conscient, tous ses sens en éveil, seul avec Dieu dans le noir, ne rien rater du spectacle terrifiant qui allait s’abattre sur lui. Trois heures d’angoisses et de tourments inimaginables. Ses souffrances augmentent au point d’éclater finalement dans un grand cri : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Mc 15.34). Qui peut comprendre ce cri déchirant?

Mes chers amis, la croix est la plus grande démonstration de l’amour de Dieu : « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jn 3.16). Voici l’heure du jugement du monde, heure la plus noire, heure d’obscurité profonde. Heure nécessaire pour que vienne sur la terre la lumière du matin de Pâques. Heure nécessaire pour que brille dans nos cœurs la lumière de l’Évangile par la puissance du Saint-Esprit. Jésus, la lumière du monde (Jn 8.12). Il s’est abaissé au point d’avoir besoin de la lumière du soleil pour vivre sur la terre. Il s’est abaissé au point d’entrer consciemment dans l’obscurité opaque de l’enfer. Pourquoi? Pour que nous recevions sa lumière bienfaisante et pleine de joie!

Jésus s’est rendu à Jérusalem librement. Il s’est présenté à la croix volontairement, pour le jugement. Au fur et à mesure qu’il s’approchait, ses souffrances devenaient plus intenses, le poids de la colère de Dieu plus pesant, et le voici maintenant dans l’obscurité la plus profonde. C’est maintenant l’enfer! Un moment absolument unique et incomparable dans l’histoire. Le ciel se cache, seul reste l’enfer. L’enfer sur la terre! Quelle était sa plus grande détresse? L’opposition des hommes? Non. La souffrance corporelle? Non. L’abandon divin : voilà en quoi consiste sa descente aux enfers. Le Père livre son Fils aux ténèbres. Jésus, le Juste, s’est engagé sur le chemin de l’enfer à la place des injustes. Il sait qu’il est sans aucune faute et sans aucun péché, et pourtant il est sous la malédiction de l’abandon.

Qui est en mesure de concevoir ce que représente cet abandon? Pour nous, nous méritons cet enfer. Dieu serait tout à fait juste s’il nous faisait subir ce malheur. Tous les malheurs que nous pouvons subir sur cette terre sont bien moindres que ce que nous méritons. Et pour ceux qui refuseront de se repentir, Jésus a bien dit qu’ils « seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mt 8.12). Des angoisses terribles, éternelles. Et maintenant, sur la croix, Jésus fait lui-même l’expérience de ces angoisses. Pour lui, elles sont pires encore. Il ne les mérite pas. Il est parfaitement juste, il est le Fils éternel du Père. Elles durent seulement trois heures, mais leur valeur expiatoire et leur intensité sont équivalentes à une éternité de souffrances en enfer. Toutes les souffrances que nous méritions pour l’éternité sont compactées et concentrées sur lui en trois heures.

D’après certains témoignages, quand une personne est sur le point de mourir, c’est comme si elle voyait défiler toute sa vie devant ses yeux. Jésus, en trois heures, a vu défiler devant ses yeux toute l’histoire de nos péchés. Il a été « frappé par Dieu et humilié. Il était transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. [] L’Éternel a fait retomber sur lui nos péchés » (És 53.4-6). Joël l’avait annoncé, lui aussi : « Car le jour de l’Éternel vient, car il est proche, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuées et de brouillard, [] tel qu’il n’y en a jamais eu et qu’il n’y en aura jamais » (Jl 2.1-2). Ce jour est venu à la croix!

Un homme emprisonné dans l’ex-URSS a raconté comment il avait réussi à tenir le coup sous la torture. Il fixait un point lumineux qu’il réussissait à trouver dans l’obscurité, par exemple la lueur d’une lampe ou un objet brillant métallique. Tant qu’il pouvait fixer ce point avec ses yeux, il pouvait encore tenir, sans devenir complètement fou par la douleur. Je ne sais pas si « ça marche » vraiment, et je ne connais personne qui pourrait nous dire par expérience si c’est vrai ou non. Mais même ce recours ultime, Jésus n’y avait pas accès. Pas la moindre lueur. Comment pouvait-il tenir? Uniquement parce qu’il était homme et Dieu en même temps. Il a pu tenir le coup sans être écrabouillé sous le poids immense de la colère de Dieu, son Père, parce qu’il était lui-même Dieu, plus fort que toutes les créatures. Qui peut dire ce que le Seigneur Jésus a souffert dans son corps et dans son âme? Qui peut dire à quel point ses pensées étaient étirées au maximum? Son cœur battait encore, mais son âme était descendue en enfer.

Les Évangiles décrivent dans le détail les souffrances du Christ : angoisses, trahison, arrestation, accusations, reniement, condamnation, moqueries, crucifixion, mort. Mais ici, durant ces trois heures infernales, le rideau s’est abaissé. Nous ne savons rien des tourments que Jésus a pu éprouver. Dieu a éteint la lumière du soleil pour que nous ne soyons pas témoins. Bien sûr, nous ressentons l’angoisse étouffante de cette obscurité surnaturelle. Mais Dieu « a tiré un voile pudique » sur la souffrance de son Fils. Pourquoi? Pour que les hommes ne puissent pas contempler le mystère du Fils de Dieu affligé pour eux. Pendant ces trois heures, il fait nuit noire : personne ne peut voir le terrible jugement s’abattre sur la croix. Seul le cri déchirant du crucifié, à la fin, nous en donne un aperçu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » Mais même là, il l’appelle encore « mon Dieu ». Le Fils a été fidèle jusqu’au bout, obéissant jusqu’à la fin.

Trois heures d’agonie dans l’obscurité ont suffi. Étant le Fils éternel de Dieu, il a été capable de goûter la profondeur de la mort éternelle. Trois heures d’enfer où il a porté la désolation éternelle que nous méritions. L’obscurité n’avait pas besoin de durer plus longtemps. Le sacrifice offert est parfait. La justice de Dieu est pleinement satisfaite. La noirceur se dissipe. Le soleil peut se remettre à briller. Dieu lève le rideau. Les hommes vont encore s’acharner contre lui et se moquer quelques instants. Mais Jésus annonce : « Tout est accompli » (Jn 19.30). Une parole de victoire! Notre péché est à jamais condamné. Notre justice et notre salut sont acquis pour toujours. Dans un effort ultime, Jésus peut s’écrier et mourir en paix : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23.46).

Pourquoi? Pourquoi Jésus est-il descendu aux enfers? Notre Catéchisme répond avec joie : C’est « afin que dans mes plus grandes tentations, je sois bien assuré que mon Seigneur Jésus-Christ [] m’a délivré de l’angoisse et des peines de l’enfer » (Catéchisme de Heidelberg, réponse 44). Avons-nous des angoisses et des peines sur cette terre? Soyons dans la joie! Il nous en délivre! Il nous a même délivrés de l’angoisse et des peines éternelles de l’enfer! Même dans les plus grandes tentations, j’ai l’assurance qu’en lui j’ai la paix avec Dieu. Recherchons ses consolations et sa paix. Même dans les moments les plus sombres de notre vie, Jésus nous promet sa lumière. Avons-nous des anxiétés? Sommes-nous tourmentés? Venons à lui en toute confiance. Il ne nous laissera jamais dans l’obscurité. Il est ma lumière et mon salut! Amen.